• En guise de conclusion, avant le prologue.

    De manière informelle et privée, nous nous retrouvons tous les premiers mardis du mois pour une réunion de Communication Non Violente. Vient qui veut, comme il est avec ses valises. Nous partageons, échangeons, questionnons, revisitons les événements sous l'angle de la cnv. C'est riche, émouvant, puissant, épuisant et ô combien bénéfique! Au premier mardi de janvier, nous nous retrouvâmes donc en comité de quatre. Je n'avais pas le sentiment d'avoir besoin de mettre sur le tapis les événements de ma fin d'année, j'avais l'impression que j'avais fait un grand chemin seule en laissant la place, en observant, tout au plus avais- je à informer mes camarades de ce qu'il s'était passé et de ce que j'en avais fait aussi, laissai- je la place à l'une de mes amies jusqu'à ce que son sujet soit éclairci. L'heure passant, je me dis que ce n'était pas la peine d'en rajouter en vrac parce que je me débrouillais seule et que je ne voulais pas charger la soirée outre mesure. Son sujet conclu, mon amie introduisit le mien annonçant que c'était du lourd et j'en souris. Je balayai l'air d'une main désinvolte puis entamai le récit: l'intervention chirurgicale et le retour mouvementé à la maison, le Noël avec ma mère, la visite de fiston chez les parents de SeN, le décès d'Anaïs, les absences et silences du réveillon... Je passai par des états divers et changeants selon ce que je racontai: le détachement vis- à- vis du passage à l'hôpital, l'exaspération au retour, le choc, abasourdie sur l'état de ma mère, la consternation à propos de la visite du fiston puis une déferlante de larmes au récit du décès d'Anaïs, la déception et la colère des silence et absence d'un lointain prétendu chéri. J’ignorais combien tout cela me pesait, ce qu’avaient été leurs impacts. Mes camarades et amies passèrent un long moment à m'écouter puis évoquèrent leurs émotions. Elles étaient touchées en plein cœur de l'attention que j'avais portée à ma mère prenant soin d'elle au sens entier, elles mesurèrent mes angoisses face à la maladie dont la réalité est impitoyable malgré toute l'énergie, la force et la volonté que je mets à vivre pleinement et surtout, l'une d'elle eut cette remarque: « Finalement, alors que tu sortais de l'hôpital, sous le coup de l'intervention et de l'anesthésie générale, tu avais un grand besoin de calme, d'attention, de soins et tu as passé ton temps à t'occuper des autres, à gérer leurs problèmes.» Et ben oui.

    C'est bien joli de vouloir vivre dignement malgré la situation sociale bancale, la maladie, ses conséquences et les handicaps; c'est bien joli de vouloir vivre en conscience de l'importance des sentiments, besoins et de la bienveillance. Seulement, ces choix ont une conséquence perverse: les autres ignorent ou oublient ce à quoi je suis confrontée au quotidien. Et comme les besoins de bienveillance en chacun sont énormes, beaucoup s'engouffrent dans la porte que je leur ouvre trop heureux d'être acceptés et écoutés. S'y ajoute la volonté de prendre soin de moi- même, de laisser de la place à mes sentiments, besoins, à chercher en moi les ressources pour aller au- delà des questions soulevées, à être responsable et autonome, j'en oublie que j'ai aussi besoin des autres, qu'il est bon de s'en remettre à autrui, de se soulager, de déléguer, de décharger. Si je n'oublie pas que la vie est courte, fragile, que tout peut basculer n'importe quand, n'importe où, que je suis gravement malade, que je suis handicapée, j'oublie que moi aussi, j'ai besoin de l'on prenne soin de moi, j'ai aussi besoin d'être bichonnée. La mort d’Anaïs a été une claque parce qu'elle me ramenait justement au poids de ce que je vis et cherche à anesthésier, c'est fort probable. Prendre soin des autres et oublier l'ampleur de ce à quoi j'aspire tout au fond.

    Dans ma bouche, j'ai de petites dents mal alignées, décalées dans une toute petite mâchoire étroite et resserrée. La dentosophie ne me dit pas autre chose que ce souci récurrent de place que je n'ose pas prendre. Cela peut paraître fou quand on me voit évoluer et pourtant, le corps, lui, ne ment pas et balaie toutes les stratégies que je mets en place pour aller au- delà de ce qui me dérange. La vie est juste, elle envoie ce dont nous avons besoin, il n'y a que nous pour être injustes, aveugles, obstinés ou fuyants.

    « Nous n'en avons jamais terminé avec nous- même» disait la psychiatre, pff! La vie est décidément une sacrée aventure intérieure.

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 23 Avril 2014 à 21:31

    Lors de mon premier séjour en centre de rééducation, mes soignants m'ont fait très justement remarquer qu'ils me trouvaient trop exigeante vis à vis de moi même. C'est quelque chose qui ne m'avait jamais effleuré l'esprit. Apprendre à reconnaitre sa fragilité, se permettre d'être faible parce qu'on est atteinte d'une maladie grave et qu'on est handicapée.... ce fut  une découverte.  Alors oui, il faut absolument apprendre à prendre soin de soi et non en permanence   soin des autres, se protéger, s'entourer de la douceur qu'on mérite à défaut de ne pouvoir compter sur celle des autres.  Je suis sure que notre corps nous en remerciera.

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