• Eurockéennes 2013, seconde, vécu et impressions.

    En préambule, je reviens sur l'année passée. Suite aux alertes d'orage, l'entrée m'avait été refusée pour voir The Cure et Justice. Furieuse, je ne comptais pas laisser passer aussi, contactai- je une association afin de demander des explications, en vain. A minima, une place fut promise par les organisateurs pour l'édition suivante, je demandai mon dû bien que cela ne compensât pas le préjudice en terme de déplacement inutile et frustration d'avoir raté des concerts très attendus et je partis sur trois jours, l'édition 2013 en comportant quatre pour la première fois.

    Question logistique, la route est longue, certes, je la préfère toutefois à un dodo sur place dans un camping peu adapté à ma situation ( et croyez- moi, avant la maladie, j'étais une grande adepte des campements en pleine nature, façon survie). J'en profitai pour retenter ma chance en covoiturage depuis un site spécialisé. Je proposai ma vieille voiture sur ces six voyages et deux contacts se concrétisèrent. Ce fut un avantage financier inespéré et l’aventure de la rencontre de nouvelles têtes. La première était une bavarde enchantée d'avoir trouvé une personne comme moi; au retour, je fus heureuse de l'avoir en bla bla permanent, je ne risquais pas de m'endormir alors que la fatigue était vraiment présente. La seconde fut une jeune fille avec qui je ne rencontrai aucun souci, nous accordâmes nos violons à merveille. Une de ses amies nous rejoignit pour le retour et tout le monde fut ravi.

    A mes arrivées, je passai sans encombre les barrières d'accès aux voies spéciales et marchai vaillamment tout du long jusqu'à rejoindre le stand de la MDPH car les navettes m'échappaient ou étaient pleines. J'y retrouvai quelques têtes connues et notamment l'un des piliers de l'organisation. Il fut enchanté de me revoir, « Tu nous as manqué l'année dernière!» s'exclama t-il en racontant à ceux qui ne me connaissaient pas que j'étais très organisée, que mes programmes musicaux valaient la peine d'être suivis car je permettais des découvertes intéressantes. Je lui relatai alors mes mésaventures encore fâchée. « Pourquoi ne m'as- tu pas appelé? Je te faisais entrer!». Ben, c’est que je n'avais plus de numéro, aurais- je seulement pensé à le faire face au bazar de ce soir- là? Au fil des conversations, j'appris que si le concert de Cure était beau, il avait eu deux heures de retard, duré plus de deux heures, ce qui se révéla pénible d'autant que l'environnement était dégradé en raison des pluies, de la boue. Celui de Justice passa donc très tard et la soirée s'avéra interminable. Ma foi, cela aida à avaler la pilule amère. Munie de mon programme des trois jours en double exemplaire, je n'eus aucun souci à trouver des bras pour me transporter en joëllette ou me tenir le bras dans les foules après 22h 30, heure de retour définitif au stand des roulettes tout terrain. Mes acolytes furent enchantés de m'accompagner tandis qu'ils me firent découvrir de bons concerts auxquels je ne pensais pas venir à l'origine. C'était un très chouette moment de partage.

    La configuration du site avait changé et certaines plates- formes déplacées; l'une ou l'autre se révéla assez éloignée des scènes, heureusement, ma vue était récupérée... et je n'avais pas pensé aux jumelles; une petite paire type théâtre me trotte dans la tête depuis un bout de temps sans que je ne me décide à l'acheter, c'est malin. Pareillement, j'oubliai de recharger les piles de mon appareil- photo, il lâcha avant les derniers gros concerts du dimanche, ballot, vraiment. Au large de la grande scène, devant les stands interminables de nourriture, le sol était boueux et glissant. Tard, au premier soir, je voulais aller à la scène en arrière et comme les véhicules étaient rangés, j'avais un accompagnateur au bras duquel je m'accrochais. Mon équilibre amoindri n'apprécie pas la foule et là, c'était collé- serré en mouvement et donc périlleux. Sans un solide appui, j'étais par terre; pourtant, j'observai l’absence d'attention de la majorité des gens; malgré son tee- shirt explicite d'accompagnateur pour personnes handicapées ( et chez moi, cela ne se voit pas, en prime), nul ne prenait seulement la peine de ne pas nous bousculer; il y eut également des commentaires déplacés de la part de quelque alcoolisé mais bon, je les ai oubliés, trop coutumière de ce genre de réaction sans intérêt. Également, il y eut un petit incident sur la plate- forme de la grande scène. Nous avions laissé notre véhicule plus loin et arrivâmes à pied devant la sécurité; je montrai mon bracelet et la dame nous laissa passer. Je m'amusai à danser sur une ou deux chansons profitant de la musique entraînante et de la place disponible avant de me remettre en chaise, les jambes à ménager pour tenir toute la soirée, la vessie chatouilleuse. Mon accompagnateur me rejoignit ensuite pour me raconter que la dame de la sécurité s'était cru grugée par une personne malhonnête en me voyant sautiller et danser. Il avait pris le temps de lui expliquer qu'elle n'avait pas à juger, que bien des handicaps ne se voyaient pas, que j'étais de cette catégorie. Je n'ai pas à la blâmer de faire son travail avec exigence, elle n'est de toute façon que la représentation standard de ces mythes que nous avons tous sur le handicap ( j'en avais tant moi aussi avant d'y être confrontée). En l’occurrence, lors du concert de Blur, alors que j'avais l'intention d'en profiter pleinement, je fus ramenée à ma réalité physique. Sur les trois jours, j'avais mesuré mes efforts, pris garde de ne pas risquer l'infection dans des toilettes à l'hygiène désastreuse, prenant même des traitements préventifs, les impériosités vaillamment affrontées, mais au dernier concert, j'eus droit au bouquet final. Après la première chanson où je dansai joyeusement, je sentis ma vessie hurler. Bien qu'ayant pris mes précautions auparavant, elle ne me laissa pas tranquille. Je résistai en fermant les écoutilles au maximum, m'accroupissant au sol pour éviter la fuite. Rien n'y fit. Je renonçai à danser, me glissai en un coin un peu isolé, tentai de protéger mes vêtements en ouvrant le passage au jet ( vive les jupes! Le pantalon est une catastrophe dans ces cas-là) et cela finit en flaque. Le sol et moi fûmes inondés, heureusement discrètement. Cependant, ces odeurs d'urines, les vêtements et chaussures mouillés m'irritèrent grandement tant pour le concert que pour le retour. Par chance, je n'avais pas de covoiturage ce soir- là, je n'avais donc qu'à espérer que ce ne soit ni visible, ni odorant pour les voisins de marche et navette de retour. A peine chez moi, je me précipitai vers la douche, trop heureuse d'en finir avec ces désagréments décidément très agaçants.

    Dans d'autres registres, je croisai à la station de la navette- aller, une jeune femme vêtue façon gothique; elle portait une jupe à empiècement simili cuir avec une bordure en tulle rose fluo façon tutu court qui me tapa dans l’œil. Je le lui dis et nous échangeâmes quelques mots. Ces vêtements, m'expliqua t- elle, étaient coûteux et comme j'ajoutai que je me ferais bien la même en d'autres couleurs, elle lança immédiatement que je pourrais lui en faire une aussi; elle me demanda mon Facebook seulement, avec mon pseudo, il n'est pas facile à retenir pour qui ne parle pas russe et je ne pensai pas possible de se retrouver. Pourtant, quand je revins quelques heures plus tard à ma voiture, je trouvai un petit prospectus de magasin de vêtements gothiques de la région sous mon essuie- glace gauche. Je compris son origine et le gardai. Quelques minutes plus tard, alors que je roulais à 90 sur une portion de route sans bas- côté, j'entendis un battement et découvris un deuxième papier sous l'essuie- glace droit. Merdalors! Impossible de m'arrêter ici! Je ralentis et guettai un lieu d'arrêt parce qu'en plus, il y avait plusieurs voitures derrière moi. J'entrevis une écriture manuscrite et pensai que c’était un mot de la jeune femme rencontrée à l'arrivée. Je tenais vraiment à le récupérer mais les circonstances ne s'y prêtèrent guère: le papier s'envola à mon grand dam emportant avec lui l'espoir de la contacter. Dommage.

    Alors que nous attendions au stand MDPH entre deux concerts, nous observâmes en silence la foule déambulant devant nous. L'un des accompagnateurs s'étonna de voir passer des personnes à l'âge bien mûr. Il y avait quelques grand- parents accompagnant leurs petits- enfants adolescents ( j'avais d'ailleurs discuté avec une grand- mère -nounou au hasard de la foule) et des festivaliers en couple, groupe ou solitaires à cheveux blancs majoritaires. Sa remarque me fit sourire et je lui dis simplement: « Les Eurockéennes ont 25 ans cette année, ceux qui venaient au début ont désormais 25 ans de plus, c'est simple, si on fait le calcul, d'arriver à des cinquante ans et plus. ». Cette mixité me plaît et il n'y a pas de raison, je fus bien surprise de constater qu'à 41 ans, je connaissais mieux la musique actuelle que certains jeunes accompagnateurs; la curiosité a du bon. Par contre, j'ai été interpellée par des parents emmenant de jeunes enfants en ces lieux de gros bruits néfastes aux oreilles. Il y avait même une jeune femme avec un bébé dans les bras. Il est vrai que le public évolue au fil des heures, l'après- midi est familiale, le début de soirée différent et je n'ai qu'aperçu les étalages des dernières heures de la nuit entre les roupilleurs, les bourrés, les fumeurs défoncés et autres extrémistes de festival.



    En conclusion, je dirai que l'aventure fut belle et riche, comme chaque année, ces trois jours une nouvelle expérience. La pause du samedi se révéla une bénédiction pour reposer le corps de ce vacarme, de l'hygiène douteuse et de la fatigue consécutive aux déplacements, veillées et autres gymnastiques. C'est incroyable ce que le corps encaisse lors de ce genre de sortie! Si j'y suis allée avec joie, j'en suis repartie avec soulagement, j'avais pris ma dose de concert pour l'année. Certains s'étonnent que j'y aille seule, je m'étonne que cela les étonne parce que si j'attendais sur quelqu'un, je n'irai pas. Il y a toujours quelqu'un à rencontrer, des partages impromptus, plus ou moins longs, l'ambiance y est bonne enfant, je n'ai aucune raison d'avoir peur et l'équipe MDPH fait un travail des plus appréciables. J'aime profiter de l'aubaine d'aligner autant de concerts à ce prix, m'y plonger, regarder la foule bouger, s'étirer, se condenser, passer les personnalités multiples et les attitudes infinies, découvrir les artistes en vrai, dans leurs gestuelles, leur présence sur scène. Mon seul regret est de ne pas pouvoir danser à ma guise, ma vessie étant une vraie rabat- joie hypersensible. Pour finir, ma principale remarque pour cette édition 2013, sur un plan uniquement personnel, est que je mesure le défilé des ans. Bien des festivaliers pouvaient être mes enfants déjà et alors que je discutais avec des accompagnateurs d'à peu près mon âge, nous avions des souvenirs musicaux lointains calculés en décennie. Blur, Skunk Anansie, the Smashing pumpkings, Jamiroquaï sont en piste depuis belle lurette et c'est drôle de voir dans le public des personnes plus âgées chanter et danser sur la musique de leur adolescence parmi des jeunots ne connaissant parfois pas le groupe. Au lieu d'angoisser, j'aime mieux me dire: « Vite, vite, profitons au maximum du présent! La vie humaine ne tient qu'à si peu de choses et n'est qu'une étincelle fugace dans l'immensité de l'univers. » Ce ne sont donc ni l'âge, ni les handicaps, ni la maladie qui vont m'empêcher d'y aller à fond, ce qu'il y a à vivre, je vais le vivre. Au moins, quand arrivera l'impossibilité, je n'aurai pas le regret d'être passée à côté de ce que j'aime. Je parie qu'en plus, cela ne vous surprend absolument pas.

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  • Commentaires

    1
    Mardi 31 Décembre 2013 à 23:29

    Bravo à toi d'avoir su récidiver et cette année, pleinement en profiter. Super!

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