• De manière informelle et privée, nous nous retrouvons tous les premiers mardis du mois pour une réunion de Communication Non Violente. Vient qui veut, comme il est avec ses valises. Nous partageons, échangeons, questionnons, revisitons les événements sous l'angle de la cnv. C'est riche, émouvant, puissant, épuisant et ô combien bénéfique! Au premier mardi de janvier, nous nous retrouvâmes donc en comité de quatre. Je n'avais pas le sentiment d'avoir besoin de mettre sur le tapis les événements de ma fin d'année, j'avais l'impression que j'avais fait un grand chemin seule en laissant la place, en observant, tout au plus avais- je à informer mes camarades de ce qu'il s'était passé et de ce que j'en avais fait aussi, laissai- je la place à l'une de mes amies jusqu'à ce que son sujet soit éclairci. L'heure passant, je me dis que ce n'était pas la peine d'en rajouter en vrac parce que je me débrouillais seule et que je ne voulais pas charger la soirée outre mesure. Son sujet conclu, mon amie introduisit le mien annonçant que c'était du lourd et j'en souris. Je balayai l'air d'une main désinvolte puis entamai le récit: l'intervention chirurgicale et le retour mouvementé à la maison, le Noël avec ma mère, la visite de fiston chez les parents de SeN, le décès d'Anaïs, les absences et silences du réveillon... Je passai par des états divers et changeants selon ce que je racontai: le détachement vis- à- vis du passage à l'hôpital, l'exaspération au retour, le choc, abasourdie sur l'état de ma mère, la consternation à propos de la visite du fiston puis une déferlante de larmes au récit du décès d'Anaïs, la déception et la colère des silence et absence d'un lointain prétendu chéri. J’ignorais combien tout cela me pesait, ce qu’avaient été leurs impacts. Mes camarades et amies passèrent un long moment à m'écouter puis évoquèrent leurs émotions. Elles étaient touchées en plein cœur de l'attention que j'avais portée à ma mère prenant soin d'elle au sens entier, elles mesurèrent mes angoisses face à la maladie dont la réalité est impitoyable malgré toute l'énergie, la force et la volonté que je mets à vivre pleinement et surtout, l'une d'elle eut cette remarque: « Finalement, alors que tu sortais de l'hôpital, sous le coup de l'intervention et de l'anesthésie générale, tu avais un grand besoin de calme, d'attention, de soins et tu as passé ton temps à t'occuper des autres, à gérer leurs problèmes.» Et ben oui.

    C'est bien joli de vouloir vivre dignement malgré la situation sociale bancale, la maladie, ses conséquences et les handicaps; c'est bien joli de vouloir vivre en conscience de l'importance des sentiments, besoins et de la bienveillance. Seulement, ces choix ont une conséquence perverse: les autres ignorent ou oublient ce à quoi je suis confrontée au quotidien. Et comme les besoins de bienveillance en chacun sont énormes, beaucoup s'engouffrent dans la porte que je leur ouvre trop heureux d'être acceptés et écoutés. S'y ajoute la volonté de prendre soin de moi- même, de laisser de la place à mes sentiments, besoins, à chercher en moi les ressources pour aller au- delà des questions soulevées, à être responsable et autonome, j'en oublie que j'ai aussi besoin des autres, qu'il est bon de s'en remettre à autrui, de se soulager, de déléguer, de décharger. Si je n'oublie pas que la vie est courte, fragile, que tout peut basculer n'importe quand, n'importe où, que je suis gravement malade, que je suis handicapée, j'oublie que moi aussi, j'ai besoin de l'on prenne soin de moi, j'ai aussi besoin d'être bichonnée. La mort d’Anaïs a été une claque parce qu'elle me ramenait justement au poids de ce que je vis et cherche à anesthésier, c'est fort probable. Prendre soin des autres et oublier l'ampleur de ce à quoi j'aspire tout au fond.

    Dans ma bouche, j'ai de petites dents mal alignées, décalées dans une toute petite mâchoire étroite et resserrée. La dentosophie ne me dit pas autre chose que ce souci récurrent de place que je n'ose pas prendre. Cela peut paraître fou quand on me voit évoluer et pourtant, le corps, lui, ne ment pas et balaie toutes les stratégies que je mets en place pour aller au- delà de ce qui me dérange. La vie est juste, elle envoie ce dont nous avons besoin, il n'y a que nous pour être injustes, aveugles, obstinés ou fuyants.

    « Nous n'en avons jamais terminé avec nous- même» disait la psychiatre, pff! La vie est décidément une sacrée aventure intérieure.


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  • Mon chéri ne serait pas là pour les fêtes de Noël, je le savais, il avait été appelé pour son travail au loin et c'était mieux ainsi car lui et ma mère ne s'apprécient guère, chacun jugeant l'autre irrespectueux à mon égard ( étonnant jeu de miroir?). Je n'avais de toute façon pas l'énergie pour m'occuper de leurs différents.

    J'espérais l'avoir parmi nous pour le réveillon du Nouvel An, mes copines aussi et celle qui nous accueillait l'avait invité clairement. Connaissant son mode de vie et ses conditions de travail, je ne m'inquiétai pas de l'absence de nouvelles. Il m'appela un peu honteux le 28 décembre après avoir passé plusieurs jours chez lui sans me joindre. Je ne m'en offusquai guère, j'étais sous le choc des jours précédents et peu attachée à des « conventions amoureuses». Puis, plus rien. Silence total.

    Le 31 décembre, j'attendis une réponse à mes demandes quant à sa présence ou non, vainement jusqu'en fin d'après- midi. Fâchée et impuissante, je lui envoyai une photographie de la définition du mot respect tirée du grand Robert en lui signifiant que la moindre des politesses était de prévenir la personne qui l'avait invité. Rien. Aux émotions précédentes, s'ajouta la colère.

    Arrivée chez ma copine hôtesse, j'appris qu'il lui avait envoyé un tardif SMS en s'excusant de ne pouvoir venir. A ma propre surprise, j'éclatai de rire et balançai que vraiment, il ne me méritait pas, que je n'avais pas de temps à perdre avec une personne se conduisant de la sorte. « Qu'il aille se faire voir».

    Plus tard, mes autres copines, en arrivant, s'étonnèrent de me trouver sans lui, déçues et interdites. « Comment ce si grand amoureux d'autrefois pouvait- il ne pas être présent ce soir? ». Je fus assez crue sur son incapacité à dire franchement et directement ce qu'il se passait et ces circonstances n'entamèrent pas ma gaieté d'être à cette soirée avec elles. J'étais heureuse, ce fut comme un soulagement de le constater car je n'étais pas dans des dépendances affectives vis- à- vis de quelqu'un. Après tout, il y a toujours quelqu'un, quelque part à aimer, avec qui partager et être en relation. Ce soir- là, j'étais entourée de notre saine énergie et nous avions de quoi danser toute la soirée, à boire, à manger, tant à partager. Bien évidemment, j'étais déçue, j'avais ravalé bien des absences et silences depuis des mois, celle- ci fut un déclencheur. Colère à son égard parce que j'en avais assez d'être la cinquième roue du carrosse, de ne pas avoir plus de place dans sa vie. Bien évidement la turbine à mental tenta à plusieurs reprises d'entamer la valse des films délirants sur ces circonstances, je ne m'y pliai pas et je passai le cap de la nouvelle année dans la joie.

    Plusieurs jours après, il m'appela d'une voix enchantée depuis sa voiture. Je le reçus froidement et balançai un « Monsieur, je crois bien que vous allez faire 2014 sans moi, vous voilà libéré. Je ne veux pas de ce genre de relations, je ne veux pas passer mon temps à attendre ce qui ne vient pas. Merci de venir récupérer vos affaires et de me rendre les miennes au plus vite. ». Il accepta et rapidement, l'échange se fit. J'étais désolée de ce gâchis et m'étonnai de quelques larmes retenues lors de cette entrevue fugace. Finalement, j'étais complètement désorientée et incapable d'y voir clair, d'abord en moi et donc forcément avec autrui. Je savais simplement que j'en avais assez et lui avait omis de me dire qu'il avait été appelé en urgence pour son travail le 31 décembre; son dur labeur terminé, il m'avait appelée sur le chemin du retour. Cette couche supplémentaire ouvrit d'autres écoutilles et dans ce flot, je lâchai les émotions, leur laissai toute la place, dans la mesure de mes tâches quotidiennes les jours suivants.

    Ainsi, je vécus ce que j'avais à vivre et après avoir mis de la clarté en moi, j'eus quelques conversations vivantes avec lui faisant du bien au cœur et à l'âme sans toutefois savoir ni l'un, ni l'autre où cela nous menait. Je croyais me remettre de ces événements, je croyais avoir grandement avancé quand notre réunion de communication non violente mensuelle se fit la semaine suivante...


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  • Après les fêtes de Noël, depuis trois ans, mon garçon a pris pour habitude de rendre visite à SeN et ses parents, c'est son rituel et je le respecte. Son histoire avec eux lui et leur appartient, elle est différente de la mienne, je comprends qu'il puisse avoir le besoin de les revoir et c'est un cadeau que je lui fais en me chargeant de l'organiser. Plusieurs jours auparavant, j'avais donc appelé pour savoir s'ils étaient d'accord précisant que l'heure d'arrivée varierait en raison des autres impératifs du jour. Si mon interlocuteur fut surpris de la demande, il l’accepta et j'arrangeai le déplacement au mieux: ramener ma mère avant d'y aller, déposer le fiston et faire mon tour de visites. Si mes voisins d'autrefois étaient absents, j'avais d'autres personnes à voir et je convins avec fiston de lui laisser jusqu'en début de soirée en compagnie de ses hôtes.

    D'abord, je ramenai ma mère. La montée des cinq étages lui fut particulièrement pénible, l'arrivée au milieu des dégâts occasionnés par les animaux laissés seuls deux jours d'autant plus qu'elle était mal en point; fiston et moi fûmes choqués de ce capharnaüm et de ces saletés. Nous fîmes ce que nous pûmes dans l'urgence, l'un sortant le chien, l'autre ramassant et rangeant de ci de là. Le temps manquait et ma mère nous pria de partir assurant qu'elle prendrait le temps de faire ce qu'il y avait à faire à son rythme, tranquillement. Je n'étais pas rassurée, nous étions cependant engagés par ailleurs et l'après- midi était déjà largement engagée, je la laissai à contre cœur.

    Mon garçon arriva après 15h 30, bien au- delà de ce que nous avions espéré. « Après tout, me dis- je, jusqu'à 18 h 30 cela lui laisse quelques belles heures» . Je filai de mon côté et me posai chez des anciens voisins multi- culturels avec plaisir. Entre le thé, les bla- bla en deux ou trois langues et une séance de vernis à ongles artistiques par la plus jeune des filles, je me réjouissais et savourais. Vers 16h30, surprise, un message du fiston me parvint: « Maman, tu peux venir me chercher? Ils doivent bientôt partir». Je n'en crus pas mes yeux, il n'avait pas passé une heure sur place, qu'est- ce que cette histoire?. Je présentai mes excuses à mes hôtes qui insistèrent pour que je revinsse avec mon garçon mais j'étais perturbée par les circonstances ainsi que la météo mauvaise, la nuit tombante, aussi, déclinai- je les invitations avec regrets. Arrivée devant la maison, j'attendis plusieurs minutes dans la voiture puis, comme il ne venait pas, j'allai sonner.

    Devant la porte, je retrouvai les émotions d'appréhension d'autrefois, cette maison et ces parents étant les seuls de tous mes camarades de lycée à provoquer ces peurs dont j'ignore la source, les raisons ( qu'il eut été fort judicieux de se fier à cette intuition ancienne). S'y ajoutaient les émotions traversées lors des événements des dernières années et j'en étais donc d'emblée à prendre sur moi afin de ne laisser paraître ou sortir quelque attitude inopportune par respect pour moi et mon fils. La porte s'ouvrit et mon grand dadais parut un sachet à la main discutant avec je ne sais qui. Derrière lui, la mère de SeN. J'observai malgré moi que rien n'avait bougé alentour ou dedans, elle faisait comme si de rien n'était, tout sourire, phrases enjouées et aimables. Je restai sur le qui- vive connaissant désormais ce jeu creux de façade (Ne déclare t- elle pas à qui veut l'entendre que les huit années de son fils passées avec moi était une aventure qui l'avait traumatisé ?) Je lui trouvai mauvaise mine mais j'avais franchement d'autres préoccupations aussi restai-je sur le mode qu'elle opérait. Bla- bla sans importance sur des broutilles, je les remerciai toutefois vivement de leur accueil à mon garçon au grand sourire ravi, le corps traduisant une gêne. Je me surpris en entendant un «A la prochaine! » en partant.

    Dans la voiture, j'étais mal à l'aise, entre curiosité et souci. Je demandai alors simplement « ça s'est bien passé? », mon garçon se dépêcha de répondre que oui, qu'ils n'avaient pas l'air d'avoir été embarrassés de sa venue, qu'ils avaient l'air même contents. Ils avaient discuté de choses banales les concernant et interrogés fiston sur l'état de ses mère, tante et grand- mère. Comme les nouvelles ne sont pas généralement bonnes pour les deux dernières, je laissai échapper un « J'espère au moins que tu as dit que j'étais heureuse, que je sortais beaucoup avec les copines, que j'avais une belle vie! » Il m'expliqua comment il avait raconté mes péripéties hospitalières de l'année écoulée sur un ton comique ( les aventures de sa mère ne l'étonnent plus depuis belle lurette), sans plus:

    - Et avec SeN, c'était comment?

    - Ben, il n'était pas là, il est déjà là où ils partent maintenant.

    - Ah ... Et tu es déçu?

    - Oui, un peu, j'aurais bien aimé le revoir aussi.

    Au fond de moi, j'étais remuée, comment avaient- ils pu le faire venir tout en sachant qu'ils avaient à partir et que SeN ne serait pas là? S'ils avaient prévenu, nous aurions pu faire autrement. Pour des gens soit- disant tellement irréprochables en comportement social et grands donneurs de leçons en ce domaine, je les jugeai particulièrement grossiers sur ce coup- là d'autant que mon garçon ne vient qu'une fois par an. Consciente de tout ce qui se jouait en moi à cet instant, je tâchai de garder à l'intérieur ces pensées, jugements, tourments déplacés et inutiles. De toute façon, mon garçon n'est pas très loquace concernant ses relations avec cette famille car il y ramène des vieilleries sur des représentations qu'il s'est construites de moi suite aux scènes de rupture et il s'échauffe facilement à mes questions imaginant que j'y remets des enjeux du passé ( de par son tempérament et son âge, il rentre, en plus, très souvent dans le camp des adultes en conflit avec moi prenant fait et cause pour eux), inutile donc d'en rajouter. Il ouvrit son sachet et y découvrit une grande boite emballée dans un papier à motif enfantin. Je lâchai malgré moi un « Tiens, ça se voit qu'ils sont grand- parents maintenant; ils auraient pu ne rien mettre plutôt que ça pour un grand de presque 17 ans, non? ». Fiston haussa les épaules sans mot dire puis trouva une enveloppe au milieu des chocolat où une petite somme lui tourna le cœur:

    - Oh , maman, regarde ce qu'ils m'ont donné! Vraiment, ça me met mal à l'aise, je suis gêné.

    - Tu leur as dit que tu en venais pas pour l'argent j'espère

    - Non, mais ils le savent.

    - Je n'en suis pas certaine vois- tu.

    Quelques minutes de silence se firent dans l'embarras de mon garçon puis il lâcha du bout des lèvres conscient au fond de lui que cette question n'était pas anodine:

    - Avant que je ne parte, ben, elle m'a demandé quel était le but de ma visite.

    Grande secousse en mon intérieur qu'il ressentit puisqu'il enchaîna immédiatement:

    - Mais tu vois, maman, sans y réfléchir, spontanément, j'ai répondu que c'était parce que je les aime bien et que j'ai plaisir à les revoir!

    Je ne répondis rien de suite trop occupée à gérer les émotions qui m'envahissaient et dans un élan profond, je demandai en silence à l'univers que cette visite fût la dernière car vraiment, je voulais nous protéger, fiston et moi de ces gens. Je réussis à lui dire calmement:

    - C'est bon signe qu'elle te pose la question, elle avait un besoin de clarté et elle a fait ce qu'il y avait à faire pour y répondre.

    Il acquiesça en silence d'un mouvement de tête.

    - Et c'est une leçon pour toi. Il y a quelque chose à en apprendre, c'est certain.

    Nous n'en parlâmes plus et j'en fus heureuse car j'avais vraiment ma dose pour ces derniers jours.

    Rentrée à la maison, j''eus envie de me changer les idées en surfant un peu sur la toile avant d'aller au lit. L'ordinateur avait néanmoins quelques soucis et ramait nécessitant des attentions que mon garçon, qui y avait mis le bazar, ne voulait pas lui donner, dispute tonitruante à notre sauce inévitable rajoutant une couche légère sur les émotions précédentes. Laborieusement et sans sa coopération, je parvins à trouver un échappatoire et je m'affalai, abrutie devant l'écran avec l'espoir de passer à autre chose... et n'en croyant pas mes yeux, j'appris le décès d'Anaïs.

    Je lus et relus le fil des conversations, incrédule, son dernier message rieur et enfin, l'annonce après la montée des inquiétudes de ceux qui échangeaient avec elle par téléphone alors qu'elle entrait à l'hôpital pour recevoir un énième traitement porteur d'espoir d'une amélioration pour les fêtes de fin d'année. Je suivis les messages d'effroi, de choc, de chagrin... J'étais assommée. Je rapportai la nouvelle à mon garçon, seul vivant à portée de voix qui répondit d'un « C'est moche». J'éteignis la machine, pris une douche puis me couchai dans un état second.

    Les jours suivants passèrent dans une espèce de léthargie, je vivais comme en veille Les gestes habituels, quotidiens me tenaient, les contacts avec mes copines me reconnectaient au monde. Parfois, les larmes montaient et m’inondaient, surtout sous la douche et je pleurais, pleurais. Bien que floues, indéterminées, je laissais toute la place à mes émotions parce que ce que j'avais à vivre, je le vivais. Fiston comprit et le respecta dignement. J'en parlai à ma mère, ma sœur, elles n'entendirent rien trop embourbées dans leurs propres problèmes, d'autres évitèrent le sujet en parlant vite fait d'autre chose, j'échangeai avec quelques malades en direct et formulai cette évidence: cet événement tragique est le terrible rappel de la gravité de cette maladie. Aussi forts soient le choix, la volonté féroce de vivre pleinement, cette réalité est prégnante, irrémédiable, omniprésente.

    Les jours suivants, il y eut la fête du Réveillon avec mes chères copines de la danse; en m'y voyant, nul n'eut pu imaginer ce que je vivais et j'en fus heureuse car avec elles, c'est une belle aventure pleine de joie, de vie, de respect, de considération, d'attention. Grâce à leur présence, j'eus l'énergie pour profiter de la fête, y mettre mon entrain et supporter ce qui se joua ce 31 décembre. Car oui, il y eut un autre événement chargé émotionnellement en ces eaux d'entre- deux.

    A suivre donc...


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    Nous ne sommes rien les uns sans les autres.


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  • Négociations et tractations furent nécessaires pour arriver à rassurer et calmer chacun, avoir quelque chose qui ressemble à une fête de Noël: je me chargeai de tout, repas et cadeaux puisque nul n'avait les moyens d'y contribuer et il n'était pas question de faire la moindre remarque sur ce point car c'était mon choix mûrement réfléchi. Ma sœur accepta de venir le 25 au soir, ma mère traîna et hésita, déprimée par son état de santé et sa condition matérielle, fiston exprima son exaspération sur ces conditions et histoires de famille rendant ces fêtes si compliquées voire douloureuses. Comme il s'attristait de n'avoir personne pour le réveillon du 24, je sollicitai ma mère qui, finalement, céda si je venais la chercher. Ma sœur manqua ne pas venir parce qu'encore mal en point et comme je m'arrangeai avec elle, au lieu d'arriver dans l'après- midi, elle vint en début de soirée. Je préparai la chambre du fiston pour ma mère qui restait deux nuits, le couchage du fiston sur le canapé, la décoration très succincte du salon, de la table, les repas grâce à des morceaux choisis d'Amap et mis de côté ainsi que quelques rajouts, l'installation des cadeaux et tout le bataclan sommaire. Ma sœur jongla périlleusement afin d'ajouter quelques menus compléments, chocolats, toasts, petits présents à la hauteur de ses possibilités et ma mère habituellement critique, au mieux dans le silence osa dire que les repas étaient bons, agréables. Tous semblaient ravis, je fus heureuse d'avoir insisté. Ma sœur passa du temps avec le fiston content de la tournure des événements jusque tard dans la nuit avec des jeux de société, j'étais trop fatiguée pour entamer un Monopoly à partir de 23h30 et je les avais lâchés pour retrouver mon lit, éprouvée par ces jours de fête. Parce que oui, j'étais éprouvée. En plus de l'organisation, des tractations, des préparatifs, j'étais abasourdie de l'état de ma mère.

    Je l'avais cherchée chez elle, accompagnée et aidée dans ses transport et déplacements, installée confortablement chez nous pensant qu'elle s'y sentirait bien, capable de participer. Or, pendant son séjour, je me pris en pleine figure sa souffrance et ses douleurs. Elle passait du fauteuil à la chaise, de la chaise au fauteuil, du fauteuil au lit. Tous ses déplacements nécessitaient un soutien, elle avait besoin d'aide pour se lever, se coucher, s'asseoir. Elle regardait les autres faire, les bras croisés, attendant d'être servie. La coucher fut une aventure périlleuse, pareillement pour la lever. En vue de la soulager et la détendre, je lui fis, le 25, un bain bouillonnant avec de l'huile essentielle et du bicarbonate. Je découvris son corps meurtri, blessé, tuméfié, enflé, difforme couvert de bleus, de plaies. Elle ne put entrer et sortir seule de la baignoire malgré une chaise posée à côté, les appuis de mes bras. Je compris alors qu'il lui était difficile de se laver depuis des semaines. Mal à l'aise, angoissée, elle manqua renoncer au bain et comme je la rassurai, elle s'y plongea et savoura pendant une heure et demie les bulles, parfum, savon, shampoing. Je l'aidai pour se mouvoir, se frotter et lui fis part de mes sentiments quant à son état: comment supporter la dégradation de son corps alors qu'autrefois elle était une si belle femme? Comment supporter les limitations aux soins et gestes essentiels du quotidien? Est- ce parce que j'étais passée par ces moment terribles d'entrée en Devic que je mesurai l'ampleur de ses difficultés, de sa peine tant d'effort que psychologique? Toujours est- il que j'ai été bouleversée. Je la taquinai après son bain bouillonnant car elle restait assise les bras croisés avec un sourire bienheureux: « On dirait que tu as fumé un joint tellement tu as l'air béat! ». Elle était propre, entourée, accompagnée, rassurée, nourrie sur de nombreux points et l'ambiance était détendue envers les présupposés précédents, elle n'avait à se préoccuper de rien, elle était tranquille, au calme, dans un environnement propre, agréable. Ses besoins étaient satisfaits. C'était flagrant.

    Bien sûr, ces fêtes passées, je me trouvai fatiguée, ces efforts s'ajoutant aux conséquences de l'intervention chirurgicale. Je n'en avais cependant pas terminé.

     


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  • Mes compagnons de retour furent attentionnés, se souciant de mon confort, me ramenant devant ma porte avec joie et m’invitant à passer les saluer à l'occasion après les fêtes de fin d'année. A l'arrière de la voiture, pourtant, je me sentais mal, j'avais la nausée et crus quelques minutes que j'allais perdre connaissance tant la tête me tournait. C'était interminable. Je portais mon attention sur le paysage afin de soulager mon mal et écoutais leurs échanges. Quarante ans de mariage et une belle entente mutuelle douce, cela faisait plaisir à voir et entendre. Je fus interpellée par le mari soucieux de préserver sa femme à son retour prévoyant des repas savoureux récupérés chez le boucher- traiteur pour au moins deux jours, sa préoccupation d'organiser leur vie autour de ses besoins à elle. C'était loin de ce que j'avais connu et déroutant à l'idée qu'à mon arrivée à la maison, une toute autre chanson sonnerait à mes oreilles. Je ne m'étais pas trompée.

    Bazar de casseroles et vaisselle sales traînant malgré quelques efforts sur l'un ou l'autre points mis au lave- vaisselle, fiston malade, couché et réclamant de l'attention à corps et à cri. Je ne sais par quel travers de son psychisme il me fait fréquemment le coup de cette solidarité: quand je suis malade ou hospitalisée, il se trouve mal et demande des soins. Évidemment que je le comprends au regard de nos expériences passées et de l'angoisse que représente cette foutue maladie sur nos vies et en particulier la sienne mais franchement, quand je n'aspire qu'au calme et au repos, je me retrouve à le soigner. Comme en prime, c'est un genre masculin, petit bobo prend grande tournure. Youpi! Cela ne manqua pas. Ma joie de manger tranquillement un repas savoureux passa à la trappe, je cuisinai vite fait un truc avalé rapidement, rangeai, nettoyai, appelai le médecin et le lycée pour excuser son absence puis filai avec lui en tournée médicale commune. Fort heureusement, j'avais prévu avec Colette d'appeler dès mon retour d'hôpital pour une ordonnance de sondes à renouveler et le créneau profita à tous.

    Mon garçon, faiblard avait une infection des sinus de tout le côté gauche. Quand à moi, j'évoquai vaguement au passage mon étrange état depuis la veille. « Ce sont les effets de l'anesthésie, le temps d'évacuer les produits» me répondit- elle. Zou! Ordonnance pour le fiston afin de soulager ses maux, ordonnance pour moi pour aider le corps à se purger et ma vessie pour se remettre du traumatisme des trente piqûres en plus de celle des sondes devenues indispensables ( et oui, il m'est devenu impossible d'uriner naturellement). En outre, Colette me rassura quand j'affirmai que je n'avais aucune envie de subir cette intervention deux à trois fois par an sur une durée indéterminée, « Ce n'est pas le but». Ma vessie hypersensible et hyperactive comprendra t-elle à force qu'il est important d'en terminer avec des réactions exagérées? Elle sourit largement quand je lui racontai mes échanges avec l'urologue médecin chef qu'elle connaissait. L'évocation de la voix de ma vessie la fit rire et elle ne manqua pas de souligner que s'il avait su qui était mon médecin généraliste, il ne se serait pas gêné pour faire une remarque sur ces drôles d'idées. Un homme urologue face à une femme homéopathe acupuncteur, ça fait des étincelles, deux mondes malheureusement aux antipodes.

    Au fil de l'après- midi, j'avais senti que je n'étais pas en état d'aller faire la fiesta avec mes copines aussi, renonçai- je avec tristesse à les rejoindre ce qu'elles comprirent parfaitement, elles s'étonnaient même que j'eusse pu penser les rejoindre à la sortie d'hôpital après une anesthésie générale. C'est que je ne préjuge de rien, j’observe et écoute mon corps, mes besoins, avise en conséquence sur le moment d'où des décisions imprévisibles. D'ailleurs qui donc peut être certain de ce qu'il fera ou non? La vie est pleine de surprises. Au lieu d'aller danser et s'amuser, je retrouvai salle de bains et chambre à coucher. Se laver à grande eaux des produits, odeurs d'hôpital fut une joie et me glisser dans mon lit, une grâce. J'avais grand besoin de mon énergie, les fêtes approchaient et j'étais la seule à avoir la possibilité de faire quelque chose, fiston étant malade, ma mère mal en point physiquement et financièrement, pareil pour ma sœur, je n'avais aucune envie de flancher moi aussi.

    Les jours suivants furent une sorte d'errance dans un état second. Il y avait mes volontés, mes envies et le corps tiraillé entre son besoin de bouger et celui de se reposer. Je fis des courses entre l'alimentaire et le sapin que je décorai avec un peu d'aide du garçon râlant sur son tronc tordu, préparai le séjour en déplaçant telle chose, me reposant, en rangeant une autre, me reposant et ainsi sur plusieurs heures. J'errai également en ville sans trop savoir comment j'y étais arrivée et me réjouis à la découverte, dans une boutique bondée et sur agitée, des produits d'une marque rigolote. Je trouvai quelques menus cadeaux de dernière minute, mes commandes n'étant pas arrivées à temps et à la mesure de mes possibilités financières du moment. Je m'en fis un d'ailleurs, de cadeau parce que j'avais été prévenue par avance, nul n'avait les moyens d'en faire. Les fêtes de Noël n'ont rien à voir avec les excès chez nous et c'est une période souvent pénible. Sans mes initiatives, mes réserves alimentaires, ni ma mère, ni ma sœur n'auraient bougé, je ne voulais pas de cette triste réalité ni pour elles, ni pour moi, ni pour mon fiston. Je fis donc tout mon possible pour être en ordre et paix en moi- même.


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  • Suite aux mésaventures de fin septembre et au bilan uro- dynamique désastreux, je n'avais plus le choix et des injections de toxines botuliques furent décidées. J'eus d'abord un rendez- vous avec le chef de service d'urologie, copain de Solange. Cette dernière nous croisa d'ailleurs quand j'entrai dans son cabinet et me recommanda encore à ses bons soins. L'entretien fut rapide, l'attente avait été plus longue que la consultation. Il était agréable, détendu m'expliquant que l'intervention était facile et donnait de très bons résultats. Je le taquinai sur la notion de facilité somme toute très relative. « Si vous savez faire cette opération ,je vous embauche de suite! » s’exclama t-il hilare, je lui rétorquai que je savais d'autres choses, pas la chirurgie, il se soucia de demander ce que j'exerçais comme métier. La relation passa bien, heureusement car je refuse les médecins que je ne sens pas; de toute façon, Solange est derrière. A peine sortie du cabinet, les secrétaires programmèrent l'intervention, me donnèrent consignes et paperasses, les dates de rendez- vous et je fis l'admission administrative dans la foulée.

    Plus tard, il y eut le rendez- vous avec le médecin anesthésiste; sa secrétaire se révéla être une ancienne camarade de collège. Étrange que de ses retrouver! Quand elle me rappela son nom, cela remua quelque mémoire lointaine et je la resituai vaguement. La vie avait tellement changé depuis, c'était passer à une autre dimension quelques minutes; je m'étonnai surtout de tout ce dont elle se souvenait, je ne pensais pas marquer les esprits à ce point.

    L'entretien avec le médecin fut très agréable. Probablement originaire d'Afrique noire, j'appréciai avec quel calme il s'occupa de mon cas. Il prenait son temps et je reconnus des gestes d'ailleurs, une sorte de nonchalance émanait de lui, conjuguée à un sérieux manifeste. En raison des atteintes consécutives à Devic, il décida d'une anesthésie générale et non d'une péridurale, « Une petite, rassurez- vous, nous n'allons pas prendre le risque de blesser encore votre moelle». Je ne m'en souciai guère. Il est probable que je prenais cette histoire avec légèreté et indifférence, dubitative que je suis avant tout traitement.

    Lors de la programmation d'hospitalisation, les secrétaires d'urologie m'avaient mise en garde: « Vous pouvez toujours venir avec votre propre voiture mais n'y comptez pas pour le retour ». Ce fut donc avec le vsl que j'arrivai au service à l'hôpital le jeudi, convoquée à 7h, à jeun. Je traînais au gré des instructions des soignants faisant la connaissance de ma voisine de chambre, rangeant mes affaires, fatiguée d'une courte nuit. Je n'avais pas l'autorisation de m'asseoir sur le lit puisqu'il m'accompagnait en chirurgie. Je reçus la vague visite d'un médecin dont l'accent m’intrigua ( un Argentin):

    - Oh, ce ne doit pas être facile d'être si loin de sa famille! m'exclamai- je spontanément alors que je le croyais espagnol.

    - Ça va, sauf peut- être au moment des fêtes, lâcha t-il sourire en coin, refermant la porte en quittant la chambre.

    Deux soignantes s’interpellèrent dans le couloir de loin et j'eus alors pour consigne de prendre la douche de bétadine: de la tête au pieds, toutes les parties du corps, le moindre pli, orifice est à savonner de ce désinfectant rouge cœur de bœuf contenu dans de petits tubes en plastique. Je m'étonnai de l'état de la douche minuscule, avec un vague rideau, sans poignée d'aide, un simple tabouret et un crochet pour les affaires. En prime, j'avais à utiliser ma propre serviette pour me sécher alors que j'avais eu toute une série de consignes anti- germes auparavant. Plastique aux pieds dans les chaussons, vêtue de la fameuse blouse ouverte dans le dos ( les boutons ou étaient manquants ou impossibles à ouvrir), portant mes vêtements sur les bras, je revins dans la chambre. Un verre d'eau, un cachet, un liquide dans un gobelet en plastique m'attendaient, l'infirmière s'étonna de mes questions à leur propos. Si j'acceptai le liquide pour préserver l'estomac, je refusai le calmant- anxiolytique ou autre chimie pour m'apaiser. Elle s'étonna pareillement quand je soulevai quelques contradictions entre l'exigence anti- germes et la pratique concrète. Les consignes, les protocoles, la routine. L'hôpital en gros. J'attendis ensuite de longues minutes sur mon lit, la nuit ayant été courte. Cela faisait plus de deux heures que j'étais arrivée quand le médecin accompagné de sa troupe vint m'informer que j'allai bientôt partir en opération. Mon bonjour haut et fort le fit sourire, tous nos échanges d'ailleurs se faisaient sur un ton enjoué et direct ce qui laissaient ses collègues interloqués. Ma voisine de chambre, elle, se régalait; très vite, elle avait remarqué que je ne me laissai pas mener facilement et elle fut enchantée de me voir refuser, remarquer, discuter et interpeller. « C'est normal non? Après tout, c'est mon corps» lui dis- je , elle m'avoua qu'elle n'osait pas. Une brancardière vint me chercher et me conduisit par ascenseur et couloirs en chirurgie. Je n'avais pas envie de rester couchée et m'assis sur le lit observant les alentours, Fourmilière, échanges entre collègues, patients endormis, assommés, inquiets ou en attente lointaine, murs abîmés et cabossés par le transport des lits. La couverture n'était pas de trop au milieu des courants d'air avec ces portes battantes à ouverture et fermeture permanentes. Ce fut mon tour.

    Une équipe joyeuse m'installa sur la table d'opération et nous entrâmes dans une salle que j'observai à nouveau parmi les activités des soignants. Ils me furent tous présentés et chaque geste expliqué. Une espèce de couverture gonflée me fut posée sur le torse, je demandai à ce qu'elle fût mise sur le haut du corps, le froid me prenant là. C'était doux, étrange. La perfusion fut douloureuse, mon corps en a vraiment eu son lot et en est devenu récalcitrant. L’infirmière s'excusa, « Comment pourrais- je vous en vouloir de faire votre travail? ». Je regardais les machines, les volumes, les costumes, la grosse lumière au plafond, « Ce n'est pas souvent que j'ai l'occasion d'y être en vrai ». L'infirmière me parla d'autres personnes croisées en ces lieux ayant eu la même intervention très satisfaites. J'entendis une voix me demander si je dormais, je répondis que non, elle ajouta que cela ne tarderait pas et j'eus un malaise tournant la tête violemment puis sombrai. C'était parti pour les dizaines de piqûres dans la vessie via les voies naturelles.

    J'étais au bord d'une falaise dans un immense canyon prête à me jeter dans le vide quand une voix m'appela au loin. Dérangée dans mon rêve, je bougonnai:

    - J'étais dans un canyon.

    - Vous y êtes déjà allée ?

    - Non, et là j'attendais de me transformer en aigle.

    - Comment a été l'équipe en salle d'opération?

    - Adorable.

    Dans le brouillard de ce réveil, j'aperçus le médecin anesthésiste et le saluai d'un geste de la main. Il vient me la taper et la serrer puis je sombrai à nouveau. Je me réveillai plus tard dans une salle où d'autres émergeaient comme moi plus ou moins, les soignants s'activaient et discutaient. Deux d'entre eux virent vers moi, je signalai mon besoin d'uriner, un bassin me fut proposé, « Je crois que c'est trop tard, ça y est, ça coule! ». ils posèrent des paravents et changèrent mes draps, posant au passage un carré absorbant. Je remarquai que mon entre- jambe était enduit de produit désinfectant brun- rouge, le mélange avec les résidus d'urine fut des plus repoussants. Au moins, j’étais au sec. Je fus ramenée en chambre.

    N'ayant rien avalé depuis la veille, je commençai à sentir la faim et m'interrogeai sur l'heure. Ma voisine indiqua qu'il était plus de 13h. Merdalors! Un plateau me fut porté plus tard et je restai circonspecte devant sa maigreur et son peu d'allant. Je n'avais évidemment rien ramené à manger et personne pour me fournir quoique ce fut. Ma voisine raconta comment elle maigrissait à vue d’œil, cinq kilos perdus en une semaine d’hospitalisation avec un mari attentionné qui lui portait des sandwiches tous les jours. Comme je n'avais pas le droit de me lever, je restai cantonnée au lit pendant plusieurs heures à l'écouter raconter ses péripéties, ses inquiétudes et sentir les urines s'échapper sous moi. Les produits, leurs odeurs et consistances conjugués à mes urines incessantes me dégoûtaient, je pris mon mal en patience songeant à mon amie aide- soignante révoltée du sort fait aux patients pour raison comptable à économie absolue. Après plusieurs heures, deux soignants virent avec un appareil à mesurer la tension et je fus surveillée, avant, pendant et après le lever. Tout était bon. J'évoquais mes fuites incessantes, une bande absorbante me fut proposée, je m’exclamai en souvenir de l'infirmière des urgences tout sourire:

    - La fameuse protection 1950

    - Oh, mais c'est tout ce que nous avons, répliqua la soignante piquée au vif.

    - Ce n'est rien contre vous, pensez- donc. J'ai rencontré une infirmière qui les appelle comme ça et ça m'amuse.

    Elle sortit et revint avec la dite protection en lançant: « Nous ne sommes pas certains d'en avoir encore longtemps à ce rythme.» C'est bien révélateur de la misère de l'hôpital désormais, en urologie, les soignants ne sont pas certains d'avoir encore des protections contre les fuites urinaires à l'avenir. Bravo les économies.

    Je fus accompagnée à la salle d'eau au lavabo, « Vous allez vous laver». Et pourquoi pas une douche? Au point où j'en étais, je n'attendais que de rentrer, la ridicule pièce du matin m'avaient suffi. Tout à coup, j'étais nue, la soignante ayant décidé pour moi, certainement pour aller vite. Elle s'imaginait que j'étais embêtée par cette foutue perfusion douloureuse au flacon vide et dont j'ignorais la persistance. Je ne pus m'empêcher de lui dire que j'avais l'habitude de ces gymnastiques, elle était partie avant que je ne terminasse ma phrase. Je passai de longues minutes à me défaire des résidus colorés de désinfectant et aspirai à retrouver une bonne douche complète afin de me débarrasser de ces odeurs envahissantes. Je traînai ensuite, indécise, vaseuse et impatiente de rentrer. « Si prochaine il y a, c'est sûr, je ne reste pas la nuit et c'est tant mieux»

    Je rencontrai le mari de ma voisine, me régalai de ce couple de quarante ans, en relation belle, enjouée, bienveillante. Je m'étonnai presque de constater qu'un autre prenait soin d'elle ici, à l'idée de son retour et se montrait prévenant du temps à venir. Qu'allai- je trouver moi? Le capharnaüm d'un ado laissé seul 36 heures? Les attentions ne se bousculaient pas et de toute façon, je n'en parle pas ou de façon légère pour que personne ne s'inquiète, c'est mon choix.

    J'avais emmené deux livres, de quoi noter, un ouvrage pour passer le temps et je ne fis rien, hormis quelques pages vite lues avant le sommeil car ma voisine évacua toutes ses inquiétudes en me racontant ses soucis. Elle ne se plaignait pas, ne geignait pas, les échanges furent très agréables et je la taquinai avec humour de temps en temps; comme tellement, elle avait besoin de bienveillance ce que je lui offris avec joie. Elle se régala de ma langue bien vive car j'interpellais les soignants, les médecins franchement, à égalité, poliment, clairement. C'est qu'il y avait de quoi et sans rentrer dans les détails, il y eut:

    1. - Qu'est- ce que le médecin vous a dit à propos des auto- sondages? Je les reprends de suite? Je continue comme d'habitude?

    - Je n'en sais rien du tout, répondit ahuri le soignant.

    2. - Qu'est- ce que vous avez comme soupe? De la soupe en sachet?

    - Évidemment. Pourtant, quand j'ai commencé à l'hôpital de R..., il y avait un cuisinier qui faisait sa propre soupe avec des légumes frais. De grosses casseroles montaient à chaque couloir et les patients étaient servis directement. Mais l'hôpital, ce n'est plus ça, expliqua le même soignant.

    - Enfin, du moins, l'hôpital que d'autres ont choisi parce que vous et moi aurions d'autres choix.

    Au soir, une infirmière vint enfin enlever la perfusion, j'avais insisté, ne comprenant pas pourquoi on me laissait avec un flacon vide si longtemps d'autant que le service savait très vaguement combien de temps je restai puisqu'habituellement, cette intervention entraîne une hospitalisation du matin au soir uniquement. Libérée de cette foutue tuyauterie, le bras cependant douloureux et ce pour plusieurs jours, je passai la nuit pas trop mal. Ma voisine s’était endormie tôt et me raconta ses insomnies lors de mes levers pipi nocturnes; au matin, nous rîmes ensemble de nos ronflements respectifs. Comme le repas de la veille, le petit déjeuner se révéla triste et infâme. Décidément, j'ai vraiment à organiser mes séjours à l’hôpital autrement. Restait à attendre l'autorisation de départ.

    Je préparai ma valise, renonçai à la douche d'hôpital trop heureuse de retrouver une salle de bains digne de ce nom à la maison car il me tardait de nettoyer corps et tête de toutes ces odeurs. J'avais la volonté de bouger, de retrouver mes copines en soirée disco dès le soir, d'aller marcher et sortir prendre l'air, de préparer les fêtes. Pourtant, une partie de moi était mollassonne, assommée, ralentie et je l'observai dubitative. Si la veille j'avais accepté de prendre les anti- douleurs posés par l'infirmière sur le plateau repas, j'y renonçais au matin. Ma vessie était meurtrie évidemment par cette trentaine de piqûres, la douleur ressemblait à celle d'une gastro-entérite ou de règles, supportable aussi refusai- je de la faire taire. Elle avait le droit d'être entendue et je lui laissai cette place. Quand le médecin- chef arriva avec sa troupe en fin de matinée, il m'expliqua que l'opération s'était bien passée, que mon état évoluait favorablement, que je pouvais rentrer sans souci. Ma voisine s'amusa de la suite

    - Ma vessie me dit qu'elle est meurtrie et je lui laisse la place, je la respecte.

    - Oh, mais ça c'est une opération de rien du tout.

    - Opération de rien du tout pour vous, pour ma vessie, ce n'est pas rien et elle me le dit. Les effets se feront sentirent à partir de quand? Je continue le Vesicare en attendant?

    - D'ici une semaine environ et oui, continuez le Vesicare jusque là le temps de profiter de l'intervention. Les effets durent variablement de six, huit, neuf mois, cela dépend et la première parfois peut ne faire effet qu'un mois. Dès que vous sentez que l'état se dégrade, vous me rappelez et on en refait une.

    - Si je veux, répliquai- je du tac au tac.

    - Vous allez gagner en confort, un grand confort; finies les fuites entre les sondages.

    Je n'eus pas le temps de lui dire que je ne venais pas pour le confort mais pour protéger mes reins en danger, il tournait déjà les talons en riant ( il avait compris à qui il avait affaire, peut- être que Solange lui avait préparé le terrain et nos échanges étaient vraiment enjoués et complices).

    - Je suis venue en vsl hier comment..., lâchai- je in extremis.

    - Et vous rentrerez en vsl, je signerai le bon de transport, voyez avec l'infirmière, dit- il avant de disparaître.

    Par bonheur, ma voisine obtint également sa libération et l'autorisation de rentrer. Quand la cadre vint distribuer nos différents papiers de sortie, je remarquai l'absence du bon de transport, elle n'était pas au courant. N'ayant aucune envie de passer du temps supplémentaire entre ces murs à courir après des signatures, des appels téléphoniques, la disponibilité d'un vsl, programme très chronophage, je m'arrangeai avec ma voisine de chambre et son mari qui s'avéraient être des voisins géographiques, leur maison étant à 100 mètres de chez moi. Youpi! J'attendis patiemment que ses affaires fussent en ordre, une erreur ayant été commise sur l'ordonnance et finalement, nous partîmes en fin de matinée, trop heureuses de ne pas avoir à subir un repas d'hôpital de plus. Je retrouvai avec joie l'air et la lumière à l'extérieur, il me tardait d'être à la maison, de me cuisiner un petit plat goûteux, de savourer l'environnement familier et personnel loin de la détresse, de la violence sourde, de l'hôpital devenu usine. Une sortie danse avec les copines était programmée au soir et je songeai joyeusement les rejoindre.. avec toutefois une légère hésitation, une vague incertitude, quelques doutes voire des appréhensions. Mon corps n'était pas très vaillant, ma vessie exprimait son traumatisme, une de mes chères copines m'avait dit que quand même, une anesthésie générale demandait du temps de récupération. Je sentais une espèce de flottement déconcertant en moi. Et qu'allai- je trouver à mon retour? Un ado geek seul depuis la veille qui plus est en vacances à partir de ce jour, des fêtes de fin d'année à préparer, des affaires à régler... Bref, des conditions idéales de sortie d'hôpital.


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    Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Pour les voyants, c'est l'enfer.

     

    C'est de cette phrase que je commentai les derniers jours de 2013. Ils furent particulièrement bouleversants et je commence à peine à m'en remettre grâce à la présence de certains parce que je n'avais plus que la force d'être portée par d'autres. J'avais pourtant préparé l'hiver en assistant au cours de Qi Gong fin novembre. Les organes à travailler en cette saison sont les reins et la vessie. Aïe Aïe! Pendant le cours, j'avais senti un léger malaise, une grande peine à exécuter les mouvements; à la maison, à chaque tentative d'exercice, ou la tête me tournait ou je me sentais mal ou j'en ressortais épuisée. Il était évident qu'en plus d'être à plat, je n'avais pas les moyens de me ressourcer par ce biais. Au travail, il n'y avait pas foule à certains cours quand j'étais débordée à d'autres. Mes heures annuelles étaient dépassées depuis mi- novembre, je tournais à des heures supplémentaires dont je ne suis même pas certaine qu'elles seront payées. L'arrivée des vacances me laissaient dans l'ambivalence: attendues par un espoir de repos , j'appréhendais la cirque des fêtes, leurs enjeux. En prime, dans ma grande conscience, j'avais demandé à subir mon opération en fin de semaine afin de ne pas manquer au travail négligeant totalement mon bien- être. La seule date possible fut le 21 décembre. « Merdum! » m'exclamai- je quand je compris que je rentrai de l'hôpital la veille des vacances du fiston; calme et repos étaient compromis. Je bougonnai en plus quand la troisième semaine de décembre fut annulée car un site était quasi vide et qu'une coupure d'électricité général bloqua l'autre. Dans une espèce de déni, je m'imaginai rentrant pimpante à la maison pour repartir dans la foulée en sortie danse de folie avec mes copines et préparer les activités de fin d'année les jours suivants. Les traitements médicamenteux avaient déjà calmé ma vessie malgré des débuts totalement anarchiques, je commençais à profiter d'un léger calme tout en remarquant qu'une grande fatigue persistait. Les débuts en dentosophie coïncidèrent parallèlement; mon corps était donc en transformation sourde.

     

    Dans cette ambiance, il y eut les injections de toxine botulique dans la vessie suivies de peu par les fêtes de Noël en famille- riquiqui, l'absence silencieuse d'un chéri renfermé et lointain, une entrevue déconcertante, la mort d'Anaïs, un Nouvel An joyeux et tumultueux, un ras- le bol ravageur et consécutivement à tout cela, un état d’errements, assommée et bouleversée que j'étais.

     

    Je m'en vais donc raconter ces péripéties pas drôles dans les prochains temps.

     


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  • La maladie de Devic est rare, ses formes pédiatriques encore plus. Elle tombe malade a 16 ans.

    Elle se bat quatre ans contre des poussées à répétition, son corps subit des traitements sans cesse, bourré de cortisone, piqué, remué. Elle refuse le fauteuil, s'interroge sur son avenir, espère des enfants. Elle soutient tous ceux qu'elle croise, s'accroche à la joie de vivre, parfois dans l'ironie au regard des circonstances cruelles. Pleinement dans la vie, elle attend beaucoup du traitement prévu en cette fin d'année, juste avant Noël.
    Et puis, le 25, son cœur lâche, tout est fini, sa vie s'arrête.
    Brutal, violent.
    Terrible écho à la gravité de cette saloperie de maladie.
    Mes pensées vont à tous ceux qui l'aiment.
    Adieu Anaïs.

     


     

    Ce Noël a été éprouvant, je suis bouleversée, c'est tout ce que j'arrive à écrire pour l’instant.


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  • En préambule, je reviens sur l'année passée. Suite aux alertes d'orage, l'entrée m'avait été refusée pour voir The Cure et Justice. Furieuse, je ne comptais pas laisser passer aussi, contactai- je une association afin de demander des explications, en vain. A minima, une place fut promise par les organisateurs pour l'édition suivante, je demandai mon dû bien que cela ne compensât pas le préjudice en terme de déplacement inutile et frustration d'avoir raté des concerts très attendus et je partis sur trois jours, l'édition 2013 en comportant quatre pour la première fois.

    Question logistique, la route est longue, certes, je la préfère toutefois à un dodo sur place dans un camping peu adapté à ma situation ( et croyez- moi, avant la maladie, j'étais une grande adepte des campements en pleine nature, façon survie). J'en profitai pour retenter ma chance en covoiturage depuis un site spécialisé. Je proposai ma vieille voiture sur ces six voyages et deux contacts se concrétisèrent. Ce fut un avantage financier inespéré et l’aventure de la rencontre de nouvelles têtes. La première était une bavarde enchantée d'avoir trouvé une personne comme moi; au retour, je fus heureuse de l'avoir en bla bla permanent, je ne risquais pas de m'endormir alors que la fatigue était vraiment présente. La seconde fut une jeune fille avec qui je ne rencontrai aucun souci, nous accordâmes nos violons à merveille. Une de ses amies nous rejoignit pour le retour et tout le monde fut ravi.

    A mes arrivées, je passai sans encombre les barrières d'accès aux voies spéciales et marchai vaillamment tout du long jusqu'à rejoindre le stand de la MDPH car les navettes m'échappaient ou étaient pleines. J'y retrouvai quelques têtes connues et notamment l'un des piliers de l'organisation. Il fut enchanté de me revoir, « Tu nous as manqué l'année dernière!» s'exclama t-il en racontant à ceux qui ne me connaissaient pas que j'étais très organisée, que mes programmes musicaux valaient la peine d'être suivis car je permettais des découvertes intéressantes. Je lui relatai alors mes mésaventures encore fâchée. « Pourquoi ne m'as- tu pas appelé? Je te faisais entrer!». Ben, c’est que je n'avais plus de numéro, aurais- je seulement pensé à le faire face au bazar de ce soir- là? Au fil des conversations, j'appris que si le concert de Cure était beau, il avait eu deux heures de retard, duré plus de deux heures, ce qui se révéla pénible d'autant que l'environnement était dégradé en raison des pluies, de la boue. Celui de Justice passa donc très tard et la soirée s'avéra interminable. Ma foi, cela aida à avaler la pilule amère. Munie de mon programme des trois jours en double exemplaire, je n'eus aucun souci à trouver des bras pour me transporter en joëllette ou me tenir le bras dans les foules après 22h 30, heure de retour définitif au stand des roulettes tout terrain. Mes acolytes furent enchantés de m'accompagner tandis qu'ils me firent découvrir de bons concerts auxquels je ne pensais pas venir à l'origine. C'était un très chouette moment de partage.

    La configuration du site avait changé et certaines plates- formes déplacées; l'une ou l'autre se révéla assez éloignée des scènes, heureusement, ma vue était récupérée... et je n'avais pas pensé aux jumelles; une petite paire type théâtre me trotte dans la tête depuis un bout de temps sans que je ne me décide à l'acheter, c'est malin. Pareillement, j'oubliai de recharger les piles de mon appareil- photo, il lâcha avant les derniers gros concerts du dimanche, ballot, vraiment. Au large de la grande scène, devant les stands interminables de nourriture, le sol était boueux et glissant. Tard, au premier soir, je voulais aller à la scène en arrière et comme les véhicules étaient rangés, j'avais un accompagnateur au bras duquel je m'accrochais. Mon équilibre amoindri n'apprécie pas la foule et là, c'était collé- serré en mouvement et donc périlleux. Sans un solide appui, j'étais par terre; pourtant, j'observai l’absence d'attention de la majorité des gens; malgré son tee- shirt explicite d'accompagnateur pour personnes handicapées ( et chez moi, cela ne se voit pas, en prime), nul ne prenait seulement la peine de ne pas nous bousculer; il y eut également des commentaires déplacés de la part de quelque alcoolisé mais bon, je les ai oubliés, trop coutumière de ce genre de réaction sans intérêt. Également, il y eut un petit incident sur la plate- forme de la grande scène. Nous avions laissé notre véhicule plus loin et arrivâmes à pied devant la sécurité; je montrai mon bracelet et la dame nous laissa passer. Je m'amusai à danser sur une ou deux chansons profitant de la musique entraînante et de la place disponible avant de me remettre en chaise, les jambes à ménager pour tenir toute la soirée, la vessie chatouilleuse. Mon accompagnateur me rejoignit ensuite pour me raconter que la dame de la sécurité s'était cru grugée par une personne malhonnête en me voyant sautiller et danser. Il avait pris le temps de lui expliquer qu'elle n'avait pas à juger, que bien des handicaps ne se voyaient pas, que j'étais de cette catégorie. Je n'ai pas à la blâmer de faire son travail avec exigence, elle n'est de toute façon que la représentation standard de ces mythes que nous avons tous sur le handicap ( j'en avais tant moi aussi avant d'y être confrontée). En l’occurrence, lors du concert de Blur, alors que j'avais l'intention d'en profiter pleinement, je fus ramenée à ma réalité physique. Sur les trois jours, j'avais mesuré mes efforts, pris garde de ne pas risquer l'infection dans des toilettes à l'hygiène désastreuse, prenant même des traitements préventifs, les impériosités vaillamment affrontées, mais au dernier concert, j'eus droit au bouquet final. Après la première chanson où je dansai joyeusement, je sentis ma vessie hurler. Bien qu'ayant pris mes précautions auparavant, elle ne me laissa pas tranquille. Je résistai en fermant les écoutilles au maximum, m'accroupissant au sol pour éviter la fuite. Rien n'y fit. Je renonçai à danser, me glissai en un coin un peu isolé, tentai de protéger mes vêtements en ouvrant le passage au jet ( vive les jupes! Le pantalon est une catastrophe dans ces cas-là) et cela finit en flaque. Le sol et moi fûmes inondés, heureusement discrètement. Cependant, ces odeurs d'urines, les vêtements et chaussures mouillés m'irritèrent grandement tant pour le concert que pour le retour. Par chance, je n'avais pas de covoiturage ce soir- là, je n'avais donc qu'à espérer que ce ne soit ni visible, ni odorant pour les voisins de marche et navette de retour. A peine chez moi, je me précipitai vers la douche, trop heureuse d'en finir avec ces désagréments décidément très agaçants.

    Dans d'autres registres, je croisai à la station de la navette- aller, une jeune femme vêtue façon gothique; elle portait une jupe à empiècement simili cuir avec une bordure en tulle rose fluo façon tutu court qui me tapa dans l’œil. Je le lui dis et nous échangeâmes quelques mots. Ces vêtements, m'expliqua t- elle, étaient coûteux et comme j'ajoutai que je me ferais bien la même en d'autres couleurs, elle lança immédiatement que je pourrais lui en faire une aussi; elle me demanda mon Facebook seulement, avec mon pseudo, il n'est pas facile à retenir pour qui ne parle pas russe et je ne pensai pas possible de se retrouver. Pourtant, quand je revins quelques heures plus tard à ma voiture, je trouvai un petit prospectus de magasin de vêtements gothiques de la région sous mon essuie- glace gauche. Je compris son origine et le gardai. Quelques minutes plus tard, alors que je roulais à 90 sur une portion de route sans bas- côté, j'entendis un battement et découvris un deuxième papier sous l'essuie- glace droit. Merdalors! Impossible de m'arrêter ici! Je ralentis et guettai un lieu d'arrêt parce qu'en plus, il y avait plusieurs voitures derrière moi. J'entrevis une écriture manuscrite et pensai que c’était un mot de la jeune femme rencontrée à l'arrivée. Je tenais vraiment à le récupérer mais les circonstances ne s'y prêtèrent guère: le papier s'envola à mon grand dam emportant avec lui l'espoir de la contacter. Dommage.

    Alors que nous attendions au stand MDPH entre deux concerts, nous observâmes en silence la foule déambulant devant nous. L'un des accompagnateurs s'étonna de voir passer des personnes à l'âge bien mûr. Il y avait quelques grand- parents accompagnant leurs petits- enfants adolescents ( j'avais d'ailleurs discuté avec une grand- mère -nounou au hasard de la foule) et des festivaliers en couple, groupe ou solitaires à cheveux blancs majoritaires. Sa remarque me fit sourire et je lui dis simplement: « Les Eurockéennes ont 25 ans cette année, ceux qui venaient au début ont désormais 25 ans de plus, c'est simple, si on fait le calcul, d'arriver à des cinquante ans et plus. ». Cette mixité me plaît et il n'y a pas de raison, je fus bien surprise de constater qu'à 41 ans, je connaissais mieux la musique actuelle que certains jeunes accompagnateurs; la curiosité a du bon. Par contre, j'ai été interpellée par des parents emmenant de jeunes enfants en ces lieux de gros bruits néfastes aux oreilles. Il y avait même une jeune femme avec un bébé dans les bras. Il est vrai que le public évolue au fil des heures, l'après- midi est familiale, le début de soirée différent et je n'ai qu'aperçu les étalages des dernières heures de la nuit entre les roupilleurs, les bourrés, les fumeurs défoncés et autres extrémistes de festival.



    En conclusion, je dirai que l'aventure fut belle et riche, comme chaque année, ces trois jours une nouvelle expérience. La pause du samedi se révéla une bénédiction pour reposer le corps de ce vacarme, de l'hygiène douteuse et de la fatigue consécutive aux déplacements, veillées et autres gymnastiques. C'est incroyable ce que le corps encaisse lors de ce genre de sortie! Si j'y suis allée avec joie, j'en suis repartie avec soulagement, j'avais pris ma dose de concert pour l'année. Certains s'étonnent que j'y aille seule, je m'étonne que cela les étonne parce que si j'attendais sur quelqu'un, je n'irai pas. Il y a toujours quelqu'un à rencontrer, des partages impromptus, plus ou moins longs, l'ambiance y est bonne enfant, je n'ai aucune raison d'avoir peur et l'équipe MDPH fait un travail des plus appréciables. J'aime profiter de l'aubaine d'aligner autant de concerts à ce prix, m'y plonger, regarder la foule bouger, s'étirer, se condenser, passer les personnalités multiples et les attitudes infinies, découvrir les artistes en vrai, dans leurs gestuelles, leur présence sur scène. Mon seul regret est de ne pas pouvoir danser à ma guise, ma vessie étant une vraie rabat- joie hypersensible. Pour finir, ma principale remarque pour cette édition 2013, sur un plan uniquement personnel, est que je mesure le défilé des ans. Bien des festivaliers pouvaient être mes enfants déjà et alors que je discutais avec des accompagnateurs d'à peu près mon âge, nous avions des souvenirs musicaux lointains calculés en décennie. Blur, Skunk Anansie, the Smashing pumpkings, Jamiroquaï sont en piste depuis belle lurette et c'est drôle de voir dans le public des personnes plus âgées chanter et danser sur la musique de leur adolescence parmi des jeunots ne connaissant parfois pas le groupe. Au lieu d'angoisser, j'aime mieux me dire: « Vite, vite, profitons au maximum du présent! La vie humaine ne tient qu'à si peu de choses et n'est qu'une étincelle fugace dans l'immensité de l'univers. » Ce ne sont donc ni l'âge, ni les handicaps, ni la maladie qui vont m'empêcher d'y aller à fond, ce qu'il y a à vivre, je vais le vivre. Au moins, quand arrivera l'impossibilité, je n'aurai pas le regret d'être passée à côté de ce que j'aime. Je parie qu'en plus, cela ne vous surprend absolument pas.


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