• Noël Treize.

    Négociations et tractations furent nécessaires pour arriver à rassurer et calmer chacun, avoir quelque chose qui ressemble à une fête de Noël: je me chargeai de tout, repas et cadeaux puisque nul n'avait les moyens d'y contribuer et il n'était pas question de faire la moindre remarque sur ce point car c'était mon choix mûrement réfléchi. Ma sœur accepta de venir le 25 au soir, ma mère traîna et hésita, déprimée par son état de santé et sa condition matérielle, fiston exprima son exaspération sur ces conditions et histoires de famille rendant ces fêtes si compliquées voire douloureuses. Comme il s'attristait de n'avoir personne pour le réveillon du 24, je sollicitai ma mère qui, finalement, céda si je venais la chercher. Ma sœur manqua ne pas venir parce qu'encore mal en point et comme je m'arrangeai avec elle, au lieu d'arriver dans l'après- midi, elle vint en début de soirée. Je préparai la chambre du fiston pour ma mère qui restait deux nuits, le couchage du fiston sur le canapé, la décoration très succincte du salon, de la table, les repas grâce à des morceaux choisis d'Amap et mis de côté ainsi que quelques rajouts, l'installation des cadeaux et tout le bataclan sommaire. Ma sœur jongla périlleusement afin d'ajouter quelques menus compléments, chocolats, toasts, petits présents à la hauteur de ses possibilités et ma mère habituellement critique, au mieux dans le silence osa dire que les repas étaient bons, agréables. Tous semblaient ravis, je fus heureuse d'avoir insisté. Ma sœur passa du temps avec le fiston content de la tournure des événements jusque tard dans la nuit avec des jeux de société, j'étais trop fatiguée pour entamer un Monopoly à partir de 23h30 et je les avais lâchés pour retrouver mon lit, éprouvée par ces jours de fête. Parce que oui, j'étais éprouvée. En plus de l'organisation, des tractations, des préparatifs, j'étais abasourdie de l'état de ma mère.

    Je l'avais cherchée chez elle, accompagnée et aidée dans ses transport et déplacements, installée confortablement chez nous pensant qu'elle s'y sentirait bien, capable de participer. Or, pendant son séjour, je me pris en pleine figure sa souffrance et ses douleurs. Elle passait du fauteuil à la chaise, de la chaise au fauteuil, du fauteuil au lit. Tous ses déplacements nécessitaient un soutien, elle avait besoin d'aide pour se lever, se coucher, s'asseoir. Elle regardait les autres faire, les bras croisés, attendant d'être servie. La coucher fut une aventure périlleuse, pareillement pour la lever. En vue de la soulager et la détendre, je lui fis, le 25, un bain bouillonnant avec de l'huile essentielle et du bicarbonate. Je découvris son corps meurtri, blessé, tuméfié, enflé, difforme couvert de bleus, de plaies. Elle ne put entrer et sortir seule de la baignoire malgré une chaise posée à côté, les appuis de mes bras. Je compris alors qu'il lui était difficile de se laver depuis des semaines. Mal à l'aise, angoissée, elle manqua renoncer au bain et comme je la rassurai, elle s'y plongea et savoura pendant une heure et demie les bulles, parfum, savon, shampoing. Je l'aidai pour se mouvoir, se frotter et lui fis part de mes sentiments quant à son état: comment supporter la dégradation de son corps alors qu'autrefois elle était une si belle femme? Comment supporter les limitations aux soins et gestes essentiels du quotidien? Est- ce parce que j'étais passée par ces moment terribles d'entrée en Devic que je mesurai l'ampleur de ses difficultés, de sa peine tant d'effort que psychologique? Toujours est- il que j'ai été bouleversée. Je la taquinai après son bain bouillonnant car elle restait assise les bras croisés avec un sourire bienheureux: « On dirait que tu as fumé un joint tellement tu as l'air béat! ». Elle était propre, entourée, accompagnée, rassurée, nourrie sur de nombreux points et l'ambiance était détendue envers les présupposés précédents, elle n'avait à se préoccuper de rien, elle était tranquille, au calme, dans un environnement propre, agréable. Ses besoins étaient satisfaits. C'était flagrant.

    Bien sûr, ces fêtes passées, je me trouvai fatiguée, ces efforts s'ajoutant aux conséquences de l'intervention chirurgicale. Je n'en avais cependant pas terminé.

     

    « Retour entre deux. J'aime mon ami Boris! »

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