• Notre espèce a environ 150 000 ans, elle serait apparue quelque part au Moyen- orient et a migré à travers la planète en s’adaptant aux différents climats et géographies. En Europe et au Proche- Orient, elle a rencontré une autre espèce d’hommes bien plus ancienne que la sienne : Homo néanderthalis depuis disparue. Au XIXe siècle, la découverte de ses traces a été interprétée à travers le prisme de la mentalité de l’époque dressant un portrait rustre et sauvage de cette autre humanité. Actuellement, si bien des questions restent en suspens, notre regard a changé et ce livre est à la pointe des dernières découvertes, interprétations, propositions.

    Ouvrage érudit et universitaire, empli de références et données techniques, pointues, exigeantes, il est ponctué de reconstruction de saynètes de la vie de notre cousin humain élaborées à partir des données observées lors des fouilles archéologiques. Ainsi, ce soit- disant rustre chassait, construisait, élaborait, parlait, ritualisait, s’ornait, transmettait.

    Il connaissait la nature et son environnement, il a su s'adapter à différents biotopes et climats, il percevait le temps et l’espace. A la chasse, il utilisait des techniques et des outils complexes, il se nourrissait de beaucoup de viande cuite car il maîtrisait le feu, il pêchait occasionnellement. Ses prises étaient rationnalisées au maximum par la fabrication d’outils, de vêtements, d’ornements. Les relations au sein du groupe étaient structurées, chacun ayant sa place et son rôle, les tâches étaient partagées,  les malades, les blessés, les handicapés soignés. Face à une mortalité (en particulier infantile) effrayante pour nous aujourd’hui, il survivait et enchantait son univers grâce à des rites, l’enterrement de ses morts, des parures, des éléments purement décoratifs ; il est probable qu’il ait eu le culte des ancêtres.Nomade sur d’immenses territoires quasiment vides, il rationnalisait ses déplacements. Il rencontrait rarement d’autres groupes et si cela arrivait, il échangeait matériel, pratiques et savoirs. En Europe, il a certainement été très déstabilisé par l’arrivée de Sapiens évitant d’ailleurs souvent la confrontation.

    Sa physionomie était parfaitement adaptée à son environnement, il supportait le froid comme notre espèce ne le peut, il était un athlète avec une force inégalée parmi nous dans les bras, capable de lancer et porter de lourdes charges, de marcher longtemps, de grimper, s’accroupir, se tourner avec une plus grande agilité que nous. Son cerveau était gros, il était capable d’anticipation et d’abstraction, de projection, il était intelligent et avait une conscience.

    La disparition d’Homo neanderthalis est un mystère, il n’y a que des hypothèses. Il a rencontré Sapiens, ils ont partagé et échangé des savoirs, des femmes ont engendré probablement des enfants stériles du fait de la différence d’espèce mais rien n’est certain, les quelques fossiles trouvés ne permettant pas d’affirmer des idées arrêtées. Peu à peu, les groupes se sont rétrécis, peu à peu néanderthalis se perdit dans l’histoire de l’évolution. En Europe comme au Proche- Orient, il s’est éteint, lentement, longuement. Pourtant, si à postériori, nous pouvons nous, Sapiens étudier les traces qu’il a laissées, nous n’avons pas atteint la longévité de son espèce. Néanderthal, lui, a vécu 300 000 ans en parfaite communion avec son environnement.

     



    J’aime me pencher sur ce genre d’études parce qu’elles soulèvent des questions importantes quant à notre identité, nos origines. Elles nous replacent dans un contexte général bien au- delà des égos et prétentions qui se contentent d’analyser le devant du nez ou le tour du nombril.  Nous ne sommes rien d’autre qu’une espèce parmi d’autres à travers le temps et l’espace ; il est bon de s’en souvenir. Et toute notre intelligence ne pourra rien contre notre simple condition  humaine, condition qui ne nous est nullement exclusive, Néanderthalis en est la preuve.

    Au- delà des inventaires de fouilles, de sites archéologiques, de l’exigence scientifique, c’est véritablement une merveilleuse aventure que de plonger dans cet ouvrage, à la rencontre de cette autre humanité, perdue dans la nuit des temps.

    Si le cœur vous en dit.


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  • Le postulat de base est simple : imaginons que l’humanité disparaîsse subitement de la surface de la Terre et que le monde continue son aventure sans nous. Qu’adviendra-il ?

    Ce titre m’avait interpellée parce qu’en résonnance avec cette question récurrente de la finitude. Je l’ai lu en avril et mai 2009. Depuis, si le temps a trié la mémoire, cet ouvrage ne me quitte pas et j’envisage souvent avec un autre regard les agitations humaines quant à des certitudes, des affirmations, des proclamations à toujours et à jamais sur des valeurs immortelles et/ ou  éternelles (J’ai décidément une grande interrogation vis- à- vis de la vanité humaine, me dépêtrant plus ou moins bien avec ma faille narcissique).

    Nos constructions, au gré des circonstances climatiques et d’ensoleillement, seront balayées par la nature, inondées, envahies par les bactéries, les moisissures, les champignons, les bestioles; les matériaux pollueront plus ou moins longtemps, certains retrouvent leur état d’origine dans les couches géologiques pendant que d’autres résisteront sous les couches d’humus.  En 20 ans, New York redeviendra le marécage qu’il était, par exemple. A Chypre, la zone abandonnée séparant la partie turque et la partie grecque montre concrètement ce qu’il advient de nos villes sans la présence des humains. Entre puanteur et silence assourdissant se développent plantes et bêtes. Au fil du temps, disparaissent d’abord les constructions les plus récentes puis c’est notre histoire qui s’étiolera à l’envers. Etonnement, ce sont les constructions souterraines qui résisteraient le plus longtemps.  

    Les végétaux se réguleront eux- mêmes selon les adaptations des uns et des autres. Ceux que  l’homme a introduits d’ailleurs souvent ne résisteront pas à l’absence de ses soins ; l ’Afrique seule retrouvera un visage primitif presque pur. Nos successeurs d’évolution pourraient très bien être les chimpanzés grâce à leur gène de l’adaptation. Notre impact sur la faune est irrémédiable. Weisman expose par exemple la théorie selon laquelle l’arrivée des humains a provoqué l’extermination de la mégafaune en Amérique, pas en Afrique parce que les grands animaux y ont côtoyé l’hominidé depuis la nuit des temps et se sont adaptés à ce prédateur. La vache à gros pis, les poules, le chien depuis si longtemps apprivoisé ne survivront pas à l’humain contrairement aux chats qui retrouvent plus rapidement leur état sauvage

    Le vide engendré par notre disparition sera rempli par les animaux sauvages. Les moustiques pulluleront, nourriront les poissons, poloniseront les fleurs. Les oiseaux seront ravis de notre disparition (peu la remarqueront en outre) bien que les chats largement répandus se régaleront d’eux. Des espèces introduites par l’homme sur certaines îles contrarieront grandement les oiseaux y nichant parce que proliférant sans la régulation des hommes (cochons et rats par exemple).  Pigeons, serpents, castors investiront les refuges offerts par les bâtiments abandonnés. Dans ce registre, la zone démilitarisée qui sépare les deux Corées est très révélatrice de cette réappropriation par la nature car là, en cette fine frontière, des espèces rares ont trouvé leur ultime refuge ; sans elle, elles auraient disparu depuis longtemps.  Par contre, les poux et acariens, certaines bactéries nous regretterons grandement voire disparaitront avec nous.

    L’engrenage du réchauffement climatique ne cessera guère et les eaux monteront partout à la fonte des glaces, le méthane libéré du permafrost en décongélation l’accélèrera. L’océan mettrait 1000 ans à se renouveler, la terre 100 000 ans. Les glaciers se reformeraient en au moins 15 000 ans. Les plastiques resteront quasi éternellement incrustés partout se dégradant en particules toujours plus petites et plastifiant l’environnement jusqu’au plus profond des cellules, des océans. De nombreuses espèces marines auront d’ailleurs disparu à cause de lui.

     Les lacs artificiels s’enliseront, les terres cultivées retourneront à la forêt, les rivières changeront leurs cours. L’érosion aplanira les constructions humaines, bien des milieux humides et biotiques seront soulagés de l’arrêt de l’utilisation des engrais et en quelques années se purifieront naturellement.  Le paysage sera complètement transformé, de nombreuses espèces migreront du fait de ces changements. Surtout, les installations pétrolières exploseront, brûleront pour certaines pendant des siècles, les centrales nucléaires pareillement en irradiant les alentours, se transformant en lave alors que des tonnes de déchets radioactifs émettront pendant des milliers d’années de sous la terre. Nos produits chimiques infiltrés dans les sols, les eaux résisteront : le zinc 37 000 ans, le plomb 35 000, le chrome 70 000. La faible couche d’ozone n’arrangera rien et forcément, certaines espèces disparaîtront, d’autres s’adapteront… La vie continuera, comme l’atteste la zone interdite de Tchernobyl devenu un laboratoire d’observation.

    Il est peu probable que notre espèce disparaisse rapidement et totalement ; même le pire des virus finit par préserver quelques-uns des corps qu’il infecte pour survivre lui- même. Le danger est plus probable du côté de nos technologies, de la destruction de notre environnement, de la surpopulation. Néanmoins, bien que l’idée d’une terre soulagée de notre espèce puisse séduire, l’homme a créé tellement de merveilles que l’idée de sa disparition conduit à un sentiment profond de deuil. Que resterait- il alors de nos créations ? Nos œuvres d’art ne résisteront pas au temps sauf les statues de bronze, de nous ne resteraient finalement que les sondes envoyées dans l’espace, les ondes hertziennes émises depuis la terre et en perpétuelle route reflet uniquement d’un siècle d’existence de l’espèce humaine. La vie elle continuera sans nous, quoi qu’il en soit et c’est de l’océan que viendront les ressorts de la vie, avec l’Afrique.

    Un jour, le soleil explosera et la terre avec lui ; plutôt que d’envisager des scénarii catastrophes sur notre avenir, n’avons- nous pas mieux à rendre le présent meilleur, à retrouver le sens de la mesure, à  prendre soin de la nature, à ne pas nous exclure nous- même d’un monde magnifique ? Nous sommes redevables à la terre, à toutes les espèces de notre existence, ne l’oublions pas.

    Voilà un petit tour NON exhaustif de ce livre très intéressant. L’immense bibliographie en fin d’ouvrage est à l’image de la méticulosité avec laquelle l’auteur a travaillé et abordé la question. C’est un voyage à travers l’espace et le temps, une vision globale de nous humains en tant qu’espèce parmi d’autres, dans son environnement,  nous humains, si intelligents et capables de tant de folies, d’aveuglement, d’avidité, de courte vue. Par contre,  il y a un point qui m’a fortement déplu. L’auteur est nord-américain et cela transpire dans son approche et son analyse. Ses références, ses représentations sont celles d’un américain et j’étais circonspecte devant l’absence des représentations d’autres pays. Bien des éléments qu’il décrit sont révélateurs des comportements et choix américains loin d’être universels. En Europe, notamment, certaines dispositions existent afin de ne pas sombrer dans la démesure nord-américaine et il n’y en a quasiment aucune mention. Dommage.

    Indubitablement, c’est un livre à réfléchir et principalement une invitation à la sortie de l’auto destruction. Il élargit le champ de nos perceptions sur une vision globale, à grande échelle, sur la longue durée ce dont, je trouve, manquent cruellement nombre d’humains, et particulièrement  ces contemporains obnubilés par le mythe de la vitesse, de la toute- puissance, de la maîtrise, du contrôle, en quête illusoire d’éternité face à leur angoisse de la mort.  


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    Ce livre date de 1948 et pourtant, il est d’une actualité perpétuelle au regard de l’attitude dilapidatrice de l’humanité prétendument moderne.   J’en ignorais complètement l’existence et ce fut Pierre Rabhi lors de la conférence où je le rencontrai qui l’évoqua. Ni une ni deux, la fée ne se satisfit pas de son ignorance et  je le commandai- facilement- sur le net. Je l’ai lu en août 2009, c’est dire le retard immense de mes comptes- rendus de lecture.

    Ecrit au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’auteur annonce en introduction que le sujet de son ouvrage est une guerre lente, silencieuse et meurtrière, au désastre final bien pire, celle de l’homme CONTRE la nature.

    « La nature représente en réalité la somme totale des conditions et principes qui influencent ou plus exactement conditionnent l’existence de tout ce qui a vie, y compris l’homme lui- même. Le but de ce livre n’est pas seulement d’établir le bien- fondé de cette définition, mais encore et surtout de montrer que, si nous continuons à faire fi de la nature et de ses principês, les jours de notre civilisation sont dès maintenant comptés. »

    Dans un premier temps, il fait un constat général, de l’immensément grand à l’infiniment petit :

    - la planète, minuscule et jusqu’à présent seule connue dans l’univers capable d’engendrer la vie

    - l’apparition récente de l’homme, son accaparement des ressources, l’explosion démographique

    - les conséquences de l’activité humaine : épuisement et érosion des sols du fait d’une pratique agricole irrationnelle en rupture totale avec le cycle de la vie micro- biologique, extermination d’espèces animales et végétales avec les déséquilibres et l’appauvrissement de la biodiversité,

    - l’illusoire et vaniteuse solution que présente une certaine science soit- disant toute puissante, protectrice, rassurante et salvatrice

    - la dégradation micro- biologique des sols engendrant la dégradation de la valeur nutritionnelle des aliments, et logiquement, la lente, silencieuse, insidieuse détérioration de la santé humaine (note spéciale : apparition de maladies nouvelles dites dégénératives… là est confortée mon intuition irrationnelle que la maladie de Devic est due à une pollution générale).

    Dans un second temps, il fait le tour des continents :

    -        L’Asie (Moyen- orient, Inde): apparition de l’élevage, de l’agriculture, des villages et villes, le berceau de la civilisation transformé en désert du fait de l’exploitation abusive et aveugle des ressources, le malheur de l’homme se ruinant lui- même.

    -       Bassin méditerranéen et Afrique : appauvrissement des sols et des ressources en Grèce alors même que ces derniers avaient permis une civilisation particulièrement brillante à l’Antiquité conduisant actuellement ce pays à une extrême précarité, destruction de la forêt en Turquie, en Palestine (rappel : Israël naissait à peine), choix agricoles désastreux en Egypte en plus d’une population en grande augmentation, érosion fatale en Afrique du Nord où résistent seulement quelques zones où sont plantés des oliviers, des troupeaux de nomades en surnombre qui en arrachant les végétaux contribuent à faire avancer le désert, abandon des jardins cultivés en terrasse, implantation de méthodes agricoles souvent à mono culture dans les pays africains, exploitation des ressources du continent par les occidentaux au mépris des populations locales avec pour seule loi l’argent.

    -       La Russie : bien qu’immense, elle possède peu de terres propices à l’agriculture et bénéficie de peu de pluies, ses forêts et matières premières sont pillées d’autant que la forte majorité de conifères présente ne favorise pas un sol fertile, la terre noire de l’ouest est surexploitée,  grandes plaines et vents favorisent l’érosion… En 1948, l’auteur s’interroge sur l’efficacité de la politique choisie en Urss quant au collectivisme, à la modernisation de l’agriculture et de l’industrialisation par l’Etat. Il remarque qu’à cette date, proportionnellement, Etats- unis et Urss ont la même surface de terre utilisable pour la culture proportionnellement au nombre d’habitants. Il ne présage rien de bon aux nord-américains en raison de la privatisation généralisée et de l’absence de coordination de l’utilisation des ressources sur le plan national. Les Etats- Unis dilapident et exténuent leur territoire se préparant un désastre bien pire que la guerre.

    -       Europe, Angleterre et Australie : l’Europe occidentale a préservé sa terre pendant des siècles; bénéficiant d’un climat favorable, des générations de sédentaires ont sauvegardé le jardin qui les nourrit. Certaines zones ne sont certes pas à l’abri de l’érosion comme les plaines littorales et les contre- bas de chaînes de montagne (Osborn explique le déclin des romains du fait de l’appauvrissement de leurs terres agricoles trop érodées). Seulement, une terre peut nourrir un nombre donné  pas plus et les humains, malheureusement, préfèrent souvent combattre la nature pour la forcer à produire plutôt que de s’adapter (Seul le Japon a su protéger ses petites terres cultivables par un soin intelligent, méticuleux) L’Espagne a été dévastée par la préférence accordée aux bergers transhumants au Moyen- âge et le déboisement engendrant l’érosion des sols. En France, le risque d’érosion est lié au découpage des parcelles, les pluies détruisant la fertilité des sols mal orientés (se souvenir que ce livre est publié avant le remembrement). L’Angleterre  protégea ses terres fertiles par des règles de succession à l’aîné et ses haies pendant des siècles, mais certaines zones souffrent de l’érosion par ruissellement et dans les années 40 déjà les inquiétudes se manifestent quant à la dégradation du sol, des ressources. En écho, d’emblée, les exemples de l’Australie et de la Nouvelle- Zélande ont de quoi inquiéter car six générations ont suffi pour anéantir le sol (déboisement, défrichement aux conséquences catastrophiques, élevage intensif des moutons, fléau de l’introduction des lapins…)

    -       Le continent américain : l’augmentation de la population et un mauvais usage du sol ont transformé des zones entières en désert, les ressources naturelles sont gâchées, dilapidées (voir l’exemple des Mayas, du Mexique), le sol en érosion, la déforestation- surtout celle des forêts primitives, l’élevage et la destruction de la faune sauvage contribuent à la désertification. Pour Osborn, les Etats- unis sont le pays de la grande illusion : destruction des forêts et de la faune, gaspillage de l’eau, surexploitation des terres sur d’immenses espaces sans arbres ou haies retenant les sols fertiles, monoculture, élevage intensif, un drame s’y prépare digne d’un suicide collectif.

    En conclusion, il rappelle notre dépendance à la terre, qu’il est plus que temps d’accepter que nous sommes comme tous les êtres vivants une partie intégrante d’un vaste ensemble biologique. Il va de la survie de notre civilisation (et de notre espèce) de se mesurer quant à notre augmentation, notre exploitation de l'environnement. Il est temps de sortir de l’ignorance par apathie ou soumission. La technologie, nos connaissances, nos inventions, notre intelligence nous donnent les moyens d’en finir avec cette spirale suicidaire. En l’occurrence, quand des catastrophes surviennent, les humains sont capables de s’organiser pour remédier aux erreurs en coopérant, en collaborant entre eux et avec la nature. Il est urgent de comprendre le processus des forces naturelles.

     

     

    J’ai essayé de résumer au mieux l’ouvrage selon mes capacités car le livre est très riche et grouille d’exemples. Sa publication ancienne rend certains points obsolètes du fait des changements politiques et des découvertes plus récentes. En outre, il me semble important d’avoir suffisamment d’esprit critique, voire de connaissances pour pouvoir faire la part de ce qui, aujourd’hui, est connu, vérifié, ce qui a été/ est remis en question, ce qui est encore en suspens, ce qui a été complètement écarté. Il importe également de le situer constamment dans son contexte historique.  Certains points restent d’actualité et ont même dépassé ses pires prévisions, d’autres ont viré sur d’autres voies qu’il ne pouvait soupçonner au regard de l’environnement de l’époque. Souvent dans les marges, j’ai écrit au crayon « Et en 2009 ? » n’ayant pas les connaissances précises sur le sujet.

    Par ailleurs, je suis souvent restée dubitative et perplexe surtout devant la généralisation de ce comportement destructeur. Certaines cultures, traditions, représentations du monde connaiss(ai)ent les notions d’harmonie et d’équilibre avec la nature, ceux qui adhèrent à ces ensorcèlements la respectent, mesurent avec humilité la place de l’être humain dans un tout en fragile équilibre. Bien des philosophies, des pensées, des modes de vie l’attestent. Après tout, ce livre dénonce le mouvement irraisonné d’une part d’humanité cupide, avide, orgueilleuse, qui se croit au- dessus de sa nature fragile de par son intelligence hyper- développée et les pouvoirs qu’elle lui confère grâce aux technologies mises au service de l’insatiable soif de possession, domination, illusoire puissance ; ce livre dénonce également l’ignorance où se trouvent les masses, l’inertie et la passivité de ceux qui savent et font mine de ne pas savoir. C’est à l’éveil des consciences qu’il appelle et à l’action urgente nécessaire pour enrayer le désastre qui attend l’humanité.

    Dédié à tous ceux que l’avenir inquiète, je préfère le dédier à ceux qui refusent la fatalité, la soumission et choisissent d’agir afin de ne pas contribuer à la frénésie dilapidatrice aveugle et suicidaire. S’engager est le minimum que nous puissions faire pour remercier la vie de tout ce qu’elle nous donne, clame Christiane Singer. La mortification engendre destruction et mort, la vie, elle,  engendre la vie et c’est là que je réside, ainsi, je fais ma part, aussi minuscule soit- elle.


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  • Dernièrement, j’ai longuement fait part d’une grande lassitude qui m’étreignait conjuguée à quelques douleurs très aléatoires. Petite tension, vertiges, grande interrogation sur le sens à donner à ces manifestations fugaces et dérangeantes. Face à la fatigue, j’’envisageai du repos, du coup, j’ai tâché de moins bouger, de mesurer mes actes et de rester dans le calme le plus possible. Sans grand résultat.

    Hier, fiston et moi avions des pâtisseries offertes par ma mère : un énorme éclair à la crème chantilly et aux framboises pour lui, une tête de religieuse et une tartelette chocolat- framboise pour moi. Miam miam. Nous avons tout englouti goulument en plus des repas coutumiers. C’était très sucré, très riche en calories, en farine et sucre raffinés, rien à voir avec mes préparations naturelles et écolonomiques. Un régal. Etrangement, j’ai été TRES active toute l’après- midi !!! Nombreuses couches de vernis sur un meuble, nettoyage et rangement, couture, partie animée sur la Wii, marche d’une heure, tranquille. J’en suis arrivée à me demander si finalement, ma faiblesse n’était pas liée à un régime alimentaire trop léger. Il est vrai que j’ai perdu un kilo dernièrement et avec mon mètre soixante-huit, 54 kilos c’est pô grand-chose. Allez, hop, aujourd’hui, j’ai augmenté la ration de pâtes- crozets et compte bien observer les jours prochains si l’augmentation quotidienne des rations n’améliore pas mon état de fatigue.

    Chouette alors si ce n’est que ça ! 080402cool_prv.gif


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  • Parce que je suis constamment titillée par la curiosité et la soif de découverte, je ne suis pas forcément adepte de l’unanimité et du consensus, j’aime à découvrir d’autres ensorcèlements du monde, à partager et m’enrichir d’être déstabilisée, conduite vers d’autres angles de vue. Aussi, si vous n’êtes pas d’accord, n’hésitez pas à le dire en commentaire, sans violence il va s’en dire (en outre, excellent exercice de communication non violente ! ).

    Je l’avais d’ailleurs noté en préambule dans l'Accueil.

     

    Pensée spéciale pour Mag. coeur-qui-eclate-autour-de-la-t-te.gif


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  • Ce que nous attirons est le reflet de l’énergie que nous émettons.  Certains y voient des signes du destin ou de dieu guidant sur une voie, d’autres la fatalité ou la chance ; je pense bien plus pragmatiquement que nos pensées nous rendent attentifs à certains signes en résonnance avec nos pensées en conscience, instinctivement ou inconsciemment. Ainsi, alors que j’écrivais l’article précédent, j’eus un éclair de lucidité quant à mon appétence à la série Survivors (disponible en DVD ou en streaming ici). Ce fut Yves Blanc qui attira mon attention sur elle lors de sa dernière émission de la Planète bleue. Je m’y suis jetée avide et curieuse.

    Un virus extermine la quasi-totalité de l’humanité en des délais très courts ; l’électricité, l’eau courante disparaissent, la vie moderne et technologique s’envole. Quelques rares survivants se retrouvent confrontés à cette vie post- apocalypse coupés de ce qui fut leur vie d’avant.  

     


     

     

    Il n’est pas question d’images à grand renfort d’effets spéciaux, ni de scènes épiques, fantastiques, terribles ou larmoyantes. Non. Dans cette série, l’accent est mis sur la psychologie et les ressources de chacun des protagonistes. Ils se retrouvent à survivre à leur famille, leurs amis, leurs collègues, leurs voisins, leur environnement quotidien, la civilisation, choqués par l’hécatombe absolue. Il est question de la re-construction de soi, de la personnalité, des choix face à son passé, son devenir, surtout son présent et d’adaptation aux circonstances d’extrême dénuement. A chacun de se reconstruire intérieurement, à chacun de  se positionner dans le groupe des survivants en nombre très restreint.  Parce que tout s’est arrêté, que les dirigeants, les institutions, les cadres d’avant se sont écroulés, tout est possible. Certains deviennent des bêtes sauvages guidés uniquement par la quête de nourriture, d’eau, d’abri, d’autres s’arrogent des droits et des pouvoirs de par leur possession d’armes, de ressources, de ravitaillement, d’autres se regroupent et s’organisent selon des projets idéologiques variés : anarchie, dictature, démocratieS, communauté, coopération, domination, ordre, sécurité, liberté… Les questions soulevées au fil des épisodes m’ont passionnée.

    En classe de quatrième, nous avions étudié Ravage de R. Barjavel. Je ne l’avais pas aimé en ce temps, le considérant violent et âpre ;  il a été toutefois marquant au point de continuer à m’habiter, je l’ai même relu depuis et songe à le relire prochainement. Il y est question d’une civilisation où la technologie qui assurait le quotidien des humains s’arrête en raison d’un panne générale irrémédiable. Qui y survit ? Et comment ?

    Dans la Route, de John Hillcoat, inspiré du livre de Cormac McCarthy, c’est une explosion, un éclair qui a tout balayé. Quelques humains survivent dans un univers totalement anéanti sans eau potable ou nourriture. La loi du plus fort et la barbarie sont devenues les règles dominantes.

     

     

     

    Entre autres.

    Ces récits m’interpellent. Ils soulèvent des questions qui me préoccupent : par- delà la culture, la civilisation, qu’est- ce qu’être humain ? Dans le ron- ron et le confort du quotidien, nos cadres habituels, parmi les nôtres, au sein d’un environnement social connu, savons- nous véritablement qui nous sommes et ce dont nous sommes capable ?

    Je n’ai pas de réponse.

    Seule dans ma tête persiste une idée: et si finalement l’aventure principale de notre existence était la quête, la connaissance de soi ? Sur le fronton du temple d’Apollon de Delphes, les Grecs n’ont pas mis d’autre injonction : Connais- toi toi- même. Dans l’adversité, le dénuement, l’épreuve, bien des masques tombent, ce miroir de vérité est implacable.

     

     


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  • Ces temps- ci, je suis très fatiguée. Les activités quotidiennes accaparent mon énergie et aussi stupide que ce soit, je trouve même difficilement de la volonté à pratiquer le Qi Gong. Vaquer à mes soins quotidiens liés à la maladie et ses handicaps, préparer à manger, ranger et nettoyer - à minima, travailler, faire les courses, la vaisselle et le linge et me voilà très lasse. Gérer le budget mini- riquiqui en calculant comment venir à bout des dépenses élémentaires et de base (se loger, avoir de l’eau, de l’électricité, de quoi manger) n’est pas envahissant certes cependant chaque jour est un questionnement sur le plan individuel et collectif : comment terminer le mois? Comment tenir les réserves alimentaires assez longtemps ? Comment habiller et chausser mon garçon qui grandit si vite ? Pourquoi donc la situation est- elle constamment bloquée malgré mes démarches internes et externes ? Comment une société peut- elle traiter aussi violemment ses membres ?

    Je n’ai pas besoin de recevoir un poisson, j’ai besoin de pouvoir pêcher.

    Mon combat ne s’alimente pas de volonté de profiter ou de profit, il ne tient qu’en un seul terme : dignité. Il n’est pas normal et humainement soutenable d’avoir à se battre pour préserver sa dignité, une véritable société humaine digne de ce nom en est garante.

    Utopie n’est pas chimère.

    Alors, ma foi, je continue de méditer, d’être présente à mes actes, de travailler et de vivre avec humanisme.


    Il y a quelques jours, fiston était très fâché, désagréable, voire agressif. Me doutant bien qu’il me parlait de lui par son attitude, je l’interrogeai sur les raisons de son comportement. D’abord, il évoqua ses reproches à mon encontre en longue diatribe.

    -       Qu’est- ce que ce serait pour toi une mère idéale alors puisque je ne réponds pas à tes attentes?

    -       Une mère qui a de l’argent !

    -       Ah bon, et c’est tout ce que tu changerais ?

    -       Oui, oui !! La même que toi en caractère, comportement, tout ça MAIS avec de l’argent !

    Je réfléchis quelques secondes, interpelée par sa demande. J’écoutais ensuite la liste de ce qui lui faisait envie observant les variations au fil des mois, semaines ou jours. Après tout, ce n’est pas le manque de ces choses qui le blesse, c’est plutôt le fait de les voir chez d’autres et l’envie provoquée en lui.

    -       Je suis désolée que tu ne puisses avoir ce dont tu rêves. Je fais de mon  mieux pour chercher des solutions afin d’améliorer notre situation matérielle.

    -       Ouai m’enfin, ça ne marche pas tes trucs.

    -       Pour l’instant, oui ; cela ne m’empêche pas de continuer tout le temps. C’est loin d’être facile tu sais bien.

    Nouvelle pause de silence en réflexion.

    -       C’est un choix de société.

    Actuellement, ne comptent que le profit, l’argent, le matériel.

    Imaginons une seconde que je reçoive un euro pour toutes les personnes que j’ai aidées, accompagnées, écoutées…

    Il me coupa la parole :

    -       Oh ben maman, tu serais millionnaire !!!

    Honnêtement, j’ai pris ses remarques pour des compliments et je suis heureuse de notre échange. Ensuite, j’ai entendu ses envies, ses frustrations, je lui ai laissé la place demandée et depuis, il est sorti de sa colère, bidouillant, réfléchissant à des solutions pour dépasser les limitations matérielles. En lui- même, il sait que mes choix de vie touchent à des valeurs fondamentalement humanistes, que je suis en harmonie et paix avec moi- même, que mon interne et mon externe parlent de concert. Cette richesse-là ne se mesure pas avec les valeurs comptables actuelles.

    Pourtant, le quotidien matériel reste identique à l’heure actuelle et nous sommes en survie sur ce plan malgré toutes mes démarches, mon cheminement, cette énergie et cette volonté dont j’ignore où elles puisent leurs ressources. Je me sens préoccupée vaguement, en surface, ma joie de vivre, d’être au monde et à soi n’étant pas entamées.


    Il y a plus d’un mois, je constatai des vertiges, un malaise diffus au quotidien et une grande fatigue. Rendez- vous chez le médecin : petite tension d’emblée. Traitement homéopathique pour améliorer les nuits en sueur, les rêves agités et un petit coup de pouce au tonus. Léger mieux puisque les vertiges disparurent.  Une semaine après, je rencontrai un thérapeute pharmacien de formation, naturopathe, iridologue et Cie par conviction. Questionnaire d’une heure puis plongée dans mes yeux. : «  Ah, ça se voit que vous avez une bonne hygiène de vie ! Il n’y a rien à redire ! »

    Les seuls marqueurs sont : le système nerveux central (Devic, évidement) et… le stress.

    « Ces préoccupations matérielles quotidiennes me mineraient- elles plus que ce que j’imagine ? » pensai-je au fil des jours.

    Aujourd’hui, je me dis que la frontière est ténue entre le système nerveux régissant le corps et celui régissant les émotions, les pensées. Ils sont intimement liés, leur proximité infinitésimale. Les douleurs aléatoires, variables, capricieuses des dernières semaines sont peut- être le reflet de ces préoccupations primitives quant à nos besoins élémentaires d’abri, de sécurité, d’eau, de lumière, de chaleur constamment sur la tangente, les caprices critiques du système urinaire, le reflet de mes peurs instinctives, la fatigue récurrente, le reflet de l’énergie dépensée afin de parer à ces besoins élémentaires. Je n’en sais rien, je ne contrôle rien. Je vis, je m’adapte au gré des circonstances continuant mon chemin vers l’abondance. Et je n’appelle pas le neurologue parce que je ne saurais quoi lui dire (déni ou lucidité ?).

    Ainsi, je travaille, je m’occupe de moi, de mon fiston, de notre foyer, de mon budget, de notre présent, de notre avenir, de nos besoins, de nos envies, de nos rêves, de ceux qui croisent mon chemin puis je tricote, je lis, j’écoute, je couds, je pense, je dessine,  j’élabore des projets créatifs et pratiques, je médite, je médite, je médite. L’énergie d’écrire vient ponctuellement, en accord avec mes possibilités, sans pression. La transition est là. Désormais, un autre rythme anime ce blog- déversoir, je ne suis plus dans l’urgence de survivre, je suis dans la marche engagée du quotidien.


     

    Impossible de la trouver en français ou en version originale, ceux qui connaissent les films reconnaîtront le passage ( traduction en dessous pour ceux qui ne parlent pas  italien) :

     

     

     


      Les deux tours, Peter Jackson. 

     

    - Vous êtes adroite avec une lame.

    - Les femmes de ce pays ont appris à les manier; celles qui n'en ont pas meurent par elle. Je ne crains ni la douleur, ni la mort.

    - Que craignez- vous, gente dame?

    - Une cage. Rester derrière des barreaux jusqu'à ce que l'usure et l'âge les acceptent et que toute forme de courage ait disparu irrévocablement.

    - Vous êtes fille de roi, damoiselle protectrice du Rohan, alors ceci ne sera pas votre destin.

     


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  • La semaine dernière, une douleur sur l’omoplate gauche, vague, diffuse s’installa doucement; je la mis sur le compte de la fatigue que je traîne depuis quelques semaines, l’activité perpétuelle de mon quotidien. Un faux mouvement, une mauvaise installation pour dormir, un excès de danse sur un corps fatigué… Plus tard, alors que je suspendais le linge sur un fil haut perché, elle parcourut mon dos et mon bras gauche, atroce et lancinante, telle un éclair foudroyant. Je me dis qu’il était plus que temps de me calmer, de m’y pencher « Que cherche donc à me dire le corps ? ».

    L’inquiétude me gagna avec son extension à mon bras, mon cou, le long des côtes et sa violence particulière  pendant la nuit. La maladie se ranimerait- elle ?  Je tâchai de rester chez moi, de mettre des mots sur ce que je vivais et constatai la peur panique qui agitait ma part instinctive et primitive. Evidemment, le mental entama sa danse de pensées folles entre des extrapolations, des égarements désespérés ; une part de moi paniquait et était désorientée. Je n’en ai quasiment pas parlé répondant invariablement à « ça va ? » un oui tranquille. Dans ma tête, je répétai en mantra les mots de Gilles, « Si ça ne dépasse pas les 24/48 h, ne vous inquiétez pas, ce sont des cicatrices de la moelle qui réagissent, ce n’est pas une poussée. ». Comme ces douleurs vont et viennent, disparaissent, je ne veux pas m’inquiéter ni inquiéter. Fiston n’a rien entendu ou a fait mine de ne rien entendre, ma mère et ma sœur ont embrayé à ma première évocation sur leurs propres douleurs, j’ai alors tapé sur la table en exprimant clairement ma demande d’être entendue sans plus- ce dont je suis assez fière.

    J’observe, je me campe au présent, à ce que je fais, à ce que je vis à l’instant où je le fais, le vis.

    Alors, il y a cette douleur variable et capricieuse. Ponctuellement piquante, lancinante, enserrant, violente, sourde, diffuse puis silencieuse.  Comme les douleurs dans les yeux, le cou, la tête, les jambes, les caprices des systèmes d’évacuation, la fatigue, je l’écoute car elle est le porte- parole de mon corps.

    Il y a cette peur et cette panique face à l’éventualité d’une nouvelle crise. Je les accepte  car elles sont les porte- paroles de ma part primitive.

    Je regarde s’agiter mes pensées dans leurs tiraillements, doutes et leur sentiment d’impuissance, d’injustice, leurs extrapolations, leurs scénarii catastrophes ou leurs discours lénifiants. Je les accepte car elles  sont les porte- parole de mon mental.

    Imaginer, anticiper avec l’espoir de contrôler ne sert à rien hormis me tourmenter. Alors, à nouveau, je lâche. Après tout, cette expérience est l’occasion rêvée de confronter ce cheminement interne décrit via la colère avec sa réalisation concrète dans ma vie. Suis- je véritablement capable d’entendre mes besoins insatisfaits et de faire la demande afin de dépasser cette insatisfaction? Là est tout le sens de cette douleur.

    Ainsi.

    J’ai demandé de l’empathie à ma mère et ma sœur, explicitement en tapant sur la table. Elle m’a été donnée dans la mesure de leur capacité à cet instant et ce me fut suffisant.

    Le mental n’est pas à jeter en soi ; en s’agitant, il fait preuve simplement du souci de trouver des solutions à des situations anxiogènes, il se débat maladroitement afin de m’alerter sur ce que je peux mettre en œuvre afin de soulager mes ressentis désagréables. Il m’invite à une réflexion constructive porteuse de vie et d’espérance.  Il marche de concert avec peur et panique : «  Et quoi donc, tu as peur, tu paniques ? Et qu’est-ce que tu attends pour te protéger, prendre soin de toi maintenant ?».

    Aujourd’hui, lors d’un échange téléphonique, ce fut mon amie Valérie qui donna l’impulsion : si intuitivement je sens que cette douleur est menaçante, m’effraie et me renvoie à la dégringolade physique, j’appelle le neurologue. Si le signe est mauvais, nous déciderons d’agir avec quelque traitement ; s’il n’a rien d’alarmant, le médecin me rassurera.

    Déjà, je me sens mieux. Non que ce soit totalement réglé, je remercie toutefois grandement Valérie de m’avoir si bien écoutée et accompagnée. Remarquez qu’un coup de pouce m’a été nécessaire. Ce n’est pas parce que je suis sur le chemin que j’avance, c’est constamment que chaque pied se met devant l’autre. hausse-les-sourcils.gif

     

     


     


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  •  Mine de rien, cette quête d’explicitation de ma colère me conduit bien au- delà de ce que j’entrevoyais à l’écriture du premier article sur ce sujet. Les silences entre chacune des publications sont le reflet du temps dont j’ai senti le besoin. La nuit voit se multiplier les rêves agités, les journées en deviennent traînantes. Lâcher prise fut une nécessité, rester chez moi un but quotidien, centrer constamment mon attention à mes actes et gestes afin d’y être présente et surtout ne pas penser, ne pas analyser, dépasser le mental ; quotidiennement, j’ai donc médité. Je savais qu’un article sur la demande se préparait, quelques bribes de phrases survenaient mais manquaient un fil conducteur, une énergie.

    Hier soir, j’eus une pensée fugace pour cette peur terrible formulée au dernier article et je réalisai en quelques secondes qu’elle parlait également de mon enfance, de ma jeunesse. Longtemps, constamment, quotidiennement, j’ai vécu dans la violence, les adultes ont détourné la tête, des chapes de plomb se sont succédées. Non seulement je vivais dans l’insécurité et la peur, et en plus, mes besoins fondamentaux étaient niés. Parce que les plus proches étaient aveugles et sourds à leurs propres sentiments et besoins insatisfaites, qu’il leur était insupportable de regarder en eux- même hors des jugements, accusation/ victimisation, haine/ culpabilité, destruction/ auto destruction, fuite/ sentiment d’impuissance, il leur était impossible de simplement accorder de la place à mes besoins (à ce je, j’ajoute ma sœur en pensée), ils en sont devenus destructeurs, maltraitants. Mue par un instinct de survie et une volonté de vivre profonde, je me suis engouffrée très tôt dans la culture, la pensée, l’art,  la réflexion sur l’humain, la création; j’ai pris souvent la fuite, mon fils naquit par accident, j’ai lutté, j’ai lutté avec opiniâtreté ; une part de moi refusait d’entrer dans ces jeux de violence, de destruction, de mortification, alors je me suis révoltée, j’ai fait comme j’ai pu au gré des circonstances et de mon état. «  Votre vie est un long parcours de souffrance et de violence mais comme vous êtes bonne et intelligente, très tôt, dès la petite enfance, vous avez décidé de chercher à comprendre. » m‘avait dit ce thérapeute en Allemagne.

    Avec SeN, j’ai répété la même danse maléfique car cette ambiance ressemblait à ce que j’avais connu, j’ai ouvert la porte à une nouvelle maltraitance par non- estime de moi.  Autodestruction programmée jusqu’à la maladie auto immune en cri d’alarme d’un corps porte- parole d’un intérieur confronté à sa survie. Me reviennent en mémoire les paroles de ce même thérapeute vu en juillet 2006 : «  Il faut que vous fassiez une psychanalyse parce que si vous arrivez à guérir de ça, vous ferez autre chose ! », je mesure chaque jour plus la pertinence fulgurante de ces quelques mots.

    Finalement, la maladie et l’éventualité d’une mort proche et rapide dans d’atroces souffrances ont été un déclic, il y avait urgence à régler ces vieilleries afin de ne pas en charger mon fils,  et surtout pouvoir partir en paix avec moi- même. S’en suivit ce parcours que je raconte sur ce blog, en pointillé : le retour à la vie, au corps et à soi, les rencontres, la découverte de ma valeur, le Qi Gong, la communication bienveillante, ces deux jours méditatifs de stage (1-2-3-4), l’ouverture des yeux, la psychanalyse, … Tout s’éclaire d’une logique incroyable désormais.

    La violence ordinaire, sourde, invisible était omniprésente dans ma vie. Une part profonde et indicible de moi a choisi de s’en défaire, d’en sortir luttant contre cet inconscient conduisant à répéter incessamment les mêmes scénarii malsains avec le vain espoir de réparer des plaies anciennes. Quel marathon laborieux et douloureux! Et pourtant, si la mésestime de soi fut évidente, j’ai choisi d’être guidée par l’amour, la vie, la joie et non la rancune, la mort, la haine. L’expérience de la maladie m’a acculée à ce qu’il y a de plus élémentaire en l’humanité : la question de sa survie (je ne parle pas du groupe humain mais bien de ce qui fait notre essence, notre identité d’espèce- par- delà l’égo, évidement). Ce que j’ai vécu, la chance inouïe d’en sortir, la rage de vivre m’ont amenée à vouloir agir, il n’était plus question de gâcher ce temps si fugace et précieux qu’est la vie d’un être humain.

    Ce blog a été induit par la demande de soignants de l’hôpital, je m’y suis mise dubitative. Peu à peu, il est devenu le déversoir de ces années de quête de sens (logique que mon cher ami Boris y paraisse tel un ange gardien bienveillant puisque sa rencontre est à l’image de ce que je vivais), ce blog est devenu un plaidoyer contre la violence ordinaire et là réside la demande.

     La conscience des sentiments et besoins insatisfaits ne suffit pas, la clarté acquise est certes bénéfique mais en rester là équivaut à garder les bras chargés voire encombrés de ces trouvailles. Afin de continuer sur une voie vivante, il s’agit de passer à l’étape de la demande, elle seule permet de dépasser la violence ordinaire. Faire une demande c’est être en lien avec soi quand elle est faite à soi, c’est être en lien avec l’autre quand elle est faite à l’autre. Elle a à être concrète et négociable, accepter que l’autre puisse ne pas y accéder n’est pas aisé mais ô combien nécessaire.

    Mes demandes à SeN, à ses parents n’ont pas abouti et j’étais en colère pour cette raison, j’avais à accepter ces refus. J’aurais pu choisir le reproche et la rancune perpétuelle, les condamner, les accuser, j’ai préféré chercher à  voir clair en moi et je me suis faite la demande de tout mettre en œuvre pour y arriver. Doucement, lentement, j’y suis parvenue. Aujourd’hui, mon besoin de reconnaissance de la maltraitance dont j’ai fait l’objet ainsi que le besoin de justice qui l’accompagne sont sans issue, c’est verrouillé et je m’épuiserais sur cette voie stérile. Alors, je suis allée voir plus profond ces derniers jours et je réalise que ce blog est à l’image d’une demande que je n’avais pas formulée explicitement: je veux sortir de la violence ordinaire silencieuse destructrice pour moi et pour les autres. Dans ce but, je témoigne des circonstances anodines où elle s’installe. Donner du sens à mon vécu, à mes ressentis diffus et sensibiliser celui qui se perdrait ici à ces petits riens malsains pour ne plus me retrouver dans une telle situation et l’éviter pareillement ne serait- ce qu’à une seule personne. Dans une dynamique de vie, logiquement, naturellement, j’offre également des pistes de réflexion, de résolution. Il s’agit donc ici d’ouvrir les yeux sur les ravages de la violence ordinaire d’autant plus insupportable qu’elle touche des personnes vulnérables et fragiles.

    A moi- même, je fais la demande :

    -       de me préserver : Concrètement, j’ai élaboré un réseau de contacts avec des interlocuteurs professionnels efficaces dont je sais qu’ils sauront réagir de manière appropriée en cas de nouvelle dégringolade physique, je les contacte également face aux difficultés matérielles afin de limiter les dégâts de la violence de la société. Désormais, je médite sur les voies permettant d’améliorer ma situation financière, matérielle.  Je m’attèle surtout à transformer ma pensée vers l’abondance.

    -       De continuer mon action quotidienne : d’abord Qi Gong et  communication bienveillante pour agir à l’échelle personnelle puis garder au cœur la volonté de continuer mes écritures et interventions en reflet d’un cheminement intérieur avec l’espoir que cela puisse être utile à d’autres pour sortir de cette violence ordinaire et sournoise.

    A vous qui passez et acceptez de l’entendre, je fais la demande : prenez soin de vous.

    N’imaginez pas un instant être capable de prendre soin de qui que ce soit si vous ne le faites pas avec vous- même ! Cherchez la clarté, accordez de la place à vos sentiments et ressentis, identifiez vos besoins insatisfaits et faites la demande qui permettra d’être en relation à soi, à l’autre et de dépasser cette violence ordinaire.  Je n’ai pas dit autre chose aux élèves infirmiers de première année lors de ma dernière intervention.

     

    Ces articles sur la colère ont nécessité du temps, de longues heures de méditation. Les esclandres aux déclencheurs matériels m’ont conduite à plonger très profond et j’en suis heureuse.  Maintenant, je sais que je suis ailleurs. SeN, les siens n’occupent plus mon esprit, je ne suis plus dans la confusion à leur évocation. Ils ont été des révélateurs bien que j’eusse préféré ne pas passer par ces épreuves, c’est ainsi. Désormais, je suis à la vie, à l’être, à la joie, ce que je vis n’a plus rien à voir. C’est d’autant plus flagrant que je vois mon fiston si mal en point il y a quelques mois sortir lui aussi de la mortification et plonger dans la vie en lui et autour de lui. Mon travail interne rayonne alentour, au bénéfice de mes proches et amis, de certains de mes soignants, des camarades d’activités, des voisins, de mes élèves, des rencontres fortuites, au hasard au quotidien, partout, partout. « Une étoile » m’a si joliment dit Yolande. Je me fais la demande de continuer à alimenter son feu.

     

     

    Look no further
    Look no further
    I look no further

    Cruelest, almost
    Always to ourselves
    It mustn't get
    Any better, off

    It's in our hands
    It always was
    It's in our hands
    In our hands

    It's all there
    In our hands
    It's all there
    In our hands

    Well, now aren't we
    Scaring ourselves
    Unnecessarily?
    Aren't we trying too hard?

    'Cause it's in our hands
    It's in our hands
    It's all here
    It's in our hands

    Look no further
    I look no further

    It's in our hands
    It always was
    It's in our hands

    It's in our hands
    It's in our hands
    It's in our hands

     


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  • Après l’entrevue au jardin, je revins vers Nadine car nous parlions à notre dernière réunion de ces relations interpersonnelles houleuses. Nos expériences respectives conduisent à la réflexion et ensemble, nous cherchons des alternatives à la violence en partant de situations concrètes. Mes esclandres avec SeN sont parfaits sur ce point. A nouveau, elle m’accompagna, me souffla des pistes de réflexion sur lesquelles je méditai ; en parallèle, j’entamai l’écriture de mes articles sur la colère. Doucement, au fur et à mesure, sans violence, reproche, accusation, culpabilité/ culpabilisation, mes besoins insatisfaits trouvent leur place et sont entendus. Les voici sur une trame quasi chronologique :

    -       besoin de constance: les doutes,  changements d’avis, avancées puis reculs dans l’expression des sentiments, buts et projets de SeN m’ont laissée dans le désarroi. Chacun des revirements me conduisaient à proposer des solutions en vaines négociation, j’en fus épuisée.

    -        besoin de reconnaissance, d’acceptation de mes besoins, de mes aspirations, de mes rêves, de mes espérances.

    -       besoin de concertation, de discussion, de partage, d’écoute

    -       besoin de sécurité et d’avoir des repères, des projets, des buts, de savoir où j’allais.

    -       Besoin de cultiver le beau autour de moi. La guerre de tranchée autour des travaux de la maison et du jardin ne permettait nullement une approche saine de ce besoin. Là-dessus, et pour d’autres points, le besoin d’avoir un impact sur l’environnement et les événements resta lettre morte.

    -       Le besoin d’être acceptée pour ce que j’étais. Les remarques, critiques acerbes et perpétuelles sur mes tenues, mes coiffures, mon maquillage, mes chaussures, mes choix de couleur et d’association me tapaient sur les nerfs et provoquaient des réactions viscérales, emplies de colère, de révolte. Le besoin d’estime de soi n’était pas folichon avant, ce genre d’attitude à mon égard l’enfonça d’autant plus violemment que nous étions censés être un couple fondé sur des sentiments réciproques. J’évoque également rapidement cette récurrence à nous positionner fiston et moi en dehors de la famille.

    -       Les besoins de rituels,  d’officialisation, de naissance. Rien que de les évoquer, j’ai comme un écœurement général. Refus du mariage, du pacs, de l’enfant. Pourquoi fêter les anniversaires ? En dehors de la famille (majoritairement la sienne puisque la mienne est riquiqui), nous n’avions quasiment pas de sorties ou d’invitation. De toute façon, nous étions loin de tout et tous. Souvenons- nous également de cette fête de Noël 2006 que je crus être la dernière.

    -       Le besoin de réalisation de soi était non seulement insatisfait mais en prime complètement nié par la réponse sempiternelle des « Pourquoi faire ? Ça sert à quoi ?» 

    -       Le besoin de relation et d’authenticité dans la relation ainsi que celui de clarté. Bien des informations m’étaient cachées, je ne savais rien de certains points pourtant intimement liés à la vie commune. Nos véritables rencontres étaient tellement rares que je me demandais ce que je fichais là, avec le sentiment que fiston et moi étions de trop, à peine tolérés à côté de SA famille.

    -       Besoin de découvrir.  Trois voyages- vacances en 8 ans et la bataille fut rude pour partir. Tant que cela ne l’intéressait pas pleinement dans ses domaines connus, il ne venait pas et je partais seule avec fiston en visite au loin, aux expositions, au cinéma, aux spectacles. D’ailleurs, lui, partait souvent seul de son côté ne souhaitant pas nous traîner parce que nous étions trop pénibles dans notre comportement avant la maladie et ensuite parce que mes handicaps étaient trop lourds.

     

    Il y en aurait encore d’autres, je n’en doute pas. Ce sont néanmoins des plans grandement négociables, aux possibilités multiples et variables à l’infini. Avec un tant soit peu d’échange, de partage, de discussion, d’honnêteté, de respect mutuel,  d’imagination aussi, nous aurions pu trouver des solutions…  ou j’aurais pu partir sur un constat d’échec relationnel notoire (ce que j’envisageais avant d’être malade).  Mais là où je crois que la plus grande souffrance s’est faite, ce fut l’insatisfaction et la non considération de mes besoins VITAUX aux heures terribles de la maladie !

    -       Besoin de boire et manger. Clouée au lit, je ne pouvais plus m’occuper de quoi que ce fut, j’étais tributaire d’autrui pour la préparation des repas, pour la découpe des aliments, très mal- voyante, pour la séparation des parties abimées ou grasses, entre autres exemples. Pendant des mois, mes envies et désirs alimentaires étaient à peine entendus. Quand je proposais quelques arrangements, c’était mal supporté. Les achats m’échappaient, la composition des repas également. Honnêtement, ces semaines passées à manger ces préparations rapides et fades ne furent guère agréables. Pour simple constat, quand j’entrai à l’hôpital en janvier 2007, je ne pesais plus que 49 kg. La fonte des muscles due à mon inactivité totale n’explique pas tout.

    -       Besoin d’éliminer les déchets. Voilà certainement un des points les plus délicats inhérent au précédent. J’étais complètement paralysée, les systèmes d’évacuation détraqués par l’atteinte sur la moelle épinière nécessitaient des attentions toute particulières. Les protections étaient mal supportées parce que coûteuses et encombrantes dans la poubelle. L’idée que des urines et des selles s’évacuassent en dehors des sentiers habituels était insupportable. Les écoulements nocturnes me valaient des protestations et des reproches et/ ou quand j’avais tenté de me rendre aux toilettes seule et qu’il était nécessaire de nettoyer les accidents. L’évacuation des selles telle qu’elle était opérée étaient une torture et une humiliation qui me laissaient fréquemment en larmes tourmentée par la culpabilité d’infliger un tel spectacle. Instinctivement, j’avais compris que les irrigations coloniques m’étaient bénéfiques mais j’eus à combattre âprement pour y être conduite malgré mon état et les oppositions. Le refus des travaux pour aménager les toilettes ne fut que l’ultime surdité à l’égard de mon besoin vital d’évacuation. S’il fabriqua des rampes avec des accoudoirs de bancs récupérés, ce fut de loin insuffisant au regard de mon état aux pires heures. Souvent, je tombais sans pouvoir me relever, souvent j’échappais aux bras qui me portaient et un jour, un ambulancier dut même venir m’en tirer car ma mère n’avait plus de force pour me rhabiller et me transférer sur le fauteuil roulant.

    -       Être propre. Quand j’étais à la maison en mauvais état, des travaux furent recommandés pour aménager la salle de bains. Refus cinglant. D’abord il y  eut une planche en travers de la baignoire rapidement inexploitable, les ergos nous prêtèrent ensuite un siège pivotant. Sœur Thérèse fit part du besoin d’avoir deux personnes pour me laver, elle ne pouvait me porter seule. Il ne voulait pas d’étrangers dans la maison, il la toléra elle quand il travaillait du matin et elle ne venait pas quand il était présent. Devant la difficulté de la tâche avec mon corps en contorsion au contact de l’eau chaude et ou glissant sur le siège, j’entrais en combat quotidien pour exiger d’être lavée. L’arrivée d’une équipe supplémentaire exigea un front commun de toute l’équipe de l’hôpital à mon retour.  

    -       Se vêtir, se dévêtir. Quand le corps échappe, les membres deviennent ballants et il est difficile d’habiller un corps récalcitrant, incontrôlable. Je subis donc rapidement les tenues peu avenantes. Je dus batailler chaque matin avec SeN pour ne pas traîner en vêtements de nuit ou survêtement difforme toute la journée.  Que dire alors de la coiffure, de l’épilation, du parfum et autres futilités ?  La moindre des choses que je demandai était de sentir bon… demande constamment répétée comme si elle n’avait pas valeur à être retenue.

    -       Maintenir sa température. Dans la maison aux multiples possibilités, régnaient les courants d’air. Avant la maladie, ils étaient désagréables , dans la douleur physique, ils devinrent abominables. J’avais beau me couvrir de couches de laines et autres textiles chauds, mon corps était transpercé d’airs cinglants et pointus. Le changement des portes et fenêtres effectués par les parents- propriétaires fut insuffisant. Et il n’était pas question de déménager.

    -       Bouger, avoir une activité, maintenir une bonne posture, être stimulé. Mes envies de sortir, de voir et/ ou sentir autre chose que ce qui se trouvait entre les quatre murs conduisaient à des conflits. Comme il avait refusé les travaux de mise en accessibilité, je restais tributaire du bon vouloir de porteurs. Constamment enfermée, j’étais heureuse des séances à l’hôpital, je voyais du monde, je discutais, j’avais des relations, je bougeais, je respirais. En dehors de celles- là, aux pires heures de la fin d’année 2006, je me retrouvais souvent complètement seule pendant des heures,  incapable de changer les stations de radio ou les cd sur la chaîne puisque je ne voyais rien des touches de la télécommande et que l’appareil était trop éloigné de moi,  incapable de bouger sur un matelas et un lit inadaptés. N’ayant personne pour me tourner dans le lit régulièrement, je commençai à avoir des escarres.

    -       Être en sécurité. Que ce fut par le non aménagement de la maison, de son intérieur et de son extérieur, les refus et barrages aux aides techniques et humaines, ma solitude pendant des heures alors que j’étais incapable de bouger, d’appeler ou de répondre au téléphone, d’ouvrir ou fermer les portes, les fenêtres, je fus dans une très grande insécurité. Il y eut en plus cette foutue incapacité à prendre une décision, ne serait- ce que pour contacter un médecin en urgence alors que j’étais complètement effondrée, dans des douleurs incommensurables, clouée au sol, au canapé, au lit. En ces moments terribles, je devais hurler à SeN de le faire car il était tétanisé à l’idée d’exécuter cet acte.

     

    Evidemment, dans cette non- considération de mes besoins vitaux, comment pouvait—il y avoir de la place pour les besoins moins élémentaires ?

    -       Avoir de l’aide pour l’entretien de la maison, du linge pour les besoins d’ordre et de propreté.

    -        Accéder à ma demande d’ordonner les choses avec constance afin que je pusse compenser ma déficience visuelle

    -       Avoir une vie sociale, culturelle, nourricière d’âme et d’esprit. Seul fiston âgé de 9 ans prit le temps de me faire la lecture et de mettre des films en audio vision. Mes limites physiques étaient souvent prétexte au refus de sorties parce que c’était trop compliqué à gérer. Les quelques-unes effectuées le furent par mon opiniâtreté et mes prises de décision face aux adaptations nécessaires.

    -       Alors que je me sentais mourir, que je me préparais à cette fin ultime, j’ai passé outre mes besoins parce que je pensais que bientôt je ne serais plus là, je ne me souciais que de mon entourage et de leur vie par- delà ma mort. J’avais besoin d’être soutenue, accompagnée, considérée, de faire la paix, de partager des instants précieux de profonde communion, de régler nos vieilleries et la vie d’après moi afin d’être sereine quant à l’avenir de mon fils, de mes affaires. Je voulais pouvoir mourir en paix, apaisée et autour de moi, se multipliaient les conflits, les cris, les colères, les fuites, l’inconstance et l’incapacité à prendre des décisions ou de changer des habitudes.  Quand j’allai mieux, j’aspirai à une vie pleine et entière, à la joie d’être présente au monde, de partager dans l’authenticité des relations assainies et positives ... et je me retrouvai face à un mur.

     

    Certes la dégringolade fut fulgurante et tout est allé si vite que l’adaptation nécessitait des décisions rapides. Si SeN fit de son mieux avec l’énergie du désespoir, il n’entendit pas mes besoins, il alla jusqu’à les nier refusant les aides, les aménagements. Dépassé, choqué, il cherchait à tout contrôler afin d’apaiser SES angoisses. Seulement, avec cette attitude, je subis des conséquences dignes de la maltraitance par négligence ou obstacle aux soins. Là, maintenant, réside la raison fondamentale de ma colère.

    Quand il était présent, attentionné, à l’écoute de mes besoins, j’étais heureuse, je me répétai à l’envi «  Ca y est, il a compris ! Nous l’aurons notre belle vie ensemble désormais » ce qu’il me promit lui aussi à plusieurs reprises lors des crises de larmes et de peurs. Et puis, si peu face à l’ampleur de la déferlante, le pire étant certainement l’absence de discussion, de négociation ; les seules réponses étaient des ultimatums, des menaces, des jugements, des colères conjugués à des longs intervalles d’indifférence, de silence, de renfermement, de mutisme ou de plaintes en victime. 

     

    « Je ne te pardonnerai jamais ! » lui ai- je répété à plusieurs reprises. Grâce à Nadine, j’y ajoute « tant que je n’aurai pas le sentiment que toi et tes parents  aurez mesuré le mal que vous nous avez fait à fiston et moi ! ». Pourtant, rester dans cette rancœur n’a pas d’issue et je n’y songe que lorsque les circonstances m’y ramènent, de moins en moins, en parfait règlements de contes.

    Je sais dorénavant que ce chambardement interne est le reflet confus d’une notion clairement définie : la peur terrible de me retrouver complètement  dépendante  de personnes tellement empêtrées et aveuglées par leurs propres sentiments et besoins insatisfaits qu’elles en deviennent maltraitantes par incapacité à entendre mes besoins vitaux .

     

    Enfin, j’ai identifié mes sentiments, mes besoins insatisfaits, arrive maintenant la dernière étape fondamentale et en dynamique vivifiante, celle de la demande.


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