• Il était 5 heures du matin et je m'étonnai de ce réveil en pleine nuit alors que la vessie était calme. Étrange. La veille, j'étais tellement amorphe et j'avais éteint pour m'endormir une heure plus tôt que d'habitude, pourquoi donc ne pouvais- je faire la nuit complète? Il y eut d'abord une agitation interne, l'incapacité à rester tranquille, la tête assaillie de tourments vagues et flous, circonstances agaçantes quand je suis si fatiguée et avide de repos. Je finis par aller aux toilettes.

    Un malaise diffus me prit, comme une nausée avant étourdissement. «Vite, au lit avant que cela ne dégénère». Survint insidieusement la sensation que des mains invisibles enfonçaient leurs doigts derrière mes globes oculaires pour les sortir de leurs orbites. Aïe, aïe! Je n’aime pas du tout, cela me rappelle des douleurs de 2006 dont je ne veux plus. Ayant éternué quelque fois les jours précédents, je me mouchai songeant à un encombrement des sinus; si le nez gouttait un peu, cet effort ne provoqua rien qu'une douleur lancinante dans toute la tête. Olala, cela ne présage rien de bon. Bientôt j'eus la sensation d'avoir été battue de plusieurs coups de gourdins sur le crâne. Je me hâtai alors de prendre quelques granules contre des douleurs de sinusite vu que le tour des yeux me faisait mal. J'attendis quelques minutes le sommeil en vain. Mon état ne s'arrangea pas.

    Le chat râlait, je me souvins du vide de sa réserve à croquettes et ne trouvant pas le sommeil à 5h30, je me levai pour satisfaire le félin bruyant. Vaseuse, la tête embrouillée, le corps engourdi, je commençai à comprendre quand j'allumai la lumière. Cette dernière provoqua une douleur plus forte aux yeux, elle m'était insupportable et je me sentis vraiment très mal. Retour précipité au lit encore. Mon garçon se réveilla pour partir en classe, il était 6 heures. Aucunement étonné de mes allées et venues, il m'interrogea sur ma localisation et je lui répétai à trois reprises: « Je ne me sens vraiment pas bien, je crois que je fais une migraine».

    La lumière et le bruit me frappaient la tête, c'était de plus en plus évident et je ne tenais ni debout, ni couchée, ni assise. Vite, vite, je plongeai la main dans la réserve à granules afin d'y retrouver ceux qui m'avaient été prescrits il y a plusieurs années. Heureusement, je les gardai sous la main au cas où. Un regard dans mes notes renforça la posologie et je retournai au lit, mal en point à tourner pendant plusieurs minutes avant de trouver enfin une position biscornue qui ne me tourmentât pas trop. Doucement, la douleur s’atténua et je fus ravie de l'efficacité du traitement. Fiston partit, je dormis deux heures supplémantaires.

    Au réveil, j'étais rassurée, mes yeux ne s'arrachaient plus, ma tête ne battait plus. Je restais toutefois vaseuse, engourdie alors que le programme était chargé. Tant pis, je ferais avec.

    Cela faisait tant d'années que je n'en avais pas faite, je n'en gardais qu'un souvenir lointain. Je n'avais pourtant rien mangé de particulier la veille.. à moins que ce ne soit le beurre sur l'épi de maïs... ou une accumulation de petits trucs... je n'en sais rien. C'est un effet secondaire des traitements après tout, pourquoi irais- je chercher plus loin? De toute façon, je suis fatiguée depuis des semaines, la tristesse ne me quitte pas, je ne suis pas en bonne période. Peut- être ne pratiqué- je plus suffisamment et régulièrement de Qi gong ces temps- ci? Même ça, je le repousse ou n'y songe pas tant ma lassitude est grande.

    Cette après- midi là, j'avais rendez- vous avec le neurologue. J'y arrivai la mine marquée et m'en expliquai de mots et gestes désinvoltes. Je ne voulais pas évoquer la grande fatigue et la tristesse, d'autres nouvelles étaient bien plus positives à dire, je préférai leur donner toute la place car cette saleté de maladie est impitoyable pour de nombreux malades; mes sursis sont des dons du ciel que je savoure systématiquement.. surtout que je suis effrayée à l’idée de me dégrader et de revenir aux souffrances et douleurs de 2006. Et puis quoi? Me fourguer une cure de cortisone? Non merci. Mon corps parle, j'entrevois quelques raisons dans le flou des dernières semaines et je laisse de la place car, ce qui m'importe, c'est de vivre. Et ce qu'il y a à vivre, je vais le vivre.

     


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  •  Il y a des tonnes de trucs à raconter sur mes péripéties des derniers mois mais franchement, je n'en ai aucune envie. Je passe par ma phase cafard.

    Chaque journée est un cadeau, chacune de mes péripéties un émerveillement parce que je me suis sentie mourir en 2006 et que j'ai la volonté de vivre pleinement le temps qui m'est donné, j'y vais à fond bravant les événements sans crainte avec force, conviction et une énergie qui m'étonnent moi- même... et, de temps en temps, il y a le cafard. NOIR.

    Si je l'écoutais, je resterais au lit sous la couette comme un légume, sans manger, boire, ouvrir les volets et je pleurerais sans interruption jusqu'à ce que les glandes lacrymales n'en puissent plus. Je n'en ai plus rien à faire de qui que ce soit et je mesure l'insondable vide des sentiments de solitude, d'abandon, d'injustice, de fatalisme qui m'habitent. Parfois, j'ai envie de prendre une cuite si forte que je ne me souviendrais plus de rien, quitte à en vomir les tripes pendant deux jours. C'est con, je sais et rien de très original. Alors, je me force à sortir du lit, à manger, à m'habiller, à m'occuper, tel un zombie, m'obligeant à penser à ce que je fais sur l'instant. Dans cette envie de néant, je jalonne ces heures d'activités pour rester connectée au vivant: couper une planche, tricoter, broder, ranger, faire à manger, écouter et discuter avec ceux qui se présentent... encore que comme par hasard, dans ces moments- là, je croise peu de gens qui de toute façon ne se rendent compte de rien. Après tout, je n'ai pas besoin de parler, d'expliquer, j'ai seulement besoin de pleurer éventuellement d'être cajolée en silence ce qui n'est pas demandable à n'importe qui. Je ne le demande pas à mon fils déjà, c'est dire. Ce dernier ne remarque d'ailleurs ces états que quand je m'affale dans le canapé à jouer des heures aux jeux vidéos ou à regarder des films et que je ne dis rien de la journée hormis le minimum poli.

    L'enfance fracassée, les tourments d'années de souffrance, l'incompréhension face à la loterie de la vie, cette saleté de maladie, les rencontres dévastatrices, les fuites, les lâchetés, l'hypocrisie, les souffrances de l'entourage reviennent de plein fouet. Des milliers de pourquoi parfaitement inutiles et stériles puisque tout cela n'a aucun sens. Par écho, mes pensées sont envahies par les épreuves de ceux que j'aime et je suis écrasée pendant des heures. Épuisée. Anéantie.

    Il n'y a rien à faire si ce n'est laisser passer. Je donne de la place à cette profonde tristesse, ce désarroi, ce désespoir, je vis ce que j'ai à vivre.

    Lui succédera la phase de la colère et de la révolte où tout le monde en prend pour son grade. Puis je retournerai à ces jours bénis où je savoure le moment présent avec gratitude dans la joie et la bienveillance.

    Le temps nous est compté sur une durée que nous ignorons totalement. Ces phases rythment mon existence et parlent de la vie qui est en moi, du combat incessant de l’Éros et du Thanatos, de l'angoisse de mort qui nous habitent tous. Il n'y a rien là d'original ou de particulier, c'est un universel. Je l'accueille avec plus ou moins de réussite pour ce que c'est, une expérience de VIE... car il n'y a que dans la mort que nous ne ressentons plus rien.


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  • Les derniers jours sont emblématiques de ma façon de gérer l'énergie. Je m'en servirai donc comme base avec des digressions vu qu'en ces jours estivaux, tous les facteurs ne sont pas en place.

    D'emblée, il est évident que la qualité de ma nuit détermine la quantité d'énergie disponible pour la journée qui s'annonce. Les nuits complètes sont rares et précieuses, je m'en réveille enchantée, pleine de gratitude. Avec un seul lever, c'est en général bon sauf quand il est forcé par une fuite et qu'il y a à allumer les lumières, changer les draps, me laver et me changer. Je suis alors bien réveillée et il est moins évident de se rendormir ensuite. J'avoue qu'habituellement, j'émerge à peine, effectuant les gestes dans l'obscurité, voire les yeux fermés et il m'arrive de dormir à moitié. A partir de deux levers, cela se complique. Dans le brouillard, je ne réfléchis pas toujours et de toute façon, un sondage ne vient pas sauver mon sommeil systématiquement. Il y a aussi que je suis têtue et parfois, je ne résiste pas à des boissons chaudes ou froides en soirée; les soupes sont radicales si j'oublie ma vessie sensible notamment, surtout les bouillons ( qui se souvient de l'épisode pot- au feu?). Avec trois, quatre et plus levers, c'est rude de sortir du lit et de trouver des réserves pour la journée. Ainsi, il y a quelques jours, j'ai somnolé dans le salon après avoir préparé le repas de midi, j'étais épuisée d'une mauvaise nuit et non pas de mes menues activités du matin.

    Avant la maladie, j'aimais me lever tôt, je regorgeais d'énergie et m'activais en surfant sur cette vague, le réveil du monde me plaisait énormément. Avec la maladie et ses traitements, je mis des années à pouvoir me réveiller avant 10 heures d'abord puis ensuite avant 9h. Désormais, c'est totalement aléatoire et je tâche au maximum de prendre le temps de dérouiller le corps et de démarrer au mieux chaque jour. En outre, la vessie se vide au maximum le matin, je n'aime guère avoir à m'agiter à l'extérieur en ces heures. De plus, bien qu'ayant réduit les médicaments, il arrive fréquemment qu'ils m'assomment encore; avec une prise le soir, cela passe dans la nuit, au matin, c'est plus délicat. Autant dire que dans ces circonstances, j'ai besoin de tranquillité au long réveil.

    Les premières minutes du jour sont souvent une phase méditative, j'écoute et accueille les sensations, les pensées à moins qu'un besoin naturel urgent ne me presse aux toilettes. Les temps d'attente de prise de médicament, de granules ou de produits naturels rythment les heures et je profite de ces instants pour m'occuper de la vaisselle, du nettoyage, du rangement côté cuisine en écoutant la radio ou pas. Là, je sais que selon mes envies, je ne suis pas au mêmes vibrations: France Inter et l'agitation du monde, France Musique et le détachement, un disque choisi au gré de l'humeur ou le silence bénéfique sont révélateurs. Suit le petit- déjeuner tranquille puis j'écoute le corps pour décider de la suite. La turbine à mental fonctionne comme chez tout humain bien sûr avec les projets, les plans, les films sur ce qui arrive ailleurs, ce qui arrivera ici ou là- bas, le passé, l'avenir, d'autres silencieux dont j'ai le besoin d'avoir des nouvelles ou ceux qui m'ont parlé de leurs aventures sur lesquelles je m'interroge ou m'émeus. La différence avec autrefois est que désormais, je m'observe penser et ne m'identifie plus à ces tourments illusoires, ne m’importe que le présent. Quand vraiment, je n'arrive pas à me sortir de ce foutoir, et ce tout au long des heures de veille, je récite des « Je vous salue Marie» en mantra, hommage à ma chère sœur Thérèse ou celui lu chez Deepak Chopra, « Je laisse passer les griefs, je choisis les miracles». Il n'y a que lorsque j'y arrive en conscience, entièrement que je m’attelle à prendre une décision sur la tournure des événements.

    Ces derniers mois, mon garçon et moi avions un gros projet. Son armoire cassée avait été réparée à plusieurs reprises, elle en restait néanmoins un souci quotidien en raison de ses portes branlantes et de ses tiroirs difficiles à ouvrir et fermer. Je l'avais invité à réfléchir à une solution de replacement, de faire des propositions, je n'en eus pas d'échos; j'en proposais régulièrement sans suite et comme il ne se passait rien, je décidai arbitrairement qu'il prendrait l'armoire du salon où je range tout mon matériel à travaux, la récupération des planches en bon état sur l'armoire cassée permettant d'autres fabrication plus tard. Nous avions alors à vider et démonter l'armoire du salon, vider et démonter l'armoire de sa chambre, à déplacer des éléments plus ou moins lourds et encombrants, à couper, assembler et envisager la menuiserie de suite pour les aménagements intérieurs dans sa chambre et le bazar dans le salon.

    Plusieurs jours passèrent malgré mes demandes répétées. N'ayant pas une grande énergie après des vacances laborieuses chez mon amie Sandrine des Vosges, je remplis quelques parcelles d'une immense tapisserie d'Aubusson et visionnai des films; il s'avéra que chacun attendait sur l'autre. Désireuse de le faire avant la rentrée et ses courses folles, j'ouvris la danse en vidant l'armoire du salon organisant à minima son contenu déversé sur le sol pour une durée indéterminée. Je vidai la première moitié au soir, la seconde le lendemain. Au troisième jour, nous démontâmes l'armoire du salon ( j'avais commencé seule mais la chute des portes à grand fracas fit accourir le fiston soucieux de ma sécurité), au quatrième, celle de sa chambre. Dans la foulée, nous y remontâmes celle du salon. La pièce est toute petite, il était nécessaire de faire de la place au milieu du remue- ménage adolescent qui y régnait et de déplacer quelques éléments forcément lourds pour faire de la place. J'avais espéré le faire la veille, le salon étant vraiment très encombré:

    Repos et labeur.

     

    Seulement, mon garçon s'était endormi très tôt en fin d'après midi pour plus de douze heures et je n'étais pas en grande forme avec un malaise et des douleurs dans la jambe gauche qui m'inquiétèrent plusieurs heures. Reposée, j'en souffrais moins, je trouvai également une bosse, un hématome et constatai que j'avais mal en touchant et bougeant « J'espère que je me suis pris un coup.» dis- je spontanément ce qui fit rire mon garçon. J'aime mieux cette éventualité qu'une reprise de la maladie,excusez du peu. Au quatrième jour, j'installai dans la foulée la tringle pour lui servir de penderie, rangeai le linge déposé dans ma chambre. Au cinquième, je profitai d'un rendez- vous médical plus loin pour chercher des planches afin de réorganiser mes rangements. Au sixième, je pris plusieurs heures pour dévisser, démonter, déménager, percer ces aménagements intérieurs laissant régulièrement tout en plan parce que tout à coup, je sentais la fatigue. Ce qui prendrait deux heures sans m'écouter s'étale donc sur toute la journée voire deux avec à chaque pause l'étalage des outils et matériaux lâchés en pleine exécution. Et oui. Fiston s'était collé à son ordi dès le gros œuvre terminé, je n'insistai pas, nous avons chacun nos choix et responsabilités. Les cartons pour la cave attendirent leur tour, les planches destinées au garage en attente de réutilisation et le bazar de l’armoire vidée au salon de même encombrant le couloir, chaque tâche se fait en son temps, quand c'est le temps pour moi, pour lui, pour nous.

    Au milieu de ces efforts physiques cumulés aux tâches domestiques, je posai du repos, c'est- à- dire, chez moi, des activités assises avec priorité sur le remue- méninges ou l'agitation des doigts. Je calculai ainsi plusieurs devis d'armoires dressing pour ma chambre ( suite du coup de l'armoire en cours), passai des heures à corriger les liens sur feedesagrumes.ek.la, copier les commentaires et leurs réponses d'Over- blog sur Eklablog ( Quel labeur!), surfer sur la toile, répondre aux courriels, en envoyer, surveiller le budget, prendre des heures pour discuter au téléphone ou en vrai avec mes amies, voisins et rencontres inopinées, noter des idées de créations à venir car remuer mon matériel active la caboche, écrire ce texte.

    La position assise prolongée m'est pénible, le bas du dos et les jambes réclament du mouvement, alors, régulièrement, à l'impulsion engendrée par la musique écoutée, je me levai et dansai en ondulations, saccades, dans les bras, les cuisses, les hanches ou le ventre selon les cris du corps. Je pris le temps d'aller traîner dans la friche derrière chez nous afin de profiter de la verdure prochainement arrachée pour de futures constructions, avec notre chat, au soleil et à l'air. De temps en temps, je pratiquai du qi gong. Quoi qu'il en soit, au soir, je ne regarde pas ce qu'il reste à faire, je remercie la vie de tout ce que j'ai pu faire et vivre au cours du jour écoulé.

    Maintenant, tout est en chantier et je ne sais pas quand l'ordre reviendra, il y a tant à faire. Tant pis pour l'apparence, nous nous y retrouvons tous les deux, le chat également. Les activités essentielles sont facilement réalisables, fiston a de la place pour ses heures d'ordinateur, je peux danser dans le séjour alors franchement, nous sommes en situation largement gérable. En prenant le temps, en le sentant, je sais que je nous offre la possibilité de vivre le présent harmonieusement et justement. Lors des démontages et remontages par exemple, ce fut une belle expérience que de coopérer. Mon garçon est si fier de montrer combien il est fort et me charrie fréquemment sur mes petits bras pas musclés... tout en me qualifiant de monstre parce que je suis capable de ce que ne laisse pas paraître mon apparence et mes étiquettes ( mère célibataire, sans soutien familial, handicapée, malade, à faible revenu, et j'en passe). Quoi qu'il en dise, je crois qu'il est fier de moi. Mon amie Jacynthe connue d'avant la maladie me dit il y a peu: « Tu sais fée, j'oublie que tu es malade et handicapée parce que tu as tellement de cordes à ton arc que je ne peux fondamentalement pas de limiter à eux.». Elle m'a beaucoup émue cette petite phrase mine de rien. Pendant notre séjour chez elle, mon amie Sandrine s'étonnait de mon activité: je la fis danser, marcher au crépuscule dans le village, je l'aidai au linge, au ménage, à la cuisine, à l'ordinateur, lui donnai une leçon de couture par jour, « Une semaine à ce rythme, je vais mourir! » s'exclama t-elle hilare. Régulièrement, je m'allongeai les yeux fermés pour simplement me ressourcer quelques minutes puis je repartais. « Tu ne veux pas te reposer?» répétait- elle. J'y étais déjà, expliquant que d'habitude, j'en faisais bien plus. Après cinq jours, le dos me lancinait, j'avais été trop souvent et trop longtemps assise.

    Avec la rentrée, reviendront les activités professionnelle et sportives. Tout comme le déménagement des armoires, je gérerai mon énergie afin de répondre aux impératifs du quotidien, du corps et mes péripéties continueront à leur rythme, entre repos et labeur. Cependant, je suis lucide, dans les valeurs actuelles, je suis hors circuit. De nombreux postes de travail me sont inaccessibles par les cadences et obligations qu'ils imposent. Il y a déjà tant de maux au travail pour les valides en bonne santé. Où court donc cette société inhumaine? N'avons- nous pour horizon que le phagocytage?

    Écouter son corps, ses besoins de repos et de mouvement, c'est prendre le temps de vivre. Avec le choc de Devic, j'ai décidé de ne plus rien gâcher, la leçon a porté ses fruits. Quel dommage de passer par des épreuves pour accepter.


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  • Régulièrement, l'entourage s'étonne de mon activité, se soucie de ma fatigabilité, certains vont jusqu'à me gronder de tant de mouvements et de travaux. Mon fiston parfois s'écrie: « Maman, ralentis, je ne te suis plus! ». Il y a quelques semaines, mon chéri me grondait parce que je donnais des cours particuliers le dimanche après une semaine bien chargée. Ceux qui ne savent pas la maladie sont surpris quand tout à coup, je m'assois, demande à me reposer, à m'allonger en fermant les yeux quelques minutes ou que je décline un mouvement parce que ce n'est pas le moment pour moi... surtout s'ils ne me connaissent que par mes activités quotidiennes. Ces réactions m'ont permis de mettre de la clarté sur ce sujet.

    En ce qui me concerne, le jour de repos hebdomadaire après une semaine de labeur, des vacances régulières, trimestrielles ou annuelles sur une année sont totalement inefficaces parce que le temps est chevillé à mon corps, je le vis donc au présent. Je suis bien embêtée par les plans à longues échéances; ils m'obligent à l'exigence. Un rendez- vous pris à l'avance se prépare en conséquence avec mesure dans les activités précédentes, la prise de boisson, de médicaments. Je n'ai pas d'autres choix sinon les aléas ne tarderont pas à contrecarrer mes plans ou à y ajouter des contraintes supplémentaires. Dans un quotidien à impondérables réguliers, je fais de même notamment en ce qui concerne le travail, les courses ou les activités physiques. Quand je sais que les stagiaires m'attendent avec trois heures de cours à tenir ou des cours particuliers avec des jeunes récalcitrants, la tête ailleurs, inconscients des enjeux de leur problématique et des parents inquiets, je m'oblige à la même exigence.

    Chaque déplacement est une aventure en raison de mes tracas de vessie; il est nécessaire de réfléchir à une tenue appropriée et pratique, de prévoir les remèdes aux infections et accidents, de se soucier des solutions toilettes en situation périlleuse ( la ville étant de ce point de vue une catastrophe en raison de l'absence de lieux d'aisance libres d'accès et propres), de penser aux charges éventuelles à porter, aux efforts à fournir dans la danse ou les escaliers, les montées. C'est loin d'être facile d'autant qu'avant, je pouvais partir à la seconde au loin, en péripétie, sur un coup de tête. Je n'ai pas tant changé, j'ai néanmoins besoin désormais d'y réfléchir et de m'organiser efficacement, suffisamment à l'avance.

    Porter les bassines de linge, descendre le chat, chercher le courrier, passer l'aspirateur ou la serpillière, faire la vaisselle, préparer les repas, faire le ménage ou le repassage, aller chercher du pain à la boulangerie au coin de la rue ou les denrées des amaps en bas de chez moi ne sont que quelques unes des activités nécessitant de l'attention. Quoi de plus rageant que d'être en pleine rue, les bras pleins avec une vessie qui crie sa surdose et réclame son soulagement en urgence! ( souvenir d'une sortie au musée ici, par exemple). J'ai donc une approche différente du labeur, du repos, de la fatigue et de l'effort.

    A ceux qui s'étonnent de mon obstination à l'activité, je réponds désormais ceci: « Quand ça va, je m'active; quand ça ne va plus, je me repose puis, j'y retourne. ».

    Être au présent à l'écoute du corps, sa nécessaire connaissance impliquent d-e:

    • éviter les plans à longue échéance qui compliquent la vie en raison de leurs exigences logistiques ou d'accepter et faire accepter de les changer au dernier moment parce que la donne du corps a changé

    • renoncer à des activités ou sorties quand elles induisent une dépense d'énergie que je n'ai pas à cet instant ou qui puiseraient sur les réserves nécessaires à une autre impondérable ou plus importante

    • accepter d'être spectateur plutôt qu'acteur, comme lors des virées avec les copines de la danse que je regarde s'amuser et danser. J'aimerais en être si souvent, j'ai appris cependant à apprécier le spectacle de leur joie pendant que je reste assise à me reposer, à calmer des jambes incontrôlables ou une vessie chatouilleuse avec des toilettes difficiles d'accès

    • mesurer les efforts pour tenir sur la durée, au quotidien, lors des sorties ou emblématique, lors des cours de danse où je ne mets pas toute la conviction désirée par la prof dans les exercices ou répétitions

    • sentir l'énergie quand elle est là pour réaliser telle ou telle tâche, ralentir quand elle diminue et s'arrêter quand elle est à bout de souffle.

    Cela donne un rythme en alternance variable au gré des circonstances, des nuits, de l'impact des médicaments, de la météo, des températures, des petits tracas de santé ou de vie, de la saison, de la coopération ou non de l'entourage, de ma capacité à récupérer sur l'instant. Il existe tellement de raisons que je ne me fie plus qu'à mon ressenti au fil des jours, des heures, des minutes. Je sais pour l'avoir vécu que forcer a ses conséquences: vague infection longue à faire partir, coup de massue me clouant sur place, j'ai été jusqu'à l'évanouissement qui s'annonce ou éclair claquant subitement. Autant dire qu'il ne fait pas bon tirer sur la corde.

    Une petite voix intérieure me souffle que c'est loin d'être stupide vu que malgré toutes les entraves, je finis par en faire bien plus que certains valides, en pleine forme, avec tous leurs moyens.

    Dans un marché aux puces, j'ai trouvé, par hasard, un petit livre, Vivre le temps autrement, de Pierre Pradervand, édition Jouvence. Lu en une demi- journée, il m'a fait sourire tout du long: je suis déjà à ce qu'il relate. Lecture qui permet de faire le point sur une fin d'étape.

    Si le cœur vous en dit, penchez- y vous et peut- être que vous penserez à moi, avec le même sourire que celui qui m'a traversée.



    Désormais, il me reste à définir ce que repos signifie dans une vie de Carabosse, quand je serai reposée de ce texte, évidemment. A plus tard...


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    Je n'ai pas de mot maintenant, c'est tellement énorme. Regardez et vous comprendrez pourquoi.

    Mépris absolu de la vie.

     


     

     


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  • Il fut un temps, autrefois, où quiconque voulait s'éviter les piqûres de moustiques s'asseyait ou dormait à côté de moi. C'est que j'étais leur cible favorite et pendant des années, j'ai cherché à m'éviter ces bestioles provoquant des boutons dérangeants. C'était impressionnant de les voir se ruer sur moi, de compter les dégâts au matin. C'était surtout pénible. J'en étais devenue une adepte estivale permanente de la citronnelle. Arriva Devic et ses traitements lourds en intraveineuse puis en comprimé.

    Je ne remarquai rien les premières années, trop occupée à régler d'autres affaires et un jour, je vis mes compagnons de soirée se gratter, chasser les filles en quête de sang alors que je n'étais aucunement dérangée. Mon attention s'aiguisa et je constatai que j'étais tranquille, le matin, le soir, la nuit, au bord de l'eau. Rien depuis des années. Intuitivement, je me dis que c'était en raison des produits médicamenteux mélangés au sang, imprégnés dans l'organisme et je pensais que c'en était définitivement terminé de cette contrainte.

    Pourtant, il y a quelques semaines alors que nous devisions à l'extérieur autour d'un pique- nique en fin de soirée, ma main claqua sur la cheville et je sentis une bosse qui démangeait .. UN BOUTON! Un moustique m'avait piquée!!! «Bah, c'est un accident, celle- là a commis une erreur de parcours.» Que nenni mes amis ! Dans la même soirée et les jours suivants passés à l'extérieur se répéta le même scénario. Donc, cette fois, c'est officiel: les moustiques me repiquent systématiquement. Si je n'apprécie guère les démangeaisons et les monticules rouges sur ma peau, j'avoue y voir un signe encourageant.

    J’émets l'hypothèse que mon organisme s'est purgé des produits passés et s'auto- nettoie mieux de ceux que je continue de prendre. Mon sang est redevenu suffisamment intéressant pour les moustiques et j'y vois un bon signe.

    Est- ce un phénomène naturel ? Une capacité universelle ? Particulière ? Individuelle ? La conséquence d'un mode alimentaire et / ou de vie bénéfique ?

    Le mystère est entier. En tout cas, moi, je n'ai pas été aussi heureuse de me faire bouffer par les moustiques que ces jours- ci ! Et vive le retour de la citronnelle dans mes soirées d'été ! Hourra !


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  • Petite, lorsque nous jouions aux cow- boys et aux indiens, j’étais toujours chez et pour les Indiens. Quand je regardais les westerns, j'étais indignée de leurs représentations et plus tard, j'ai constamment affirmé mon mépris pour les États- unis fondés d'après moi sur un génocide. J'ai vu plusieurs fois l'exposition Mémoire d'Amériques, y ai pleuré à chaque passage et m'y suis fâchée aussi. J'ai eu la passion des autochtones sur tout le continent et si j'en avais eu les moyens matériels, j'aurais probablement fait mon mémoire de maîtrise autour d'eux. C'est dans ma nature de me préoccuper des minorités, des opprimés, voilà. Chaque culture, langue détruites est une perte pour toute l'humanité, j'en suis convaincue.

    Je n'ai jamais rencontré aucun Indien, hormis un sculpteur péruvien venu quelques heures pour se perfectionner en français. J'étais enchantée de voir ses travaux et de papoter avec lui ( qu’est- ce qu'il était beau en plus!). Si je suis frustrée de si peu, j'avoue que je ne saurais quoi dire ou faire si l'occasion se présentait de parler avec l'un d'eux de leur patrimoine, de leur histoire ou de me rendre sur un de leurs territoires, il y a tellement d'hurluberlus et d'illuminés façon new- age qui fantasment leurs traditions. J'aurais surtout envie, je crois, de me faire toute petite et de simplement écouter et regarder loin du folklore à touristes.

    Mon fiston étant de la même trempe se fâche aussi souvent de ce qui leur a été /est infligé. L'an dernier, comme nous discutions des États Unis avec une amie fascinée par ce pays, il exprima ouvertement son indignation. Elle lui répondit qu'ils avaient perdu, c'était comme ça et rien n'y faisait, le passé étant le passé. Aujourd'hui, ces mots encore résonnent en moi et m'interpellent, il y a là une affirmation qui me déplaît. Aussi, grâce à la merveilleuse Médiathèque, j'ai réservé quelques livres sur la cause des Indiens d'Amérique et par bonheur, ils sont arrivés pour les vacances. J'ai commencé par ce premier ouvrage, recueil de photographies en noir et blanc:

    Indiens d'Amérique, 35 années de lutte pour la souveraineté par Michelle Vignes, éditions Léo Scheer.


    « Alors que je n'étais qu'une jeune photoreporter récemment arrivée à San Francisco, un article paru dans un journal local attira mon attention. Il était dit que l'île d'Alcatraz avait été achetée il y a bien longtemps aux Indiens pour 24 dollars, et qu’aujourd’hui il la revendiquaient pour la même somme.

    Lorsque l'île fut occupée par un groupe d’activistes, sans hésitation, je décidai d’aller sur place. Ce qui se présentait comme un simple reportage est devenu le sujet de toute une vie. »

    Cette Française partagea leurs vies pendant de nombreuses années à travers tout le pays, s'immergea dans leurs cultures, les photographiant jour après jour. Ce livre montre la naissance et l'évolution de l'American Indian Movement. Bien loin des représentations de peuples écrasés et soumis, il en ressort une dignité et une force incroyables avec toutefois une profonde tristesse dans le regard.

    L'AIM est fondée en 1968 à cause de la violence dans les maisons de correction, les prisons, les taudis, du taux de chômage vertigineux, des brutalités policières, de la corruption gouvernementale dans le réserves indiennes et des politiques racistes pesant sur les droits des autochtones […], l'AIM s'est lancé dans l'action politique pour changer les conditions de vie des indigènes.

    Occupation de l’île d'Alcatraz en 1969, organisation de la « Piste des traités violés » soit plus de 2000 personnes marchant sur Washington en 1972 avec occupation du bureau des affaires indiennes, siège de 71 jours à Wounded Knee contre 300 agents du FBI, 90 policiers pour montrer que les guerres contre les Indiens n'étaient pas terminées, manifestations multiples et fréquentes, conférences internationales des traités depuis 1974 demandant leur représentation aux Nations Unies, longue marche en 1978 sur 6 mois, 4500 km en relai traversant les États- Unis afin d'attirer le public sur leurs problèmes, longue course en 1984 en l'honneur de Jim Thorpe, champion olympique indien de 1912, cérémonie de deuil le 12 octobre, commémoration de l'arrivée de Christophe Colomb, ouverture d'écoles, … Ces peuples se battent! Pour leur culture, leur langue, leurs traditions, pour survivre, espérant vivre et exister.

    C'est un combat permanent car le contexte ne leur est pas favorable. Les États- Unis ne respectent pas les traités qu'ils ont signés avec eux, les droits attribués aux autochtones sont bafoués, leurs manifestations, leurs doléances écrasées ou méprisées, les meneurs emprisonnés pour certains depuis des décennies. Les lieux sacrés ne sont pas protégés, les langues sont en danger, la culture s'étiole insidieusement d'autant que la délinquance, l'alcool, la drogue menacent les jeunes.

    J'ai appris notamment des éléments importants:

    • Pour avoir l'autorisation de gérer un casino, les Indiens perdent la souveraineté sur leur territoire qui revient alors à l’État. Oren Lyons, chef Onondaga y pressent la fin des Nations indiennes et appelle à la résistance en refusant cette voie d'accès à l'argent.

    • Les États- Unis interdisent aux Indiens de se présenter aux Jeux Olympiques en tant que Nation indienne.

    • La majorité de la population américaine soutient la cause des Indiens.

    Je ne suis certainement qu'au tout début de mon instruction, et le deuxième livre promet bien d'autres découvertes puisqu'il s'annonce plus engagé et revendicatif. Ce premier a le mérite de poser des jalons concrets à la connaissance de ce long combat et il me permet d'affirmer que les Indiens d'Amérique n'ont pas perdu, leur cause n'est pas désespérée, ils se battent encore et encore. Il importe de ne pas être indifférent, de s'informer, de porter l'écho de leur combat parce qu'ils représentent une partie de nous. Leurs ensorcellements du monde nourrissent celui des autres, leur lutte est légitime, elle nourrit notre humanité, elle nourrit nos combats. Pourrions- nous nous contenter d'un monde uniformisé? Certainement pas.




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  • Actuellement en mode Eurockéennes, je suis très très débordée et à tous les sens du terme vu que je traîne une infection urinaire logique au regard de l'état des toilettes sur le site (Je vous raconterai ces aventures plus tard parce qu'évidemment, j'ai très peu de temps aujourd'hui, je repars bientôt pour le troisième jour!). Je prends mes granules et teinture- mère constament mais chaque passage là- bas relance la machine à microbes, c'est un combat de haute lutte. Je tiens malgré le rythme du jour à vous raconter cette petite anecdote:

    Samedi, j'avais un cours particulier à donner en début d'après midi avant de filer à un spectacle avec mes copines de la danse orientale, le tout avec une vessie malmenée et infestée. Sur le trajet en voiture à l'aller, j'eus une envie pressante et ne tenant plus, je m'arrêtai sur un chemin de terre. Je me cachai derrière la voiture pour lâcher ce qui me gênait; ce n'était pas facile parce que la fatigue rend les sphincters plus capricieux et la vessie plus sensible, Quelques gouttes , un petit jet riquiqui daignèrent se montrer, je m’attelais à cette laborieuse tâche tout en veillant sur les alentours, les voitures et motos passantes étant très bruyantes. Je pensais que personne ne passerait là, je n'en avais pas pour longtemps, c'était tellement improbable.. et pourtant, Murphy ne m'a pas loupée!!! Alors que j'étais déculottée et accroupie les fesses à l'air, j'entendis le bruit d'une moto étrangement fort. Vite, vite, je me redressais ( du moins comme me le permettent mes jambes et mon équilibre) et remontai ma culotte rapidement, la robe se coinçant bien sûr au passage. Mon intuition ne m'avait pas trompée, un motard passa à côté de moi avec un léger signe de tête. Je n'étais pas gênée, c'est naturel et il avait eu la courtoisie de ralentir en pressentant la raison de l'arrêt d'une voiture en ces circonstances mais quand même, la probabilité que nous croisions là était infime.. et elle devint réalité. Murphy, tu veux bien me lâcher là?!

    Notez que cet arrêt fut tellement efficace que je me précipitai aux toilettes à peine arrivée. Au soir, je dansai avec la vessie en alerte et la fatigue des derniers jours. Dernière ligne droite aujourd'hui avec les Eurock, j'aurais du temps pour m'en remettre, heureusement, des vacances ( très chargées forcément) s'annonçant pour mercredi. Ouf!

    A bientôt avec un peu plus de calme... peut- être.


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  • Mes débuts en blog datent d'avril 2008. Pendant plusieurs mois, j'y déversai quasiment un article par jour, la source était intarissable touchant à des domaines très variés, avec une volonté d'ordre, de structure et surtout les besoins énormes d'être entendue, d'être en relation, de partager. J'y ai fait de belles rencontres dont certaines restent une réalité, j'ai essuyé des tempêtes, des colères. Depuis, ma vie qui le nourrit a grandement changé. Inévitablement, le blog, de par sa nature même, évolue également. Ne sachant décidément pas par quel bout prendre la suite ces temps-ci, je ferai aujourd'hui un panorama d'hier à aujourd'hui.

    La maladie reste le maître- mot, en elle- même, dans ce qu'elle induit de conséquences sur tous les plans de ma vie; toujours en pointillé, elle est là. Encore que... Qu'en est- il de ma personnalité, mon tempérament? De mon évolution intérieure? De l'âge qui se prend? Des expériences multiples dont sont bâties les vies humaines? La maladie a été un déclencheur, c'est ce que j'en fais avec ce que je suis qui importe avant tout. Je constate également que plus la vie prend de place, s'active, se meut, plus la maladie, les handicaps passent au second plan. Chaque aventure du quotidien garde sa saveur et son inestimable prix certes mais elles se multiplient tant que le rythme du récit ici ne suit plus. Une solution serait d'alléger la réflexion et l'exigence d'écriture pour échapper à la succession rapide des péripéties, cela ramènerait peut- être bien en prime plus de lecteurs; je ne m'y reconnais toutefois pas. Il ne s'agit pas de faire le récit d’événements, de cumuler des informations générales ou de nourrir l'égo. Je suis en chemin, je regarde le monde à travers mon ensorcellement, mon histoire, je m'interroge et réfléchis, je pose des questions, évoque mon parcours et ma réflexion pour témoigner, proposer une voie d'authenticité qui n'est possible que dans l'intériorité.

    Pourtant, avec le temps, j'ai constaté combien parler de soi dérange. Égocentrisme, narcissisme, vanité, suffisance, prosélytisme sont quelques uns des mots entendus. Nous n'apprenons pas malheureusement à rester chez soi; dès notre conception, nous sommes pris dans la valse des jugements envers nous- même et autrui, constamment nous sommes chez l'autre, à nous faire des films sur soi, sur lui, sur ce qui est arrivé, aurait pu arriver, arrivera, ce que nous avons pensé, ressenti et ce que nous penserons et ressentirons. Les TU qui tuent. Ajoutons- y les on, il- elle, ils- elles, les autres, les gens qui pareillement parlent de nos impuissances, notre sentiment d'être victime et non responsable, acteur, créateur. Parallèlement, logiquement puisque par réaction à ces sentiments, le JE est galvaudé, devenu l’étendard d'un égo tout puissant qui se révolte.

    Par mon ami Boris dans son dernier livre, Sauve- toi, la vie t'appelle, Odile Jacob, 2012, je sais que notre histoire et nos relations présentes modifient notre discours du passé et nos souvenirs, Jean- Claude Ameisen dans sa majestueuse émission Sur les épaules de Darwin, le samedi matin de 11h à midi sur France Inter montre régulièrement les incroyables capacités de notre cerveau à travers les plus récentes recherches, ce qui fait notre humanité dans sa complexité et son unité, comment notre mémoire se transforme au cours des ans. Notre permanence est une illusion, dans la passé, dans l'avenir. Nous n'existons pleinement qu'au présent. Alors, dîtes- moi, comment pourrais- je parler des autres quand je ne me penche pas sur ce qu'il se passe en moi, quand je ne sais pas ce que je vis ici et maintenant en moi?

    Rester chez soi, c'est parler de ce qui est vivant en soi ici et maintenant, c'est la prise de conscience de ses sentiments et besoins. Se relier à soi c'est se relier à l'autre, lui laisser la place. S'accepter, c'est accepter l'autre, belle leçon de la communication non violente qui me permet de dire ceci: quand je parle d'autrui, je parle de moi, quand je parle de moi, je parle de l'autre. Car oui, nous sommes tous reliés, notre humanité fondamentalement est identique depuis la nuit des temps et tant  que notre espèce vivra simplement parce que nous avons tous les mêmes sentiments, les mêmes besoins. La difficulté vient de ce que nous ne les avons pas en même temps alors, l'expérience de chacun est l'expérience de tous. Témoigner, parler de soi, c'est évoquer ce qui est en marche chez nous tous. Je pense en ces instants à Alexandre Jollien dont je termine doucement Le philosophe nu. C'est aussi le récit de sa propre intériorité, de ses propres ressentis et pensées. Il reste chez lui, s'accorde de la bienveillance quand l'égo l'emporte tout en y réfléchissant, en y méditant surtout. Peut- on le qualifier d'égocentrique, de vaniteux de prosélyte? En tout cas, j'aime à retrouver cette authenticité dans son livre et les entretiens qu'il donne.



    Ceci dit, la vie, ses événements de tout et rien, l'ensorcellement, la réflexion, la méditation que j'y mets se nourrissent mutuellement et nourrissent mon blog... qui lui- même nourrit les précédents. Ma vie aujourd'hui n'a plus rien à voir concrètement avec celle de 2008, ma situation a grandement évolué. Le choc de l'annonce de la maladie grave , chronique, incurable s'étiole dans les années qui passent, je vis désormais avec elle au quotidien; les handicaps, les limitations, les peurs, les colères sont familiers, je m'adapte parce que je sais qu'il n'y a aucune autre solution que celle d'écouter le corps, d'être au présent en œuvrant à la méditation de pleine conscience. Je prends moins de traitement grâce au sommeil où elle se trouve, j'ai grandement récupéré en marche, endurance, vue. Je conduis, je suis par monts et par vaux, j'ai repris le travail, je pratique le Qi Gong, la danse orientale. J'ai quitté la maison – prison et SeN qui mit d'ailleurs dans le blog la cause de notre rupture ( je l'y ai trahi, sali, lui et sa famille), mon entourage a été totalement renouvelé. Mon garçon traverse l'adolescence et après des années houleuses, douloureuses, il semble ces mois- ci trouver son équilibre, renouer avec la joie de vivre. J'ai rencontré un homme qui me donne des ailes, accélère certaines délivrances. Je sors, je m'amuse, je médite, je m'engage, je participe. Je suis pleinement vivante et en marche constante. Il est loin le temps où je passais des heures seule dans cette foutue maison, loin de tout, sans possibilité de sortir, au milieu des enjeux inconscients pourris, des guerres incessantes de territoires et de pouvoir, dépendante du bon vouloir d'un autre en rupture, en colère, tétanisé par ses peurs! Inévitablement, j'ai moins de temps pour écrire d'autant que les péripéties sont fréquentes à un rythme que l’écriture ne suit pas non parce que je m'en détache, m'en désintéresse ou parce que je n'ai rien à dire, partager, au contraire mais bien parce que mon quotidien explose de vie, d'expériences, de joie, de partage, de bienveillance. Il n'est pas question de clore ce blog, son ralenti de publication n'est pas sclérose ou endormissement, ses plages de silence sont révélatrices du temps que je passe à vivre ma vie et à en jouir. Je sais aussi qu'il est une porte ouverte pour ceux qui y passent dans des domaines qui leur appartiennent, je n'y suis que déclencheur de ce qu'il se passe, se joue en eux. Il est parfois aussi le seul témoignage sur la vie avec Devic. SeN m'a menacée à plusieurs reprises de poursuites pour ce blog, j'attendais des actes et non des paroles, il n'en a rien fait. De toute façon, je l'avais prévenu: « Si mes écrits peuvent éviter à UNE seule personne de vivre ce que j'ai vécu, je ne lâcherai rien, je continuerai quoi qu'il en soit.». C'était clair.

    Désormais, ne se posent que des questions d'hébergement du contenu, les visiteurs sont ce qu'ils sont autant dans leur présence que leur absence, leur intérêt ou leur désintérêt et je prends le temps d'écrire quand le moment est bon pour moi, en harmonie avec ce que je sens, je ne suis redevable envers personne et surtout, je ne suis plus dans ces besoins d'être entendue, en relation, de partage car la vie m'en fait cadeau au quotidien.



    Pour finir, en pirouette ( car j'ai la vie qui m'appelle), je vous invite à regarder cette vidéo, trouvée par hasard. Alexandre Jollien et mon ami Boris se sont croisés.



    Et permettez- moi d'insister sur l'émission de Jean- Claude Ameisen, Sur les épaules de Darwin, tous les samedis matins de 11h à 12h. Celle- ci en est emblématique et après m'avoir lue, rien que les premières minutes auront pour vous un écho particulier.


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  • Plusieurs jours, l'histoire de famille me préoccupa et j'en parlais largement avec quelques amis, mon chéri. Ils me soutinrent, m'éclairèrent, m'accompagnèrent, j'ouvris mes esgourdes, mes yeux en m'attachant à entendre ce qu'ils disaient, à voir ce qu'ils montraient. Je réalisai. Je mesurai. Petit à petit, grâce à eux, je posai des limites, commençai à dire non. Certes, j'ai encore largement donné, répondant à une urgence où je fus acculée, et pourtant, j'ai pris le temps d'y réfléchir, je suis sortie du huis clos en cherchant de l'aide ailleurs, je me suis penchée sur ce qu'il se passait en moi, j'ai pris la décision en harmonie avec mon interne malgré les pressions, les crises de larmes et de panique, les coups de colère, les jugements à l'emporte- pièce, le terrorisme des impuissants. Ainsi, j'ai donné non pour aider, colmater in extremis une situation jugée vitale mais parce que je ne pouvais, au regard de mes valeurs de solidarité et d'entraide laisser sans réponse cette non- demande d'aide ( puisqu'elle n'a pas été formulée explicitement, comme si c'était une évidence). Je n'ai pas complètement accédé pour sortir de cette foutue obligation que, parce que j'ai un peu plus, il est normal que je donne à des proches en grande difficulté et c'est nous respecter chacun que de ne pas tout prendre en charge et de laisser de la place à leurs ressources, leur responsabilité. Comme avec SeN, je redevins la méchante, l'abominable, lot de ceux qui refusent de continuer sans réfléchir les anciens fonctionnements. Je sais que quoiqu'il en soit, je m' attelle à une nouvelle strate dans le grand chambardement provoqué par Devic.

    Parallèlement, j'ai laissé de la place à leurs représentations, fait appel à leur propres ressources et pris conscience de l'aveuglement par l'argent, considéré comme seule alternative, seule solution; aucunement, le système défaillant, branlant, néfaste ou toxique n'est regardé, jugé et remis en question. J'en ai été attristée et sidérée car comment envisager des solutions quand il n'en a que pour et par l'argent? Il n'y a alors aucune alternative. C'est stérile, glacial, sans issue.

    J'en étais encore à ces travers familiaux quand je retrouvai une copine de la danse lors d'une sortie tissus pour les costumes de scène. Sous le coup du précédent épisode, je lui racontai ces circonstances et elle enchaîna sur son expérience avec un magnétiseur venu à domicile. Il lui avait parlé de programmes fixés sur certains objets de son intérieur: un ex ayant imprimé sa volonté de revenir chez elle l'empêchant ainsi de trouver une relation stable et durable avec un autre, les marques sur les murs de sa grande fille refusant de couper le cordon, le poids plus ou moins conscient des transferts de ses parents. En l'écoutant, quelque chose se mit en branle très profondément et une armoire me revint en pleine figure (et oui, encore une armoire en pleine figure). La jolie et solide armoire qui trône dans ma chambre depuis que j'ai quatorze ans se révélait tout à coup porteuse d'un programme, la fidélité à ma mère souffrante et désespérée, symbole de mon extrême préoccupation envers ses peurs de perdre, de manque, de non considération, son schéma de solitude interminable que je soulagerais chimériquement en partagent ce sort avec elle. Blam!

    J'avais choisie cette chambre avec elle il y a 26 ans, à mon goût, regrettant déjà à l'époque l'achat d'un lit une place et non deux qui me semblait plus approprié au cours de la vie. J'y avais renoncé parce que c'était trop cher, trop encombrant, bien des excuses pour ne pas laisser de place à une vie au- delà de l'adolescence, au- delà de la relation mère- fille. Je l'ai ensuite transportée à chaque déménagement car j'aime ses courbes, sa solidité, sa facilité à être démontée et remontée sans s’abîmer depuis des lustres et parce que ma mère n'a pas de place pour la garder. Pendant cinq ans, dans la chambre partagée avec SeN, elle fit face à sa propre chambre d'adolescent ramenée de chez ses parents ( alors qu'eux ont la place pour la stocker, que certains éléments sont abîmés voire cassés). Abominable miroir! L'un et l'autre, nous nous sommes reconnus dans cet autre chargé des mêmes travers de fidélité familiale.

    Au cours des seize dernières années, j'ai mis cette armoire en place d'honneur dans mes chambres successives, m'obstinant à y ranger mes affaires alors qu'elle déborde, parfois ne ferme plus sans forcer. Ce bazar commençait déjà à m'irriter quand je rencontrai mon chéri l'année dernière. Ses visites en traînant sa valise et ses sacs n'avaient pas de sens à mes yeux et je réfléchissais de plus en plus à lui trouver de la place. Survinrent l'incident de la chute de l'armoire, celle de l'aide d'urgence et l'éclairage sur ces programmes et ces fidélités. Il était temps d'en finir, de tourner la page et aussitôt ces évidences mises en conscience, plutôt que de m'attarder sur des explications et des remémorations incessantes, je décidai de trouver une armoire digne de moi, de nous, grande, spacieuse, permettant d'y ranger nos affaires. Si je peux sortir, après des mois de labeur et d'effort de l'argent pour aider un proche en difficulté, je peux très bien acheter une chambre d'adultes en couple. Zou!

    Dans les jours qui suivirent, je fouillai tous les catalogues de meubles, comparant les qualités, les prix, les possibilités de modularités ( avec ma manie de déménager constamment), je visitai des sites sur la toile et me rendis même dans une boutique luxueuse de la région pour regarder ce qu'ils proposent. Sans crainte, j'y convins d'un rendez- vous à domicile et une spécialiste vint dans ma chambre prendre les mesures; j'attends désormais son projet d'aménagement tout en continuant d'en discuter et de partager les modèles, modules, annonces, catalogues et sites avec mon chéri parce que c'est un projet COMMUN.

    Dorénavant, je suis soulagée. La petite armoire sera mise à l'abri en attendant d'avoir sa place, hors de ma chambre, accessoire, à côté. Je sais également que ma démarche est un processus salvateur tant pour moi que pour mes proches; en refusant de pérenniser des fonctionnements et des relations malsaines, j'enclenche une autre énergie, un autre fonctionnement qui leur sont bénéfiques car eux aussi souffrent de ces enfermements. Il n'est guère étonnant que ces dernières semaines, j'ai vendu, trié, jeté, déconstruit et reconstruit. La vie est naturellement en perpétuel renouvellement, nous autres humains, angoissés perdons tant de temps à vouloir la figer.

    J'arrive au bout d'un texte laborieux à écrire; il y a plus d'une semaine que je le travaille, le compose, le décompose, le construis, le déconstruis. Il y a tant d'autres aventures bien plus drôles à raconter et je bute sur ce sujet. Il me semblait cependant nécessaire de le rapporter car Devic est un choc engendrant des ondes se multipliant et résonnant à l'infini. Les prises de conscience s'étalent sur des années, c'est un long cheminement. Souvent , je me dis que j'aurais préféré avancer sans subir pareille épreuve, était- elle nécessaire? Ces souffrances ont- elles un sens? Pour Colette Portelance oui. Mon ami Boris parle du sens que nous donnons pour survivre aux traumas. Je n'ai pas de réponse.

    Bon, j'en finis enfin avec ce machin et retourne à un joli début d'angine. Car oui oui, comme après l'armoire sur la tête en avril, je refais un début d'angine après le coup sur la tête de ma propre armoire. Coïncidences? C'est quand même gros non? Nous n'en avons jamais fini avec notre inconscient me répétait la psychiatre. Je demande une trêve à ma caboche, j'ai besoin de repos.

    A bientôt pour plus de légèreté!


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