• A notre dernière entrevue, Solange m’avait proposé d’intervenir auprès d’élèves infirmiers en première année, dans le cadre d’une unité de valeur de leur examen portant sur le handicap, la maladie chronique au quotidien. J’avais accepté, enthousiaste.

    Lors des échanges téléphoniques préliminaires avec l’école, j’eus quelques indications générales : le thème avait été étudié en cours, des recherches en amont demandées avant l’entretien, je n’avais qu’à me présenter rapidement, répondre aux questions, échanger avec les élèves. La promo de 160 élèves étant divisée en groupe de trente environ pour les cours  non magistraux, nous étions plusieurs intervenants.

    Les semaines passèrent, je ne m’en préoccupais outre mesure, m’interrogeant vaguement sur ce que j’allais dire.  La réflexion engendrée par l’écriture du blog se révélait particulièrement intéressante dans ce contexte, l’esprit clair, les problématiques définies, les illustrations et explications ordonnées.

     

    Jeudi dernier, je me jetai allègrement dans l’inconnu, ravie de l’aventure, confiante et nullement intimidée.

     Intervenants et enseignants se retrouvèrent à l‘accueil puis chacun partit vers son groupe. Je me retrouvai dans une grande salle, petit amphithéâtre dont les tables avaient été repoussées. Deux, trois chaises vides faisaient face à celles occupées par les étudiants, en demi- cercles. Grand bonjour en entrant avec le sourire, petite remarque sur la solennité de l’agencement, je cherchai mes marques et naturellement, je me coulai avec aisance dans le contexte. En préambule, j’expliquai que je ne pouvais rester longtemps assise ou debout, que j’avais besoin de bouger ; je posai mes affaires et englobai d’un regard mes interlocuteurs. Après mes prénom et âge, d’emblée, je pris le contre- pied de ce qui leur avait été annoncé : non, je n’ai pas une sclérose en plaques mais une maladie ou syndrome de Devic, maladie rare du système nerveux central touchant le nerf optique et la moelle épinière.  

    J’expliquai ses caractéristiques, ses particularités, le parcours pénible coutumier des personnes atteintes d’une rareté,  le cataclysme qu’elle avait provoqué dans ma petite existence, l’idée de tumeur initiale qui m’avait acculée à l’éventualité d’une mort rapide «  Non, non, ce n’est pas possible, je ne peux pas mourir maintenant, j’ai encore tellement de choses à régler ! », la prise de conscience de ma finitude,

    « - La finitude ?

    - Oui, parce qu’il y a mourir et il y la finitude. A notre mort, le cerveau meurt avec tout ce que nous sommes, ce que nous avons appris, expérimenté, ressenti. Chaque être qui meurt, c’est un monde, un univers entier qui meurt. Nous survivons dans le souvenir de nos proches, dans ce que nous avons transmis et peu à peu, lentement, s’installe l’oubli définitif. »

    le corps qui s’échappe à grande vitesse, la perte de mes jambes, de ma vue jusqu’à cet état terrible de janvier 2007, le rétrécissement de mon environnement jusqu’à l’extrême où ne compte plus que la présence de quelqu’un serrant la main,

     la mitoxantrone, bénéfique qui permet le ré élargissement de mon monde, la rage de vivre, de ne plus rien gâcher, de jouir pleinement de ce que la vie offre, ici et maintenant,

    l’impact sur l’entourage, les bouleversements internes engendrés par le choc, la psychanalyse,

    « Dans ce cataclysme, j’ai rencontré quelqu’un et ce quelqu’un, c’était moi »

    la douleur, la souffrance, l’incompréhensions de certains médecins, la violence institutionnelle subie,

    « Les meilleurs traitements du monde et les progrès de la médecine indéniables ne valent qu’avec la prise en compte de la globalité de l’être, de sa profonde humanité. »

    la beauté des rencontres avec d’autres, mon ami Boris, la force du lien, l’humanité si puissante,

    « Nous ne sommes rien sans le lien à autrui. Nous tous ici avons été confrontés à des épreuves, si nous sommes encore vivants, c’est que nous avons trouvé quelque part, en quelqu’un la force de continuer à vivre. »

    les notions de besoins, d’empathie,

    « Soyons empathique avec autrui en comprenant que l’agressivité, l’amertume, le désarroi sont les reflets de besoins insatisfaits qui n’ont pas à voir avec nous ; soyons surtout empathique avec nous- même. »

    le handicap, les adaptations, le quotidien en aveugle physique et aux capacités réduites quand à l’interne, l’acuité est vive et la marche entamée,

    « Comment recevoir si nous ne demandons pas ? Chaque fois que j’ai sollicité de l’aide, dans la rue, au supermarché, ailleurs, personne n’a refusé et ils me donnaient avec joie. »

    En vrac, ordonné ou plus fouillis, je racontais ma perception de cette épreuve, de ce qu’elle avait engendré en moi, des conséquences collatérales à la maladie, aux handicaps,  l’importance du ici et maintenant, la méditation, le Qi Gong.  

    Pèle- mêle de ce que j’ai exprimé dans le flot de mes pensées. Pointillé au hasard de ma mémoire.

    En condensé, j’ai relaté ce qui jalonne ce blog, au gré des circonstances et de la ligne générale de mon récit.

      J’observais les visages, les postures, répondis à quelques questions. Devant leur silence, je les interrogeai à mon tour sur leurs impressions, invitai à l’ouverture la plus grande démontrant mon absence de tabou. L’enseignante elle- même restait silencieuse. Je revins à leurs préparations, elles se révélèrent totalement obsolètes : «  Nous pensions à un récit du type j’ai droit à … et j’ai…, à des questions très terre à terre et finalement, vous nous avez emmenés complètement ailleurs, dans l’ordre de l’humain, du philosophique ». J’insistai à nouveau, taquine, une étudiante demanda à me prendre dans ses bras ; évidemment, chaleureusement je l’accueillis. Je vis des larmes couler d’émotion, c’était fort. « Je ne suis pas venue pour vous faire pleurer, je suis là pour vous rappeler de ne jamais douter de l’humain qui est en vous. Si j’ai pu  apporter quelque chose à quelques uns parmi vous, j’en suis comblée. Je suis là pour offrir ; accepter ou refuser ne relèvent pas de moi, c’est à vous de choisir, à votre convenance.»

    L’enseignante dit que j’emplissais l’espace de ma présence, par mes gestes ouverts et amples, que je vibrais d’émotions intenses qui touchaient au cœur, qu’avec mon témoignage, je donnai une réalité palpable aux théories enseignées en cours. Etonnant pour une personne à la faille narcissique si profonde, remarquai- je en boutade.

    Suivit un partage de délicieux gâteaux au chocolat, de boissons que je dégustai avec joie. Peu vinrent vers moi, nous échangeâmes  toutefois rapidement deux ou trois points plus pratiques dans le registre d’une vie avec le handicap, du fossé existant entre les discours et la réalité parce que je n’étais pas là pour occulter ces travers de la société. Le groupe reprenait ses affinités et non affinités habituelles pour des conversations plus feutrées, il semblait cependant que chacun avait à digérer ces heures partagées. Des idées fusèrent pour relater l’expérience aux autres groupes (suite du travail demandé aux étudiants) ne pouvais- je carrément revenir ? , que chacun s’exprime et non pas seulement quelques uns… Je répétai simplement l’accueil que je gardais à quiconque désirant me contacter. En fin de goûter, un étudiant proposa de monter un projet vidéo autour de mon témoignage après les partiels, cet été ; une dizaine de camarades s’y rallièrent. L’entrevue était prévue sur deux heures, je suis partie au bout de trois ; certains m’accompagnèrent jusqu’à ma voiture, nous nous échangions des remerciements mutuels chaleureux sous un ciel lumineux. Je réalisai à peine ce qu’il se passait, toute à ma joie d’avoir été pleinement à ma tâche.

     

    Aujourd’hui, à l’écriture de cet article, je ne suis pas certaine d’avoir réellement pu exprimer ce qu’il s’est passé. J’ai offert sincèrement, authentiquement mon expérience en partage répétant à l’envi le libre choix de chacun à l’accepter ou non. Pourquoi d’ailleurs y suis- je allée ? Répéter combien la vie est précieuse, fugace et fragile, revenir à l’essence de notre humanité, (ap)porter l’espoir, dépasser les clivages, prôner la tolérance, l’humanisme… Incarner le changement que je souhaiterais voir dans le monde (citation de Gandhi). Que sais- je ?

    Maintenant, ma curiosité est titillée à l’idée de découvrir ce que les élèves en feront.

    Affaire à suivre.


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  • A la fête de la musique, j’avais envie de manger une gaufre ; il était  minuit, le stand n’en restait pas moins actif, deux files ne désemplissaient pas devant la crêpière et le gaufrier, Sabine et moi nous y mîmes tranquillement en continuant notre conversation. Nous approchions de notre tour quand la gaufrière lança en avoir fini avec sa pâte : seules trois gaufres pouvaient être cuites, pour une personne devant nous et  deux pour Sabine et moi. Grande exclamation des suivants : «  Cela fait trois quart d’heure que nous attendons, pourquoi n’avez- vous rien dit ?! ». Sabine songea à renoncer à la sienne ce que je n’entendis pas et spontanément, je proposai de n’en prendre qu’une  à partager avec elle afin que nos suivants puissent avoir la dernière à partager également.  La gaufrière ne vit aucun inconvénient à couper la nôtre et je me tournai vers les suivantes immédiates en expliquant ce petit arrangement, il ne restait qu’une jeune femme, les autres étant repartis déçus. Avec sa camarade attendant une crêpe, elles restèrent bouche bée, stupéfaites de ma proposition, prises de court alors qu’elles en étaient à leur déception et protestations, j’en souris intérieurement. Entre la crêpière et la gaufrière, il y eut quelques échanges auxquels je ne prêtai guère attention; comme nous discutions de l’agrément de la gaufre - je proposai à Sabine sucre et cannelle-  la gaufrière nous expliqua que finalement, il lui restait trois portions de pâte. Sabine et moi en eûmes une entière chacune, la suivante pareillement. Je payai en riant vers la suivante : «  Et bien, vous en aurez en plus une entière ». Elles semblaient toujours surprises de ma proposition précédente et ne cessaient de multiplier les remerciements ; nous nous quittâmes sur des vœux de bonne soirée chaleureux. Plus loin, je pouffai de délice avec Sabine : « Tu vois, c’est ça le lâcher prise ! Au bout du compte, tout finit pas se résoudre naturellement. Voilà un bel exemple concret! Et  c’est comme ça que je vis désormais » sourire-beat-cligne-des-yeux.gif

     


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    En juin 2006, ma vie basculait dans l’engrenage infernal de la maladie. Aujourd’hui, j’ai une folle envie de faire un pied de nez  monumental à tous les défaitistes, désabusés de la vie, pessimistes et autres négatifs de tout poil.

     

    Mon fiston se passionne pour l’escalade depuis plusieurs mois et je l’ai rarement vu aussi enthousiaste sur la longue durée ; forcément, cela me rend heureuse. Il m’est arrivé de l’accompagner, il me demandait de rester pour le regarder grimper, assurer… et glandouiller. J’avoue m’être glissée dans un coin tranquille pour pratiquer du Qi Gong pendant ces heures de présence ; je ne peux rester longtemps assise, le corps a ses raisons et je ne suis pas le genre de mère à m’extasier bêtement devant les faits et gestes de son enfant ( enfin, je crois… ) . J’observais toutefois de mon œil affuté son attitude ainsi que les  enseignements d’escalade.

    Petite, j’adorais grimper ; lors de nos promenades, tout mur ou escarpement était une aventure plaisante. Après mon bac, je suis partie en Urss dans le cadre d’un échange culturel et sportif (je raconterai ultérieurement cette merveilleuse aventure) où l’escalade était au programme. J’étais fascinée par les grimpeurs avertis, mon premier essai fut par contre pénible. Mes petits bras n’avaient pas la force de me tirer vers le haut et l’effort demandé me sembla au- dessus de mes capacités ; j’ai alors préféré le canoë et la cueillette des myrtilles. L’occasion de grimper ne se présenta plus.

    Avec la maladie et la paralysie de mes jambes pendant 8 mois, j’ai mobilisé en compensation mes petits bras pas musclés : se lever, se soulever, se hisser, se transférer, pousser les roues du fauteuil. Mon corps a changé. A ma joie de remarcher, de sentir le gain de force de mes bras, je rêve de temps en temps aux sports aimés du passé testant chaque jour mes capacités d’endurance, les réactions du corps dans le mouvement et l’agitation ; en cela, le Qi Gong est tout bénéf parce que c’est lent et profond. Restent des sports désirés pour lesquels les circonstances ne se prêtent guère aisément.

    En voyant mon fiston dans ses exercices, j’eus envie d’essayer une grimpette sur le mur d’escalade ; malheureusement, certainement pour des raisons de responsabilité, le prof nous renvoya aux cours pour adultes. Mince !

    Il y a quelques semaines, nous sommes partis avec un de ses camarades en balade dans les bois derrière chez nous.  Nous marchions tranquillement sur les chemins puis ils voulurent me montrer des coins secrets de leurs cabanes. Nous nous enfonçâmes dans les fourrés. Ma jupette légère et mes mollets nus n’étaient pas propices à l’exercice mais je m’en remis à eux. Finalement, nous fûmes dans une espèce de trou et ils voulaient absolument aller de l'avant. Alors qu’ils gambadaient allègrement sur des arbres tombés en travers du fossé, je grimpai sur le versant le plus abrupt. Me remémorant les gestes de l’escalade, je positionnai mes membres en étoile à la recherche de prises. En silence,  jupette et petites chaussures, je grimpais quand mon fiston tout à coup mesura mon avancée. Ce fut une exclamation joyeuse : «  Waouh MAMAN !!! » Son camarade le regarda surpris, il lui expliqua gentiment que j’étais malade et handicapée, que véritablement, c’était incroyable ce que je faisais là en cet instant. « C’est que j’ai observé et appris de tes escalades garçon ! ». Olala, qu’est- ce que nous étions fiers  quand je parvins au sommet!

    Mis à part un pipi express au milieu du chemin sous l’effet des efforts qui valut un petit exposé au camarade sur la moelle épinière et ses lésions, nous profitâmes pleinement de cette promenade de presque une heure.

     

    Hier soir, je suis allée à la fête de la musique où j’espérais retrouver mon amie Sabine de passage en France. Fiston resta à la maison ; comme il ne retrouve plus son trousseau de clef, je lui laissai les miennes pensant ne pas rentrer très tard, cela le rassure de pouvoir fermer en mon absence. 

    Au centre ville, je vis les habituelles places pour handicapés occupées par des voitures sans macaron, je me plaçai devant l’une d’elle EXPRES (bon, je suis pas si vache, elle pouvait sortir de l’autre côté). Je déambulai dans les rues en quête d’une scène intéressante et atterris sur une petite place. Deux messieurs y jouaient du jazz, piano et clarinette. Super ! Les bancs étant occupés, je grimpai maladroitement sur la margelle d’une fontaine en trois essais peu gracieux, guettant de ma hauteur le passage de Sabine.

    Suivit un groupe de musique des Balkans. Sur un banc, au deuxième rang, je profitai pleinement du spectacle ; fan de Goran Brégovic et des musiques tsiganes, j’avais de quoi me satisfaire. Sabine me retrouva après que j’eus agité mon foulard au rythme de la musique par-dessus le public. Quelle joie d’être ensemble!  Le concert fini, nous mangeâmes une gaufre (digne d'un récit à elle seule)  en regardant des danseurs de hip-hop spontanés, nous échangeâmes quelques mots avec un passant dans la bonne humeur. Vint l’envie de rentrer au chaud, il était une heure du matin.

    En garant la voiture devant l’immeuble, je me souvins que j’avais laissé mes clefs au fiston. Aïe aïe ! Toutes les lumières étaient éteintes, je m’inquiétai de la première porte habituellement fermée, difficile à ouvrir avec la clef. Je la trouvai heureusement ouverte et me réjouissais de me chauffer sous la douche et sous la couette quand je butai sur la porte d’entrée de l’appartement fermée ! Nooooooon !  J’eus beau sonner, taper, rien n’y fit. J’appelai depuis mon portable en vain, il dormait à poing fermé. ARG ! Je fis le tour espérant trouver une fenêtre ouverte, nada. Ma dernière chance résidait dans l’escalade : monter sur le banc, glisser le pied sur le petit renfoncement du sous- bassement, pousser sur les jambes et les bras pour atteindre le rebord de sa fenêtre. En étais-je capable? se-gratte-la-t-te.gif   N’y réfléchissant pas plus, je tentai l’aventure; la facilité avec laquelle je me hissai me ravit.

    Je pus m’asseoir le long des vitres et entamer le tambourinage aux rythmes variables qui dura 20 bonnes minutes. Je regardai la ville dans la nuit, les lumières vives, j’écoutais les bruits au loin, je m’imaginai coincée dehors, envisageai de dormir sur ce bord de fenêtre, dans la voiture, chez ma mère … Bref, un léger agacement dû à la fatigue, pas de colère, d’énervement ou de panique. Le calme.

    Alors que je n’y croyais plus, je le vis assis sur le lit, hagard. J’étais prête à rentrer par la fenêtre, il préféra m’ouvrir, confus : «  Oh, maman, excuse- moi, je suis tellement fatigué ». Je l’embrassai joyeusement, dédramatisant. Cela se révélait plutôt drôle après tout : le jeune ado qui roupille sagement,  la mère qui fait la nouba tard le soir en semaine qui plus est, et pour rentrer, grimpe par la fenêtre ! C’est cocasse non ? Principalement, je suis reconnaissante à ces circonstances de me permettre de mesurer la souplesse et la force que porte mon corps meurtri.  

     

    Moi je vous l’dis : vive la grimpette !!!

    Bientôt, j’essaierai le mur d’escalade !

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    J’aime mon travail, mon métier malgré l’ingratitude et la non- reconnaissance décrétées par les valeurs régissant les représentations de réussite contemporaines.

     Je l’aime parce qu’il est à l’image de mes valeurs humanistes ; de là à savoir s’il l’est fondamentalement ou si je le construis ainsi, je ne saurais le dire précisément ; c’est en tout cas une histoire d’engagement, celui d’une troupe quasi militante silencieuse néanmoins active.

    Je l’aime pour les rencontres que j’y fais, la chaleur qui y règne, la richesse des échanges.

    Je l’aime parce qu’il nourrit également ma curiosité infinie à l’égard du monde tant sur le plan humain, émotionnel, sensitif que sur le plan intellectuel.

    Je suis enseignante dans la formation continue.

    Le champ des matières, des niveaux  que j’aborde est si vaste que je ne rentre pas dans le détail aujourd’hui. J’aborde simplement la question des préparations aux différents concours, notamment ceux des écoles type aide- soignant, infirmier, éducateur, etc. Régulièrement, par ce biais, j’étudie avec les stagiaires (non des élèves, ce n’est pas l’école) des textes, des documents touchant aux sphères médico- sociales. Hormis les thèmes classiques aux questions habituelles, il arrive de temps en temps que les sujets révèlent des trésors dans l’absolu. Il y a peu, j’ai eu l’immense joie de découvrir celui- ci donné à un concours d’entrée d’école d’éducateur:

     

    Il y avait autrefois un roi riche et puissant et une reine qui était maigre, pâle et triste. Elle n’avait aucun appétit ni pour la nourriture, ni pour la vie. Le roi observait sa reine et ne savait pas comment lui redonner les rondeurs qu’elle avait eues quelques années auparavant.

    Un jour, le roi regarde par la fenêtre de son palais, quand il voit passer dans son jardin une femme qui respire la santé, une femme bien ronde et bien plantée, une femme au corps généreux et au regard radieux. C’est la femme du jardinier !  Il est  abasourdi. Sa femme a lui a tout ce dont elle peut rêver, tout ce qu’une femme peut souhaiter et elle est maigre comme un clou rouillé. Le jardinier lui, n’a pas de quoi se nourrir tous les jours et il a une femme opulente.

    Le roi sort de chez lui et va trouver le jardinier :

    -      Ta femme est resplendissante, la mienne est souffrante, dis- moi, de quoi la nourris- tu ?

    -      Moi, répondit le jardinier, je nourris ma femme tous les jours avec la chair de la langue.

    -      C’est tout ?

    -    Oui, c’est tout.

    Le roi rentre précipitamment chez lui et va trouver son cuisinier :

    -      Tu vas me préparer un banquet avec les langues de toutes sortes, assaisonnées de toutes les manières possibles. Je veux une palette de saveurs qui soit digne des palais les plus exigeants.

    Le lendemain, les tables sont recouvertes de toutes sortes de plats avec des langues de bœuf, de veau, des langues de moutons, de lapins, d’alouette, de moineau et d’aigrette. Des langues grillées, mijotées, rôties, farcies, bouilles et puis toutes sortes de sauces avec des épices du monde entier.

    Le roi va chercher la reine et l’accompagne, fier de lui, jusque dans la salle à manger. Il l’invite à se servir. La malheureuse voit toutes ces langues baigner dans des jus de couleurs étranges, elle a mal au cœur. Elle regagne immédiatement sa chambre.

    Le roi est dépité. Il va de nouveau trouver le jardinier et lui dit :

    -      Tu vas prendre ma femme chez toi pendant six mois et la tienne viendra vivre au palais !

    Les désirs des rois sont des ordres. Dès le lendemain, l’échange est fait.

     

    Il en faut du temps dans la vie… dans les contes, il suffit de deux mots. Voilà les six mois qui viennent de s’écouler.

     

    La reine revient au palais resplendissante. Elle est toute ronde et rit à la vie. La femme du jardinier, quant à elle, a dépéri. Elle est maigre et grise, son teint est blafard et son visage ne sait plus sourire.

    Le roi, qui ne comprend plus rien, demande aux femmes de s’expliquer.

    -      Quand mon mari rentre le soir, dit la femme du jardinier, il est de bonne humeur. Qu’il ait de quoi acheter à manger ou pas, il me raconte sa journée ; les fleurs qui ont éclos, les arbustes qui ont poussé, les fruits qui se sont épanouis, la pleine lune dans la nuit. Quand il a fini, il joue de la musique et il chante puis me raconter des histoires, me récite de la poésie et les soirées avec lui prennent la saveur d’un paradis.

    -      Oui, renchérit la reine. Il a toujours une belle histoire ou une parole douce à offrir et cela embellit la vie. Il donne le meilleur de lui- même, la chair de la langue.

     

    Nul ne sait si le roi a vraiment compris.

    Certains disent que ce jour- là, les deux femmes ont choisi de vivre avec le jardinier. D’autres plus optimistes racontent que le roi s’est mis à raconter de beaux récits… et que sa femme a vécu le restant de ses jours épanouie.

     

                                (Extraits de Contes curieux des quatre coins du monde, choisis, traduits et racontés par Praline GAY-PARA, Actes Sud, 2007)

     

     

    Pensées spéciales pour mon ami Boris. coeur-qui-eclate-autour-de-la-t-te.gif


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    Au départ, j’ai ouvert ce blog, invitée par les ergos, le neurologue dans le but de raconter mon épopée avec la maladie de Devic, partager mes expériences, montrer le vivant qui persiste en moi malgré ces épreuves, prendre des contacts, esquisser une toile, créer des liens. J’avais, par exemple,  cherché des moyens techniques pour intégrer un forum ; devant le jargon, j’abandonnai. rapidement. D’emblée, les catégories se sont diversifiées et les sujets abordés personnalisés parce que je pars de l’idée que je ne peux parler que de ma propre expérience, n’exposer que mon ensorcèlement du monde unique et singulier.

     Consciente de la longueur de mes textes travaillés méticuleusement et de leur caractère personnel, je continuais sur cette voie afin de m’y protéger des visiteurs de passage consommateurs, superficiels, des polémistes de bas étage, des trolls de la toile comme certains les appellent. La majorité des visiteurs non habituels, d’après les statistiques, recherchent cependant des informations sur la maladie, ma page étant particulièrement attirante. En outre, les contacts avec d’autres personnes concernées restaient trop rares à mon goût, j’offris donc la catégorie Paroles en Devic malheureusement sans plus de succès.

    Lors d’une conversation avec mon amie Valie, fidèle lectrice discrète, elle me souffla ses ressentis. Si le blog l’intéresse, que le témoignage lui semble important, elle ne sait comment y intervenir. « Quelque chose type Forum me conviendrait mieux ». Hum hum, mes intentions premières ressurgissaient mais  comment procéder concrètement ?  Je laissai cheminer l’idée méditativement:

    Ouvrir un autre blog ? Sur quelle plate- forme ?

    Des débats houleux ont eu lieu sur OB et j’avoue mon irritation de découvrir qu’elle était une filiale de TF1, l’annotation minuscule en bas m’ayant échappée du temps de ma basse vision. L’idée de déplacer TOUS les articles et commentaires ailleurs me titille, ma paresse garde toutefois le dernier mot, pour l’instant. Farfouillant de ci de là sur la toile, en quête d’un hébergeur plus à ma convenance,  je trouvai un lien : créer votre forum inopinément. J’y allai, tranquillement, curieuse et bloom, en deux- trois clics, j’entamai la construction d’un forum consacré à la maladie de Devic !!

    Je m’en retrouve dans la foulée administratrice et modératrice. Avec le travail que cela nécessite, évidemment. Bidouillages aléatoires, prise en main de l’interface, choix des couleurs et décors, structures, gérer les catégories, créer des forums, lancer des invitations, le promouvoir dans les sphères susceptibles d’être intéressées… Ce n’est pas du gâteau et inévitablement chronophage.

    Diantre!

    Voici le lien vers la bête que je répéterai sur la page maladie de Devic, dans la colonne de droite, à l’envi : http://vivre-avec-devic.exprimetoi.net

     

    Rien de narcissique là- dedans, simplement l’envie de partager, de soutenir, de coopérer, de valoriser la solidarité, la tolérance, l’ouverture… Bref, incarner le changement que je souhaite voir dans le monde (merci Gandhi) ; vaste programme dans l’absolu, je fais ma part de fourmi (et non de colibri déjà occupée par Pierre Rabhi).

    Ouvert à tous, je n’en limiterai l’accès qu’en cas d’intrusion de trolls absurdes. Je lance prioritairement les invitations aux personnes que je sais concernées : malades, médecins en particulier ; quiconque souhaitant intervenir sera de toute façon bienvenue afin de le nourrir. La multiplicité des points de vue reste à mes yeux une ressource inépuisable et inestimable.

     Nous serions environ 160 en France ; avec les proches, les soignants, les intéressés de tout acabit, cela peut engendrer une belle activité d’autant que l’annonce du diagnostic en pousse beaucoup à chercher des infos sur la toile. Souvent terribles, elles évoquent rarement la réalité de la vie des malades, de ce qui est VIVANT en eux, de leur globalité. Avec les informations glanées au gré des circonstances, les expériences de chacun, la solitude voire l’isolement du malade peut se dissoudre par ce biais. J’en serai pleinement heureuse.

     

    Fée des agrumes est une guerrière parait-il. Niveau persévérance et volonté, j'accepte l’idée ; par contre, je préfère me considérer non – violente parce que mes seules motivations sont de profiter pleinement de mon passage éphémère sur cette terre et de contribuer à la communauté humaine selon mes valeurs fondamentalement humanistes.


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  • Qu’advint- il de ce quart de chou blanc évoqué précédemment ?

    J’avais envisagé le bortch en plaisir purement égoïste. Mon garçon ne l’appréciant guère en raison de la betterave rouge, l’éventualité d’en manger seule avec une telle quantité de chou me déplut. En outre,  certains ingrédients nécessaires à son élaboration telle la viande étaient difficiles à acheter en ces jours maigres.

    Par dépit, j’en cuisinai une petite casserole en potée puis soupe et m’interrogeais grandement sur la suite du traitement de ce gros lot. Tout à coup, le bortch me ramena à cette recette également recopiée du livre de cuisine russe : la choucroute à  la russe !

    Allez zou ! V’là la fée qui se lance dans l’expérience !


    Découpage en fines lamelles laborieux, une râpe eut été préférable. La mienne étant trop étroite pour glisser les tronçons de chou, je m’y attelai vaillamment au couteau  en pestant silencieusement de la trop grande largeur des lamelles. Une carotte râpée, de l’ail coupé gros, du poivre. J’écrasai le mélange dans une casserole peu utilisée au regard du temps nécessaire à la macération. Dans de l’eau bouillante, j’ajoutai au pif l’huile, le vinaigre et le sucre ; ce dernier fondu, je versai sur le chou et attendis. Un jour, deux jours, une semaine, deux semaines... Combien de semaines au fait ? J’ai oublié.  En véritable mixture, il s’agit de surveiller le travail des ingrédients jusqu’à ce PICT1762qu’une mousse apparaisse. J’avais mis peu de sucre contraignant ainsi la levure certainement d’où la lenteur du processus. Soulevant régulièrement le couvercle, j’observais les changements, m’étonnant de PICT1760.JPGl’absence de bulles ; je remuais ma débrouillardise pour écraser et peser sur le chou qui a besoin d’être tassé. Au bout de longues semaines, je me décidai à la manger. Fiston était dubitatif, cela ne ressemblait pas à la choucroute habituelle. J’engloutis seule une partie de ce chou macéré en salade avec délectation notant l’acidité trop forte « Au prochain essai, je mettrai plus de sucre ! » et je finis par le cuire devant la quantité importante. Bloom, la choucroute maison à la russe disparut allègrement !

    Je n’allais pas jeter une si belle opportunité, du reste, ce fut une belle expérience qu’il me tarde de recommencer.


    Большое спасибо Россия, я люблю вас !

     

     



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  • Cet hiver, les circonstances administratives ont fait que les obligations logement payées, mon budget alimentation était réduit à quasiment rien, je me suis donc inscrite aux Restos du cœur. Mon garçon, heureusement mange à la cantine pour laquelle j’ai obtenu une aide. Restait à assurer mon quotidien et les repas où il était à la maison ; ce n’était pas une sinécure. Etant d’un naturel frugal, j’ai passé l’hiver à me contenter de peu et à multiplier les ingéniosités afin de ne pas sombrer dans la morosité. Voici donc une chronique Miam miam toute particulière.

    Parmi les dernières courses effectuées à l’automne, j’avais acheté 25 kilos de pommes de terre pour notre plus grande satisfaction. Nous avons tenu longtemps sur elles multipliant les préparations et les accompagnements. Ainsi, j’ai régulièrement mangé des pommes de terre et des légumes secs.

    En potée, en purée, sautées, en salade, en soupe, aux lentilles vertes, brunes ou  corail, aux haricots cocos, rouges, petits pois, pois chiches, fèves, nos incontournables frites à la super friteuse. Tout y est passé au gré des possibilités selon les arrivages d’accompagnement.

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    Pareillement, j’ai mangé du riz aux multiples variations : thaï, basmati, blanc, complet, rouge, rond. Comme avec les pommes de terre, je les ai accompagnés de légumes secs, me contentant de temps en temps d’un simple bol agrémenté de beurre ou d’huile.

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    Régulièrement, nous recevions des conserves de sardines ou de thon, des steaks hachés, des filets de poissons simples ou panés, des bâtonnets de poulet frits, des œufs, rarement des côtes de porc ou des morceaux de poulet. Dans de telles circonstances, il m’était impossible de vérifier les compositions et origines des produits, nous avons donc mangé sans y regarder.

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    Heureusement, il m’arrivait de pouvoir faire quelques courses et j’y prenais ce sur quoi je ne voulais pas céder : des huiles de qualité, quelques produits laitiers de chèvre ou brebis, des farines et/ou graines biologiques, rarement des légumes trop coûteux. Pourtant, ces derniers manquaient affreusement. Les boites reçues n’étaient pas fameuses, standards alors que nous préférons les fins voire extra- fins. Les petits pois PICT1828par exemple furent délaissés en dehors d’un passage en soupe moulinée. Par contre, je reçus un gros quart de chou blanc impossible à manger dans les temps d’autant que mon garçon n’est pas amateur. Je me lançai dans une expérience que je vous laisse deviner (je lui consacrerai un article tant je suis contente).

     

     

     

     

    PICT1934 Ma mère ramenait de temps en temps de la salade pour le cochon d’Inde si difficile à nourrir en cette période maigre et sans herbe sur les pelouses ; je m’arrangeais systématiquement pour la nettoyer correctement afin de ne laisser à la bestiole que les déchets. Par ailleurs, j’ai reçu quelques coups de pouce de ci de là, par quelques proches pour ce qui est des légumes, de la viande, de bon cœur, jamais par pitié. De toute façon, ceux –là ont su s’y prendre , autrement, je n’aurais pas accepté.

    Nous avons eu des pâtes en pagaille ! Je n’en pouvais plus, je ne savais plus ou les ranger ; leur consommation étant limitée chez nous, j’en arrivai à les distribuer autour de moi pour arriver à fermer la porte du buffet. Il en fut de même avec le lait, des fromages, certains yaourts ou crèmes dessert. Tous ces laitages de vache ne sont pas la panacée pour nos foies.

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    Les soupes en sachet ont satisfait mon fiston heureux de se les préparer. Les boites de raviolis ou les plats surgelés genre lasagne ou hachis ont été gloutonnés joyeusement pendant les premières semaines puisque ce genre de produits ne se trouvaient pas auparavant dans nos réserves, ils avaient le goût de l’interdit ou du rare. Peu à peu, il s’en détacha. Comme je lui demandai pourquoi il ne les mangeait plus, il avoua qu’au début, il était content et que finalement, ce n’était pas bon. Ne lui en déplaise, j’étais fière de lui et de moi. C’est que le garçon a été éduqué au goût et aux produits de qualité, héhé.

    PICT1978Au repas de fin d’année du travail, j’avais raflé les restes des feuilletés et terrines de l’apéro ; dans la foulée, une de mes collègues, adorable Michèle, m’apporta des restes d’un repas quelconque : sandwiches à profusion. Avec une soupe maison, nous nous sommes nourris plusieurs jours de la sorte et cela m’a fait de belles vacances de préparation et vaisselle, héhé. Bon, j’avoue que je finis par sortir la garniture du pain et/ou du beurre, saturation générale rapide pour moi.  Mon garçon se plaignait souvent de ne pas avoir des sandwiches souvent (des achetés évidemment, pour faire comme les autres) du coup, là, il a eu une telle cure qu’il en fut dégoûté. Désormais, il est ravi de préparer les siens lui- même ou de profiter des casse-croûte que lui prépare sa mêêêêre… Vilaine Môman !

    Les fruits étaient extrêmement rares, en boite majoritairement. Souvent flétris, je cuisinais les pommes, les poires afin de ne pas les jeter. Avec les oranges, je fis un gâteau au chocolat apprécié de mes convives. Nous nous sommes régalés des confitures maison données par des particuliers certainement.

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    Souvent, je rendis certains produits aux restos sachant pertinemment que nous ne les mangerions pas. Ils ne s’en vexaient pas comme d’autres, ouf.

     

    L’expérience ne fut pas particulièrement pénible vu que mon garçon mangeait suffisamment à la cantine. En l’occurrence, il m’expliqua qu’il se remplissait autant que possible la panse là- bas afin de ne pas trop manger à la maison. J’ai aussi trouvé des tranches de pain dans ses poches, bon moyen de se rassurer plus ou moins face à la peur du manque. Sacré bonhomme ! Quant à moi, j’étais frustrée par l’absence de légumes, de certaines viandes, de l’impossibilité de choisir les produits certes, mais à postériori, je suis ô combien satisfaite d’avoir surmonté l’épreuve tranquillement. Ce fut une sorte de jeûne initiatique, une phase de renoncement, de repli sur l’essentiel. Le bonheur de retrouver des produits frais, choisis (légumes, viande par exemple) n’en prit que plus de valeur. Une belle réflexion également sur notre société.

    Maintenant, ma situation est débloquée,  je peux choisir mes produits tout en continuant de privilégier un mode de vie sobre en priorité. L’hiver prochain se fera autrement car, ça y est, je suis fière de le dire : je suis inscrite à une AMAP !! Je fais partie des financeurs d’une installation de jeune agriculteur biologique en échange des paniers tout au long de l’année. Fée des agrumes, éternelle fêlée des légumes.

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  •  Ces jours- ci, nous étions à une manifestation locale organisée par une maison de la nature où mon fiston a passé la majorité de ses vacances depuis l’âge de trois ans. Plusieurs activités étaient prévues depuis le début d’après midi mais je préférai le programme de la soirée.

    Malgré nos couvertures et cachettes, les moustiques sous l’arbre du conte avaient buffet à volonté et notre sang semblait très apprécié. Lutte acharnée en permanence que la multiplicité des boutons ne révèle pas… grrr. A 13 ans, mon garnement, hésitant entre ses restes d’enfance et son rejet d’une sortie familiale en compagnie de sa mêêêre suivit le conteur avec assiduité sous des airs renfrognés. Il finit par me lâcher pendant la diffusion du film après avoir englouti sa glace, pesté contre les aberrations montrées dans les premières minutes puis alla se coucher dans la voiture, en râlant.  Il faisait frisquet sous les étoiles, le projecteur hoqueta malheureusement dans la  dernière demi- heure. Autant dire que je résistais vaillamment pour tenir jusqu’au bout. Parce que je tenais absolument à voir ce film raté dans les salles et dont j’avais pris connaissance sur la toile lors de mes pérégrinations virtuelles.

     Nos enfants nous accuseront, de Jean- Paul Jaud.

     Notre environnement est pollué, empoisonné par les pratiques humaines dont en particulier l’agro chimie. Tout ce que nous ingérons est intoxiqué et les générations à venir seront en plus mauvaise santé, vivront moins longtemps que leurs parents. Le nombre de cancers a augmenté de 93% en 25 ans, celui des enfants atteints de tumeurs et autres maladies explose ainsi que les malformations (+1,1% de cancers chez les enfants par an en France). 70% des cancers sont dus à l’environnement dont 30% à la pollution et 40% à l’alimentation. Les agriculteurs sont de plus en plus malades notamment sur le plan neurologique, les membres de leur famille également. Le constat est alarmant, effrayant. Cancérologues, médecins, chercheurs ont des chiffres, vivent cette abominable réalité au quotidien et poussent les sonnettes d’alarme face à des décideurs politiques, économiques sourds.

    Devant les doutes et les questions éthiques soulevées par cette situation, la municipalité de Barjac prend la décision de rendre la cantine du village exclusivement biologique. Aprement, elle enclenche un processus de fonctionnement différent dans l’approvisionnement de la cuisine avec des producteurs locaux et biologiques, les enfants cultivent un potager avec leur enseignante. Le prix de la cantine n’augmente pas simplement parce que 63% de la population du village n’est pas imposable, le surcoût est inenvisageable. L’acte devient naturellement militant.

    Le film se structure sur un constant parallèle entre le vécu quotidien de cette école, cette commune et les faits, les conséquences dramatiques  de la folie productiviste. Extraits de conférences- débats de scientifiques avec l’égrenage des chiffres, les composants d’un simple goûter décortiqué, témoignages d’agriculteurs empoisonnés ou de parents d’enfants malades de l’environnement alternent avec les simples témoignages des acteurs de la démarche de Barjac.

     

    Sans équivoque, ni concession, parfois stéréotypé tant l’exposé est explicite, ce film est un témoignage, un instantané de la situation aujourd’hui. Nous SAVONS, nous avons les moyens de réagir et… puis quoi ?

    La tâche est immense, nous nous sentons si petits écrasés par le pouvoir du profit, de l’avidité ou de l’aveuglement. Ce film démontre que la mobilisation ne viendra pas des décideurs des grandes instances, c’est à la population d’agir parce qu’elle possède le pouvoir d’élire, d’acheter, de faire des choix conscients à condition d’être informée. Par petites touches sous l’impulsion de quelques esprits, c’est possible. J’ai appris, par exemple, que si les subventions versées aux agriculteurs par la PAC européenne étaient données aux cantines scolaires pour augmenter de 3 euros le prix du repas afin de passer au bio, tout était  bouleversé : les agriculteurs vivent de leur travail et les consommateurs mangent sainement. Si les produits biologiques sont plus chers, c’est simplement du fait qu’ils reçoivent peu de subventions; les produits issus de l’agriculture conventionnelle sont vendus à moindre coût parce que du prix sont déduites les subventions versées par l’Europe  (subventions récupérées par les impôts, évidemment). Vendre les produits à leur coût véritable les alignerait sur les produits biologiques, bêtement.

     Honnêtement, j’ai été agacée. Qui donc voit ce film ? Qui le diffuse ? Ceux qui font la démarche de le regarder sont souvent des convaincus d’emblée, tout comme ceux qui vont voir le dernier film de Coline Serreau.

     Pierre Rabhi tourne et explique si clairement dans ses livres, ses conférences, à travers le monde l’urgence à prendre les décisions pour limiter les dégâts de toute façon inévitables. Et quoi ? Et quoi ???

     Je continue de voir la vie insensée continuer son bonhomme de chemin dans un aveuglement et/ ou une soumission consentis. Les parkings de supermarché ne désemplissent pas, les frigos regorgent de concentrés de chimie, les pauvres bouffent les merdes vendues à bas prix ou données (et je sais de quoi je parle !), les nantis ne veulent souvent pas s’emmerder avec des contraintes d’alimentation et consomment au gré de leurs envies.

    Devant mes placards, mes conserves, mon frigo, à l’heure de préparer les repas, je suis prise de vertiges. Ne suis- je donc qu’une seconde main insinuant le poison petit à petit dans mon corps et le corps de mon enfant ? Si le cancer fait peur, que dire des maladies auto –immunes et neurologiques autrement plus répandues ? Et de la chute du nombre des spermatozoïdes chez les hommes? Jusqu’où pourrons- nous aller ? A quel prix ?

     Homo sapiens sapiens doté d’un cerveau extra- ordinaire sera-t-il la première espèce à causer sa propre perte ?

     


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    Ma sœur avait rendez- vous dans cette ville et comme les trains y menant n’étaient guère arrangeants, elle me demanda de l’y conduire. Envisageant quelques  achats par là- bas, j’acceptai en embarquant le fiston ainsi que mon gros bidon de 10 litres.

     

    Voilà de nombreuses années que je n’achète plus d’eau en bouteille. Dans les villages passés, nous nous approvisionnions en eau de source aux fontaines. J’avais alors acheté ce bidon, avec un petit robinet en bas, comme au camping. Je le lave régulièrement, le passe à la javel deux- trois fois l’an pour en chasser les algues. Pareillement, je me procurai un petit chariot pour le transporter quand il était plein et que je m’entêtais à chercher l’eau à pied.

    En déménageant l’an dernier, nous nous éloignâmes des sources habituelles et mon garçon ne se faisait pas à l’eau du secteur issue des robinets. Parce qu’évidement, je ne voulais pas acheter de bouteilles (à part rarement de l’eau gazeuse, 12 en dix mois… dont 5 sont intactes). Profitant des visites à mes anciens voisins, je remplissais mon bidon régulièrement, rusant souvent en substituant l’eau dans la cruche avec celle du robinet coupée au jus de citron, à une pincée de bicarbonate ou simplement mise en carafe la veille.

    Les semaines passant sans projet de retourner dans ce patelin reculé, nous nous retrouvâmes dépourvus en eau de source. L’idée de faire 40 kilomètres pour remplir le bidon ne m’enchantait pas. Aussi, quand ma sœur parla d’aller dans cette grande ville, ma cervelle s’illumina : là- bas, l’eau du robinet est certifiée eau de source ! Peu traitée, contrôlée, il existe des carafes à son effigie. Au début de notre aquarium il y a 12 ans, elle m’était déjà vantée pour ses bienfaits. Pourquoi ne pas profiter de l’aubaine?

     

    Après les quelques commissions, je réfléchis activement à l’endroit où effectuer cette tâche. Sur une place, une fontaine offre l’eau potable mais son accès est long, les quartiers alentours ayant été rendus aux piétons. Je me voyais mal trimbaler mon bidon plein  sur plusieurs centaines de mètres … Ma sœur proposa d’entrer dans la première maison... Boutade… Fiston n’en revenait pas de mon idée et bloquait. La vigilance s’imposait à minima puisque le découpage des zones posait des grandes surfaces facilement accessibles sur d’autres communes environnantes et donc changeait l’eau courante. J’avais envisagé l’hôpital mais il nécessitait un gros détour, ce fut en  tournant autour d’un rond- point que je décidai joyeusement d’aller à l’université.

    Mes compagnons étaient estomaqués par cette idée saugrenue, ils me connaissent cependant suffisamment pour savoir de quoi je suis capable. Dans un joyeux désordre, je me garai derrière la maison de l’étudiant, pas trop loin d’une porte arrière. « Quelqu’un voudrait- il y aller pour moi s’il vous plait ? Je suis fatiguée ». Je ne récoltai que quelques rires nerveux ; ni ma sœur, ni le fiston ne pouvaient imaginer entrer, remplir le bidon à un quelconque robinet et sortir tranquillement sous le regard d’autres. Tant pis, j’y allai d’un pied assuré.

    Mon intuition fut bonne, la porte était ouverte (c’est que je connais les lieux pour les avoir fréquentés à plusieurs reprises, en diverses circonstances). Je longeai le long couloir étroit criblé de portes et m’arrêtai devant la porte des toilettes. Réservées au personnel, elles étaient occupées. Je continuai donc tranquillement mon chemin, passant les portes battantes menant au hall principal. De tout côté, de grandes baies vitrées et une mademoiselle passant là avec, à sa main, un gros bidon vide à robinet. Je le traversai et trouvai d’autres toilettes. J’entrai, rencontrai une jeune femme à qui je rendis le bonjour le plus naturellement du monde et découvris avec joie le robinet des toilettes : il était haut et mobile, je pouvais glisser mon bidon dans le lavabo. Petit rinçage puis  remplissage à gros flots. Ravie, je fermai le bouchon et repartis dans l’autre sens. Dans les bureaux, du monde s’agitait plus ou moins et je passai bonhommement  l’air de rien avec mon bidon de 10 litres plein au bout du bras ; le bas des fenêtres étaient opaques, je n’étais visible que depuis la taille. Un grand sourire aux lèvres, je rejoignis ma voiture où ma sœur m’accueillit en riant, elle pensait que je revenais bredouille. «  Ben non, regarde, c’est plein - répondis- je toute fière- Et personne ne m’a vue ». Elle s’esclaffa, mon fiston l’accompagna, incrédule ; sa mère était vraiment une folle répétait- il, n’en revenant pas de l’expédition. Je jubilai et nous repartîmes tranquillement avec de l’eau pour plusieurs jours.

    Dans la bonne humeur qui régnait, je décidai de relater l’épisode sur le blog et nous commençâmes par élaborer le récit cocasse du remplissage du bidon de 10 litres dans les toilettes de  l’université. Pour conclure, je voulus finir par ce comble : dans le couloir du personnel que j’avais traversé, il y avait, en face des toilettes, une fontaine à eau avec une grosse bonbonne renversée d’eau venue d’ailleurs. Non mais vraiment, quelle idée quand on a la chance d’avoir de l’eau de source au robinet!

     

     



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    Inspired by Iceland Video

     


    Sur Facebook, je suis dans le flot des fans de Björk aussi, je reçois les messages  de son mur.  Aujourd'hui, je découvre cette vidéo chez elle avec ces quelques mots:


    A message from Iceland - please share this with your friends in your country to let the world know that everything is ok in Iceland

     

    J'aime la regarder en boucle parce qu'elle regorge de vitalité, de joie, de ces petits riens qui rendent la vie si précieuse et unique en chacun de nous. Et surtout parce que le catastrophisme des banquiers les concerne eux, que la possible fin de leur monde n'arrête pas la ronde de la vie humaine.

    Rire, aimer, partager, respirer à plein poumons, admirer le monde qui nous entoure, ne sont- ils pas les plus beaux projets de vie? 

    En ces instants de grâce partagée, je suis heureuse d'être où je suis, ici et maintenant. Dans ma tête résonnent les mots de Pierre Rabhi...

    Qui eut pu faire le lien entre lui et Björk hormis la fée des agrumes? eclat-de-rire.gif

     

    (pas envie de rentrer dans de grandes réflexions ce soir, simplement savourer l'instant)


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