• Après de longues années de bons et loyaux services, elle avait été licenciée. Elle saisit l’occasion pour revenir aux études que la vie précédemment lui avait refusées; ainsi, nous nous rencontrâmes. Elle entrait à l’école d’aide- soignante quand je plongeai en Devic. Quelques années passèrent et nous nous retrouvâmes. Nous avions bien des aventures à se raconter et j’écoutais particulièrement son parcours car je la retrouvai démolie par des collègues qui allèrent jusqu’aux menaces de mort parce qu’elle avait dénoncé des maltraitances dans le service. Comme elle argumentait et expliquait ce qu’il s’était passé, je tins à lui dire combien je comprenais son choix de dénoncer, relevai son intégrité, son courage. Afin de clairement exprimer ma compréhension, j’évoquai à demi mots ma propre expérience avec SeN pendant les heures sombres de Devic. Son sang ne fit qu’un tour et je lis sur son visage, son corps le choc de telles révélations.

    Dès sa première année au lycée, fiston me parla d’un copain d’un copain qui avait un truc au cerveau qui l'empêchait de comprendre les réactions d’autrui. L’année d’après, ils étaient les meilleurs amis du monde. Le binome porta de tels fruits que ce fameux camarade obtint son BEP sous le regard enchanté de tous leurs profs. Longtemps, ces derniers me louèrent l’attitude de mon garçon qui l’avait accompagné avec bienveillance et exigence tout en continuant son propre chemin couronné de réussites tant scolaires que relationnelles . J’avais entendu le même discours chez la mère de ce garçon, mon fiston étant son premier vrai copain à venir chez eux et chez qui il allait, du pain béni car avec un syndrome d’Asperger, il avait traversé de longues années de solitude. Elle était d’autant plus enchantée et reconnaissante que son fils s’entend aussi très bien avec moi, que le courant était passé entre elle et moi. Désormais,  elle et ses enfants savent qu’ils peuvent compter sur nous.  Je les ai longuement écoutés raconter leurs péripéties, leurs vécus, leurs parcours difficiles et laborieux.  Ils savent que j’ai des ennuis de santé, que fiston et moi avons un parcours particulier également mais n’étant pas du genre à nous étaler, encore moins quand les interlocuteurs ont de grands besoins d’empathie, ce n’était pas très clair pour eux. Dernièrement, je suis allée en promenade avec elle autour d’un plan d’eau. Nous échangeâmes sur ses difficultés socio- économiques ( ceux qui parlent des pauvres ne les connaissent pas), sa recherche d’emploi, ses questionnements, ses envies, ses démarches, ses doutes. Au trois quart du tour, j’ajoutai simplement que la vie était pleine de surprises, que nous ne savions pas de quoi demain sera fait malgré nos illusions de contrôle, que jamais je n’aurais imaginé ma vie telle qu’elle est, en particulier avec cette foutue maladie. Elle saisit l’occasion pour me demander comment elle était survenue, ce que j’avais vécu et tranquillement, je lui fis ce long récit. De retour à la voiture, elle était en pleurs, bouleversée, choquée; j’en étais désolée car ce n’était absolument pas ce que je voulais, les années ont passé et je le raconte sans émoi particulier. Pour elle, cependant, c’était présent et elle mesurait alors ce que cela avait été pour fiston et moi. Surtout, elle avait envie de prendre SeN en face, de lui demander sa version des faits, de lui dire ce qu’elle avait eu envie de lui faire à l’écoute de mon récit. L’escarre, en particulier était révélateur à ses yeux.

    Chacune a vécu des circonstances, des événements qui les ont rendues  sensibles, conscientes à des sujets que beaucoup ne veulent pas entendre et à l’écoute de mon récit, elles mesurent ce que je ne dis pas. Je n’ai pas besoin d’expliquer, de dire et redire ce qu’il en était de moi, de mon fiston, de nos sentiments et émotions face aux événements, aux réactions, paroles, actes de ceux qui nous entouraient; derrière les faits, elles savent ce qu’il s’est joué. Quel repos, quel calme je sens alors en moi! La même simplicité que quand nous causons entre malades de Devic parmi lesquels j’ai rencontré quelques perles.

    C’est rarement le cas pourtant; par je ne sais quel mystère, beaucoup virent rapidement la conversation vers ceux qui m’entouraient en ce temps. Est- ce un réflexe face à des questions type:  “ Et moi? Qu’est- ce que j’aurais fait? Comment  aurais- je réagi? Aurais- je  vu, entendu, compris?”. Peu importe. Personnellement, j’avoue, cette réaction m’agace, j’en ai assez entendu et je n’ai plus envie de cette sympathie à leur encontre. Au coeur de la tempête, je leur ai donné de l’empathie, quand je me reconstruisais lentement, je leur ai donné de l’empathie, quand j’ai ouvert les yeux et voulu me sauver, je leur ai donné de l’empathie, quand je suis partie, je leur ai donné de l’empathie... Maintenant, ça suffit. Je n’ai plus envie de chercher à comprendre, expliquer leurs attitudes désastreuses, encore moins de les justifier ou de les excuser.

    De rares échos de leurs paroles me sont parvenus ces dernières années; systématiquement, j’ai le sentiment qu’ils n’ont toujours pas compris, je reste la vilaine à leurs yeux, ils continuent de se présenter en victimes ( oui, oui, vous lisez bien) et cela me met en colère, de cette émotion salvatrice qui s’exprime quand nous percevons une menace à notre intégrité. Quoi qu’ils disent et fassent, je sais par quoi je suis passée et comment leurs attitudes m’ont confrontée à des situations terribles. Je vois clair et je ne pardonne pas, c’est aussi radical que cela. Je me suis libérée, la vie me préserve de ce genre de personnes et circonstances, Dieu merci! Je suis à d’autres voies, d’autres rencontres, d’autres événements, sur une autre planète et c’est tellement mieux. D’ailleurs, ceux qui me connaissent telle que je suis aujourd’hui sont certes d’abord bouleversés par cette histoire puis terriblement heureux de voir ce que je suis devenue. Puisse la vie continuer à nous préserver d’une telle expérience... et mes blablas à ouvrir ne serait- ce qu’une paire d’yeux.


    1 commentaire
  • Dès juin, la fatigue se disait alentour, entre collègues en particulier. Je la savais présente, la canicule n’a rien arrangé et aux premiers jours de vacances, je me vis clouée sur place. Je prêtais attention à mes gestes et mouvements, à dormir de jour comme de nuit, à manger correctement, rien ne changeait. Je regardais un documentaire sur Arte+7 quand je me mis à pleurer, submergée aux premières notes d’une musique de fond alors que rien ne justifiait une quelconque émotion. “ Non, mais alors là, vraiment, ça ne va pas du tout!” Soucieuse de ne pas m’identifier à ces troubles ( genre: je suis déprimée, dépressive, je vais mal dans ma tête ou autre blabla), je me précipitai dans la chambre du fiston en quête de la boite de gélules au safran multi-vitamines et oligo- éléments que je lui avais achetée pour passer le cap Bac. Deux gélules plus tard, je me sentais mieux. En papotant de ci de là, j’ avais appris que les personnes atteintes de maladies auto- immunes grillent plus vite leurs vitamines et minéraux, je décidai logiquement d’ une cure jusqu'à l’amélioration de mon état. C’était sans compter sur les amies: l’une me donna deux bouteilles de sirop de fer et une autre, une plaquette de gélules de magnésium avec pour consigne de continuer les prises jusqu’à l’amélioration. J’avoue négliger le magnésium pour l’instant, je traîne avec des abricots secs et des amandes, par contre, pour le fer, il égraine mon quotidien. Un coup de mou? Hop, une cuillère! Des larmes insensées? Hop, une cuillère! L’effet est notoire, je gère ainsi le quotidien. Avec le magnésium, j’arriverais peut- être à démonter- monter- déplacer les meubles, à danser, à ranger la centaine de tissus qui s'entassent dans ma chambre, que sais- je? J’aviserai au gré des circonstances parce que j’ai à être vigilante tant vis- à- vis de mon état de santé que de la situation matérielle, fiston entamant des études supérieures en septembre. Comme d’habitude, je naviguerai à vue. D’ici là, je suis au fer.


    5 commentaires
  • Lors de la journée exposition, j'avais de la bonne compagnie ( heureusement, parce que seule, cela eut été quelque peu très difficile). Nous discutions quand les passants ne s'arrêtaient pas et j'appris ainsi que ma compagne d'aventure travaille de nuit à l'usine… avec, en plus, une activité artisanale à production continuelle et multiples expositions de vente. Comme je relevais son courage face à une tâche si ardue, elle m'expliqua que c'était son choix, que cela l'arrangeait pour le moment, racontant son rythme de vie puis elle me demanda à son tour combien d'heures je travaillais.

    Elle savait déjà que j'exerce le métier de formatrice pour adultes, je n'avais pas à expliquer ce que cela implique en terme de temps de travail ( heures d'enseignement en direct + heures périphériques englobant les tâches annexes et la perpétuelle mise à jour de la caboche). Je n'en restais pas moins gênée de dire à combien j'étais officiellement: « Bah, tu sais, comme j'ai une maladie grave et des handicaps, j'ai un poste aménagé, je fais six heures par semaine». Je fus surprise de l'entendre s'exclamer spontanément et avec conviction: « Et c'est déjà beaucoup! », tranquillement.

    Mon cœur s'emplit de gratitude à son encontre et en le racontant ici deux semaines après, j'en suis au même sentiment car à travers ces mots, je mesurais combien elle savait ce que ces six heures représentaient en tant qu'effort, combat et victoire alors que je vis avec une foutue maladie capricieuse et dangereuse. Elle sait également que je suis à de multiples activités quotidiennes ( mère célibataire, bénévolat, implication dans l'économie sociale et solidaire, activités créatives et j'en passe). Je n'avais pas à justifier ou expliquer, elle savait. Ce fut un soulagement car dans cette société obnubilée par le travail (notion qui mériterait à elle seule des kilomètres de réflexion dont je n'ai pas envie ici maintenant), ce genre de conversation provoque des réactions multiples m'amenant à expliquer et donner de l'empathie pour accompagner mes interlocuteurs dans leurs sentiments ( besoin de reconnaissance, de clarté, de repos, …) qui n'ont rien à voir avec mes six heures de travail salarié. Si je le fais de bon cœur, j'en ai parfois marre d'avoir à mobiliser tant d'énergie pour ouvrir les yeux.

    Quoi qu'il en soit, évoquer son temps de travail est tronqué d’emblée. Parce que les notions de base déjà ne sont pas claires: qu'est- ce que le temps de travail? Qu'est- ce que le travail? De quoi parle t-on exactement? Qu'est- ce que cette question implique et révèle comme représentations de la société et de l'individu?

    Plutôt que de disserter longuement, j'ai une petite anecdote pour conclure.

    Mercredi dernier, nous étions à table, fiston et moi. Je lui dis au passage que le lendemain était ma dernière séance de cours, qu'après, j'étais en vacances. Il marmonna un truc que je ne compris pas et lui fis répéter.

    - Je n'ai pas compris, tu veux bien répéter?

    - J'ai dit: profite- en bien de ces vacances!

    - Comment ça? Qu'est- ce que tu veux dire?

    - Ben oui, après, tu seras avec moi tous les jours, tout le temps, à la maison.

    - Il y a un truc qui m'échappe là ( j'étais en mode ramollo du cerveau cause canicule), tu veux bien m'expliquer?

    - Tu dis toujours que d'aller au travail, ce sont des vacances pour toi, que tu en reviens mieux que quand tu y es allée, que tu le préfères à la maison où il y a ces tâches domestiques et ma personne à supporter, alors, aujourd'hui, je te dis de bien profiter de ton dernier jour de vacances.

     Et oui, j'en suis là: l'intense temps de travail salarié est pour moi un temps de vacances quand le temps de travail autre me fatigue bien plus. Il y a un signe qui ne trompe pas: avant une tâche laborieuse, je m'attache les cheveux ce qui est souvent le cas à la maison. Pour partir à mon emploi, je les détache.


    votre commentaire
  • Il y a trois jours, fiston sortit de son antre et passa quelques instants avec moi. Une annonce venait de passer à la radio sur l'alerte canicule avec les consignes de vigilance, je lui dis simplement: « Tu sais que je fais partie des personnes fragiles à surveiller? ». Il marmonna quelque chose et le lui fis répéter deux fois jusqu'à ce qu'enfin, je comprenne: « Tu fais surtout partie des gens qui n'acceptent pas d'être considérés comme fragiles.» Cela me fit bien rire et aussitôt, j'ajoutai: « Finalement, mon adaptation est tellement performante que ma fragilité est quasi invisible. » Quasi parce que seuls ceux qui me connaissent savent... et encore, quand je pense que mon garçon lui- même oublie que je suis malade et handicapée, je me dis que seuls les soignants peuvent véritablement mesurer ce qu'impliquent Devic et ses conséquences dans ma vie.

    En ce qui me concerne, je suis un petit tempérament selon les dires d'un naturopathe croisé un jour par hasard, ce qui veut dire que je ne chauffe pas beaucoup. J'ai besoin de me couvrir de vêtements, couverture, couette pour me maintenir au chaud aux fraîches et froides températures. Lors de la grosse crise en 2006, les courants d'air de la maison me transperçaient et me faisaient littéralement souffrir. J'ai depuis longtemps l'habitude de prévoir les petites laines et couches même en été pour parer au frisquet qui pourrait me surprendre. Mes armoire et placard ont plus de vêtements d'hiver que d'été voire même de mi-saison. Quand nous dansons entre copines, je suis encore en pull quand toute la troupe cherche le frais et de l'air, déjà en tenue allégée. La semaine dernière, une copine s'étonnait de me voir autant habillée quand elle était en robe à bretelle ( j'avais un corsaire, une chemise, un foulard et une petite veste). De plus, je ne transpire presque pas sauf en cas de grosse peur ou... de TRES grosse chaleur… et encore.

    Depuis quelques jours, j'observe des phénomènes inhabituels chez moi: aisselles mouillées, gouttes de sueur sur le nez et quelques vagues subites de suées sur tout le corps. Je le dis alentour: « Si j'ai chaud et transpire, c'est qu'il fait vraiment très très chaud; les autres doivent souffrir». En cas de canicule, je suis sensée rester chez moi à l'abri vu que je suis considérée personne à risque. En pratique, c'est tout autre. Dans l'appartement officiellement BBC, il fait 30°c parce que la ventilation double flux ne fonctionne pas et l'air n'y circule pas ( conflit de tous les locataires depuis trois ans avec le bailleur); dans sa chambre, fiston atteint les 40°c avec son ordinateur en marche continuelle. La nuit, les températures ne baissent pas malgré les fenêtre ouvertes. Je vais à pied au travail et aux petites courses car il est absurde de sortir la voiture pour quelques mètres: contribution à la pollution, retour en auto- four; je préfère marcher, à l'ombre, tranquillement. J'ai assisté à une réunion importante du travail mercredi matin à plus de 40 kilomètres… et y ai senti une première trace de conséquence de la canicule: petit malaise rattrapé discrètement en buvant. J'avais bien remarqué les courtes nuits, le peu d'appétit mais de là à faire un malaise, c'était une première. Vessie n'est pas en reste, je l'assiste à coup de prêle en tisane, teinture- mère et granules. C'est logique: je bois, je transpire, il y a moins d'évacuation par la vessie et donc, les germes grouillent; autant m'éviter des complications.

    Comme la canicule s'allonge, cela devient difficile et quelques alertes malaises surviennent régulièrement. Du coup, je ne m'agite que tôt le matin ou tard le soir, me cloître à la maison, bois et me rafraîchis souvent; vessie travaille beaucoup, je cours aux toilettes toutes les deux ou trois heures. Je dors aussi, à multiples siestes ce dont je ne suis pas coutumière, la torpeur ne me quitte pas. Aujourd'hui, j'en suis venue à faire tourner un ventilateur récupéré je- ne- sais- où histoire de pouvoir respirer.

    Dire que la chaleur va durer encore plusieurs jours. Ma capacité d'adaptation suffira t-elle à traverser ces chaleurs? Y étant tous confrontés avec des problématiques différentes, je n’attends aucune attention particulière d'autrui. D'ailleurs, la seule proposition que j'ai eue était inadaptée, preuve encore que mon entourage, même proche ne se représente pas ce que je vis en Devic. Aide toi et le ciel t'aidera… cela reste la meilleure alternative.

    Je voulais aller aux Eurockéennes ce samedi. Quand j'ai voulu acheter mon billet, c'était déjà complet. Le ciel m'aura bien aidé sur ce coup, le voyage+ les heures là- bas auraient été complètement déraisonnables voire dangereux…

     

     


    votre commentaire
  •  Dimanche dernier, j'avais une grande exposition à quelques kilomètres de chez moi. Dans ma petite vieille voiture, j'ai bourré au maximum les marchandises à l'arrache parce que j'étais seule à le faire, en retard pour cause de courte nuit post repas de mariage et altercation en pointillé sur mes mini heures de sommeil avec un grand ado de fiston geek limite no life rageux et couche- très- tard... ou très tôt. En conduisant, je n'y voyais rien que devant, toutes les autres fenêtres étant obstruées, « Il ne manquerait plus que je me fasse arrêter par les flics. » pensai- je vaguement. La fée n'en reste pas moins déterminée.

    Après une longue journée sur place ( dont je parlerai ultérieurement... ou pas selon mes opportunités et envies), j'avais décidé de laisser plusieurs paquets là- bas afin de les utiliser lors d'un prochain atelier ( même phrase que dans les parenthèses précédentes). Ils étaient lourds et volumineux. Soulagée d'eux, je pris le temps tranquillement, avec de l'aide, de charger ma voiture méthodiquement et là, le mystère du congélateur se rappela à moi: les marchandises allégées ne rentraient plus dans la voiture. J'eus besoin de plusieurs essais pour enfin fermer le coffre ( Bon c'est vrai qu'en plus, j'ai perdu une des vis qui tiennent le système de fermeture sur la porte et que la restante est à revisser à chaque usage, cela n'arrange pas le micmac).

    J'en suis arrivée à me demander si je n’étais pas la clef du mystère finalement. Après tout, ces aventures sont à l'image de ma mini cave débordante, de mon garage croulant sous les planches et cartons, de mon appartement RUTETE ( mot norvégien prononcé routètè désignant le désordre). De là à dire que je suis bordélique, NON! Parce qu'en réalité, je fais de mon mieux avec l'espace dont je dispose, réduit en raison de ma condition sociale et économique de mère célibataire à petits revenus.

    Au delà de ces considérations purement matérialistes, il y a surtout le fait que je refuse de me limiter pour des raisons extérieures à ce que je sens et veux. Je tiens à vivre ma vie comme je l'entends, en pleine conscience, expérimentant, créant, partageant, apprenant et me fichant allègrement de ce que pensent les autres en particulier ceux qui ont besoin de se plier à des normes pour se sentir exister, accepter.

    Quand mon copain Leif en visite chez nous, du haut de ses trois ans parla de RUTETE en se baladant entre mes tas de bazar, j'en fus enchantée et pensai spontanément que j'allais être sa tata RUTETE. J'en ris de bon cœur, me dis à chaque évocation que vraiment, ce nom me va bien. Je me pencherai sur la sémantique norvégienne du champ lexical du désordre avec attention et curiosité, c'est certain, il n'empêche que j'aime être RUTETE.

    Petit congélateur débordant de victuailles pour notre bon plaisir et qui vient partager un repas chez nous, petite voiture utilisée avec parcimonie, en multi covoiturage et partance vers des aventures collaboratives, riches et passionnantes, appartement et dépendances débordant de livres, matières premières pour création en suspens, gestation, cours d'élaboration, … où je trouve toujours de la place pour ceux qui demandent à y dormir.

    Dans une autre vie, une femme adepte du vide façon magazine de décoration me répétait souvent: « Mais enfin, il faut jeter, se débarrasser! Impossible de s'en sortir avec toutes ces choses! ». Déjà, avec il faut, je n'entends plus rien, c'est mort, ensuite, je ne me reconnaissais pas du tout dans ce besoin qui n'était absolument pas le mien ( j'ai besoin de place aménagée, adaptée à mes activités, pas de jeter). Au bout d'un moment, lassée et agacée, j'ai lancé: « C'est sûr, si je me débarrasse de tous mes livres, de tout mon matériel de création, qu'à la place, je m'achète un canapé et une télévision, j'aurai de la place et de l'ordre.» Je ne suis pas certaine qu'elle ait compris, aveuglée qu'elle est de son souci obsessionnel du qu'en dira t-on et de ce qu'il FAUT faire. Basta! J'en ai fini avec ces gens- là et je m'éclate dans mon bazar entre un congélateur, une vieille voiture branlante, une cave, un garage, un appartement qui débordent... DE VIE!... d'une vie unique qui me ressemble … ce qui est loin d'être le cas de beaucoup ( oui, je suis vilaine).

    De toute façon, la vie est pleine de surprises: c'est ainsi aujourd'hui ( depuis de nombreuses années aussi) puis un jour, qui sait, j'aurai ces espaces aménagés, adaptés à mes activités et l'ordre rigoureux régnant dans mes tiroirs et armoires se généralisera à l'habitation toute entière!! Ce sera vraiment bien.


    votre commentaire
  • Subissez- vous aussi le mystère du congélateur? Cette question d'importance m'est récurrente, me poursuit depuis de nombreuses années. La taille du congélateur n'y change rien et à chaque épisode, le mystère reste entier voire s'épaissit. Maintenant que fiston est grand, nous en parlons régulièrement, je l'ai d'ailleurs souvent appelé à la rescousse débordée que j'étais par l'assaut périlleux des denrées s'écroulant sur moi. Il lui arrive pareillement de prendre le relais parce que j'en suis grandement contrariée voire énervée.

    « Mais quel est ce mystère du congélateur?», me direz- vous. Je ne tarde plus à vous en dévoiler les questions et non les réponses vu que ces dernières me restent inconnues.

    Le mystère du congélateur est ce constat illogique et quasi absurde: lorsque j'en prends un élément, donc que j'en vide une partie, je n'arrive plus à le fermer. Tout déborde, s'écroule, la porte refuse de se maintenir close et soit je me prends légumes, viandes, poissons ou glaces sur les bras, les pieds, soit la porte s'ouvre seule et déverse son contenu en grand fracas… ou les deux, ce qui en soit est particulièrement douloureux. Imaginez: le contenu se déverse, j'évite ou non le choc sur les bras, les pieds, la poitrine, je me baisse pour ramasser les premiers et le suivant finalement me tombe sur la tête. Me serait- il préférable d'avoir un congélateur- coffre? Au pire, la chute serait pour moi. Quand mon vieil appareil rendra l'âme, j'y réfléchirai à deux fois pour choisir le prochain modèle.

    En attendant et parce que mon appareil est de cette génération qui duuure, je maintiens la porte avec du gros ruban adhésif et je reste avec le mystère du congélateur qui déborde et ne ferme plus quand je le vide.


    votre commentaire
  • La réflexion autour du déplacement est présente chez moi depuis belle lurette, à vrai dire depuis l'enfance et j'ai ( eu) quelques idées devenues réalités ou en voie de le devenir, certaines remarques encore inaudibles par beaucoup. Avec la fragilité économique puis la maladie, le handicap, elle prit d'autres ampleurs et je pose régulièrement la question de manière très concrète d'une vie sans voiture.

    Les transports en commun dans le secteur sont pauvres. Depuis des années, je demande une station d'autopartage en vain. L'ambiance globale ne s'y prête guère, l'étalement urbain, les mouvements pendulaires et l'argent de la Suisse conduisent à l'omniprésence de la voiture associée de plus,  souvent à un signe extérieur de richesse. Les nouvelles constructions ont une partie garage/ stationnement aussi grande que la partie habitation ( voire plus ) entre la voiture de monsieur, la voiture de madame, les voitures des grands enfants, la voiture du dimanche et les autres véhicules à moteur. Aberrant. J'évoque à peine le concours de la plus grosse berline ou du 4X4 qu'il s'agit de ne surtout pas salir, le grignotage des terres agricoles pour construire des routes toujours plus grandes, plus larges afin de contourner les communes- dortoirs bourrées de véhicules diesel. Je mesure particulièrement l'absurdité de ces choix avec les années de paralysie et de mal- voyance pendant lesquels je vécus un enfermement abominable du fait de ne plus pouvoir me déplacer avec en prime, un SeN rechignant à me sortir ne serait-ce que de la maison. Dès que je vis à nouveau, je mis les voiles de ce village reculé et de cette vie sans perspective; depuis, je refuse d'habiter dans un lieu où la voiture est absolument indispensable aux tâches élémentaires du quotidien. Je m'installe donc au plus près de mon lieu de travail, des commerces, pharmacie, médecin, d'une gare et de bus au cas où ma voiture ou ma vue lâcherait... dans la mesure des possibilités offertes par les lieux ( trouver un logement accessible est très loin d'être facile, je le répète). D'emblée, pour les bricoles, je fais au maximum à pied trimbalant mon chariot à roulettes raccommodé de partout en cas de charges volumineuses, refusant catégoriquement la voiture pour la pharmacie, le médecin, la Poste, les services de proximité. Si j'ai à me déplacer plus loin, je rationalise: je ne me déplace pas avec un seul objectif, je cumule sans oublier que la moindre occasion de covoiturage est saisie.

    Il y a trois- quatre ans, le moteur de la pétrolette était à changer car des fuites d'huile n'offraient pas d'alternative. Aucun garagiste ne l'aurait fait, la voiture étant trop vieille, l'opération trop coûteuse. Une bonne âme se chargea d'en trouver un d'occasion et de me le changer pour une somme non négligeable, néanmoins supportable. Nous fûmes donc sans voiture pendant plusieurs mois. J'avais le taxi pour le travail ( pris en charge par l'employeur dans le cadre de l'aménagement du poste), le vélo ou les pieds pour le reste. Au pire, je prenais le train avec le vélo car les déplacements jusqu'à la gare et de la gare au lieu de rendez- vous posaient problème à mes jambes et vessie capricieuses; j'ai beaucoup covoituré également dès que possible. C'était d’un compliqué! Je virevoltai avec plus ou moins de réussite. La tentative de vol en septembre 2014 me renvoya à cette danse périlleuse complexifiée en raison de la fin du taxi. En effet, depuis juillet 2014, économie oblige, le Rectorat ne le prend plus en charge, j'ai donc à me débrouiller. J'envisageais naturellement le vélo. Cependant, la dernière tentative s'avéra malheureuse vu que je tombai de côté provoquant une onde de choc importante dans le corps et des blessures aux douleurs lancinantes. Avec mes soucis d'équilibre, chargée, ce n'est pas facile. Que dire alors quand je n'ai pas de force ou d'énergie? Qu'il pleut? Qu'il fait nuit? Cette chute freina mes intentions premières. Lorsque je voulus m'y réessayer, je constatais un pneu arrière dégonflé. Pleine de bonne volonté, je sortis la pompe et finis par tout ramener au garage, l'embout de la pompe ne correspondant pas à celui de la chambre à air. J'avoue, j'ai la flemme de m'y remettre. J'avais également regardé les solutions pour aller travailler à dix kilomètres sans voiture. Le vélo signifiait passer sur une route chargée, à travers bois tout en trimbalant du matériel dans les sacoches arrière, je laissai vite tomber. Je regardai les lignes de bus parcourant la région. Ils passent devant chez nous quotidiennement souvent vides. Deux demi- journées par semaine, cela me parut jouable… à condition de partir quarante- cinq minutes avant de commencer et d'attraper le premier tout de suite la tâche accomplie sinon, c'est attendre une bonne heure pour le suivant, sans aborder la question du matériel à trimballer à bout de bras. Je regardai aussi comment me rendre aux réunions mensuelles à la maison- mère: entre pieds, bus, trains, 4h45 sont nécessaires pour effectuer 40 km, aller simple. Je laissai tomber pour évaluer le retour. Les sorties, visites aux amis, famille et connaissances alentour ne furent pas abordées, c'était véritablement trop compliqué et contraignant. Renoncer à la voiture, c'est renoncer à tout un pan de vie sociale. Par chance, ma mère me prêta sa voiture le temps de récupérer la mienne.

    A partir de décembre 2014, mon emploi du temps changea, je n'ai plus à aller à dix kilomètres, désormais, je travaille dans la ville où j'habite. Avec la fatigue et la récupération de la voiture opérationnelle, je fis souvent les petits déplacements à moteur tout en me disant que c'était vraiment débile. Quand la force est là, j’y vais à pied et notamment quand la météo est clémente. C'est riche d'enseignement. Non seulement je fais les allées et retours d'une bonne marche ( si vessie ne s'en mêle pas) mais en plus, je ne suis pas entravée dans mes déplacements entre le bureau, les élèves et la photocopieuse, mes tâches d'enseignement. Je constate joyeusement les bienfaits d'avoir pris l’air, dérouillé le corps. S'y ajoutent le chant de la rivière, des oiseaux ou de la pluie sur mon super parapluie multicolore, les odeurs des arbres, des fleurs, la vue des jardins, les rencontres, la présence en solitaire aux mouvements du corps. En ces circonstances, je vis la grâce.

    J’ai la chance de pouvoir marcher, avec la paraplégie, ce serait pire: le logement soit- disant accessible ajouterait des difficultés aux tâches quotidiennes basiques, je pourrais à peine dépasser, avec de la chance et de l’aide le bout du chemin et même si j’avais un véhicule adapté, je n’arriverais pas seule à y accéder en raison des portes, du manque de place sur l’aire de stationnement. La ville, quant à elle est quasi impraticable entre une géographie en colline, des trottoirs aléatoires, une grosse circulation. Les bus sont inaccessibles, la gare assez loin pour épuiser des petits bras pas musclés en fauteuil basique avant d'être arrivée. J’en passe sur l’hypocrisie générale autour du handicap...

    Au delà des limitations physiques, il y a la problématique financière qui concerne encore plus de monde. Qu’en est- il de ceux qui ne peuvent passer le permis de conduire, posséder un véhicule et l’entretenir? Comment envisager le ravitaillement, l’accès à l’emploi, aux formations, à la vie sociale dans des zones devenues dortoirs où chacun s’enferme derrière ses murs, où les lieux de vie communs disparaissent, où les voisins ne se connaissent pas?

    Ma vieille pétrolette me laisse dans le plus grand flou concernant sa durée de vie et je n’ai pas assez de revenu pour en racheter une autre, qui plus est, au regard de ma situation, je n'ai pas accès au crédit ( je précise que je déteste l'idée de s'endetter pour une voiture car c’est un gouffre financier où tout n'est que perte et frais sans bénéfice en plus d'une aberration quant à son impact sur l'organisation globale de nos sociétés, de nos espaces). Titillée par ce fait, je me suis dit qu'il devait bien y avoir une possibilité quelque part, que des changements de mentalités sont en œuvre depuis quelques années alors, volontaire et confiante en l'humanité, j'ai benoîtement entré «voiture solidaire» sur un moteur de recherche. Apparurent les Autos du cœur. C'est une solution en cas de guimbarde envolée certes, elle ne m'est pas moins qu'un pansement temporaire dans un système global insensé, absurde, destructeur.

     

    La conclusion n'est guère glorieuse. Dans l'organisation globale actuelle, là où je suis, sans voiture, je me retrouve fortement entravée voire bloquée, exclue en raison de mes soucis de santé et de revenus. En l’écrivant, je pense à toutes ces personnes âgées, malades croisées dans le taxi- ambulance coincées dans un village reculé où il n’y a plus rien, avec une maison à entretenir, le premier médecin à des kilomètres, la gêne de demander de l’aide à une famille toujours très occupée. Ah ça oui, j’en ai entendu des histoires alors que nous avions des heures de route pour une demi- heure de rendez- vous à l'hôpital.

    Tout au bout de ces réflexions, le plus désolant à mes yeux est qu'alors que je suis invalide à plus de 80%, que j'ai des contraintes physiques notoires pour me déplacer, je me pose toutes ces questions véritablement, sérieusement quand tant d'autres n'ayant aucune limitation physique utilisent leur voiture pour des déplacement de rien sans y réfléchir aucunement. J'en reste coite, parfois sidérée.

    Quand je dis que je n'ai pas la télévision, beaucoup sont interpellés, étonnés, surpris. Quand je parle de cette foutue voiture insensée, beaucoup se rebiffent en criant que sans voiture, ils ne pourraient pas vivre vu qu'il n'y a pas d'autres solutions pour travailler, gérer sa vie quotidienne, faire les courses, participer à des activités, visiter, etc. Je les invite simplement à envisager la question sous un autre angle: oui, c'est vrai, dans un système global organisé autour de la voiture individuelle comme c'est le cas aujourd'hui, nous ne pouvons pas vivre sans voiture ou alors dans une telle difficulté que cela en devient effrayant mais si nous décidons d'organiser le système autrement, avec, par exemple, une économie plus locale, une organisation des services, des emplois, de l'administration, des relations différente, la voiture n'est plus nécessaire.

    Veulent- ils seulement mesurer l'impact de la voiture individuelle dans l'organisation globale de notre système? Pas quand cette démarche génère la peur de perdre.. ce qui est possédé, connu, habituel.

    Bêtement, l'existence des Autos du cœur me rassure tout comme ce réseau d'entraide que je côtoie depuis quelques années où ces réparateurs me sauvent régulièrement la mise ( sans eux, il y a longtemps que je n’aurais plus de voiture) et les changements petit à petit des comportements, des mentalités malgré ces zones où les circonstances aveuglent par excès d'argent ou de misère.

     

    La voiture est une impasse, le reflet d'une idéologie du profit immédiat aveugle et égoïste. Nourrissons d'autres espérances, la vie mérite tellement mieux.

     

    Automobile, la fin du rêve.

    Vivre sans voiture.


    votre commentaire
  • Souvent, je suis perdue, je ne comprends rien à ce qu'exprime mon corps. Là, depuis quelques semaines, c'est du grand n'importe quoi.

    Je remarquai d'abord que j'avais quelques difficultés à rentrer dans mes pantalons habituellement confortables, surprenant changement quand depuis des années, je m'y voyais flotter au point d'envisager la taille en dessous. Je me pesais: deux kilos de pris, rien de vraiment probant à priori.

    Cependant, au fur et à mesure des jours, je n'arrivais plus à fermer les ceintures de ces mêmes pantalons, uniquement en forçant. Mais que se passait-il donc? Je ne comprenais pas, je n'avais pas changé d'alimentation justifiant un élargissement conséquent ces dernières semaines, surtout pas avec ces deux petits kilos. Je me rassurai vaguement en constatant qu'après quelques heures, les textiles étirés, je me sentais à nouveau bien en dehors d'un léger serrement sur les hanches, la taille largement baillant, comme d'habitude ( je peux passer au moins deux mains entre mon ventre et la ceinture). Enthousiaste, j'observais que la partie supérieure de mon corps s'étoffait quant à mes yeux, la basse semblait immobile. « Chouette alors!, pensai- je, le corps se rééquilibre et quelques rondeurs en haut rendront la danse orientale plus gourmande» parce que franchement, la danse orientale par les maigres- minces, c'est de loin pas aussi joli que celle par les enrobées. J'y vis donc une vraie bonne nouvelle, le signe d'une amélioration de mon état de santé physique et mental.

    Dans le magazine Causette d'octobre 2014, pages 42 à 44, je lus un article sur la représentation des femmes dans la publicité au Mali et y découvris un encart de photographies de femmes aux postérieurs énormes. C'étaient des publicités vantant les mérites d'un produit permettant un volumineux arrondissement. Dire qu'en Europe, il n'est question que de le réduire. Je me surpris dans les jours suivants à observer les derrières des femmes croisées au hasard. Majoritairement, les Européennes n'ont pas de fesses rebondies, c'est encore plus flagrant chez les Asiatiques. En même temps, ma copine vénézuélienne noire de peau me racontait comment ses amis lui disaient qu'elle n'était pas une vraie noire vu qu'elle n'avait pas de derrière volumineux alors que ma sœur me dit que j'ai un vrai « cul de négresse», moi qui suis d'une blancheur de porcelaine.

    Après deux ou trois deux semaines, par je ne sais par quel mystère, survint une puce à l'oreille: essayer les derniers pantalons fabriqués maison en morphologie adaptée... Et là, catastrophe! Deux récents peu ou pas portés ne s'enfilaient plus aisément, se révélèrent impossible à fermer. «Tout ce travail pour rien! » me dis- je attristée. Je me précipitai sur la balance, pas de changement, rien que ces deux kilos stables. Je courus alors vers le mètre de couturière et pris quelques mesures. Arrivée au tour de hanches, je n'en crus pas mes yeux, j'explosai tous les records. C'était tellement énorme que je m'y repris à plusieurs reprises: dans la soirée, dans la nuit, au matin, toute la journée. J'étais incrédule d'autant que je continue malgré ce record à rentrer dans des pantalon taille 40 ( pas des slims ou des raides, d'accord mais les autres oui).

    Comment cela était- il arrivé? Le léger ralentissement d'activité des derniers mois pouvait- il justifier une telle explosion? Alors que mon alimentation n'a pas vraiment changé? Serait- ce lié à ce déséquilibre hormonal qui a déjà détraqué mon utérus provoquant anémie et manque de fer? Le corps exprimerait- il quelque chose de spécial façon Lise Bourbeau?

    Le lendemain, j'étais abattue et démoralisée, complètement tiraillée entre mes envies de rondeurs et ce postérieur élargi en disproportion du reste. A table, fiston saisit mon état. Le plus naturellement, il me fit une leçon sur l'absurdité de mon inquiétude, que je n'étais pas grosse, que c'était n'importe quoi de s'en faire pour ça, s’exclama que j'avais à être contente, que c'était le signe que ma santé allait mieux,.

    - Et de toute façon, tu as besoin de grossir un peu.

    Il me toucha de sa sincérité spontanée mais cela ne me rassura pas sur mon énorme tour de hanche

    - J'ai un gros cul…

    - Tu racontes vraiment n'importe quoi! Tu n'es pas grosse, tu n'as pas de gros cul.

    Au soir, je décidai de prendre quelques éléments en main dès le lendemain: éliminer les rares sucres rapides que je mange, contrôler les graisses et les sucres lents, augmenter protéines et légumes, s'atteler à cette foutue tâche consistant à diminuer ces largeurs tant appréciées en Afrique. Dans l'absurdité totale qui me sied tant quand je suis en mode moral- ras- les- chaussettes, je regardais les sites sur la chirurgie esthétique, les conseils de régime, d'activité physique, les crèmes, les plantes, les méthodes coûteuses d'amincissement sur cette zone, tous ces conseils à deux balles sur un phénomène naturel que seule une représentation chimérique de la femme dans nos sociétés qualifie de problème. Déprimant. Surtout qu'avec Devic, le sport n'est pas aisément accessible, l'alimentation un vrai casse -tête entre tous les conseils contradictoires lus, entendus, reçus de partout et nulle part. Galère. J'étais fatiguée d'avance de prendre la situation en main de manière drastique.

    Au deuxième jour, dans l'après- midi, je me décidai à dépasser cette foutue fatigue, ces faiblesses musculaires ressenties parfois au quotidien, surtout dans la danse; remonta également, logiquement, ce vieil espoir de retrouver la course. Je me mis à sautiller dans l'appartement, trottiner à la moindre occasion, constatant que j'en étais capable. Je m'interrogeai sur ce qui était accessible avec mes particularités (vessie capricieuse, repos soudain nécessaire, équilibre défaillant), le sport en extérieur se révélant problématique. J'optai donc pour la corde à sauter et les exercices façon zumba facilement accessibles sur la Toile… en plus de la danse orientale hebdomadaire et des marches à la moindre occasion. Le soir, fiston me surprit en plein exercice zumba- fitness, gesticulant dans le salon devant une vidéo en anglais où s'agitaient quatre ou cinq femmes athlétiques. « Non mais là, Maman ,faut que tu arrêtes ton délire!». Pourtant, une séance familiale de corde à sauter se programma avec ma sœur et ce même fiston réjoui de montrer les exercices appris auprès d’entraîneurs professionnels en boxe thaï venus au lycée qui avaient crevé tous les ado de la classe.

    Au troisième jour, je commençais à réguler mon alimentation pour envisager la perte non de kilos mais bien de centimètres sur ces rondeurs basses… car il y a longtemps que j'affirme: « Si j'avais eu à la poitrine ce que j'ai aux hanches, ma vie aurait été complètement différente.». Fiston m'interpella souvent: « Accepte- toi donc comme tu es! Celui qui ne t'accepte pas comme ça n'a vraiment rien compris à la vie. Et de toute façon, le corps change tout le temps de zéro à quatre – vingt- dix ans, c'est pareil pour tout le monde». J'avoue, j'étais fière de l’entendre parler ainsi, naturellement et sincèrement tout en en ayant rien à faire, restant avec mes sentiments ambivalents. Comme il y revint spontanément plus tard alors que je n'en disais rien, insistant sur l'absurdité de vouloir maigrir, « Tu veux devenir anorexique ou quoi?! », je lui demandai s'il était inquiet. « Ben oui! Tu n'es pas grosse, tu veux ressembler à quoi?! Tu vas te rendre malade, c'est tout». Bon, il était temps d'expliquer: « Je ne veux pas maigrir, je veux perdre des centimètres à un endroit précis. Je l'ai déjà fait il y a une dizaine d'années avec une diététicienne. J'avais perdu seulement trois ou quatre kilos et trois tailles de pantalons. Je veux rééquilibrer mon corps, tu comprends, pas maigrir. Ce serait bien si on ne voyait plus les os sur la poitrine, non? Ce sont quels muscles là d'ailleurs? Et comment les étoffer?» Il parut rassuré et plus tard, il revint me dire que c'étaient les pectoraux, me montra les exercices à faire parce qu'il y avait réfléchi, lui qui avait travaillé en Unss la musculation avec un vrai entraînement sportif sérieux. Je lui racontai que mes abdominaux se portaient bien, la danse orientale mobilisant largement ces muscles, que par contre, mes cuisses avaient encore bien à récupérer des fontes dues à la paralysie des longs mois de crise Devic, que mes fessiers étaient bien rebondis, vivaces, que faire des pompes, c'était impossible pour moi. ,« N'importe quoi!, rétorqua t-il. Comme me le disait le prof de sport, ce n'est pas impossible, c'est juste une question d'adaptation, de temps et d’entraînement, tu es parfaitement capable de le faire.» Et toc! Dire que je répète à l'envi ce genre de phrases à mes élèves… Charité bien ordonnée commence par soi- même.

    Plus tard, piquée par une autre mouche (fréquentes quand l'esprit chemine en sourdine et arrière- plan avec une foule de pensées et idées), je fis un test: sur un moteur de recherche, je rentrai « J'aime la culotte de cheval». Mise à part une petite intervention sur un forum d'une femme affirmant aimer ses rondeurs typiquement féminines, il n'y avait que des liens vers des sites à multiples conseils pour lutter contre ce « fléau», des kilomètres de témoignages tristes et désespérés de femmes en combat contre cette atroce difformité majoritairement indélogeable. Un échange notamment sur l'achat des jeans m'interpella, c'était un drame de s'habiller avec taille- jambes fines et hanches généreuses, une quête difficile, pénible que de trouver un pantalon mettable et confortable avec une telle morphologie.. Absurdité de cette production de masse sous prétexte de mode: ce n'est pas aux vêtements de s'adapter aux corps, non, ce sont les corps qui ont à se déformer pour entrer dans les vêtements… A quel prix?

    Dans ma caboche, se bousculent des images venues d'ici, d'ailleurs, d'aujourd'hui, d'autres temps. Le corps y a tellement de représentations. Les prétendus idéaux sont aussi variables que les âges et les espaces, tout me paraît si irrationnel. Surtout, me reviennent constamment à l'esprit les mots de ce chorégraphe allemand entendu dans un documentaire consacré à la danse passé sur Arte il y a quelques mois. Il y avait eu trois thèmes: le pied, la nudité et les corps différents. Ce chorégraphe était dans le dernier car bossu, petit, difforme. Il avait eu cette terrible remarque cinglante: « Finalement Hitler aura gagné sur ce plan: aujourd'hui, c'est son idéal de corps athlétique qui l'emporte.»

    Dans ce questionnement, me reviennent pareillement les cinq blessures d'âme énoncées par Lise Bourdeau. Notre morphologie serait révélatrice de l'une d'elles. Si une thérapeute m'a dit un jour que je les cumulais toutes, mon corps exprimerait clairement la blessure de trahison. L'explosion des hanches ces dernières semaines en seraient- elles l'expression? Ras le bol de ces paroles et discours répétés avec force et conviction quand dans la réalité, les actes et gestes sont aux antipodes? « Oui, oui, promis! Je te rembourserai ton argent! » disent des proches réclamant de l'aide financière parce que leur situation matérielle les met en danger régulièrement, « Promis! Je ne recommencerai plus! » jure tel autre après des actes me mettant en difficulté, «Nous sommes droits, honnêtes, ouverts d'esprit, tolérants» répétaient ceux- là concrètement xénophobes, sectaires, médisants, « J'ai foi en des valeurs chrétiennes» affirme un tel alors qu'il n'est pas foutu de s'occuper de ses parents âgés, encore moins d'autrui, ne se souciant que de lui- même, ce prétendu philosophe brassant mille et une grandes idées d'éternité, d'humanité, de création, de sagesse alors que son quotidien est une quête narcissique, qu'il est rempli d'un égo surdimensionné terrifié à l’idée de sa finitude, sa disparition, son oubli, et que dire des « Je t'aime» de celui qui devint violent, de celui qui se révéla maltraitant par incapacité à ne serait- ce qu'entendre mes besoins vitaux ou cet autre disparu à la première occasion après des paroles émerveillées? Si je me crois en bon chemin sur ces voies périlleuses grâce à la psychanalyse, la communication bienveillante, force est de constater que d'après Lise Bourbeau, mon corps, lui, est loin de s'y retrouver.

    Enfin, avec Devic et ces terribles épreuves qui furent les miennes, j'ai un rapport différent au corps. Je tâche de l'écouter, d'en prendre soin, de le respecter, même s'il reste pour moi une sorte d'animal sauvage inapprivoisable dont les réactions m'échappent complètement. Ce corps dont je parle, c'est celui qui vit, s'active, se détruit, se régénère, se construit en dehors de tout contrôle par la volonté, la pensée. Le rapport au corps morphologique reste quant à lui totalement ambivalent. Certes, je redresse mes dents grâce à la dentosophie, je m'habille joliment, je me coiffe, je travaille la grâce avec la danse, je tâche de lui trouver un équilibre mais je n'aime pas bien de mes apparences physiques… et la largeur de hanches disproportionnée est particulièrement sujette à ce désamour. J'ai beau réfléchir et trouver tous les arguments à la vacuité des représentations d'idéal physique, remarquer le goût de beaucoup pour ces rondeurs féminines, mesurer l'affection qui m'est portée pour ce que je suis, je traîne toujours et encore un reliquat de désamour de l'enfance qui s'est fixé sur et dans ma morphologie.

    Quoi qu'il en soit, le corps porte notre histoire. Déjà par le hasard de la génétique et des combinaisons de nos gênes au moment de notre conception, ensuite par les circonstances de sa prise en charge par la culture et l'éducation ( alimentation, activités physiques, culturelles, intellectuelles), le transfert de nos proches, le regard de la société dans laquelle nous évoluons, nos interactions avec autrui, les gestes et postures captés tout au long de la vie, nos maladies, accidents, efforts, paresses, faiblesses et forces, l'environnement, notre époque, …

    Si l'approche de Lise Bourbeau me laisse sceptique, il n'empêche que oui, indubitablement, le corps parle. Dans tellement de langues, que c'en est vraiment, vraiment compliqué.

    Et je ne comprends pas grand chose au mien bien qu'il me permette d'aller toujours plus loin vers ces mystères.

     Que faire alors?

    Vivre en harmonie avec ce qui est juste pour soi.

    Si j'ai envie de remettre mes pantalons d'avant, de rééquilibrer mes largeurs, j'envoie ce message à mon corps par la pensée, l'alimentation, l'activité physique et mets en œuvre ce qui me convient pour parvenir à la perte de ces centimètres embarrassants. Si j'ai envie de courir à nouveau, de danser sans peiner quand il s'agit de remonter du sol à l'aide des cuisses, je vais continuer mes activités voire les augmenter. Je fais également le choix des traitements médicamenteux, des thérapeutiques. S'appliquer une hygiène de vie, un régime, une activité physique n'a de sens que si cela est pris en conscience, avec clarté vis- à- vis de soi et non parce qu'il y a un sentiment d'obligation envers quelques autres personnes ou idéologies. De même, si les théories de Lise Bourbeau ont quelque pertinence, que ces hanches larges sont le signes de blessures de trahison, d'un désamour ancien, ou d'autres travers, j'agis sur ce qui est à ma portée aujourd'hui. En mettant de l'attention et de la bienveillance à mes actes, je baigne mon corps dans une énergie particulière. Il réagira et répondra, à moi de m'y adapter ensuite. Comme avec notre inconscient, nous n'en avons jamais fini avec notre corps. De zéro à quatre- vingt- dix ans ( voire plus), il change... et nous parle. Il ne se taira que quand il aura complètement rendu à l’univers ces atomes qui nous ont été prêtés pendant nos éphémères années de vie.

    Passés tous ces blablas, il me reste maintenant à voir ce que je vais faire sur la durée: résister aux tentations alimentaires, aux courbatures, à la paresse, aux jugements que je suis parfaitement capable de m'infliger ou que d'autres pourraient tout aussi facilement lâcher, accepter ou non l'évolution du corps, les messages qu'il me lancera, inévitablement. Cela promet.

     


    3 commentaires
  • Beaucoup de personnes dont la moelle épinière est blessée ont des problèmes urinaires. Ce système est tellement nervuré que la moindre atteinte peut engendrer des dégâts et des inconvénients variables selon les cas. En ce qui me concerne, ma moelle a été touchée à L5- S1, c'est- à- dire très bas au niveau du dos, entre les lombaires et le sacrum. Rapidement, en quelques semaines, j'ai eu des problèmes. Ma vessie est hyper sensible, hyper active, mes sphincters des coffres- forts refusant de s'ouvrir et se refermant très vite. J'ai eu des infections urinaires bébé à staphylocoques difficiles à déloger, j'étais pisseuse avant 2006, la situation s'est logiquement dégradée par ici puisque Devic amplifie nos fragilités. J'aborde d'ailleurs souvent le sujet, les écrits sur le blog à ce propos ne manquent pas, trouvera facilement qui voudra de plus amples informations.

    Je n’ai aucune prise, ma volonté n'y changera rien, cela relève du système neuro- végétatif. Je suis dans cette paradoxale situation où je sens que ma vessie est pleine, s'agite, crie à la vidange alors que mes sphincters refusent de s'ouvrir quand elle le demande ou lâchent inopinément, tout à coup parce que j'ai sauté, me suis énervée, ai marché, suis restée assise ou debout trop longtemps, pour rien. Mystère. Même les médecins n'y comprennent rien, c'est l’anarchie totale. Je peux tout au plus tâcher de vivre au mieux, être vigilante, rester actrice dans les décisions à prendre. J'ai ainsi privilégié l'homéopathie pour prévenir et soigner les infections, tenté quelques essais peu probants en médecines parallèles, tenu à faire entendre ma voix auprès des médecins. Dans les traitements, mêmes impondérables, j'adapte en m'écoutant et ainsi, des règles type cinq sondages par jour toutes les cinq heures prennent des virages au gré de mes libertés: je me sonde quand j'en ai besoin, en fonction des liquides avalés, de mon état, des signaux corporels, de mes besoins en sommeil ou vie sociale. Il n'est pas question de prendre des risques inconsidérés, je suis consciente de la nécessité de pratiquer ces auto sondages, de leurs bienfaits tant sur mon état physique que sur ma vie quotidienne et pourtant, depuis des années, je me pose très souvent de nombreuses questions dépassant largement ma personne, mes besoins essentiels.

     

    D'emblée, s'il n'y avait la Sécurité Sociale, la prise en charge à 100% avec l'ALD, le tiers payant, je ne pourrais pas en bénéficier. Déjà qu'avec leurs histoires de franchises, chaque acte ou traitement grossit la retenue qui, au final, se déduit d'un remboursement ou d'une pension. Quand les revenus sont riquiqui et les soutiens absents, ce n'est pas rien. Comme beaucoup, je renonce à des soins, malgré la dangerosité de la maladie, je l'ai déjà dit et pourtant, je m'interroge fréquemment sur l'injustice entre nous et les populations n'ayant pas accès à ce genre de traitements. N'ont- ils d'autres choix que de mourir après avoir souffert, s'être inquiétés et angoissés? Passé le pire des crises de 2006, je clamai souvent: « Sans la Sécu, je serais morte! Je serais née ailleurs ou même aux États- Unis, c'en était fini de moi! » ( affirmation en outre révélatrice de la confiance que j'avais dans mon entourage quant à leurs capacités à s'engager financièrement pour me sauver).

    Se pose ensuite la question de la production des sondes. Comment et avec quoi sont- elle fabriquées? Dans quelles conditions? Où? A sa suite, je suis régulièrement interpellée par la problématique des déchets. La vue de ces quantités énormes de plastique à usage unique voués à la poubelle me dérange. Je jette des sachets pleins chaque semaine entre les emballages et les sondes elles- mêmes, sans compter les transports, acheminements totalement inconnus. C'est aberrant parce que j'ai une maladie impitoyable, handicapante dont je ne suis pas responsable et je m'interroge sur le coût global de mon accès à la satisfaction de ce besoin vital d'éliminer. C'était logique, il y a longtemps que je suis outrée par la chasse d'eau à l'eau potable tirée tant et tant chaque jour par chacun d’entre nous, par le volumes des couches, protections à base de pétrole ( une couche pour bébé = un verre de pétrole.. et oui!) utilisées et jetées quotidiennement avec une dégradation coûteuse et polluante dans une quasi indifférence générale. Si j'ai trouvé des solutions alternatives pour les protections urinaires et féminines jetables, je suis totalement tributaire de ces produits médicaux et il ne me sied guère de ne pas avoir d'alternative.

    Depuis 2006, j'ai tenté à plusieurs reprises de faire sans les sondes. Quand je constate qu'après des mictions naturelles, il n'y a plus de résidu dans la vessie, je les évite, comptant sur une hypothétique récupération, une évolution heureuse de l'organisme. Néanmoins, ces sensations de mieux ne valent absolument rien: chaque bilan uro-dynamique est mauvais, répétant la même rengaine au fil des années. Je me fais alors gentiment remonter les bretelles par Solange, médecin de rééducation, superviseur de mon système urinaire: « Il faut absolument protéger les reins!!! ». Et zou! Me voilà renvoyée aux médicaments, injections de toxine botulique, auto- sondages et autres réjouissances.

     

    Après des années d'interrogation, questionnement, recherches et tentatives avortées, j'ai trouvé un éclairage- réponse il y a quelques mois. Il y avait des problèmes de livraison des sondes urinaires. La pharmacie se démenait, insistait pendant que le fournisseur se dépatouillait avec le laboratoire. Je ne connais pas les détails exacts, je sais seulement que tout était bloqué en raison de l'accident du livreur habituel et que la pharmacie était bien embêtée puisqu'elle ne pouvait me fournir les indispensables sondes en raison de l'absence de stocks. Prévoyante, je m'y étais prise assez tôt et je rassurai mon interlocutrice sur les délais. Néanmoins, au rythme où elles partent, je me retrouvai, en quelques jours, dans l'embarras. Après plusieurs passages infructueux en officine, je revins avec l'urgence d'un dénouement.

    - Bonjour, je voulais savoir si vous aviez eu finalement les sondes, demandai- je calmement.

    Mon interlocutrice réfléchit, les yeux rivés sur l'écran de l'ordinateur devant elle, préoccupée.

    - C'est que j'en ai besoin pour vivre, cela m'est nécessaire, ajoutai- je, inquiète de ce que le manque de sondes engendrerait.

    Heureusement, une partie des boites étaient arrivées et j'avais de quoi tenir une dizaine de jours jusqu'à la prochaine livraison. Nous étions soulagées et elle partit chercher en arrière boutique ce premier colis.

    En attendant, mes pensées défilèrent, perplexe que j'étais de ma phrase précédente: Suis- je donc si dépendante du bon vouloir d'autrui ou de si malheureuses circonstances? Ma vie tient- elle à si peu? Et s'il n'y avait la Sécu? Et si je n'avais pas les moyens de financer de tels soins? Suis- je donc si fragile et emprisonnée?… Bla bla bla que je laissais glisser sans m'y accrocher car ils ne feraient que nourrir des sentiments anxiogènes et toxiques totalement inutiles. Et bloom! Comme d'habitude, la réponse me vint, lumineuse: Non, la problématique ne pèse pas sur moi , elle se base sur une question de système global. S'il n'y avait pas de Sécu, peu de moyen face à des pathologies pareilles, il y aurait des humains quelque part pour inventer des sondes urinaires réutilisables, en matériaux durables afin que tout malade puisse en bénéficier. Là, aujourd'hui, parce que notre société est basée sur le profit, le choix est fait de produire des objets consommables par ceux qui en ont les moyens grâce à leur richesse et/ ou un système solidaire au bénéfice de ceux qui les vendent ce qui n'empêche nullement ces derniers de le faire avec le souci de soulager les malades, d'améliorer leur qualité de vie, etc. parce que c'est ce que leur permet ce système pour donner du sens à leur ouvrage ( en plus de gagner de l'argent, évidemment).

    Mon sachet me parut moins lourd au retour et depuis, je ne regarde plus ces produits du même œil. Désormais, au lieu de m'interroger sur ma responsabilité, ma fragilité, je réfléchis à ce qu'il se passe ailleurs, en d'autres lieux, d'autres temps. Comment faisaient nos ancêtres avant le plastique et le tout jetable? Comment fait- on dans les pays où ce type de produit est inenvisageable parce que trop cher, inaccessible? Non parce que je veux m'éviter l'angoisse ou la peur mais bien parce que je réfléchis à une alternative. Et pourquoi pas des sondes à usage multiple qui se désinfecteraient dans l'eau bouillante? Ou dans une espèce d'étui technologique où la sonde serait traitée afin d'être réutilisée sans risque? L'humain est capable de tant d'inventions, ce ne serait vraiment pas insurmontable que d'inventer de telles sondes pour en finir avec les injustices, les incertitudes, le coût environnemental et toutes ces questions qui me turlupinent. Il est fort possible également qu'un jour, des progrès médicaux permettront de guérir les blessés de la moelle ou au moins de trouver un moyen pour permettre au système nerveux de re-fonctionner normalement. Ce n'est après tout qu'une question de choix, d'orientation. En attendant, pour l'instant, je compare les différents modèles proposés, cherche le moins volumineux pour déjà réduire les déchets et quand j'ai à répondre à des enquêtes de laboratoires, je précise systématiquement que je souhaite des sondes moins polluantes, avec moins de déchets. Stratégie pour satisfaire mon besoin vital d'évacuation ET mes besoins d'accomplissement et d'autonomie. Tant qu'à faire.


    4 commentaires
  • Ah oui, pour sûr, elles font effet! Tellement effet que le soir de la publication du précédent article, je me suis couchée avec des muscles froissés à la jambe droite. Non mais, comme si après des mois de ralenti mode hibernation, je pouvais imaginer gesticuler toute la journée sans craindre un retour de bâton! Alors voilà, la fée-lée range, liquide des travaux en veille depuis des mois, nettoie, danse au moindre rythme un tant soit peu entraînant avec des réserves à peine remontées et se permet de dire qu'elle écoute son corps. Tu parles! Et bien fait pour le rappel à l'ordre! Donc, aujourd'hui, je me suis remise à la nonchalance: se légumer au soleil, manger du chocolat, boire des tisanes d'ortie, papoter avec mes amis et agir doucement selon les envies et sensations. Finalement, je suis bien fatiguée et pense filer au lit vite fait.

     

    Les mots sont du vent…

     

    Pour preuve supplémentaire, aujourd'hui, j'ai fait une heure et demi de repassage, me suis occupée du fiston, du chat, de ma sœur, des plantes de la terrasse, de la cuisine, du ménage, de participer à deux ou trois actions locales, de la fabrication de deux coussins + leurs housses décoratives pas- faciles- à- faire -sur- du- satin- glissant- avec- surpiqûres- et- autres- complications- que- je- ne- suis- pas- foutue- d'éviter- parce- que- j'aime- que- ce- soit- recherché- et- joli- et- surtout- pas- simple…

     

    Bonne nuit tout le monde! ( voyez l'heure de publication)

     


    votre commentaire