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J’ai rencontré Pierre Rabhi en virtuel puis en vrai, je dis rencontre parce que, comme mon ami Boris, j’ai trouvé en ses paroles des échos à mon univers interne et le partage de quelques minutes en sa compagnie fut simple, authentique et magique, profondément humain. La sortie de son nouveau livre était un bon prétexte pour commencer ma collection et j’avoue l’avoir dévoré très rapidement.
Il commence par le Sahara où il décrit, sans angélisme, avec ses souvenirs d’enfance la simplicité d’une vie sobre et tranquille peu à peu détruite par la modernité et ses horaires, sa monnaie, ses transports, la consommation présentée en voie unique du bonheur. A vingt ans, il comprend déjà que c’est une monumentale imposture parce que l’argent devient valeur dominante et que le capitalisme engendre des inégalités insupportables. Puis vinrent les années en région parisienne comme travailleur, ouvrier spécialisé. En pleine croissance après- guerre, ses camarades de labeur croient en un avenir meilleur pour leurs enfants, l’espoir de leur offrir les études qu’ils n’ont pu faire eux- mêmes, le confort conjugués à leur foi dans le progrès donnent sens à leurs sacrifices, leur aliénation dans des emplois insensés. Seulement, avec la surabondance, grandit un malaise, un ennui profond et l’avoir écrase l’être.
En parallèle, la paysannerie s’étiole, disparait avec la mesure et l’humilité de l’homme dans la nature qui lui sont attachées. Massacrée à la guerre de 14-18, arrachée à la terre pour fournir la main d’œuvre aux usines, elle est complètement démantelée comme ses structures sociales traditionnelles. Servitude volontaires des hommes à l’aide de la propagande exaltant le progrès, pillage de la planète pour nourrir la révolution industrielle, multiplication des abstractions, prédominance de l’intellect, mobilité détachant l’être du corps social, du territoire. Le monde rural est aliéné par le remembrement, l’agrochimie, la frénésie de la production à tout crin ; la loi du profit immédiat appauvrit des paysans coupés de la terre nourricière qui n’est plus un bien commun et vital à préserver pour les générations suivantes.
La modernité ? Arrogante, hypocrite, elle uniformise et standardise le monde, elle est incapable de conjuguer ses progrès bénéfiques sur les plans politique, technologique, médical, … avec les acquis antérieurs. L’homme (de préférence occidentalisé) est un prédateur de la nature, un dieu la dominant pour son profit, un homme coupé de l’intelligence de la vie. Intuition, sensibilité, subjectivité n’ont que peu de place face à des pensées fragmentée (hyper spécialisation de chacun) et mécaniques. Une rationalité sans âme vouée à la finance a construit le monde actuel engendrant ennui et désabusement.
La pyramide répartit les humains : en bas ceux qui triment et gagnent peu, en haut, ceux qui cumulent les bénéfices, entre les deux, les échelons à gravir et à ne surtout pas dévaler, pyramide pérennisée par le système éducatif d’emblée. Culture hors sol, enfermement constant dans des boites (par exemple, emploi dans des petites ou grandes boites, sorties en boite, balades en caisses, pour finir dans la boite ultime), horizon bouché et fermé des citadins habitant des espaces exigus, multiplications des clefs, codes, serrures, caméras de surveillance.. Ambiance carcérale généralisée. Cette suspicion n’engendre que le sentiment d’insécurité.
La technologie galopante, normalement au service des hommes, les rend dépendants, les enferme toujours plus derrière leurs écrans et gadgets. L’information à flux tendus assomme en véhiculant vérités et contre- vérités, indiscrétion généralisée jusque dans la plus grande intimité de tous.
La plaie et l’erreur fondamentale faite au cours de l’évolution technologique est la subordination du destin collectif, de la planète au LUCRE, c'est-à-dire la finance engendrant le gaspillage et l’avarice, une prédation humaine sans fin, avide et irraisonnée, immodération fondée sur des désirs inassouvis et concurrentiels constamment attisés par la comparaison, la compétition, la publicité. L’homme transpose ses fantasmes sur l’or, les pierres précieuses, l’argent, les matières minérales et donne une importance énorme à des superflus devenus indispensables.
La technologie donne un pouvoir énorme, inégalé dans l’histoire alors que la conscience, elle, n’a pas évoluée. L’homme est grisé par sa puissance et transgresse les limites naturelles.
Inévitablement, les inégalités s’amplifient, entre le Nord et le Sud, au sein d’un même pays (Que deviendraient de nombreux habitants de France sans les aides de l’Etat ?) Simplement parce que ne compte plus pour richesse que la finance. Fragmentation sociale, cloisonnement provoquent angoisses, consommation d’anxiolytiques médicamenteux ou par l’illusion de la possession. Frustration, colère, révolte côtoient sensation de toute puissance en réponse aux peurs d’insignifiance et de finitude d’une vie humaine devenue dérisoire.
Explosion des notions essentielles de temps : d’un temps de cycle naissance- mort, de rythme intervention- repos, nous sommes passés à un temps indexé sur l’argent, un temps à gagner, à ne surtout pas perdre d’où une frénésie en mode d’existence collective, un temps perpétuellement fragmenté secouant le corps par la vitesse toujours plus grande des déplacements et communication amplifiée encore par l’informatique et son immédiateté. Explosion des notions de temps et d’espace devenu psychologiques réductibles et extensibles à l’infini.
Notre société (notre civilisation ?) est véritablement la plus vulnérable, la plus irrationnelle qu’ait connue l’homme. Tout y est confus, déstructuré, les inégalités d’autant plus révoltantes que la technologie permettrait d’offrir une vie décente à tous dans le respect de la planète, de l’autre. Alors quoi ? Que faire ? Constater et se soumettre ? Accepter par tacite consentement ? Certainement pas !
La réponse : la sobriété volontaire.
Penser qu’une croissance infinie sur une terre finie est un leurre, une illusion abominable, une chimère. Nous avons le pouvoir (le devoir ?) de dire, d’abord en soi « cela suffit » (je vous recopierai une histoire tirée du livre dans le prochain article à ce propos).
Refuser la toute puissance de la finance en revenant prioritairement à une agriculture capable de nourrir sainement TOUS les humains de la planète, sur leurs terres ou près de chez eux
Revenir à une société où « l’individu est à la place où il est utile à lui- même et aux autres », une société régie par l’assistance mutuelle, une société reliée à la terre, l’eau, les savoirs et savoirs –faire. Honorer l’homme, tous les hommes avec la sagesse pleine de bon sens.
Retrouver la valeur des présents de la vie, la gratitude à l’égard de la terre nourricière et renouer ainsi avec la plénitude et la conscience de sa présence au monde, sortir de la toute- puissance de l’argent décidant à lui seul ce qu’est la richesse, la pauvreté et la misère. Retrouver la valeur des choses par l’effort qu’elles nécessitent, en finir avec le gaspillage, la dilapidation des ressources, revenir à la modération, à la sobriété et ne plus se jeter dans la consommation sans limite sous prétexte qu’il y a opulence. Et si abondance il y a, qu’elle n’ait de but que d’être équitablement partagée. Quitter la prédation extensive, l’obsession du stockage et l’appropriation, se défaire du superflu.
Renouer avec la liberté donnée par la frugalité où force, patience, endurance et légèreté se conjuguent. Construire un art de vivre avec tranquillité et légèreté.
« La sobriété heureuse, pour moi, relève résolument du domaine mystique et spirituel. Celui-ci, par le dépouillement intérieur qu’il induit, devient un espace de liberté, affranchi des tourments dont nous accable la pesanteur de notre mode d’existence. ».
Rendre la mesure à toute chose en quittant l’illusion de la toute puissance de la pensée humaine parce qu’elle est minuscule, limitée, éphémère. Contempler le monde hors des questionnements incessants, des attentes et des ambitions afin d’ouvrir notre être profond.
Sortir du temps –argent afin de reconquérir sa liberté, privilégier la méditation, l’immobilité, le silence, la calme, la lenteur.
Enfin, il raconte son parcours : orphelin de sa mère à 4 ans, son père le confie à un couple de Français sans enfant qui l’adopte, il grandit entre deux cultures, deux représentations du monde parfois contradictoires. Après une scolarité médiocre, il lit les philosophes, les mystiques, se penche sur l’histoire, s’interroge sur la civilisation. Il quitte sa terre natale dans les années 50 avec la guerre et la violence de la libération algérienne dans une grande solitude. Il travaille comme ouvrier spécialisé en région parisienne, rencontre sa femme avec qui il part s’installer dans la Cévenne ardéchoise. Afin d’obtenir le crédit nécessaire pour acheter une terre, il se forme en agriculture ingurgitant en un an le programme de trois parce qu’ils n’ont pas les moyens de les financer. A la banque, le conseiller ne comprend pas son obstination à acheter 4 hectares de terre rocailleuse et en garrigue sèche avec un bâtiment nécessitant de gros travaux et seulement quelques trentaines de mètres cubes d’eau pluviale collectés dans des réservoirs creusés dans des failles naturelles ; à ses yeux, il emmène sa famille à un mort certaine. Malgré les remontrances, ils s’installent, vivent sobrement, travaillent et lentement, transforment le lieu en un petit oasis refusant l’agriculture industrielle, se souciant constamment de choix écologiques. Autolimitation, rigueur, rationalité et objectivité sont nécessaires à l’élaboration de leur projet promouvant constamment le sens, la cohérence et l’importance fondamentale du lien social afin de ne pas vivre en marginaux.
Après 15 ans de vie très sobre parfois à la limite de l’indigence, il s’interroge sur sa démarche, l’évolution de la société, la place de son choix dans cette société. Parce qu’il vit en France, dans un pays riche, il se sait privilégié et se dit même capitaliste ne serait- ce que par la possession de sa voiture moyenne nécessaire à ses déplacements pour les conférences. Par delà la satisfaction de ses besoins élémentaires, lui aussi possède du superflu et proclame que nous sommes nombreux à ignorer combien nous sommes capitalistes. Il reconnait également que la notion de sobriété n’a aucun sens pour les plus démunis et peut être interprétée comme une provocation au regard du fonctionnement actuel de la société parce les différences sont criantes, révoltantes, engendrent la violence, la peur. « La responsabilité de soi- même que la société doit impérativement permettre à chacun » n’est possible qu’en renonçant au modèle actuel. Il s’agit de changer de paradigme en replaçant l’être humain et la nature au cœur de nos préoccupations. Surtout, il nous est nécessaire de réenchanter le monde en évoluant vers un humanisme authentique, trouver une façon juste d’habiter la planète et d’y inscrire notre destin d’une manière satisfaisante pour le cœur, l’esprit et l’intelligence. Générosité, équité et respect.
Le système actuel n’est pas rasfistolable, il y a à renoncer aux mythes fondateurs de la modernité, à revenir au vivant, à protéger les biens vitaux, les extraire de la spéculation financière, considérer les milieux naturels en tant que biens communs à préserver, harmoniser la relation humains/ nature, ré équilibrer le masculin et le féminin parce que les femmes sont bafouées et négligées, promouvoir une pédagogie de l’être fondée sur la coopération, la conscience de la complémentarité des êtres, le rapprochement de la terre, la revalorisation du travail manuel afin d’extirper les enfants de leur seul rôle de consommateur, structurer les espaces différemment afin de privilégier les relations humaines, la solidarité dont surtout celle à l’égard des anciens, etc.
Pierre Rabhi n’est ni un idéaliste, ni un passéiste, encore moins un réactionnaire ou un doux rêveur. Il observe, partage ses pensées, constate et propose des solutions. Il ne se fait guère d’illusion parfaitement conscient du caractère aléatoire des humains et de leurs défauts. Néanmoins, il fait sa part, aussi infime soit- elle. Il appelle à l’indignation constructive, à la mobilisation de chacun d’entre nous afin de changer de paradigme proposant des pistes, ouvert à toute initiative allant dans le sens du manifeste Terre et humanisme. Mon texte exprime ce que j’en ai perçu et retenu, incorrectement probablement. Si la question de notre place sur cette terre vous intéresse, allez piocher par vous- même dans ses textes, je vous y invite grandement.
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Avant la maladie, je passais beaucoup de temps à mobiliser mon garçon: marche à pied, vélo, roller, piscine. La perte de mes capacités physiques fut pour lui particulièrement violente vu qu’avant sa mère était dynamique et constamment en piste afin de trouver des occupations défoulant les énergies.
Pendant les années de lourds handicaps, il ne fit plus rien, personne n’avait de temps ou de force pour lui permettre de se dépenser, c’était un crève- cœur à mes yeux et j’étais triste de le voir se morfondre dans une quasi- indifférence. Aussi, dès que je pus initier et/ ou participer d’une façon quelconque à une activité, je luttais afin d’y parvenir. Il y eut ainsi nos promenades en fauteuil, les premières marches, les sorties à la piscine, les balades à vélo. Ces dernières l’effrayaient quelque peu car il savait pertinemment que je ne voyais pas ; partir seul avec moi quand SeN rechignait à nous accompagner était une responsabilité trop lourde à porter sur ses épaules de garçon de 10 ans en ces temps-là. Finalement, j’avais réussi à le convaincre et nous étions partis à travers les routes de campagne. Malgré ma vue très faible, j’avais ouvert grand mes oreilles, m’étais fiée à des éléments suffisamment gros pour me repérer et l’expédition s’était déroulée sans encombre. Renouvelant l’expérience, il lui redevint naturel de partir en expédition avec moi. Néanmoins, grandissant à grande vitesse, son vélo devint trop petit et nous ne pûmes plus profiter de ces sorties jusqu’à ce mois de juillet et l’achat in extrémis d’un vélo nécessaire à sa participation au camp.
Début août, ne supportant plus de le voir se vautrer à longueur de temps entre le lit et le futon, j’émis l’idée de partir tous les deux à deux roues faire un tour sur une piste cyclable qu’il ne connaissait pas. Il râla, comme d’habitude puis accepta l’offre. Il prépara de quoi manger et boire dans son sac à dos et trouva une excuse à la noix pour me le faire porter. Nous partîmes.
Il crâna avec son nouveau vélo, pédalant comme un fou afin de rester devant et me dépasser à la moindre occasion. Pourtant, entre deux pointes de vitesse, il lui arrivait mille et un malheurs qui le freinaient ; je me retrouvai donc à l’attendre avançant avec constance lentement. « J’ai déraillé, j’ai mal aux pieds, j’ai mal au genou, je me suis cogné, j’ai besoin de régler mon siège, … », la litanie n’avait pas de fin. Connaissant assez bien l’énergumène, je négociai l’air de rien l’avancée du parcours alors qu’il commençait à dire qu’il était fatigué, qu’il avait faim, qu’il avait soif. Il pesta, refusa la perspective de continuer le ventre vide et la bouche sèche… seulement, héhé, c’était moi qui portait le sac et allègrement, je roulais devant lui, m’échappant plus loin à chacune de ses tentatives pour l'attraper ; « comme avec l’âne qui avance à la carotte ! ». Nous roulâmes une demie heure jusqu’au village que j’avais négocié où il put ENFIN boire et manger. Une photo de moi fut prise en symbole de la victoire que représente la simple activité de se percher sur un vélo, en équilibre et de pouvoir avancer puis nous repartîmes vers la maison. L’ambiance était plus légère et nous devisâmes de choses et d’autres, relevant toutefois la joie d’avoir pu atteindre notre objectif. Nous empruntâmes une autre voie et ce fut heureux et détendus que nous retrouvâmes nos pénates.
Autant pour lui que pour moi, l’aventure somme toute banale avait la saveur de ces riens qui font le bonheur de vivre, d’être là, ensemble.
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L’expérience de cette promenade en petite montagne est belle, vivifiante en soi, d’emblée. Pourtant, en plus de ma victoire et de la saveur extrêmement douce qu’elle me donne, elle me permit de vivre une aventure enchanteresse en totale harmonie avec l’univers onirique qui m’habite. J’avais l’esprit éveillé, les yeux grands ouverts et mon petit détour fortuit se révéla magique ; je m’en vais vous le conter.
Avançant sur le chemin pentu qui m’éloignait de la route, je fus déroutée au premier croisement. Bizarrement, la seule indication était celle menant vers les villages et aucune ne portait vers ce sommet énergétique. Je fus alors attirée par un sentier que je crus reconnaître, quelque étrange branchage couché en bas de pente, sur ses multiples pattes et son long cou maigre de gardien du passage m’invita à avancer.
Vaillamment, je gravis la pente ; arrivée en haut, je savourais l’ambiance des lieux, la vue sur les chemins du bas, le cœur battant la chamade dans la poitrine puis, portée par mon sens de l’orientation, je me dirigeai vers ces bois particuliers.
Les troncs étaient fins, longs, la lumière éclatait à travers les feuillages de cette clarté désormais mienne, le sol était mouvementé, jonché de cailloux blancs et de mousse, l’air doux, la musique du lieu joyeuse et calme entre bruissement des feuilles, balancement des branches et chants d’oiseaux. Je m’enchantais de cet univers fantastique où je visionnais sans peine des rassemblements de lutins, elfes, fées, esprits des bois étonnée toutefois de cet endroit jusqu’alors inconnu. Tout à coup, je vis ces deux causeurs :
Evidemment, à mon approche, ils se turent et se figèrent, surpris dans leur conversation apparemment vive. Je sus que j’entrais dans quelque événement de la forêt.
La confirmation se fit plus loin avec la rencontre de ce volatile coincé au bord d’un sentier léger.
L’ovation qui lui était réservée se fit subitement inerte dans l’attente de mon départ d’intruse.
Désireuse de profiter également du spectacle, curieuse de connaître les raisons de telle festivité, je m’engageais à continuer ma route sur ce sentier secret ; là, je réalisai que j’étais sur une fausse route : je débouchais non loin de la falaise de la carrière et l’accès au sommet énergétique m’était impossible à moins d’avoir des ailes. Dépitée, je repartis vers la gauche en saluant les figés. Quelle surprise ce fut de découvrir d’autres êtres en fuite à mon approche ! :
Ce lapin eut par exemple beau arrêter sa course et se couvrir de vert moussu, il n’échappa guère à mon regard,
tout comme ce grand dadais dont je sais qu’il n’a rien d’humain malgré ses formes.
La descente par un côté fut rocambolesque et nécessita grande attention et conscience en chacun de mes gestes ; bienveillante, la forêt m’offrit des prises tant pour mes pieds que pour mes mains et ce fut tranquillement que je retrouvai le chemin auparavant délaissé. Le dieu cerf ne m’oublia nullement et je lui fus reconnaissante de m’offrir un grand bâton en appui de mes hésitations sur la montée puis sur la descente. Ma main portée à l’embranchement était haute et l’écartement central pointait au dessus de ma tête les deux bois en hommage à celui qui me l’avait offert. En au revoir, cet elfe me sourit depuis la souche où il fusionnait, mon cadrage ne le servant guère malheureusement.
A partir de là, les énergies du sommet eurent une belle place afin de ré-énergiser mon corps car chacun de mes pas était éclairé par la magie enchanteresse de ma rencontre avec ce peuple des bois. Le dieu cerf m’accompagna tant que le chemin était abrupt, je lui rendis son bâton avec moult remerciements envers sa présence bienveillante.
Il va s’en dire que l’expérience me plut grandement d’autant que depuis l’altération de mon nerf optique, lumière et couleurs ont pris des tonalités nouvelles, étranges, éclatantes et resplendissantes. Mes perceptions intuitives et ludiques d’autrefois se vivent concrètement, j’aime me baigner joyeusement légèrement dans cette dimension transformée… au point qu’effectivement, les changements internes ont complètement transformé mon environnement, j’attire désormais d’autres personnes, d’autres circonstances.
Le monde est ce que nous en faisons.
(Non, non, je n’ai rien fumé et les médicaments n’ont pas d’effets hallucinogènes contrairement à d’autres pris il y a qq années, je vous raconterai à l’occasion)
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Mon corps est limité consécutivement à la maladie. Le dernier rendez- vous chez Solange a d’ailleurs confirmé mon intuition sur les rollers : la proprioception n’est pas rétablie. Pas chassés sans souci certes mais poser le pied droit devant le gauche les yeux fermés ? Périlleux tangage garanti ! D’un naturel opiniâtre, je m’obstine à travailler les exercices de Qi Gong axés sur l’équilibre testant incessamment les limites, misant, confiante, sur les capacités du corps à contourner les blessures de la moelle.
Malgré la fatigue consécutive à la maladie et surtout, je crois, les traitements importants pris quotidiennement, pareillement, je teste et pousse doucement mon corps à retrouver sa vigueur, son énergie, ses capacités. Alors, chacune de mes aventures « sportives » est un miracle, une victoire, une relance d’espérance.
Telle la tortue dans la fable, je ne me caractérise ni par ma vitesse, ni par ma force mais bel et bien par ma constance à avancer, tranquillement.
Ainsi, en juillet, j’ai pris le risque de partir seule en petite montagne pendant que mon garçon passait une après- midi avec son amie dans l’ancien village. J’avais hésité et questionné Yolande sur la distance : la promenade complète compte 6 à 8km… « En serais- je capable ? », pensai-je quelque peu anxieuse. Néanmoins, la force intérieure que je sens présente au creux de mon être releva le défi et je partis donc à l’assaut de cette petite montagne (ou grande colline) réputée très positive énergétiquement. Colette m’avait vivement invitée à y retourner, mes capacités physiques jusqu’alors m’en empêchaient d’autant qu’aucun accès en voiture n’est possible. Vaille que vaille, j’y partis de bon pied, décidée à avancer à mon rythme, écouter mon corps et être consciente dans l’ici et maintenant de ce qui se passait en moi. « Je ferai ce que je peux et si vraiment c’est trop difficile, je redescends ».
Habituée auparavant au trajet, je fus quelque peu désorientée ce jour-ci en raison des années passées à ne plus le pratiquer; je constatais joyeusement que mes yeux permettaient de voir les petits panneaux indiquant le tracé notant toutefois l’étrange perception de la lumière entre les feuillages désormais mienne. Persuadée de reconnaître la voie, je m’engageais sur une pente abrupte et débouchais sur un cul- de –sac au bord de la falaise creusée par l’exploitation de la carrière. Retour sur mes pas dans des exercices d’équilibre incroyables ! Contrainte par mes limitations, je surmontais l’obstacle en étant pleinement présente à chacun de mes pas : poser le pied sur un emplacement stable, assurer les jambes, transférer le poids, dérouler la plante des pieds, avancer, éventuellement me tenir à quelque branchage ou pierre et recommencer. Je fus très fière de mon périple.
Quand les jambes peinaient, qu’elles demandaient du répit, je stoppais la marche, observais les alentours, écoutais les oiseaux, ma respiration, vivais mon corps dans cet espace et je repartais plus légère. Arrivée au sommet, je me proposai d’avancer jusqu’au site préhistorique et enchantée de ma montée, je m’y rendis allègrement. Là, portée par l’exploit (cela faisait plus de 4 ans que je n’étais plus revenue !), je me restreignis à freiner mes élans car le retour nécessitait lui aussi sa dose d’effort- descendre est plus difficile que monter quand l’équilibre fait défaut. Un magnifique bâton trouvé près d’un arbre m’aida dans cette tâche et je réussis sans encombre, tranquillement.
Si mes jambes partirent dans tous les sens à l’arrivée, qu’il fut nécessaire de m’asseoir quelques minutes en repos, j’étais victorieuse : j’avais parcouru environ 10 km pendant deux heures, entre montée et descente acrobatique. Ceux que je retrouvai dans la soirée partagèrent ma joie ; eux- mêmes, si proches ne prenaient pas le temps d’y aller, ne faisaient pas l’effort. A nouveau, le pied de nez était majestueux.
« En dehors de la mort, il n’y a d’impossibilités que celles que nous nous imposons » répétai- je souvent avant la maladie. Je n’en démords pas et avec l’expérience, je songe en plus que face à la mort, le handicap, la maladie, l’accident, ces imprévus éprouvants, nous avons la possibilité d’outrepasser ce qui nous semblait impossible quand nous étions pris par nos peurs de les affronter.
Parce qu’avant toute chose, il y a la vie.
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Fiston et moi étions dans le salon, vaquant chacun à nos occupations quand j’en eu assez de ses incessantes remarques, pensées à voix hautes et autres paroles à haut débit. J’exprimais mon exaspération, il renchérit sur ses propres représentations et je lâchais:
« Ben, toi t’es toi et moi, je suis moi, d’accord ? »
Je n’eus guère le temps d’ajouter un quelconque autre argument qu’il s’exclama en riant :
« Toi t’es toi, d’accord et puis surtout tu me dis : toi tais- toi ! »
Après un blanc de micro- seconde, nous partîmes dans un bel éclat de rire ; l’évidence de sa réflexion ne faisait aucun doute.
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Mon fiston est en vacances, je passe donc moins de temps devant l’écran parce qu’il l’occupe ou parce que nous nous occupons ailleurs.
Ma voiture est en vacances parce qu’elle est détraquée, que cette histoire vieille de 4 ans m’énerve à un point que je ne saurais dire, que la pièce à changer n’est pas disponible avant le 2 septembre et donc, j’évite de rouler.
Je suis en vacances et je me tourne la tête dans des préoccupations financières, matérielles parce que ma situation n’est nullement confortable, faite d’incertitudes, de dépendances aux aides sociales qui évidemment entraînent des aberrations diverses, des retards, aux conséquences contrariantes et inconfortables. Mes handicaps sont des freins supplémentaires à l’amélioration de ma situation et je me mets parfois en colère contre l’hypocrisie généralisée. (Je songe ouvrir une nouvelle catégorie entièrement consacrée aux aléas « administratifs » parce que dans ce domaine, c’est particulièrement épique et rocambolesque, limite ubuesque)
Bref, autant le dire, mon état d’esprit ces jours- ci ne me permet pas d’avoir la tête à écrire et ce malgré la multitude des idées et expériences jalonnant mes semaines. Je suis plutôt tiraillée, préoccupée avec des accès de révolte et d’indignation sporadiques conjugués à une rage de vivre, de profiter en pied de nez aux circonstances aléatoires et des phases de détachement.
Par un concours de circonstances fortuits, j’ai obtenu de la place aux Amanins, centre d’agroécologie co- fondé par Pierre Rabhi. S’ils sont très arrangeants en me faisant bénéficier de baisse de tarif au regard de mes faibles revenus, l’effort financier n’en reste pas moins important (c’est en partie là qu’est la raison de mes préoccupations quotidiennes). Pourtant, nous y allons du 15 au 22 août, en train. Nos premières véritables vacances familiales ! Non un voyage, non une expédition, une semaine d’installation en un lieu où nous avons la liberté de ne rien faire, de partager, d’échanger entre les cultures, les animaux, la bibliothèque, les ateliers, la boulangerie, la cuisine, la fromagerie. Je pars à l’aveuglette, sachant à peine combien de mois voire d’années me seront nécessaires pour encaisser la dépense, n’ayant aucune idée de mes capacités à me déplacer sur le site ou dans la région... Bref, malgré les peurs de me retrouver en difficulté, je nous accorde cette bulle, à fiston et moi.
Lâcher prise, résister âprement au quotidien afin de préserver sa dignité dans une société hypocrite et inhumaine, vivre pleinement une existence basée sur des valeurs autres que celles prônées, pratiquer la non- violence, activer le cerveau en dehors du troupeau de Panurge, éveiller sa conscience, éduquer mon garçon en expliquant et démontrant l’absurdité de la course effrénée au pouvoir et à l’argent, s’adapter à mes difficultés physiques, écouter le corps, les sentiments et émotions, prendre ma place, l’accorder pareillement à autrui, toutes ces futilités que je relate dans ce blog oui oui ! Je n’en démords pas ! Néanmoins, J’EN AI MARRE et cette parenthèse aux Amanins tombe à point nommé. Ouf ! Je vais m’y ressourcer.
Ne vous étonnez pas de mon silence ! Je reviendrai quand j’en aurai la tête.
ps: le pack premium a pris fin et je ne pense pas le renouveler, 50 euros, actuellement c'est une dépense superflue. Notez que feedesagrumes.com ne fonctionne plus, passez par feedesagrumes.over-blog.fr
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L’injure est un appel.
Cette abomination jetée à la figure ne parle pas de son destinataire, elle parle des besoins insatisfaits de celui qui l’énonce. Afin d’exposer concrètement cette réalité, je m’en vais relater un épisode particulièrement évocateur.
Alors que j’étais à la maison, tranquillement, me prit l’envie subite de parler avec la mère d’une de mes amies. Je l’apprécie depuis longtemps, nous partageons des goûts communs tels que le patchwork et nous avons eu de multiples conversations sincères et enrichissantes au fil des années. Je n’avais plus de nouvelles depuis plusieurs mois et je ressentis le besoin d’entendre sa voix ; elle était à la maison et j’en fus enchantée. Pourtant, rapidement, je remarquai une aigreur dans le ton de sa voix. Soucieuse, je m’enquis de son bien-être, elle m’expliqua qu’elle était bouleversée par la mort d’une camarade disparue brutalement d’une attaque cérébrale radicale alors qu’elle n’avait pas 50 ans. Je donnai de la place à sa douleur et l’accompagnai dans ses ressentis, bienveillante, elle y mit rapidement fin par une pirouette. J’expliquai alors mon envie subite de lui parler après ces mois de silence et elle enchaîna des jugements abominables à mon encontre justifiant son silence, exposant toutes les raisons d’une colère qui m’échappait.
En gros, je n’étais qu’une salope d’avoir osé abandonner SeN après tout ce qu’il avait fait pour moi, après ces années passées dans cette maison, gracieusement, dans un confort largement dû à l’extrême générosité de SeN et de ses parents . Du jour où elle avait appris mon départ, elle avait décidé de couper définitivement les ponts avec moi. Et des « vous êtes vraiment spéciale, vous l’avez toujours été » ou encore « Il serait temps que vous admettiez que votre garçon a des problèmes et qu’il est très particulier, difficilement supportable ». Bien sûr, j’avais envie de me défendre, d’argumenter, de démontrer à quel point elle se trompait sur mon compte, ce n’était simplement pas judicieux à cet instant, je savais pertinemment qu’elle parlait de ce qui se jouait en elle et passai outre les abominations qu’elle lançait. Obnubilée par ses besoins, elle s’était fait un film de mon histoire de rupture en transposant une part d’elle- même en miroir. Laquelle ?
Très calme, je m’occupai d’elle, posant des questions, proposant des ressentis et sentiments, finement. « Oui, oui, c’est exactement ça ! » criait –elle presque à l’autre bout du fil. Si je me trompai, du fait d’être empathique et ouverte aux ressentis, elle corrigeait et affinait mes propositions. Finalement, j’en arrivai à ses besoins. Elle put exprimer combien il était essentiel à son bien- être d’avoir de la clarté dans ses relations, combien elle avait besoin de relations paisibles avec son entourage et surtout, l’essentiel, qu’elle avait besoin de reconnaissance pour tout ce qu’elle faisait. Ainsi, obnubilée par ce besoin, elle s’était transposée sur SeN, le couronnant de son propre fonctionnement, de ses propres représentations. Evidemment, son film n’a rien à voir avec la réalité de mon histoire, elle a rejoué une peur interne qui la concerne elle et certainement pas moi, entre rejet et abandon, terreur de l’ingratitude… Un fatras qui lui appartient et dans lequel j’ai eu besoin de mettre une petite lumière afin de me préserver.
Elle avait quelque obligation et écourta la conversation, répétant que peut- être, un jour, nous nous croiserions au hasard, peu certaine de vouloir garder des contacts.
Pendant 40 minutes, elle avait eu toute la place et j’ai été si fine dans mon attitude qu’elle n’a pas réalisé une seconde que nous ne parlions que d’elle, que je ne me fâchai ni ne me blessai de ces paroles cruelles. Je mesurai à nouveau l’immensité de mon avancée des dernières années : l’empathie que j’ai désormais à mon encontre me permet d’être présente à l’autre, pleinement, chaleureusement.
Trois ou quatre semaines plus tard, alors que je retournai à ma voiture au supermarché, je la vis au loin marchant dans ma direction. Le hasard. Elle était souriante, radieuse et ouvrit les bras à mon approche. Je l’embrassai chaleureusement et nous devisâmes joyeusement de longues minutes. C’était beau, sincère, authentique ; à l’intérieur, je rayonnai. Comme nous nous quittions, elle nota mes coordonnées dans son calepin évoquant une prochaine entrevue, je lui exprimai ma joie de la rencontrer si magnifique. Jamais cette belle rencontre n’aurait eu lieu si j’avais pris pour moi ces mots lâchés en cri d’appel de ses besoins.
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Consécutivement aux articles précédents évoquant ces menus travaux effectués dans la maison et cette rencontre inopinée résolvant ma problématique du découpage de planches, je suis revenue en pensée vers ces travaux incroyables mentionnés ici, là , là et là. J’avais envisagé l’écriture de cet article il y a plusieurs mois mais les événements ont bousculé le fil de mes écritures et publications. Logiquement, j’y reviens donc en parallèle des précédents.
N’ayant que peu de revenu, je dépasse ces obstacles en développant ma créativité et mon adaptabilité. Dans la nouvelle cuisine, par exemple, à l’heure où les aménagements épurés sont à la mode, je multiplie les étagères ouvertes où je range les objets en mouvement perpétuel. Avec des équerres et des planches de bois brut, j’installai ces aménagements peu coûteux parfaitement adaptables à mes pérégrinations nomades. Pour diverses raisons, j’ai tâtonné maladroitement, j’ai jugé à l’œil, plus ou moins et inévitablement, les étagères ne sont pas de niveau exact. Le décalage sur quelques millimètres est effectif et mes étagères sont légèrement de travers ; pareillement, un des tableaux est en houle. Si pour l’un, le décalage est notoire, les autres penchants sont subtils et seul l’œil observateur les remarque. Je n’avais cependant aucune envie de tout enlever, de boucher les trous, de repercer et refixer… seulement pour un jeu de quelques millimètres. Aussi, je laissai joyeusement mes étagères de travers.
Un jour d’automne, alors qu’il ramenait quelque objet, SeN entama les critiques sur le désordre de la maison, le travers des étagères répétant la nécessité de recommencer, critiquant vertement mes choix, assénant ses jugements sur le bazar généralisé, l’immensité des tâches où je m’étais engagée. Blabla. Tranquillement et fermement, je fermai ce jeu malsain.
« Écoute- moi bien ! Ici, c’est chez moi et je fais ce que je veux. Tu es le bienvenu, la porte reste ouverte mais tes principes et les principes de tes parents restent là-bas, à l’entrée, je n’en veux pas ! Je ne suis pas partie pour que tu me les ramènes! C’est toi qui a besoin que ce soit parfait, c’est toi qui a besoin que ce soit de niveau et aligné, au millimètre, ce n’est pas moi. Ces étagères de travers ne me gênent absolument pas et au contraire, je les aime telles qu’elles sont parce que je les ai posées moi- même avec les moyens du bord, parce qu’elles sont à l’image de ma façon de vivre, sur les voies de traverses, en dehors de principes. Et j’en suis fière ».
C’en fut définitivement terminé.
Que ce soit lui ou qui ce soit, je pose mes limites, je m’accorde la place qui est la mienne et je démêle l’embrouillamini des besoins respectifs. Le jugement asséné n’est que le reflet d’un besoin insatisfait de celui qui juge et n’a rien à voir avec son destinataire. Il en est fini des fusions mortifères où chacun se noie dans son propre flou et projette sur autrui ce qu’il ne peut identifier chez lui. Cet autre qui provoque telle ou telle réaction n’est de toute manière qu’un déclencheur, la réaction que nous avons relève de notre choix et nullement de la responsabilité de cet autre. RESTER CHEZ SOI est une règle fondamentale tout comme les questions : « Quand je vois, entends ceci ou cela, qu’est- ce que cela provoque chez moi ? Quels sont mes émotions et sentiments ? De quoi ai- je besoin ici et maintenant ? En quoi cette expérience parle de ma propre histoire ? ». Plus ce cheminement faussement compliqué est pratiqué, plus il devient naturel puis quand nous nous sommes donné cette empathie dont nous avons tous besoin, nous avons la possibilité d’avoir de l’empathie pour cet autre qui nous a secoué, il est aisé d’accorder de la place à ses besoins insatisfaits. La relation devient authentique, véritable et la violence s’étiole, s’évanouit, par enchantement.
J’ai changé de cap devant l’idée concrète de la mort, j’ai pris en main mon destin, il n’est absolument plus question de revenir aux poisons du passé, je suis dorénavant pleinement dans la vie.
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En parallèle de ces planches à étagères et projet de meuble, je m’occupai d’autres bricoles, tranquillement. Je déambulais dans la maison avec ma nouvelle perceuse et sa bonne mèche pour fixer là un porte- balai trimbalé des années vainement, ici le petit aspirateur à main. Je tapai du marteau sur ce tableau afin d’y mettre une attache correctement puis le fixer au mur. Ces petites choses de rien avaient une force d’évocation à mes yeux car elles portent le symbole des inerties passées.
Le porte- balai m’avait été donné par ma mère des années auparavant. Son concept m’enchantait mais il ne fut pas fixé en raison d’excuses multiples et variées au point que je songeais à le vendre aux puces. En vain. Je le trimbalais donc incessamment ne pouvant me résoudre à le jeter. Le petit aspirateur traînait dans les cuisines successives, inactif notamment dans la maison aux possibilités. Comme le porte- balai, il avait été jugé inutile et encombrant. J’en fus pareillement à me tâter pour le vendre, résistant pourtant, pressentant une utilité notoire.
Ce jour-là, il était donc question d’aller au- delà des frustrations passées en posant définitivement mes représentations libérées des jugements d’autres. En quelques minutes, ce fut réglé.
Alors que je racontais joyeusement ces pérégrinations à Nadine, camarade de CNV, elle eut cette phrase étincelante : « C’est le besoin de mettre en ordre ». Sur le coup, je ne fus qu’interloquée. L’idée continua son chemin, grandement.
Ces petits bricolages n’ont pas été effectués durant des années parce qu’il y avait systématiquement un esprit chagrin pour les juger inutiles. Mes besoins n’avaient pas de place, n’étaient pas écoutés uniquement quand ils allaient dans le sens voulu par d’autres ; longtemps, je ne décidais plus de ce genre de travaux parce que mes procédés étaient terriblement anxiogènes pour les puristes aux besoins de contrôle absolu au point que je me suis enfermée dans une lutte âpre et permanente ne conduisant qu’à la colère et la dépréciation de soi. S’en suivirent ces enjeux pourris de territoire et de pouvoir relatés dans les possibilités de la maison.
J’en ai fini avec cela, je suis désormais sur la voie de l’autonomie, de la responsabilité aussi, je fixe mes étagères tordues en décalage, je perce et découpe dans des conditions rocambolesques… certes, mais au moins, C’EST FAIT et il n’y a plus lieu d’y transférer des enjeux inconscients. Je ne participe plus à ces tragi- comédies quotidiennes empoisonnant nos existences insidieusement. Je laisse à mes besoins la place qui est la leur.
Je fais restaurer des meubles anciens, je fixe, range et trie. Cela prend du temps, est lent et le bazar de notre appartement ne le concrétise guère en apparence. Néanmoins, je travaille sur des décennies, voire des générations, comment pourrais- je aller plus vite ? J’ai besoin de ce temps pour en finir avec les fonctionnements anciens, réparer ces pourritures auxquelles je me suis pliée. Etonnamment, c’est maintenant que toutes les impossibilités où je me suis fourvoyée se délitent et que le lâcher prise ouvre des portes insoupçonnées.
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Après ces trois jours avec des ados déchaînés, je réclamai du calme. Mon garçon ne se fit nullement prier étant lui- même remué par la cohabitation avec son camarade, nous programmâmes alors deux ou trois jours de RIEN…
C’est malheureusement mal connaître la fée que de l’imaginer dans l’inactivité.
Après plusieurs heures à broder- incroyable capacité que je croyais perdue aux heures d’aveuglement- me revinrent à l’esprit les bricoles inachevées de la maison. Nonchalamment, je descendis à la cave étudier des planches ramassées dans une poubelle il y a plusieurs années et conservées malgré les remontrances. Prise des mesures, préparation du territoire et armée de ma toute nouvelle scie sauteuse, j’entamai la découpe. Remarquez la tenue tout à fait appropriée aux circonstances : petite robe d’été, courte jupette et volant.
Secouée, dans des acrobaties qui rendraient fou n’importe quel bricoleur, je les coupai de travers, m’amusant grandement de ma capacité à créer malgré tous les barrages et impossibilités des puristes du processus et de la perfection. Ensuite, je peignis celle destinée à ma nouvelle vitrine, me triturai la tête sur quelques points techniques puis partis joyeusement au supermarché chercher les vis, clous et autres quincailleries nécessaires à mes travaux en cours ou pour monter un meuble patchwork à glisser entre deux gros électroménagers de la cuisine. J’étais préoccupée par ces grandes planches à couper sur une longueur importante et dans mon incapacité à couper droit avec la scie sauteuse, je cherchai vaguement des solutions. J’avais essayé d’appeler SeN sachant qu’il bricolait et possédait quelques machines qui pouvaient m’être utiles, il n’y avait personne. S’adresser à une scierie ? À un menuisier ? Qui ? Où ? Refusant de me prendre la tête, je pensais qu’une solution apparaitrait spontanément.
Alors que je m’approchai du rayon bricolage, je croisai une collègue. Grand bonjour, vive salutation, papotage varié puis je l’interrogeai sur les possibilités de découpe. «Et bien, il y a mon mari ! Tu n’as qu’à passer d’ici une heure avec tes planches et nous verrons ».
Super ! Franchement, n’est- ce pas là l’effective réalité du lâcher prise ?
J’arrivai chez eux à l’heure convenue, rencontrai toute la famille et découvris les yeux grands ouverts les merveilles naissants de leurs mains que ce soit dans leur maison actuelle ou dans la ruine qu’ils avaient rénovée auparavant. J’étais ébahie, enchantée et ne manquai pas de les féliciter de tant de mérite. Finalement, je leur confiai le plan de mon projet, quelques magazines de décoration et avec mon garçon, nous restâmes manger en inauguration de leur barbecue arrivé la veille sur leur terrasse fraîchement coulée et inachevée.
Ce fut une soirée très agréable où nous discutâmes de tout et de rien. Je remarquai combien ces personnes étaient dans le principal et vivaient au gré des circonstances sans s’enfermer dans des principes. Décidément, mon entourage est en pleine mutation et je suis soulagée de ne plus avoir à supporter les impasses et tralala dans lesquels certains se mettent en bunker. Basta !
Je n’ai aucune idée du temps que ce découpage prendra, je ne sais pas non plus ce que me fera exactement ce grand bricoleur (parce qu’il parla de me changer les planches afin de rendre mon meuble plus proche de l’idée de départ ou de me chercher des vis adaptées pour plus de solidité), cela n’a aucune importance. Je sais seulement que dans mes activités de bricoleuse acrobatique, j’ai senti vibrer en moi l’ingéniosité et la créativité de ceux qui ne se laissent pas aller aux circonstances à priori contraires, j’ai de nouveau eut l’évidence de la force du lâcher prise.
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