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Ça y est, le fiston a repris les cours, je peux enfin avoir quelques demi- journées paisibles et la semaine prochaine, il part en classe de neige cinq jours… DES VACANCES !! Youpi ! Je reprends le travail, je vais certainement m’occuper de mettre de l’ordre dans la maison et je ne doute absolument pas que je serai moins fatiguée que quand il est là et accapare mon énergie.
D’abord, merci pour vos attentions. Elles m’ont touchée et je les garde en mon cœur avec joie. Bien qu’ayant vu peu de monde, je ne souffre plus de solitude depuis que j’ai été si mal ; je sais que c’est un état d’esprit. Je vis habitée de ceux que je croise et qui me nourrissent l’âme. Soyez également rassurés quant à mon état : je vais bien. Dans ces moments agités, je suis seulement plus fatiguée et chaque plage calme est mise à profit en méditation, Qi Gong. Ainsi, les fêtes ont été réduites à un strict minimum : deux réveillons très sobres.
A Noël, j’ai offert le repas à ma mère et ma sœur, elles ont été également surprises d’avoir quelques cadeaux malgré les difficultés matérielles ; fiston a eu des chaussettes et un livre, ma mère un sac népalais, ma sœur deux rennes en peluche et un dvd. Que je les aie trouvés à la braderie de la Croix- Rouge et au marché pour quasi rien n’a vraiment aucune importance. Les trois bouteilles de gels douche bio que j’ai eues m’ont fait extrêmement plaisir parce que trouvées à mini prix dans un lot d’invendus, elles représentent néanmoins un effort important dans le budget rikiki de mon bienfaiteur. J’aime à penser d’ailleurs que ces Noëls à mini budget et grande simplicité sont les plus beaux que je passe ! Authentiques, à l’image de ce qu’est l’essence de cette fête, loin des hypocrisies et de la frénésie marchande des agapes et overdoses de bouffe et cadeaux. Mes grands- parents maternels, sœur Thérèse et tant d’autres sont très présents en ces instants, la salle est pleine de leurs cadeaux. Je vis une joie profonde et sereine.
A nouvel an, nous étions ma sœur, fiston et moi. Nous nous sommes fait une fondue chinoise agrémentée de quelques babioles avant et après. Jus de pomme pétillant à minuit en prime puisque nous buvons très peu ou pas d’alcool. C’était chouette.
Au cours des deux réveillons, l’occupation des heures avancées de la nuit a été la Wii que le garçon s’est acheté d’occasion avec des sous gagnés sur la toile. Même ma mère s’y est essayée à Noël, intriguée. Nous avons bien ri et j’ai pu me coucher à ma guise, pas trop tard quand le corps le demanda.
J’ai récupéré ma voiture. Les travaux ont été importants et je croise les doigts pour qu’elle tienne désormais longtemps, je ne supporterai pas de telles de dépenses à nouveau. Je continue de promouvoir l’auto partage à qui veut l’entendre, il n’y a pas de raison de laisser tomber. J’ai visité quelques unes de mes connaissances impossibles à rencontrer autrement joyeusement en gardant toutefois à l’esprit que l’usage de la voiture restera ponctuel et mesuré.
Il y a encore beaucoup à raconter mais je préfère reprendre le cours de mon récit à travers le temps et au gré des circonstances. Alors, à bientôt sur d’autres voi…
D’ici et par delà, que cette nouvelle année soit une succession de jours en célébration de la vie dans la joie et l’authenticité et pas seulement de temps en temps parce que le calendrier et les coutumes le rappellent.
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Parce que mon garçon est parti chez ma mère jusqu’à demain, j’ai suffisamment de répit pour coucher quelques mots.
Je traverse actuellement une période très pénible et je n’ai plus ni le temps, ni l’énergie d’écrire. Ma santé n’est pas perturbée par Devic en dehors des habituels handicaps et effets secondaires, je vous rassure. J’ai par contre à supporter des dépenses dangereuses à mon petit budget en raison de la voiture, de tracasseries administratives genre changement de date de virement et non versement d’aide due, des achats intempestifs (frauduleux) du fiston sur le net.
Ce dernier en l’occurrence m’en fait voir de toutes les couleurs et entre nos murs, se multiplient les hurlements, les injures, les cris, des colères monstrueuses. Jamais je ne me serai cru capable de tant de grossièreté langagière avec mon enfant tant je sors de mes gonds ! Il n’écoute rien, ni personne, n’en fait qu’à sa tête, il me place, par ses comportements, en difficulté épuisant mes ressources matérielles et physiques ; il a besoin d’une prise en charge plus importante que celle actuelle et elle dépasse mes forces. Hé quoi, oui, il n’y a pas plus égoïste qu’un dépressif d’autant qu’il n’est jamais responsable de rien et constamment victime des autres ! Là-dessus, s’ajoutent les gros soucis de ma mère et de ma sœur complètement fauchées et dépressives aussi. Je m’attèle à œuvrer au mieux afin de nous offrir un Noël correct, je me démène à colmater les dégâts, je tâche de gérer la situation au quotidien mais mon énergie n’est pas inépuisable et quand véritablement, je suis à bout, j’injurie mon garçon dépassant les limites de ma résistance physique jusque dans mon lit alors que j’ai besoin de dormir et qu’il fuit ses insomnies et nuits blanches.
C’est un marathon dont je ne vois pas le bout. Alors, vraiment, je ne peux en plus consacrer du temps à l’écriture d’articles. Avec la rentrée de janvier, peut- être que ce sera plus gérable vu que je reprendrai le travail et lui les cours (je vous passe l’épisode scolaire mouvementé)…
J’en profite pour vous souhaiter de belles fêtes de fin d’année.
Après la plus longue nuit de l’année, les jours s’allongent. Dans l’obscurité luit la lumière. Et l’espoir toujours m’étreint.
One day is now and not tomorrow.
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A la sixième perfusion de mitoxantrone, l’été 2007 s’annonçait. J’allais beaucoup mieux, j’étais guillerette, enthousiaste, il faisait beau, il y avait une lumière radieuse. Je vivais mes derniers séjours en hôpital. L’idée d’en finir ENFIN avec ces piqûres et autres aiguilles m’enchantait, j’étais ravie et prête à aller de l’avant. Cependant, l’idée de ne plus voir certains soignants me pesait et nos derniers échanges ne furent guère aisés d’autant que je ne pouvais les saluer tous avec les changements d’équipes. Sylvie, l’infirmière de nuit l’avait si bien exprimé : « Nous partageons parfois des grands moments avec certaines personnes et quand les soins s’arrêtent tout à coup, nous ne les voyons plus et ne savons plus rien d’eux.» Elle pensait précisément à une jeune femme dont la sclérose en plaques avait fait des siennes juste avant son mariage, les préparatifs s’étaient faits souvent depuis sa chambre sous perf avec les soignants.
La vie est ainsi, il est des rencontres fugaces qui comptent énormément alors que bien des relations quotidiennes restent creuses, vides sur de longues durées. Question d’authenticité. (D’ailleurs, j’étais d’un naturel à faire le tri avant la maladie, c’est devenu encore plus évident et rapide depuis ; je m’emmerde d’autant moins des superficialités sociales trop souvent hypocrites.)
J’étais alors autonome et ne croisais plus les soignants que lors de leur passage de vérification, de soin ou de repas que je ne pouvais opérer moi- même. De toute manière, je n’aime pas les au revoir aux accents d’adieu et usais de mes stratagèmes de compensation à la peine de les quitter. Je passais ainsi ces dernières heures joyeusement, plaisantant et taquinant à l’envi. En outre, j’avais emporté avec moi du matériel de peinture : tubes d’acryliques, pot et pinceaux afin de terminer un cadre en médium. Une aide- soignante s’étonna de ma capacité avec de tout petits pinceaux alors que ma vue était réduite à presque rien (1 à gauche et 3 à droite pour rappel), je m’en étonne aussi avec le recul.
Il est en couleurs printanières, vivant, vif et brillant ; lorsque mon regard se pose sur lui, je me souviens parfaitement de cette chambre d’hôpital, de la tablette où je m’étais installée, du désordre que j’y mis ; j’entends à nouveau l’exclamation de l’aide- soignante rameutant ses collègues afin de leur montrer mon travail, je revois les mouvements de leurs corps et surtout, cette lumière éclatante qui brillait, du dehors, du dedans. Une espèce de flash de mémoire. Suivent naturellement quelques souvenirs d’impressions, d’émotions en cette dernière séance, la mesure également diffuse des bouleversements opérés en moi en un an, l’ivresse d’une nouvelle page de mon existence à écrire.
A l’instant de sa création, ce cadre représentait à mes yeux la possibilité de construire une vie fondée sur d’autres schémas, un fol espoir m’étreignait, obstinément. Fiston avait brodé le motif avec mon aide, SeN avait fabriqué le cadre dans les chutes de ses constructions, je le peignais. C’était une œuvre commune, ma métaphore de famille. Les travers qui m’avaient éclaté à la figure avec les prises de conscience via la maison, les réactions, les réponses, les silences, les adaptations et non-adaptations à ces abominables douleurs et souffrances me paraissaient encore un terreau fertile en vue d’une reconstruction de notre vie. Malgré les questions, les doutes, les voiles qui tombaient, une part de moi continuait d’espérer.
Cette famille tant désirée ne se réalisa pas. J’ai compris depuis que la maladie a ouvert mes yeux sur l’abominable réalité d’une relation malsaine, stérile, et sans issue. Une impasse, un gâchis de vie intolérable pour qui s’est cru mourir. De fait, cette peinture changea complètement de symbolique. Elle est devenue métaphore d’un achèvement, d’un seuil, une fenêtre sur une page d’existence à écrire en conscience par- delà les ruines de mon parcours chaotique et initiatique, la métaphore d’une renaissance. J’avais lutté pour survivre, je voulais dorénavant passer aux étapes suivantes qu’Elodie avait soulignées : exister et être. En balayant le jeu radicalement, la maladie et ce qu’en j’en tirais changeaient complètement la donne, il en était fini des acceptations tacites à l’auto- destruction.
Qui peut se douter que ce petit rien porte tant de récit?
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Terme communément associé aux cancers, ce traitement est également utilisé contre d’autres maladies dont les scléroses. Au regard de l’évolution rapide et radicale de mon état, elle a été envisagée en trois mois. Après le protocole de mise en place du traitement, j’eus ma première perfusion en octobre 2006. Ont suivi huit mois de chimio en intra- veineuse que mon corps a encaissé laborieusement.
La première, Endoxan a été catastrophique. Je sentais le poison glisser en moi et la déconfiture généralisée qui s’en suivait m’anéantissait peu à peu. A la première perfusion, je ne tenais plus debout, à la seconde, plus assise. Devant mon état dégradé, Gilles m’envoya voir le professeur de Sèze qui préconisa la mitoxantrone.
Celle-ci fut radicale en janvier 2007. Rapidement, j’avais senti l’arrêt du désordre interne, l’agitation figée subitement engendrant un état oublié de calme physique. Mon pied bougea au bout de quelques semaines, je pus me remettre debout avec l’aide des kinés. En mars, je rentrais à la maison puisque capable d’effectuer mes transferts. En avril, nous plaisantions avec quelques amis sur la coïncidence : « Ce serait drôle que tu remarches pour Pâques » ce qui ne manqua pas d’arriver. En mai, j’utilisais deux béquilles, en juin, une seule, en juillet, je titubais vaillamment sans rien. Apre combat que j’abordais à bras le corps, mue par une pulsion de vie puissante nourrie de l’efficacité du traitement. Pourtant, ce fut loin d’être une partie de plaisir, les perfusions s’accumulaient frappant à chaque coup en bazooka comme l’exprima Gilles.
Deux mois environ furent nécessaires à la mise en place d’Endoxan ; du retour brutal d’août à la première perfusion, j’attendis patiemment avec les séances de rééducation en bonne compagnie. Pour la mitoxantrone, ce fut plus rapide entre le rendez- vous chez Jérôme de Sèze le 22 décembre et la première perfusion courant janvier. Il est vrai que mon état se dégradait presque de jour en jour et l’urgence était évidente afin d’éviter au maximum des séquelles irrémédiables et leurs handicaps consécutifs. Ce fut néanmoins un calvaire et la mort me sembla souvent libératrice sous le flot des douleurs et souffrances qui me submergeaient, mon horizon se limitant à atteindre le soir ou l’aube en ultime victoire.
Je ne connais pas les subtilités administratives de ces processus. J’ai entendu parler de demande spécifique d’autorisation avec explicitation de la prescription à justifier, j’ai subi les examens préparatoires où de nombreux points sont vérifiés afin d’éviter des prises de risques trop importantes, j’ai signé des autorisations et certificats justifiant ma connaissance des risques potentiels à recevoir ces traitements (leucémie, malformation cardiaque et autres réjouissances). C’est du lourd.
Avec la mitoxantrone, prise de sang et échographie cardiaque étaient obligatoires avant l’administration du produit. A l’obtention de l’accord, suivait la procédure, constante : préambule de cortisone avec son régime sans sel ni sucre (beaurkk et j’avais faim !), mitoxantrone bleue puis liquide de rinçage. Le traitement passait en un ou deux jours.
Sous ce récit anodin se cache une réalité plus conséquente dont j’ai déjà évoqué quelques aspects dans des articles précédents (voir l’historique du chapitre et la maladie de Devic…). Heureusement, le contact avec les infirmiers était plaisant, les chambres attribuées agréables majoritairement et je n’ai pas souffert de violences institutionnelles. Il reste qu’au cours de pires mois de la maladie, j’étais totalement dépendante du bon vouloir des personnes alentour et quelques concours de circonstances avaient l’amertume cruelle de mon impuissance à ne pas être tributaire d’autrui. Personnel surchargé, pressé et contrariétés diverses occultent régulièrement le soin et la préoccupation du patient. J’ai passé outre refusant d’entrer dans des conflits personnels alors qu’il s’agit de dysfonctionnements logistiques consécutifs à des choix budgétaires.
A la première perfusion, ayant expérimenté les inondations du lit consécutives au radical produit de rinçage malgré des protections géantes, je demandai une sonde permanente en neurologie. Solange n’appréciait pas, j’y gagnais toutefois un grand confort d’autant que les infirmières de ce service n’avaient pas connaissance de la consigne des cinq sondages journaliers. Dès que je pus me déplacer seule, je repris la course répétée aux toilettes où je déversais mes urines bleues. Ce n’était guère aisé tant que mon corps restait peu mobile parce qu’il était question d'impériosités, transferts, déshabillage, sondage et rhabillage ; heureusement, au fur et à mesure des progrès, je pus gérer cette contrariété de plus en plus facilement. Restaient que mon stock de sondes ne suffisait pas à ce rinçage, que les sempiternelles infections urinaires empoisonnaient mon quotidien avec son lot de fuites imprévisibles. Je chapardais régulièrement des alèses pour le lit, des protections dont j’emmenais quelques exemplaires à la maison où ces achats pesaient sur nos budgets, nos poubelles et nos relations. Si un jeune enfant apprend la propreté avec l’humidité de sa couche, je vous garantis que de baigner dans son urine que ce soit au lit, dans ses vêtements ou sur son fauteuil est une sensation plus que désagréable. D’abord chaude, elle glace le corps, en refroidissant. Rapidement, au contact de l’air, les odeurs deviennent obsédantes. L’achat des protections est coûteux, les poubelles en débordent, le sac de change volumineux puisqu’il importe de songer constamment aux protections, au matériel de nettoyage du corps et des vêtements de rechange. Rapidement d’ailleurs, je me suis penchée sur des alternatives en parallèle d’une volonté infaillible de retrouver mes capacités tâtonnant laborieusement avec les solutions médicales et mes propres expériences de rééducation de mes sphincters.
A partir de mars 2007, je supportais les allées-et-venues en ambulance. Une heure pour arriver, une heure pour rentrer, minimum. Parce que la mitoxantrone est une chimiothérapie, elle fait connaître lentement ses effets secondaires. Les nausées, le malaise général ne s’arrangeaient guère sur les routes vallonnées et sinueuses du retour. J’arrivais souvent anéantie, assommée et incapable de supporter l’ambiance électrique de la maison, les cris, les critiques, les reproches, les pleurs. Je me souviens par exemple d’une arrivée vaseuse. La coiffeuse était là pour nous arranger fiston et moi, je passai la première laborieusement et finalement accélérai la coupe afin de me coucher au plus vite, éreintée. Rien que la lumière me fatiguait.
Si je ne vomissais pas, ne supportais pas de diarrhée, j’avais, au fur et à mesure des perfusions, un mal au cœur sourd et permanent, diffus, sournois. Montaient les nausées et grandissait la faiblesse généralisée dans les jours suivants la perfusion. La fatigue était récurrente, surtout lorsque je n’avais pour seul horizon que les murs de la maison et la vue par la fenêtre. Je n’oublierai pas ce jour où ma voisine est venue me chercher pour marcher, prendre l’air ; elle était éberluée quand arrivée au premier croisement de notre rue, je demandai à m’asseoir, épuisée. J’avais marché tout au plus 50 mètres.
Mon sommeil n’était pas réparateur. En plus des levers habituels pour les toilettes, j’étais réveillée par de grosses gouttes de sueur perlant sur mon front, le haut de mon corps ou un frisson lié à l’eau inondant mes draps. Je transpirais des litres comme jamais. Trois, quatre, cinq, six fois par nuit, je me levais, me lavais, me changeais, changeais les draps. Entre lit et fauteuil.
Mon visage, quant à lui, se creusait. Ma peau pâle en devenait presque transparente, mes sourires se teintaient souvent d’une profonde lassitude. Au regard des photos de ces mois-là, je le constate simplement. J’avais pourtant le cœur plein d’entrain, une rage de vivre et de reprendre le cours d’une vie « normale ». Les sorties à l’hôpital, en rééducation, en ergothérapie étaient salvatrices et j’y pétillais joyeusement. Celle- ci, par exemple a été prise par Michel en Adelo : je lui avais fait la surprise de me lever du fauteuil et de marcher vers lui avec les béquilles. J’étais fière et nous étions heureux, ensemble.
Le vœu d’une épilation intégrale ne se réalisa pas et la mitoxantrone ne me fit pas devenir chauve. Par contre, ce fut au moins la moitié de ma chevelure qui tomba. Longs, plats et mornes, mes cheveux accentuaient ma triste mine et il y en avait partout, dans les moindres endroits, volant ou s’agglutinant dans quelque coin, rapidement. L’hécatombe.
Au fil des prises de sang et des perfusions, le corps finit par se rebiffer et mes veines crièrent leur ras- le-bol. Elles filaient, roulaient, refusaient de se laisser prendre. Souvent, plusieurs infirmiers s’y essayaient laborieusement. Tentative au creux du coude, sur le dos de la main, au poignet… J’en avais marre serrant les dents, les muscles se crispant malgré moi. Mon tempérament frileux n’y aidait pas et il m’arriva de m’asseoir devant le radiateur les bras posés au plus chaud afin de dilater des veines récalcitrantes. Il était préférable d’en plaisanter de toute façon.
Il y eut rapidement l’arrêt des règles. Si ce détail laisse supposer un gain de confort notable, j’appris grâce à Colette, homéopathe que ce phénomène permet aux femmes d’évacuer les tensions accumulées. Quand elles s’arrêtent, les tensions se logent ailleurs et dans mon cas, ce furent la nuque et le bas du dos. Une séance d’acupuncture me les fit ressentir lors de leur déblocage, clic clac, elles s’étiolèrent lentement, momentanément.
Heureusement, je bénéficiais des traitements d’accompagnement préconisés par Colette. Elle travaille en oncologie et connait les produits, leurs conséquences. Consciencieusement, je prenais mes granules, mes gouttes, mes herbes afin de diminuer les nausées, les conséquences sur le foie qui déguste en particulier, je soignais mes infections orl ainsi que mes récurrentes infections urinaires. Si les effets paraissent discutables à certains, je sentais que ce soin personnel avait sa raison d’être dans mon parcours, c’était ma part exclusive et libre, mon choix propre.
Je récupérais, c’était indéniable. Mon corps luttait, obstinément, je résistais, m’accrochais, insistais, recommençais et recommençais en cas d’échec, je déployais une résistance et une énergie phénoménales. Tous ceux qui me soignaient s’en étonnaient bien que ce fût normal à mes yeux. Courage, volonté, opiniâtreté, rage de vivre et de s’en sortir, naturellement, instinctivement. Tous, à ce que j’ai entendu, ne font pas le même choix.
Parallèlement au combat physique, je continuais la déferlante psychanalyse remuant les vieilleries et les systèmes malsains d’une vie fourvoyée en travers inconscients et autres détours auto destructeurs. J’entamais ces grands travaux à bras le corps et en cette période si lourde à encaisser physiquement et psychiquement, j’avais besoins de calme, de repos, de sérénité.
Malheureusement, l’ambiance chez nous était empoisonnée. Lentement, les possibilités de la maison éclataient à mon regard aveugle, peurs et angoisses prenaient le pouvoir, enclenchaient des batailles et des tranchées, des enjeux de pouvoir écœurants. Souvent, je me retrouvais entre les tirs de SeN et de fiston, les repas étaient un calvaire, mes tentatives maladroites de reconstruction sur d’autres modes relationnels restaient lettre morte et chacun s’enfermait dans son camp. Les silences lourds étaient entrecoupés de batailles à haut cris, gestes violents et brouhaha. Reproches, rancunes, pleurs, incompréhension… Je cherchais mon oxygène quotidien dans les sorties à l’hôpital entre perfusion, rééducation, ergothérapie et séances de psychanalyse, car en ces lieux existaient des liens authentiques et enrichissants, partagés.
Les perfusions cessèrent en juin 2007. Je remarchais maladroitement, j’étais plus autonome. Ces récupérations physiques me permettaient plus d’assurance et doucement, je décidai de reprendre en main ma vie par- delà la simple survie.
En juillet, une page se tourna avec la fin des séances de rééducation à l’hôpital, désormais, une autre s’ouvrait.
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Préambule.
J’avais acheté ma première voiture grâce à un mini héritage en 2002. En septembre 2005, une jeune femme emboutit tout l’arrière. J’attendais de repartir à un bouchon, elle arriva trop vite et glissa sur la chaussée mouillée. Ce concours de circonstances malheureux fut sans gravité puisqu’il ne s’agissait que de tôle, nous en fûmes néanmoins tous bons pour des séances d’ostéopathie et j’entrai sans le savoir dans un processus infernal. La voiture partit à la casse et je me retrouvai dépendante du bon vouloir de SeN quant à mes déplacements. A cette époque, je vivais dans ce petit village isolé, 12 km pour trouver une boulangerie ou un commerce. Je travaillais sur plusieurs sites distants de 13, 26 et 40 km, jonglant de l’un à l’autre souvent sur une même journée. N’ayant accès à aucun moyen commun et flexible, j’avais besoin d’une voiture.
Complètement ignorante dans ce domaine, je comptais sur lui pour trouver une bonne occasion. « Il est si exigeant sur ce point qu’il saura faire au mieux. » pensais-je. Nous nous débrouillâmes en gestion des déplacements. Pour le travail, il n’y eut pas de souci, il me prêtait sa voiture pendant qu’il prenait la deuxième de son père et ce système me convint à peu près (j’étais terrorisée à l’idée d’être jugée responsable d’une rayure ou saleté sur son cher bolide). J’étais persuadée que ce n’était que du provisoire, que je pouvais patienter quelques semaines, voire un ou deux mois en attendant. Il me proposa de temps en temps quelque voiture, plus ou moins contraint et sans enthousiasme, incapable de me dire ce qui valait la peine d’être acheté arguant que c’était à moi de choisir (comment puisque je n’y connais rien ?) d’autant qu’il est très méfiant.
Rapidement, mes loisirs et visites passèrent à la trappe, insidieusement. Si je voulais sortir, il me conduisait selon son bon vouloir autant dire que j’entamai l’enfermement dans cette baraque. Un étau se serrait, je me voyais foncer dans une voie sans issue. Impossible de mettre des mots en ce temps-là, c’était seulement de floues impressions désagréables auxquelles je n’arrivais pas à donner du sens, incrédule. Après quelques mois de cette ambiance, j’eus le sentiment de devenir folle. J’étais en prison, affreusement seule, démunie luttant en Don Quichotte. Vainement. En météo clémente, je pouvais évacuer mon mal-être à travers bois et champs à pied, à vélo mais je connaissais tous les sentiers alentour, c’était un errement perpétuel, sans découverte, morne. Un jour de pluie interminable, je n’y tins plus et me mis à courir autour de la table de la salle à manger pendant une demi- heure. Devant cette résistance inconnue, je commençai l’entraînement à la course de fond avec l’aide de mon amie Sandrine. Maigre échappatoire. Au chapitre voiture, s’ajoutèrent l’impasse de l’enfant mort- conçu, les enjeux de territoire, l’absence de projets, les querelles, les enfermements diffus. Je m’épuisais dans le travail, le sport en fuite devant ce qu’il m’était insupportable d’affronter.
Clio.
A la fin de l’hiver 2006, nous allâmes chez un revendeur dont il avait vu plusieurs annonces. A l’arrivée, je remarquai une Clio à mon goût, dernier modèle de l’ancienne génération avec toutes les options de l’époque et surtout confortable ! (Je ne supportais plus le tape- cul dur de son bolide). Il rechigna, critique, j’en avais tellement marre que je persistai. La rencontre avec le revendeur fut plaisante en ce qui me concerne, il avait l’air honnête. SeN, lui, restait constamment méfiant. Malgré son amertume, je l’achetai du haut de mes tout petits moyens. Après une semaine, elle fumait. Nouvelles salves de critiques en contrariété. Le vendeur la reprit et fit faire les réparations nécessaires sans demander un surcoût bien qu’elles fussent importantes, je ne m’étais pas trompée sur son compte. Je récupérai la voiture deux semaines plus tard. Quelque fût la météo, elle démarrait ; je n’avais aucun souci alignant les kilomètres en plus grande liberté. Pourtant, elle perdait de l’huile. Il pesta contre la nuisance dans le garage, je m’inquiétai de pollution et de dangerosité. Très vite, je le signalais au revendeur qui me donna les coordonnées du garage qui avait effectué ces travaux : « Allez- y, ils regarderont tout ça et feront le nécessaire, c’est sous garantie ». Naturellement, je demandai à SeN de m’y accompagner, c’était à 45km, la voiture y resterait plusieurs jours, j’avais besoin de quelqu’un pour me ramener. Pendant des semaines, il recula, évita, refusa sous mille et un prétextes, pestant contre cette voiture qu’il n’aimait pas. Je rongeais mon frein, ruminais ; nous arrivâmes au printemps, à avril 2006… et la maladie déboula en cataclysme. La garantie se perdit dans les limbes du temps.
Evidemment, je comprends que l’urgence n’était pas à la voiture au regard de notre situation et tant que la mort rôdait toute proche, je ne me souciais plus que de loin de ces fuites. Néanmoins, il s’avéra rapidement que les déplacements dans le bolide m’étaient insupportables. La moindre secousse, le moindre coup me torturaient, je vivais un calvaire dans cet engin malgré les coussin et couverture pour amortir. En outre, mes fuites urinaires étaient la peur absolue, je risquais de souiller les fauteuils. L’usage de la Clio devint une nécessité. Pendant trois ans, nous l’utilisâmes et pendant trois ans, elle continua de perdre son huile. D’abord paralysée, ensuite mal- voyante, je ne pouvais m’en charger et je sollicitai SeN incessamment afin de régler cette histoire. Il y eut peut- être un changement de joint, je ne sais pas vraiment, toujours est- il que quand je partis l’année dernière, la fuite persistait et dans mon esprit tordu et malveillant, je jugeais SeN responsable.
Par un concours de circonstances (le lâcher-prise !), je rencontrai un mécanicien réparant les voitures en solidarité à ceux auxquels il fait confiance. Je lui présentai la Clio. Etat général correct, quelques réparations d’usure à effectuer mais rien de grave… hormis cette abominable fuite dont il se chargea urgemment. SeN assura les frais à hauteur d’un devis qu’il avait demandé à un garagiste en son temps. J’étais soulagée.
Alors que je voulus changer disques et plaquettes de frein, la fuite était réapparue ; mon mécanicien préconisa de remplacer une pièce tordue et forcée puisque la précédente réparation s’avérait insuffisante. D’accord. Je revins vers SeN qui hurla au téléphone contre ma malveillance, mes relances insupportables et l’honnêteté douteuse de mon mécano. A sa demande, je fis faire un devis dans un garage agréé, ils en vinrent aux mêmes conclusions que mon mécano avec d’autres mentions plus sérieuses éventuelles à vérifier. La deuxième réparation fut opérée. Je troquai la main d’œuvre, il restait les pièces à payer. Ne me faisant guère d’illusion, j’envisageais de supporter la somme, enragée par un sentiment d’injustice.
Après trois jours, tous les voyants d’huile s’allumèrent, la voiture fuma et je rentrai péniblement en pleine nuit avec fiston la peur au ventre. Mon mécano constata que l’huile s’était perdue, le joint avait sauté, tout était à refaire. Il se chargea de venir remorquer le véhicule jusque chez lui afin d’y remettre le nez expliquant qu’il ne comprenait pas ce qu’il se passait, qu’il n’avait jamais vu ça, que cette voiture lui sortait par tous les trous… Un ami expert automobile à que je racontai le long parcours confirma les diagnostics et les choix consécutifs de mon mécano, un tuyau quelque part dans le moteur devait être bouché, provoquer une surchauffe et exploser le joint, les réparations en 2006 n’avaient certainement pas été suffisantes. Après ces diagnostics à plusieurs, l’idée de changer de voiture me fut proposée. « Je n’ai pas les moyens et je ne veux pas prendre un crédit qui me coûtera plus cher sous prétexte que j’ai une maladie chronique évolutive. » Mon mécano proposa de regarder pour une bonne occasion… ou de changer de moteur. Un copain d’une casse en qui il a confiance saura en trouver un, 300 euros valent mieux que 3 à 4000.
Je relatai l’aventure à SeN que j’estimai responsable de ne pas avoir réglé cette histoire alors que la voiture était sous garantie ; ce fut abominable . J’étais à la peur de me retrouver dans une situation matérielle dangereuse à cause d’une voiture, il était à celle de se faire gruger, voler, arnaquer. Finalement, il lâcha 80 euros à contre cœur et tourna les talons furieux. Je laissai tomber définitivement.
Refusant de mettre la pression à mon mécano honnête et bienveillant, je lui laissai champ libre : « Ne vous en faîtes pas, je me débrouille. ».
A la découverte de soi.
Et effectivement, fiston et moi nous débrouillons comme des chefs.
Mes tentatives à pied furent instructives. La distance parcourue de cette année fut la multiplication par deux de celle de l’an dernier. Bien sûr, je dus m’arrêter à mi parcours et appeler fiston à la rescousse pour le retour du panier plein mais j’étais ravie de constater mes progrès physiques. Sur ce, se renforça l’idée étrange que mes jambes allaient bien et que c’était le poids du corps sur elles qui me fatigue tant ; j’en vins donc au vélo. Mon garçon découvrit en râlant la joie d’être autonome avec le sien, je lui fis la preuve que nous avions beaucoup de possibilités. J’achetai des sacoches, fis faire les révisions et réparations nécessaires aux deux véhicules et en avant pour l’aventure ! Je fais les courses, les marchés, rends des visites, transporte des marchandises volumineuses, à vélo. Nous allons au Médiabus et à deux reprises déjà, j’ai effectué les 5.9km jusqu’à mon cours de danse à vélo (11 km sur la route et une heure de cours mouvementé, belle performance n’est- ce pas ?). Quand c’est possible, je pratique le covoiturage joyeusement ou prends le train. Je m’attèle pareillement et vaillamment à promouvoir l’autopartage ; sur un forum local, j’ai lancé et relancé l’idée. Or, il est apparemment plus aisé d’avoir des réponses sur le nombre de poissons pêchés le weekend que d’obtenir des réactions à ma proposition. Opiniâtre, je ne m’attarde pas à ces silences, Valie m’a d’ailleurs donné d’autres idées d’information que je compte bien mettre en œuvre.
Depuis, un moteur d’occasion a été trouvé pour 200 euros, la réparation est en cours ; en froide saison, la voiture viendra nous soulager et nous sommes heureux de pouvoir bientôt visiter nos amis plus éloignés. J’ai toutefois prévenu fiston, le vélo restera important dans nos déplacements quotidiens aux jours de météo clémente.
En conclusion.
Comme la maison aux multiples possibilités, la voiture a été le terrain d’un affrontement malsain, chacun y jetant son histoire intime et diffuse : incapacité à prendre des décisions, peurs de mal faire, de mal choisir, d’être trompé ou volé, manque de confiance en soi, fuites (et oui, ça ne s’invente pas), incapacité principalement à vivre le couple dans un projet partagé, commun en raison d’angoisses profondes, de répétition de relations du passé non réglées. Comme les articles sur la maison aux multiples possibilités, celui-ci peut me valoir hurlements et menaces. Tant pis. Celui qui choisit de se mettre en colère fait ce choix- là, cela lui appartient, il en a le droit. De mon côté, je continue ma réflexion sur ce qui nous tenaille et conditionne nos vies, malgré nous, à travers les éléments anodins du quotidien.
Contrairement à la maison, je n’ai pas eu besoin de me défaire de la voiture. Par manque de moyens financiers ? Prétexte écran parce que je pourrais mobiliser certaines sommes, je n’en ai cependant aucunement envie. Le règne de la voiture individuelle que l’on possède me dégoûte et je suis en quête d’alternatives. Il est notable de constater que grâce à cette mésaventures, j’ai pu rencontrer des êtres bienveillants et solidaires. A vivre dans la méfiance et la peur, nous nous enfermons et attirons inévitablement l’arnaque et le danger. En lâchant prise, en ayant une confiance sincère en la vie, j’ai ouvert les portes à d’autres univers.
Plus globalement, ces déconvenues électriques et mécaniques permettent de relativiser les notions d’essentiel et de nécessaire. L’an dernier, lorsque la chaudière était en panne pendant près d’une semaine, en plein froid, là, il était indispensable d’accéder à ce « confort » parce qu’il était indispensable et nécessaire de ne pas avoir à greloter dans un appartement à 10 degrés maximum en permanence, à ne pas se laver à l’eau glacée. Grille- pain, appareil à raclette, aspirateur ne sont pas indispensables, la voiture remplaçable avec une organisation différente du quotidien. Dans ces contrariétés, nous avons le choix entre la créativité, l’initiative, la confiance et la peur, l’angoisse de ne pas arriver à gagner assez d’argent pour pouvoir acheter telle ou telle chose, de manquer, de perdre, d’être exclu, rejeté, marginalisé.
Après tout, nos choix quotidiens sont les reflets de la société à laquelle nous adhérons, consciemment ou non, par accord tacite ou non. Leurs répercussions vont bien plus loin que ce que nous pouvons imaginer.
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Quand nous avons déménagé fiston et moi, j’ai pris ce qui m’appartenait, ce que j’y avais apporté, ce que j’avais payé de mes propres sous (je résume, bien qu’il y aurait de quoi en dire) et forcément, certains objets que nous utilisions là- bas ont disparu de notre environnement. Il en fut ainsi de l’appareil à raclette. Si je n’y attachais pas d’importance, mon garçon le réclamait souvent : « Maman, quand est- ce qu’on mange de la raclette ? J’en ai envie ! », bé oui, il aime le fromage. Pendant un temps, j’avais songé emprunter l’appareil à SeN ; vue l’évolution détestable de nos relations, j’ai laissé tomber ne voulant plus affaire avec lui. Devant la tristesse de mon garçon, je lui proposai une solution : « J’achète le fromage et tu me fais confiance pour le reste, d’accord ? Même si nous n’avons pas d’appareil à raclette ! » ; il acquiesça et aux jours froids de l’hiver dernier, quand les finances le permirent j’achetai joyeusement le fromage en pagaille. Cuisson habituelle des pommes de terre, épinards et chou-fleur (délicieux, et pas de grosse boule au ventre à la fin du repas), préparation de la table, il s’interrogeait sur mon procédé. Quand tout fut prêt, je sortis ma poêle à crêpes et allumai le feu de la gazinière. « Allez, c’est parti, choisis ton fromage ! ».
Enthousiaste, il entama la danse et se régala. A tour de rôle, je laissai fondre les tranches de fromages sur le feu, le grillai au gré des envies et servis sans peine puisque la table est à côté de la cuisinière, je n’avais qu’à me tourner sur ma chaise. Ainsi donc, sans encombre, nous avons mangé notre raclette pour la plus grande joie de mon fiston.
Les mois ont passé, les températures descendent,i l redemande la raclette. Dorénavant, ce sera avec un appareil. Grâce à des points de fidélité, j’en ai eu un en cadeau et il n’est plus question pour mon garçon de se préoccuper de cette logistique.
Il y a quelques semaines, après plus de 10 ans de bons et loyaux services, le grille- pain termina sa vie naturellement ; je n’avais pas envie d’en racheter un autre. Fiston, grand amateur de pain croustillant rouspéta de n’en plus pouvoir savourer ; « Comment ça ? Bien sûr que si ! Regarde »
(c'est la même poêle que j'avais utilisée pour la raclette, hihi)
L’effort est trop important apparemment et il en réclama un malgré ma démonstration. Sur la toile, je trouvai d’occasion un modèle permettant de mettre de gros morceaux et l’achetai. A priori, nous fûmes déçus car il n’y a pas d’arrêt automatique et le pain brûle en cas d’inattention. Pourtant, j’avoue ne pas regretter ce choix finalement parce qu’il oblige à être attentif, à être présent au geste, bon moyen de se recentrer, de méditer, concrètement. Nos têtes de rêveurs folâtres y gagnent à chaque morceau grillé.
Alors que je passai l’aspirateur, je remarquai une odeur de léger brûlé dont l’origine semblait venir de cet appareil. « Tiens donc, qu’est- ce encore là ? ». Depuis quelques temps, il ne fonctionnait plus que sporadiquement, capricieusement. Ce matin- là, je le branchai, quand il y eut une explosion, un éclair, les plombs sautèrent, la prise fut hors service et ma main toute noire (aucune blessure, uniquement de la coloration). L’aspirateur était mort… après huit ans. « Je ne le remplacerai pas. Les tapis se secouent facilement, sont lavables et j’ai un balai à poussière. Que ferai- je d’un aspirateur ? »
Lors de mon installation avec fiston dans notre premier appartement, je n’avais pas grand-chose, plusieurs années furent nécessaires pour m’équiper et me meubler. L’aspirateur passant loin derrière le frigo, les lits, la table, les chaises, le four, j’avais acheté un balai à poussière qui me satisfît complètement. L’aspirateur arriva au bout du compte parce qu’il me semblait naturel d’en posséder un… et je fus déçue : il n’était pas aussi efficace que le balai. Avec le temps, il fit son office. Comme je quittai la maison, j’emportai mon aspirateur et laissai le balai à Sen qui l’avait cassé (hors de question d’emmener du cassé avec moi). Je m’équipai d’un nouveau moins bien (dommage) et continuai mes tâches à l’accoutumée. Quand l’aspirateur rendit l’âme, je n’utilisai plus que le balai et paradoxe aux représentations habituelles, je trouve ma maison plus propre. Il passe là où l’aspirateur n’allait pas, il ne fait plus voler les poussières, il ne fait aucun bruit et n‘utilise aucune énergie hormis celle de mes bras. Que demander de plus ? Sur ces entrefaites, Valie me raconta qu’ils avaient un aspirateur pour moi, si j’en voulais. Offert de bon cœur, je le prendrai, il me servira quand j’aurai la flemme de secouer les tapis à la fenêtre, quand des résidus s’obstineront sur le sol ou entre les lattes de plancher et surtout parce qu’il vient de Valie et de son mari.
Dans la lignée de ces contrariétés électriques futiles, s’ajoutèrent les déconvenues mécaniques de voiture. Ce récit, à lui seul mérite un article, rendez- vous donc au prochain épisode pour la suite des pannes et lâchages.
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Dans cet article, j’évoquais mes bricolages en scie sauteuse du début de l’été. Il me restait quelques planches récupérées dans une poubelle bien des années auparavant avec lesquelles j’envisageais la fabrication d’un meuble sur mesure à coincer entre la cuisinière et la machine à laver. Mes dérivations sur la ligne droite en découpe n’avaient pas lieu d’être en pareil cas et je cherchais une solution. Je me suis ainsi retrouvée chez ma collègue dont le mari est un grand manuel : il pose des fenêtres, vérandas, il rénove des maisons, (admirable). Il avait accepté de s’en occuper et je lui avais laissé ma fiche avec les mesures, le schéma de ce que je voulais faire. Une intuition me porta à croire qu’il me préparait un truc… et je ne me suis pas trompée.
Alors que je venais tout juste de ramasser le jus de groseille explosé dans la cuisine, mon portable sonna. C’était lui, il voulait me ramener mes planches et demandait où j’étais exactement. Couverte d’éclaboussures de jus de la tête aux pieds, le tablier maculé d’énormes flaques, les chaussettes écrues devenues à pois, les mains toutes roses, je lui fis des signes à la fenêtre pour qu’il me trouvât. Des voisins s’étonnèrent de son énorme véhicule (un humer ?) et je me précipitai vers lui dans le but de l’aider. Avec ma dégaine barbouillée, je plaisantai en évoquant une attaque de groseilles. Quand il ouvrit la porte de son coffre, je vis un gros machin emballé dans du papier bulle :
- Qu’est- ce que vous avez fait ? J’avais simplement demandé un découpage des planches, demandai-je malicieuse.
- Et ben, vous verrez à l’intérieur, répondit- il malicieux.
Sourire en coin, je lui ouvris les portes alors qu’il portait sur son épaule un grand parallèpipède en bulle. Hum.
Arrivés dans la cuisine, il ouvrit son emballage et je découvris… UN MEUBLE !!! Plateau en bois massif, côtés en mélaminé impec blanc, étagères en contreplaqué, cache-vis, pieds, tout, TOUT ! Béatitude sur mon visage et mille pensées diffuses en vrac dans la caboche, lui, très débonnaire.
- Mais où sont mes planches ?
- Oh, j’ai trouvé mieux.
- Qu’est- ce que vous en avez fait alors ?
- Je les ai jetées
- M’enfin, j’avais seulement demandé la découpe, vous n’étiez pas obligé de TOUT me faire. Comme si vous n’aviez pas assez de travail. J’aurai été ravie d’un meuble tordu patchwork bricolé moi- même et là, vous m’avez vraiment gâtée. Blabla … ben… merci, merci beaucoup. Bla bla. Quelle chance a votre femme d’avoir un mari comme vous ! Je comprends pourquoi votre fille est si débrouillarde. En même temps, je m’attendais à un truc, j’ai bien senti que vous étiez du genre à vous en charger. Vous pouvez être fier de vous. Blabla.
Pour sûr, j’en ai débité des trucs, très contente et empêtrée avec mes remerciements à la noix. En fait, j’étais très émue et touchée, je ne trouvais simplement pas mes mots - c’est con, j’aurai peut- être mieux fait de me taire . Lui ne disait pas grand-chose, il ne se souciait que de savoir si son travail était bon et ajusté, si mes mesures étaient bonnes sur le plan (et elles l’étaient héhé) ; il fut surpris et ravi quand je lui tendis une bouteille de Bordeaux : « Vous la boirez avec votre femme pour moi… ou alors nous la boirons ensemble à l’occasion. ». Il m’écouta patiemment puis nous convînmes que c’était suffisant, il était temps pour lui de retourner au boulot.
Le voici donc, ce fameux meuble :
J’ai traité les bois bruts avec de l’huile de lin, bêtement ; pour une cuisine, c’est bien d’autant que je n’avais plus de vernis correct et aucunement l’envie d’aller en chercher un nouveau pot (ce que j’ai fini par faire plusieurs semaines après pour autre chose, scroumpf !). Il a rapidement trouvé sa place et je l’ai rempli de mon bazar habituel, évidemment.
Sa vue me ramène souvent à cette péripétie. Dans ma tête, il y a ma collègue, son mari, notre belle soirée partagée ; je pense à Elodie, Annie, depuis peu à la femme des steppes.
Recevoir est aussi important que donner, cet équilibre naturel et l’abondance évidente.
Etonnamment, depuis que j’ai ouvert les yeux dans l’aveuglement physique, mon quotidien est jalonné de ces rencontres ( je vous en raconterai d’autres oui, oui !). Plus je lâche prise, plus je médite sur la peur de manquer et de perdre, plus je reçois. C’est fou dans notre société hyper angoissée par l’égoïsme et la peur, donc logiquement par la sécurité ; c’est bon, c’est joyeux et ma vie pétille de lumières étincelantes. Pour rien au monde je ne reviendrai aux aveuglements du passé.
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Comme je l’expliquais dans l’article Post restos, j’ai décidé d’en finir avec l’angoisse diffuse du manque. Pour ce faire, je vide les fonds de placards et les tiroirs du congélateur. Ainsi, j’ai retrouvé plusieurs sachets de groseilles cueillies il y a un an ou deux chez d’anciens voisins. Je récupère souvent des trucs à gauche à droite ; quand je ne sais pas quoi en faire de suite, je les conserve en attendant l’idée et là, en l’occurrence, pour ces groseilles j’avais une idée… une expérience naturellement.
Dans un premier temps, je les laissai décongeler doucement.
Ensuite, j’en extrayais* le jus grâce à mon super robot de compétition
J’ai par ailleurs subi une attaque de jus ENORME n’ayant pas suffisamment serré la vis. L’embout que vous voyez là s’est emballé faisant tomber le gros bol en plastique où je réservais les premières extractions. Tout a explosé, valsé, volé, il y en avait partout et j’étais tellement furieuse que je hurlai contre moi- même dans la cuisine. Nettoyage de fond en comble et ramassage de ce que j’ai pu récupérer avec un torchon… le tout allait bouillir, nous ne craignions rien question hygiène… Evidemment, au même moment, un autre truc est arrivé, je vous raconterai cela plus tard. Merci Murphy.
Je nettoyai ma grande confiturière en cuivre avec du sel et du vinaigre avant d’y déposer le jus récolté (et sauvé). J’y ajoutai la moitié du poids de ce jus en sucre complet et de la pectine faite maison avec des pelures et trognons de pommes. Cuisson à feu doux et lente.
Le nappage sur la cuillère en bois n’opérant pas, j’eus une étincelle : agar-agar !!
J’en avais acheté il y a plusieurs années au cas où et l’emballage trainait sa vie dans un tiroir. Ni une, ni deux, je jetai les barres dans ma mixture à jus et les fis fondre doucement.
Quand l’ensemble me parut moins liquide, j’ébouillantai mes pots et les remplis de cette expérience.
Après refroidissement, je les mis au frais puisqu’il n’y a pas beaucoup de sucre conservateur. L’effet fut heureux et nous trouvâmes une gelée ferme et gouleyante à souhait.
Je craignais que fiston n’aimât pas le goût puisque le sucre complet parfume allègrement, il n’en fut rien. Il en mange tous les jours et les pots disparaissent à grande vitesse. Que de gros yeux ahuris fit –il quand je lui dis que Mémé et Tata n’avaient pas touché à ceux que je leur avais donnés ! Les nôtres ne passeront vraisemblablement pas l’année.
Mon prochain essai sera avec les abricots récupérés encore je- ne- sais- où. Il n’empêche que cet épisode me renvoie à d’autres expériences en confiture et déconfiture.
Décidément, j’ai de quoi papoter longuement.
*le passé simple d’extraire n’existe pas !!!
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Rien de plus facile, je vais vous en donner la preuve de suite :
Prenez un litre de lait entier de préférence cru, de ferme. Le cuire jusqu’à ce qu’il monte (sorte de stérilisation). Puis, le laisser à l’air libre pendant un à deux jours, voire plus selon la température ambiante.
Quand le petit lait apparait par- dessus une masse plus compacte, prendre un linge type étamine et filtrer.
Brasser la masse récoltée pour lui donner l’onctuosité désirée et la mettre au réfrigérateur.
A consommer sucré, salé, dans les appareils de tartes, les gâteaux, …
Le petit lait lui peut servir à cuisiner en remplacement du lait dans les crêpes, gâteaux, etc.
Alors, qu’en pensez- vous?
Pour moi, ce fut une expérience très chouette. Il fait la joie de mon garçon quand j’en fais et qu’il pense à puiser dans la boite, conditionné qu’il est aux pots en plastique. De plus, lors d’une visite éclair de ma mère, je lui relatai l’expérience et lui proposai de le goûter. Elle plongea une timide cuillère dans le pot et la porta à sa bouche. Tout à coup, je vis ses yeux briller d’une lumière rare : « Oh, ça me rappelle ma Maman ! ». Olala, je n’ai pas souvenir de l’avoir vue ainsi, c’était la petite fille aimée et entourée que je découvrais. Moment inoubliable et si précieux !
Les générations étaient rassemblées par un simple fromage blanc... comme avec le pot au feu.
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En ces derniers jours de janvier 2010, alors que je vérifiais l’état de mon compte bancaire, je découvris que la CAF avait enfin débloqué mon dossier. Waouh ! Je reprenais de l’oxygène et tout guillerets, fiston et moi allâmes acheter ce dont nous nous étions privés pendant plusieurs mois : de la viande fraîche, des légumes, des fruits. Ce fut une fête remarquable que de choisir ce que nous voulions manger et non plus subir l’approvisionnement médiocre des Restos du cœur. Une belle blanquette de veau à ma façon reste gravée en mémoire, symbole de cette liberté retrouvée.
Je n’en perdis pas pour autant mon goût de l’expérience et la réflexion sur une alimentation écolonomique tout en jouant des présentations visuelles des assiettes, plaisir futile et inutile.
Avec des moules farcies,
L’opulence retrouvée des légumes,
Ainsi, je gardais les légumineuses en alternative à la viande élaborant fréquemment des casseroles de lentilles, haricots, petits pois dont je me nourrissais plusieurs jours quand fiston mangeait à la cantine.
Je nous régalais également d’houmous et galettes. Ces dernières font souvent notre office sous forme de crêpes à partir de farine de pois chiche tartinées de fromages type feta accompagnées de salades variées ( et d'inévitables soupes de légumes).
La diversité des préparations du monde est une banalité chez nous et c’est naturellement que je prépare la soupe au yaourt turque, du börek (feuilleté au fromage et herbes turc),
de la moussaka,
des couscous et tajines variables,
des risotto (ici, curcuma et fruits de mer)
De temps en temps, il m’arrive de commander des sushis en plaisir personnel puisque fiston n’en mange pas… pour l’instant.
Parfois, je reçois des cadeaux de mes élèves comme ces petits farcis thaï gloutonnés avec délectation.
En outre, suite au cadeau de mon amie Magali, j’entamai l’apprentissage pratique du thé à la menthe. Souvent observé chez mes hôtes marocains, je n’avais pas franchi le pas perturbée par l’utilisation abondante du sucre blanc. Là, j’avais la théière et le sucre complet. Grâce aux explications entendues de ci de là, je fus très heureuse du résultat m’attachant méticuleusement à choisir l’eau, à respecter les étapes. Quand je vis mousser ma mixture lors des oxygénations successives, je sus qu’il était réussi. Empiriquement, je tâtonne dans la dose de sucre mais avec le sucre complet, je sais que les enjeux ne sont pas identiques à ceux du sucre raffiné.
Dans une démarche de déconditionnement à la peur chronique et diffuse du manque, je décidai d’entamer la consommation des réserves des fruits du congélateur.
Les prunes sont passées en gratin délicieusement parfumé à la cannelle qui m’amusèrent, Voyez également ces gâteaux rigolos:
la rhubarbe en biscuit accompagnée de pommes.
La glace aux noix fut parfaite en garniture luxueuse, nappée de coulis de fruits rouges.
Les abricots raplapla de la décongélation ont donné de délicieux feuilletés en feuilles de bricks décidément classiques dans ma cuisine,
les mûres cueillies dans la forêt derrière chez nous une tartelette croustillante et des feuilles de bricks avec des pommes, du beurre et du sucre.
(voyez la belle assiette aux biscuit, chocolat et fruits en plus)
Libérée des contraintes obsessionnelles d’autres, j’ai préparé plus d’une mixture envahissante avec des résultats encourageants et heureux ; je leur consacrerai un article à part, ces expériences le méritent.
Paradoxalement, je remarquai qu’en habitant dans cette petite bourgade, j’avais accès à des filières plus raisonnées et locales de consommation. Fi des transports hebdomadaires domicile- hypermarché !
Il est incroyable de penser que de nombreux ruraux ne trouvent pas de quoi manger dans leur commune ou à moins de 10-15 km minimum. Les potagers sont rares, les vergers rasés pour la construction de lotissements stéréotypés, les deux ou trois agriculteurs souvent en production intensive de lait et céréales. Ainsi, ils s’alimentent aux supermarchés de la première ville venue, souvent plus loin.
Dans la maison aux multiples possibilités, j’avais tenté de lutter contre cette aberration, en vain. Retrouvant et ma liberté d’agir et des moyens financiers suffisants, j’optai pour le marché des producteurs locaux et enquêtais alentour sur l’existence d’une AMAP. A ma grande surprise, selon les producteurs, non seulement les produits sont de meilleures qualités avec peu de kilomètres dans les pattes mais en plus, ils sont nettement moins chers que ceux des supermarchés. Certes, il s’agit de se donner de la peine et de se renseigner, mais le jeu en vaut véritablement la chandelle.
Pour exemple, savez- vous qu’un simple pot de yaourt arrive avec plus de 9000km dans les pattes à votre réfrigérateur ? La vache, la laiterie, l’usine, le pot, la centrale, le supermarché, la route, le frigo... Effrayant non ?
Je fabrique mes propres yaourts et fromages blancs avec du lait bio local à 50cts le litre (12km et pas d’emballage), j’achète mes farines pareillement. Les œufs viennent d’une exploitation locale à 1.80 euros la douzaine, les pommes de terre, les pommes, les viandes, les légumes, tout est local. Logiquement, j’ai adhéré à une AMAP en fin de printemps ; un jeune agriculteur biologique s’est installé grâce à notre soutien et chaque semaine, c’est la surprise renouvelée du panier. Il multiplie les variétés et je suis enchantée de découvrir cette abondance de couleurs et saveurs ; belle aventure pour la fêlée des légumes que je suis !
En l’occurrence, je réalisai il y a peu qu’en place du bout de pain traditionnel, je croquais souvent des légumes crus.
A suivre…
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