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De longs mois furent nécessaires afin de démêler ce flot de sentiments envahissants, mouvementés et aléatoires conduisant à mes colères et je n’y serais pas parvenue sans l’aide rencontrée au long de ce parcours. En outre, l’écriture de ces articles me fait progresser grandement car au départ, j’avais certes quelques identifications réussies mais je ne soupçonnais pas que ces deux ou trois besoins insatisfaits en cachaient tant d’autres. La vague est immense. D’abord, je parlerai de ce que j’ai trouvé au gré des constatations consécutives aux expériences puis j’ouvrirai les vannes de ce que ces écritures récentes ont révélé. Allons- y, c’est parti pour la déferlante !
Pour commencer.
Si la psychanalyse permit un travail de fond sur mes fonctionnements, le sens attribué aux événements de ma vie, la quête de soi passa grandement par nos échanges en réunion de communication non- violente/ bienveillante. Empêtrée dans mes émotions, je partageais régulièrement mes aventures. Elles m’accompagnaient et nous cherchions ensemble ce qui se jouait, ce qui revenait constamment sur le ring. Non que j’aie pu identifier tous les besoins insatisfaits (cela viendra par la suite), je réalisai alors combien leur négation avait été une tragédie. Parce que le besoin n’a pas besoin d’être satisfait et qu’il a simplement besoin d’être entendu, je m’étais retrouvée avec une charge immense, celle de ces besoins insatisfaits, leur non- entente, leur négation et donc l’impossibilité de négocier. Face à l’impasse, à la surdité environnante, que pouvais- je faire d’autre que de HURLER mon insatisfaction sur la toile, à la face du monde ? Malgré les colères, les cris, les menaces, les jugements assénés grandissant avec la multiplication des articles, je m’y engouffrais et déversais ce que je ne pouvais plus supporter en silence. Parce que j’avais simplement besoin d’être entendue avec bienveillance, sans jugement.
Ensuite
Mon déménagement a été très compliqué. A tout petit budget, je n’avais pas les moyens de payer une société de transport ; les bonnes volontés ne manquaient pas mais trouver le bon jour, la bonne heure, les bonnes circonstances déboucha sur rien. Je songeais à contacter une entreprise d’insertion et demander de l’aide à tout vent quand SeN signifia qu’il ne voulait pas que des étrangers rentrassent dans sa maison, il préférait s’en charger lui- même. J’étais donc coincée et tributaire de sa bonne volonté. Il toléra quelques voisins et amis ponctuellement mais cela prit des semaines, des mois. En attendant, je vivais avec mon fiston en camping, dans le plus grand dénuement. Ce ne fut pas le plus gênant car je suis d’un tempérament à m‘adapter facilement, le pire vint des changements de décisions, des colères, des flous renvoyés par SeN. Dans ces sables mouvants, je pris peur. Je craignais ne pas récupérer mes affaires. J’avais besoin de constance et d’être assurée du bon déroulement de ce déménagement. Les changements incessants et les coups d’éclat me laissaient en désarroi, en insécurité. S’y ajoutait un profond sentiment d’injustice car pendant que fiston et moins vivions de très peu, il avait toute la maison, jouissait de ce qui m’appartenait tant que c’était chez lui alors que j’ai nettement moins de possibilités matérielles et financières que lui.
Puis.
Nous partîmes en vacances aux Amanins à l’été 2010. Alors que le séjour se terminait, je réalisai tout à coup que, à aucun moment, je n’avais eu de pensée pour SeN et les siens, je les avais oubliés. Je me sentis légère et heureuse présageant de ma libération vis- à-vis d’eux. Naturellement, l’explication me vint. En ces lieux, nous partagions activités, idées, repas, les relations se multipliaient au gré des circonstances, nous étions entourés, en sécurité. Si quelque lien me retenait à SeN et les siens, c’était parce qu’ils avaient traversé la maladie avec moi, et dans ma peur de me retrouver confrontée seule aux mêmes épreuves, je me rattachai à ce qu’ils représentaient en aide potentielle. Evidemment, je compris dans la foulée l’absurdité de ce genre de pensées inconscientes ; ils avaient coupé les ponts, ne voulaient plus rien savoir de moi et SeN n’avait que colère à mon encontre, comment pouvais- je espérer compter sur eux ? J’avais besoin d’être rassurée sur le fait que face à une recrudescence de la maladie, je ne serai pas abandonnée à mon sort, seule. Par extension, je réalisai que j’avais besoin de me savoir acceptée telle que j’étais, d’être entourée, rassurée et soutenue en cas de difficultés.
Alors.
Survinrent les derniers accrochages autour du jardin relatés auparavant. Ma peur de perdre persistait toujours face aux changements et colères, pareillement pour ce sentiment d’injustice. Refusant d’en rester aux insultes et jugements émis autour d’un déclencheur prétexte, j’y revins et l’écoutais. Je tâchais de l’accompagner dans l’identification de ses sentiments, la colère n’étant qu’une surface. Quand il eut la place dont il avait besoin pour s’exprimer, il put alors entendre ce que j’avais à dire. J’essayai de rester chez moi, de parler de ce que j’avais ressenti, de ce que je traînais constamment et je surpris de temps à autre des paroles venues du creux de mon être en parfait reflet de ce que j’avais mis longtemps à identifier. D’abord, j’entendis ma souffrance et mon désarroi face à ses refus catégoriques, constants sans négotiation possible, je mesurai également la profonde déception pendant et après ces années cohabitées (« Je n’ai pas de mot pour dire quelle fut ma déception ! »), logiquement, cette abominable solitude quotidienne face au peu d’estime de mes besoins, de leur négation, l’absence de relation authentique puis il y eut le constat que je n’avais pas eu de place dans sa vie puisque d’autres et une en particulier l’occupaient tout entière. Je posais désespérément les mêmes questions « Pourquoi être venu me chercher ? Comment as- tu pu imaginer que nous pourrions construire quelque chose ensemble ? ». Leitmotivs sans réponse. Je racontai l’estime de soi trouvée, le goût et la joie de vivre, le refus de la violence et des relations toxiques, l’authenticité, le sentiment de vivre enfin et non plus survivre, le changement de pensées et de perspectives vers l’abondance, la clarté, la richesse d’une vie remplie d’expériences nourricières magnifiques. Pour rien au monde, il n’était question de revenir en arrière. Ce jour- là, des idées se firent limpides, je pouvais désormais aborder ma colère plus sereinement.
Je n’imaginais pas à quel point les vannes s’ouvraient. Prochaine déferlante.
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Nous, humains avons tous les mêmes besoins. Si l’évidence de respirer, manger, boire, dormir est commune, que savons- nous véritablement de nos besoins ? La pratique quotidienne a largement tendance à les nier, à les restreindre ou à les utiliser dans des buts calculés à profit, il n’est pas si aisé d’en prendre conscience, d’ouvrir son esprit, ses habitudes à leur présence et encore moins facile de les entendre, de les identifier, de leur accorder la place qu’ils demandent. Ainsi, souvent empêtrés dans le flou de nos besoins, nous jugeons violemment, nous insultons, nous donnons la responsabilité à l’extérieur de ce malaise que nous ressentons à l’intérieur. En outre, dès notre conception, nous sommes structurés dans le jugement incessant à soi ou à l’autre. Quand un autre est lui aussi pris dans le flou de ses besoins, qu’il nous agresse, nous insulte, nous juge, nous nous le prenons en pleine figure et l’engrenage de la violence continue allègrement sans que rien ne soit résolu. Une des voies possibles afin de sortir de ces cloisonnements qui enferment, coupent de soi et des autres est un pas de côté, un recul, une question, la communication non violente/ bienveillante de Marshal Rosenberg, inscrite au patrimoine mondial de l’humanité à l’Unesco.
J’avoue qu’à sa découverte, j’ai été déstabilisée, très dubitative, voire méfiante. Cependant, ma part vivante avait grand faim après la remontée ardue face à la maladie, les bouleversements opérés par la psychanalyse ; j’aspirais véritablement à d’autres comportements, d’autres relations. Ce ne fut certainement pas un hasard si je rencontrai Nadine et Yolande à ce moment alors que nous étions voisines depuis des années sans se croiser; mon mode vibratoire était en branle et résonnait en d’autres sphères. La vie cohérente et logique, constamment, nous renvoie à ce qu’il se passe en nous.
D’abord, je pris conscience des liens qui nous unissent. Parce que nous avons tous les mêmes besoins (et les mêmes structures mentales), il est possible d’être relié à l’autre, à ce qu’il ressent sa présence n’étant pas nécessaire. Dans mon cas, l’expérience fut incroyable : alors que nous parlions d’une situation précise vécue par une des participantes, je ressentis précisément ce que vivait la personne non présente avec laquelle était le conflit. Ce fut fort et puissant, un éclair inattendu d’autant que je ne la connais absolument pas. A partir de là, je lâchai mes doutes et suspicions.
Je ne saurai dire quelle furent les étapes de mon apprentissage, ce fut une vague générale, un mouvement de fond indubitable. J’ai tâtonné dans ma vie personnelle avec des maladresses et des erreurs engendrant un changement total d’ambiance et de relation à mon entourage. Il y eut une recrudescence de violence et de scènes avec certains et la multiplication des rencontres avec d’autres. Un tri radical se fit entre ceux qui acceptent d’entrer en relation et ceux qui la refusent parce que c’est trop déstabilisant, inhabituel, dérangeant. Changer de mode relationnel effraie beaucoup car cela induit le changement d’habitudes profondément ancrées, un travail sur soi, une prise de conscience de sa responsabilité et la décision de sortir de fonctionnements anciens qui, bien que toxiques, sont connus et tellement rassurants du fait d’être connus ne fut- ce qu’inconsciemment.
A priori, la communication non- violente/ bienveillante de Rosenberg est simple :
A partir d’une situation concrète, identifier les sentiments et émotions sans jugement puis trouver le besoin non satisfait qui s’exprime en cet instant en n’oubliant pas qu’un besoin n’a pas besoin d’être satisfait, il a besoin d’être entendu. Enfin, faire une demande négociable afin de tenter de répondre à ce besoin.
Cette démarche s’effectue soit avec un interlocuteur autour d’un déclencheur qui a provoqué le conflit violent, soit avec quelqu’un que l’on accompagne, soit avec soi- même, à l’intérieur.
Les difficultés résident dans les identifications des sentiments. Pour ce faire, je renvoie au livre de Thomas d’Assembourg, Cessez d’être gentil, soyez vrai ! où sont listés les sentiments :
- ceux que nous éprouvons lorsque nos besoins sont satisfaits : à l’aise, allégé, amusé, calme, béat, comblé, confortable, content, enjoué, fier, gai, heureux, intéressé, proche, radouci, ravi, satisfait, serein, stimulé, touché, vivant, entre autres
- ceux éprouvés lorsque nos besoins ne sont pas satisfaits : abattu, alarmé, agacé, apeuré, blessé, bloqué, contrarié, crispé, déçu, démoralisé, démuni, ébranlé, effrayé, épuisé, écœuré, excédé, fâché, grognon, honteux, inerte, irrité, jaloux, morose, lourd, nerveux, paresseux, perplexe, avoir peur, ramolli, renfermé, secoué, seul, sombre, soucieux, tiraillé, triste, vexé, etc.
- et - merveilleuse et intrigante liste !- ceux que nous croyons être des sentiments alors que ce sont des interprétations et des jugements de ce que l’autre nous fait, exemples flagrants : abandonné, abusé, acculé, attaqué, bête, coupable, délaissé, déconsidéré, dupé, trompé, écrasé, floué, harcelé, humilié, ignoré, incompris, insulté, isolé, jugé, manipulé, minable, menacé, mis en cage, nié, pas accepté, pas aimé, rabaissé, trahi, utilisé… etc. Cette dernière, en particulier, me sauta aux yeux car je compris que chez nous, nous ne nous envoyions incessamment que des jugements et des interprétations, il y avait un sacré boulot !
A mon humble avis, la priorité est de se relier à soi car :
- comment être relié à l’autre si nous ne sommes pas reliés à soi- même ?
- Comment identifier les sentiments de l’autre si nous ne savons pas identifier nos propres sentiments?
- ET comment identifier les besoins non satisfaits de l’autre si nous ne savons pas identifier nos propres besoins ?
L’empathie vis- à- vis d’autrui est une donnée que je connaissais bien, ma vie en est marquée. Doucement, je pris simplement conscience du peu d’empathie que je m’accordais. En relation fusionnelle, tout était mêlé et pendant des années, j’ai endossé et souffert des malheurs et souffrances d’autrui, incapable de m’accorder le droit d’être en souffrance moi- même ; en privilégiant prioritairement les besoins d’autrui, j’étais incapable d’accorder de la place aux miens. D’ailleurs comment pouvais- je la leur accorder puisque je n’avais pas conscience que ces besoins existaient et étaient légitimes ? J’ai été d’une dureté extrême à mon égard et le prix fort en fut l’auto destruction programmée. Pas étonnant d’en arriver à une maladie auto- immune, finalement puisqu’apparemment les relations destructrices n’étaient pas suffisante dans mon programme malsain. Au fur et à mesure que je plongeais en moi, que je mis des mots sur mes sentiments, que je pris lentement conscience de mes besoins, je mis de l’ordre et de la lumière dans cette caverne sombre refoulée. Du coup, je devins plus clairvoyante des réactions d’autrui, je remis chaque sentiment et réaction à sa place, je sortis de la fusion, je détachai ce qui relevait de mon histoire et ce qui relevait de la sienne- car oui, dans chaque conflit, c’est tout notre histoire personnelle, nos ressentis et nos insatisfactions que nous remettons sur le tapis, balançons à la figure de l’autre ! Je ne me construisis ni une forteresse, ni une carapace, je m’entourai d’une bulle qui grandit constamment. Elle me protège des jugements et réactions de l’autre tout en me permettant de rester en contact avec lui et de lui montrer que je suis présente et ouverte à la relation, s’il est d’accord.
Le changement est évident. Je ne côtoie plus les mêmes personnes, je vis des moments intenses avec ceux qui sont restés dans mon entourage, ils avancent également vers des voies insoupçonnées par l’énergie et l’impulsion que j’ai données à ma vie et que je partage avec eux, les rencontres au travail, dans la rue, des endroits improbables, ne serait- ce qu’au téléphone ou sur la toile sont extrêmement riches, je lis physiquement les tensions qui se délient sur les visages, les corps, dans les yeux, dans la voix, je vois le soulagement et la joie des moments partagés. Néanmoins, c’est une tâche ardue et pénible souvent. La persistance des coups d’éclats, des insultes et jugements que je profère, ces colères et scènes que je vis en certaines compagnies en sont la preuve. Il n’y a que depuis quelques semaines que j’arrive enfin à entrevoir ces besoins insatisfaits qui me poursuivent depuis des années, j’en entrevois surtout désormais l’ampleur.
Quels sont donc nos besoins ?
Les informations ne manquent pas sous le registre besoins fondamentaux. Attendez- vous à être surpris de la longueur des listes !
- Maslow proposa une pyramide : hiérarchie de bas en haut selon l'échelle des besoins prioritaires d'un individu.
5 : les besoins de réalisation de soi
4 : les besoins d'identification, d'estime, de réputation, de dignité
3 : les besoins de reconnaissance
2 : les besoins de sécurité
1 : les besoins physiologiques (manger, boire, dormir)
- Dans Cessez d’être gentils, soyez vrai ! , Thomas d’Assembourg propose:
Survie :
Abri, air, eau, mouvements/ exercices, nourriture, repos/ permanence, sécurité/ protection. (Ça commence bien déjà, non ?)
Autonomie :
Affirmation de soi, appropriation de son pouvoir, choix/ décider par soi- même, indépendance, liberté, solitude/ calme/ tranquillité, temps/ espace pour soi.
Nourriture ( au sens large) :
Affection, chaleur, confort, douceur, relaxation/ détente/ plaisir/ loisirs, sensibilité, soins/ attention/ présence, tendresse, toucher.
Intégrité :
Authenticité/ honnêteté, but/direction/ savoir où aller, connaissance de soi, déterminer ses valeurs/rêves/ visions, équilibre, estime de soi, respect de soi, rythme/ temps d’intégration, sens de sa propre valeur, de sa place.
Expression de soi :
Accomplissement/ réalisation, action, apprendre, créativité, croissance/évolution, actualisation, développement, guérison, générer/ être la cause/ participer, maîtrise.
D’ordre mental:
Clarté/ compréhension (par la réflexion, l’analyse, le discernement, l’expérience), cohérence/ adéquation, concision, conscience, exploration/ découverte, information/connaissances, précision, simplicité, stimulation.
D’ordre social:
Acceptation, amitié, amour/affection, appartenance, appréciation, communication, compagnie, concertation, confiance, connexion, contact, donner/servir/contribuer, écoute/ compréhension/empathie, équité/ justice, expression, honnêteté/ transparence, interdépendance, intimité, partage/ échange/ coopération, présence, proximité, recevoir, reconnaissance (résonnance, écho, feed- back), respect/ considération, sécurité (fiabilité, compter sur, confidentialité, discrétion, stabilité, fidélité, permanence, continuité, structures, repères, etc.), soutien/ assistance/ aide/ réconfort, tolérance/ accueil de la différence/ ouverture.
D’ordre spirituel :
Amour, beauté/ sens esthétique, confiance/ lâcher prise, espoir, être, finalité, harmonie, inspiration, joie, ordre, paix, sacré, sérénité, silence, transcendance.
Célébration de la vie (accueil de la vie dans ses différents aspects) :
Communion, deuil/ perte, fête, goût d’expérimenter l’intensité de la vie en soi, humour, jeu, naissance, rendre grâce, ritualisation.
- Les 14 besoins fondamentaux de Virginia Henderson eux, sont enseignés aux futurs infirmiers et aide- soignants :
- Respirer :
Capacité d'une personne à maintenir un niveau d'échanges gazeux suffisant et une bonne oxygénation.
- Boire et manger.
Capacité d'une personne à pouvoir boire ou manger, à mâcher et à déglutir. Également à avoir faim et absorber suffisamment de nutriments pour capitaliser l'énergie nécessaire à son activité.
- Éliminer.
Capacité d'une personne à être autonome pour éliminer selles et urine et d'assurer son hygiène intime. Également d'éliminer les déchets du fonctionnement de l'organisme.
- Se mouvoir, maintenir une bonne posture et une circulation sanguine adéquate.
Capacité d'une personne de se déplacer seule ou avec des moyens mécaniques, d'aménager son domicile de façon adéquate et de ressentir un confort. Également de connaître les limites de son corps.
Capacité d'une personne à dormir et à se sentir reposée. Également de gérer sa fatigue et son potentiel d'énergie.
- Se vêtir et se dévêtir.
Capacité d'une personne de pouvoir s'habiller et se déshabiller, à acheter des vêtements. Également de construire son identité physique et mentale.
- Maintenir sa température corporelle dans la limite de la normale.
Capacité d'une personne à s'équiper en fonction de son environnement et d'en apprécier les limites.
- Être propre, soigné et protéger ses téguments.
Capacité d'une personne à se laver, à maintenir son niveau d'hygiène, à prendre soin d'elle et à se servir de produits pour entretenir sa peau, à ressentir un bien-être et de se sentir belle. Également à se percevoir au travers du regard d'autrui.
- Éviter les dangers.
Capacité d'une personne à maintenir et promouvoir son intégrité physique et mentale, en connaissance des dangers potentiels de son environnement.
- Communiquer avec ses semblables.
Capacité d'une personne à être comprise et comprendre grâce à l'attitude, la parole, ou un code. Également à s'insérer dans un groupe social, à vivre pleinement ses relations affectives et sa sexualité.
- Agir selon ses croyances et ses valeurs.
Capacité d'une personne à connaître et promouvoir ses propres principes, croyances et valeurs. Également à les impliquer dans le sens qu'elle souhaite donner à sa vie.
- S'occuper en vue de se réaliser.
Capacité d'une personne à avoir des activités ludiques ou créatrices, des loisirs, à les impliquer dans son auto-réalisation et conserver son estime de soi. Également de tenir un rôle dans une organisation sociale.
- Se divertir, se récréer.
Capacité d'une personne à se détendre et à se cultiver. Également à s'investir dans une activité qui ne se centre pas sur une problématique personnelle et d'en éprouver une satisfaction personnelle.
- Apprendre.
Capacité d'une personne à apprendre d'autrui ou d'un événement et d'être en mesure d'évoluer. Également à s'adapter à un changement, à entrer en résilience et à pouvoir transmettre un savoir.
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Si les formulations varient, l’essentiel s’y retrouve et ce vaste tour est à l’image de la multiplicité de nos besoins. Evidemment, ils n’ont pas tous la même importance selon les moments de notre vie et en prime, très fréquemment, nous ne les avons pas ensemble en même temps d’où bien des incompréhensions et des conflits. Réaliser que cet autre qui énerve a des besoins identiques aux siens change déjà la donne, le tout est de voir que cet instant à lui est le nôtre ailleurs, en d’autres circonstances et inversement. Les réactions violentes, agressives, vécues comme telles ne sont en fait que le témoin d’alerte de besoins insatisfaits et plus ils sont insatisfaits, plus ils explosent. Là commence la compréhension de la colère. Je ne doute pas que vous qui suivez mes écritures entrevoyez ce qui s’est réellement passé.
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Le choc fut ainsi le maître mot de mes émotions au cours de ces années partagées ; évidement, un cortège d’autres lui emboitèrent le pas : consternation, rancœur, ressentiment, tristesse, solitude, révolte, agacement, … Avant la maladie, j’étais anéantie, empêtrée et désemparée par le cours des événements, je résistais psychiquement en cherchant des alternatives à mon chagrin par des activités extérieures riches en expérience humaines (via mon travail- sacerdoce), j’anesthésiais mes souffrances par la multiplication des activités physiques (natation, course à pied, marche, roller, …), violemment, je me coupais de moi- même pour ne plus souffrir, je m’épuisais, je me vidais jusqu’à vouloir donner mon sang. Avec cette mystérieuse maladie, ce corps sur lequel j’avais toujours compté en ultime recours et tant malmené lâcha chaque jour d’avril 2006 à janvier 2007 : perte des jambes, perte du contrôle des sphincters, perte des yeux, douleurs permanentes, lancinantes et atroces, insuffisance respiratoire, les bras et le visage étaient atteints quand le traitement m’a sauvée. Je me retrouvai clouée au fauteuil, au lit, en totale dépendance à autrui. Bloquée, acculée, fauchée, atterrée, mots lucidement utilisés évoquant mon état en ces jours sombres, parce que cette maladie était le parfait reflet extérieur de ce que je vivais à l’intérieur.
Jusqu’à la première perfusion de mitoxantrone, je me sentis mourir à petit feu ; le chaos autour de moi rajoutait à mes douleurs alors que je me sentais tellement impuissante. Contrainte par les limites physiques, je revins à moi et sans véritablement m’en rendre compte, je méditais en permanence afin de ne pas cumuler douleurs physiques et souffrances psychiques. Penser, ressasser, prévoir signifiaient me torturer. Ne sachant combien de temps il me restait, je m’occupai de chercher la paix en moi et tentai de profiter au maximum de ce qu’il me restait pour être dans l’amour avec mes proches. Mentalement, je faisais fi de mes besoins et sentiments tâchant de ne pas brutaliser l’entourage de mes peurs et tourments internes face à la douleur, la souffrance, la mort, je me préoccupais de leur devenir, de leurs sentiments et émotions, je ne demandais qu’en ultime recours songeant que cela n’avait pas d’importance puisque bientôt je ne serais plus là. A mes yeux n’importait que la vie par- delà ma mort.
La prise en charge médicale, les rencontres magnifiques qu’elle m’offrit conjuguées aux séances de psychanalyse bouleversèrent mon interne. Comment ? Ces inconnus appréciaient cet être incontinent, amaigri, complètement dépendant, la mine défaite, en total dénuement physique ? Ni coiffée, ni épilée, ni maquillée, en couche, en blouse d’hôpital ou affreux survêtements, incapable de bouger et voir, j’étais portée, lavée, sondée. Une loque ? Ce n’était pas du tout ce qu’ils me renvoyaient. Quoi donc, j’étais aimable et estimable en SOI et non pour ce que je faisais ou paraissais ? Ce fut une vague d’amour immense, j’étais respectée, appréciée, mes besoins avaient de la place, étaient entendus, je n’avais pas à lutter ou prouver pour exister, j’étais, point. Reconnaissante à souhait, j’ouvris les bras à ce flot d’humanité et remerciai chaleureusement la vie d’un tel cadeau. Un jour alors que nous discutions de mon retour à la maison, je racontai à l’assistante sociale de l’hôpital cette merveilleuse expérience elle eut ces mots incroyables qui m’inondèrent d’un nouveau flux revigorant et lumineux : « Mais vous savez mademoiselle, nous sans vous, nous ne sommes rien. C’est vous qui nous donnez envie de le faire, c’est vous qui nous liez et nous donnez la volonté de tout mettre en œuvre pour vous. »
La maladie fut un raz- de- marée qui dévasta tout, certes mais au milieu des décombres, je rencontrai quelqu’un et ce quelqu’un, c’était moi. Grâce au miroir de ces inconnus, je pris conscience de la béance immonde de ma faille narcissique et peu à peu, je me reconstruisis intérieurement. Dans ces circonstances, les yeux intérieurs s’ouvrirent et la marche vers la clairvoyance commença. Tout était à revoir et lentement , je pris ma place. Evidemment, ceux qui s’étaient allègrement accoutumés à ma négation en furent déstabilisés et rapidement, le tri se fit. Si j’étais d’un naturel à dire ce que je pensais en toute circonstance depuis longtemps, là, je posais des limites afin de sortir des fusions toxiques et m’y tenais n’ouvrant plus les portes à la pérennisation de ma non- estime personnelle. Désormais, je savais que j’étais quelqu’un d’estimable, d’aimable, que je méritais le bonheur, l’épanouissement, le respect ; il n’était plus question de s’accommoder de bric et de broc.
Pendant des mois et des mois, j’ai tâché de me relier à SeN, à ses proches, jusqu’à n’en plus pouvoir; même partie j’ai essayé, rien n’y faisait, j’étais devenue la méchante, l’ingrate, l’atroce médisante les salissant tous de mots cruels et infondés. Malgré l’accompagnement de Nadine et Yolande vers la non- violence/ la bienveillance et quelques réussites ponctuelles, c’en fut fini de ma présence dans leurs vies. Des ponts furent définitivement coupés, mes rencontres avec SeN contraintes par le règlement matériel de mon départ (déménagement, changement d’adresse et des facturations, récupération des divers biens, etc) engendraient des colères et des scènes détestables. Seulement, ayant cheminé en Qi Gong, en communication non- violente/ bienveillante, en connaissance et estime de moi, je revenais constamment sur la situation, rarement avec SeN, majoritairement en moi : que s’était- il passé exactement ? Quel fut le déclencheur de la scène? Qu’avais- je ressenti ? Quel besoin non satisfait s’était exprimé ? Là enfin, j’entrai en relation avec moi- même et ouvrai les portes de mon interne avec empathie sans plus y mêler qui que ce fut.
Ainsi, la prochaine étape d’explicitation de ces colères sera donc l’identification de ces besoins non satisfaits cachés derrière ces sentiments et émotions mouvementés, aléatoires et explosifs.
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Alors que je me croyais capable d’écrire à ce sujet aisément, je réalise depuis quelques jours que la tâche n’est pas si évidente. Dans ma tête, en mon cœur, en mon corps, se déverse une multitude de sentiments, d’émotions comme si longtemps ils avaient attendu l’ouverture des portes. Ce n’est pas violent, c’est un flux tel les eaux quittant l’esprit de la rivière polluée nettoyée par Chihiro dans le film de Miyazaki, parallèle évident avec l’image utilisée en qualification du cataclysme provoquée par la maladie (j’y reviendrai). C’est un processus naturel finalement car pour comprendre la colère, il y a à identifier les sentiments et émotions ressentis, les besoins non satisfaits qu’elle cache. Il n’est pas question de condamner ou de juger qui que ce soit, il s’agit de rester chez soi, c’est- à- dire comprendre ce qu’il s’est joué en moi dans cette histoire. Lancer des « il m’a menti », « il m’a trahie », « il m’a abandonnée », c’est exprimer un jugement sans se pencher véritablement sur moi- même et lui infliger toute la responsabilité; « il n’a pas été honnête », « il a un problème », « il est malade », « il a besoin d’une bonne psychanalyse », bla bla sont du même registre, c’est analyser et nullement me connecter avec mon interne et ma part vivante. Alors, dans ces eaux grouillantes, je me suis plongée et y ai observé la vie qui s’y était jouée.
Etrangement, le premier qualificatif qui envahit mes pensées fut : CHOC.
Choc de ses premiers mots évoquant l’ambiguïté de ses sentiments à mon égard. Nous étions amis depuis de nombreuses années et je ne m’attendais absolument pas à ce virement. Ce fut digne d’un coup de tonnerre violent dans un ciel serein et tranquille, j’ai été bouleversée, bousculée. C’en suivit un travail sur moi- même car l’estimant grandement, je ne voulais pas venir avec des tourments déplacés et mal juger. J’ai souffert à tâcher de mettre de l’ordre dans ma tête, j’ai sollicité un positionnement clair de sa part pendant des mois. Un an et demi de doutes, de mises au point, de remises en question et de demandes vaines de clarté. J’étais impuissante et démunie devant le flou qu’il me renvoyait, désorientée par ses changements constants de décision. Finalement, le pas fut franchi et je crus que la confiance gagnée avec le temps nous permettrait de construire ensemble une vie riche et belle.
Choc de nos premières vacances ensemble où je découvris une personne que je ne soupçonnais pas. Après 3 jours, je fondis en larmes, atterrée, abasourdie.
Choc à son refus d’habiter avec nous après quelques années de promenades et week- end partagés. J’en fus écorchée et cette cicatrice me marqua longuement.
Choc du fossé existant entre ce qu’il disait être et la réalité du quotidien, choc de certains discours de sa part et de son entourage.
Chocs successifs de ses refus de mariage, pacs, achats mobilier et immobilier communs, chocs des territorialisations inconscientes de l’espace de la maison, choc irrémédiable du refus de l’enfant.
Choc de ses refus d’aménagement au cours de pires mois de la maladie, choc de son renfermement à mon retour de l’hôpital, choc de ses refus de travailler ensemble sur nos modes relationnels, choc des perpétuelles disputes à la maison alors que je me sentais mourir ou que je remontais laborieusement et péniblement de ma chute vertigineuse.
Ainsi, tout au long de notre histoire, je fus choquée. L’onde de ces chocs résonnait très profondément en moi, m’anéantissait, me fauchait, me laissait démunie et tétanisée .Ma frustration était une évidente récurrence ; au fil des années, mes rêves, mes espoirs ont été anéantis, balayés violemment, toutes les pistes que j’ouvrais, proposais se refermaient et avant d’être malade, je chutais perpétuellement au point de n’avoir pour seule impression que celle d’être acculée au fond d’une impasse aux murs épais sans fenêtre (ici). Je songeais déjà à partir vers d’autres horizons, ouverts eux ; je m’interrogeais sur les dispositions matérielles du départ quand la maladie est entrée dans notre vie et me cloua sur place. Consciente que cette épreuve supplémentaire à un parcours de vie déjà chargé était insupportable, je sus d’emblée que j’étais incapable de la gérer seule. Je fonçais alors en psychanalyse, anéantie à l’idée de mourir avant de régler mes vieilles histoires et mes travers.
Je l’ai déjà abordée à plusieurs reprises (Allées et venues en psychanalyse). Peu à peu, les questions fondamentales survinrent et bien que n’ayant pas d’idée arrêtée sur ce sujet, je réalisai en écho aux paroles d’Elodie la corrélation du corps et de l’esprit :
Pourquoi cette maladie ? Et pourquoi s’exprimait- elle de cette façon ? N’était- elle pas le reflet de ce qui se jouait en moi ?(D’ailleurs, les portes ouvertes par ses questions m’accompagnent quotidiennement et me conduisent à envisager les événements sous d’autres angles, constamment).
Mes relations malsaines à SeN revenaient continuellement en séance car elles empoisonnaient mon quotidien et là, entre les murs du cabinet, mes doutes avaient leur place, je ne risquais pas les visages ahuris ou réprobateurs de ceux qui ne voulaient entendre mes nuances quant au dévouement de SeN à mon égard. Après des mois de rendez- vous hebdomadaires, je me pris un nouveau choc en pleine figure : je compris subitement qu’il était un avatar d’une relation du passé. Cette personne n’a pas pu/su exprimer son affection à mon égard. Longtemps, j’ai tâché de devenir celle dont j’imaginais qu’elle pouvait rêver et de nombreux choix lui sont inconsciemment liés. Ce fut un échec, une longue suite de blessures, frustrations, révoltes engendrant chez moi une profonde tristesse aggravée par d’autres tourments de l’entourage. Si je sais désormais que cette personne était elle- même poursuivie par une relation toxique à sa mère (une femme mauvaise et méchante, aigrie et dévorée par ses tourments internes), que ses paroles évoquaient ses propres frustrations, j’ai souffert de cette relation parce que j’avais besoin d’un retour d’image positive, je n’ai eu qu’en miroir des remarques et réflexions blessantes, humiliantes, une litanie de critiques. Mes couples ne furent que des répétions de cette relation. L’un me renvoyait à la destruction en écho à l’image que je m’étais construite de moi-même, une forme de suicide programmé dont la venue de fiston m’a sauvée (un instinct de survie déjà), SeN était la répétition de cette personne prisonnière de son histoire personnelle déversant ses frustrations, colères, sentiments d’impuissance et d’échec.
J’étais effondrée à l’instant de cette découverte, pleurant toutes les larmes de mon corps et je poussai ce cri de désespoir : « Qui me dit que je ne recommencerai pas une troisième fois alors ?! ». La psychiatre me répondit simplement: « Cela n’arrivera plus parce que maintenant, vous en avez conscience ». Et oui. A partir de ce jour, je décidai de tout mettre en œuvre pour sortir des relations toxiques et étais toute à l’espoir de re- fonder ma relation à SeN sur des bases assainies et positives, je ne doutais pas qu’il s’embarquerait dans l’aventure avec moi. Malheureusement, il en fut autrement, il se replia sur lui- même, refusa les discussions, les aménagements, les négociations. J’étais face à un mur. Je fus à nouveau choquée, puis passai ensuite alternativement par la colère, le ressentiment, le découragement, n’ayant pas de mot pour dire ce que je ressentais véritablement. Mon ultime échappatoire fut de fuir.
Plus tard, en discutant avec mes camarades de communication non violente/ bienveillante, un intervenant m’offrit le sens de RELATION. Être en relation, c’est être relié à l’autre, partager nos sentiments, nos ressentis, c’est partager ce qui est vivant en chacun. Et force était de constater que si un lien inconscient est fondateur et puissant entre nous, SeN et moi n’étions pas en relation. Toute notre histoire n’est que la répétition malsaine de schémas du passé. Comme nous étions enfermés chacun dans notre histoire personnelle, la rencontre a périclité puisque qu’il n’y a pas de place pour l’autre là-dedans, il n’est qu’un prétexte à rejouer la même petite chanson ratée d’autrefois que nous avons cherché à recoller, à réparer, vainement. Toutefois, dans ces propos, j’analyse et pense, je ne suis pas dans ce chemin vers soi. Ce fut lors d’autres évènements que je commençais à comprendre ce qui se cachait derrière ma colère et mes accès de fureur lors de mes retrouvailles hasardeuses avec SeN ou le croisement d’un des membres de son entourage.
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La colère est une pensée, un remous du mental qui cache en fait des émotions ou sentiments mal définis. Par de là la colère, c’est une part de nous, de notre histoire qui se rejoue, s’agite désespérément afin de se faire connaître, reconnaître ; elle a simplement besoin d’être entendue. Nous sommes souvent démunis face à cet état parce que nos éducations et cultures ne nous donnent pas les moyens de s’y pencher préférant culpabiliser ou accuser autrui de la responsabilité de notre état. C’est un labeur que de sortir de nos conditionnements initiaux, de marcher vers la clarté, la prise de conscience de notre responsabilité, l’émancipation affective. J’ai eu besoin de temps pour comprendre pourquoi j’avais tant d’agitation en moi au contact de SeN, de cette maison, de ce jardin, de sa famille, je commence à comprendre et j’en parle aujourd’hui avec l’espoir que mon expérience ouvrira des portes à d’autres confrontés eux- aussi à ces états désagréables qui minent l’âme, le corps, l’esprit, le quotidien, la relation à autrui, parfois des vies.
A une pensée concernant le vécu en leur compagnie, en ces lieux, à nos relations, je sentais une confusion gonfler subitement en moi, un truc diffus, mouvementé et détestable. Envahie intérieurement, je me retrouvais hors contrôle, à fleur de peau puis, prise par ce flou intérieur où tout et son contraire se bousculaient, j’explosais au moindre prétexte venu de l’extérieur. Consciente du potentiel empoissonnant de ce truc, je ne me sentais toutefois pas capable d’y voir clair seule, encore moins d’arriver à le gérer d’autant que la maladie et les handicaps demandent à eux- seuls beaucoup d’attention et de soins. J’avais besoin d’aide et je l’ai cherchée, mue par un instinct de survie ne supportant plus les blocages, les peurs, les angoisses, les reproches, les jugements, la culpabilité, les accusations, les fuites, l’enfermement, la destruction insidieuse, la mortification.
Ainsi, j’ai plongé tête baissée dans la psychanalyse, j’ai entamé l’écriture du blog, j’ai commencé le Qi gong, j’ai mis en pratique laborieusement et maladroitement les enseignements de la communication non- violente/ bienveillante grâce à Nadine et Yolande, j’ai plongé en moi- même, j’ai ouvert les yeux intérieurs, j’ai fait un immense ménage et les bouleversements internes ont bouleversé tranquillement mon extérieur. Ensuite, j’ai pris le large, je me suis enfuie pour me protéger, protéger mon fils, protéger ce qu’il y a de vivant en moi. Chaque jour est devenu un cadeau du ciel, chaque mouvement, activité une victoire. Dans les événements quotidiens, je puise de nouvelles ressources, de nouveaux apprentissages et bien que certaines circonstances soient d’apparence malheureuses, j’en profite pour les aborder autrement en métamorphosant doucement mes pensées et mes fonctionnements. Peu à peu, naturellement, j’ai commencé à voir clair au sujet de mon énorme colère à l’égard de SeN, de cette maison, de ses proches, de ce gâchis de vie. C’est sur ce chemin que je m’engage à partir d’aujourd’hui, m’y suivra qui veut.
Résonnance d’ici, résonnance au printemps, résonnance à la renaissance.
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Ce petit bout de terre avait grandement contribué à ma venue en ces lieux, ce fut également lui qu’il me fut le plus pénible de quitter. Dans la longue quête d’un logement, après des mois de recherche laborieuse, j’avais trouvé un joli logement qui m’apparut tel un signe de départ imminent. Je n’en pouvais de toute façon plus de vivre entre ces murs empoisonnés et je commençais à emballer mes affaires le cœur toutefois pincé par l’absence de terre à ma disposition et l’étroitesse ridicule des balcons. Comme il m’avait été signifié que des plantations que j’avais installées étaient gênantes et destinées à la destruction si je les laissai en place, je donnai le rosier et les framboisiers à mes amis voisins. Etonnement, je dégottai alors un autre logement à moins d’escalier, plus petit, à refaire avec alentour des espaces verts importants où chaque locataire peut vaquer à quelques jardinages dès lors que l’entretien est fait correctement ; ni une ni deux, je m’engageai sur cette voie enthousiaste. Le déménagement étant en soi grandement problématique en raison de blocages incessants et ressassés, je négociai le déplacement de mes plantations avec SeN afin qu’il me laissât du temps au gré des saisons pour les transplanter aux meilleures conditions. Il fut d’accord et je lui fis confiance.
Une semaine après notre départ précipité, je revins chercher des affaires. Je découvris stupéfaite que la boite aux lettres branlante avait été redressée et le petit coin de terre qui l’entourait nettoyé, aménagé, retourné, arrangé. J’étais furieuse ; pendant 5 ans j’avais demandé de l’aide, personne n’avait bougé le petit doigt pour ce faire et j’avais laissé tomber devant les grosses racines de ronces trop fortes contre moi. Et pourtant, j’en avais arraché, coupé, enlevé de mes mains, griffée et blessée par les épines, j’en avais soulevé des pierres et des bouts de terre, ramassé des détritus. Seule. Mon désir d’y mettre des arbrisseaux et des fleurs avaient été jugé inopportun et rien ne se fit en dehors d’un arrachage contraint par la chute d’un arbre. J’agaçai ce petit monde en demandant à la pelleteuse venue pour enlever la souche de l’arbre du jardin de faire de même pour les racines des ronces. Handicapée et malhabile, je ne pouvais l’arranger seule. Tant que je restai dans la maison, nul ne donna suite à mes demandes répétées. Finalement, je laissai tomber... et en moins d’une semaine, ce fut fait après mon départ. « Ce sont mes parents qui s’en sont occupés » entendis- je pour seule explication.
Pareillement, alors que je croyais avoir le temps d’y revenir tranquillement, j’entendis de plus en plus de remarques détournées quant à mon incapacité à dégager vite fait les lieux. Un jour, en visite auprès de mes anciens voisins, j’en profitai pour remplir ma voiture d’autres cartons. La mère de SeN intriguée par le mouvement autour de la maison alors que son fils n’y était pas vint voir et me découvrant m’interpella depuis le jardin. Elle m’expliqua alors qu’elle et son mari prévoyaient de le nettoyer et que pour se faire, ils avaient besoin de savoir ce que je voulais garder afin qu’ils ne le jetassent pas. Je fus secouée, j’eus peur ; connaissant leurs goûts, je craignais pour mes plantes, leur sécurité, leur existence. Je les vis finir lamentablement en déchets verts avant que j’eusse le temps de les ramener chez moi. Ce fut le départ d’une escalade.
Plus tard, exaspérée de ces sous- entendus insidieux, de ces changements incessants d’arrangements, sous les yeux de SeN et de sa mère, j’arrachai des herbes folles des plates- bandes, je détruisis le potager en carré, arrachai les structures pour plantes grimpantes, retournai et ratissai ce qui avait été mon potager, récupérant hâtivement quelques plants. Je sentis une gêne, je n’en avais cure, je ne suis pas d’un acabit à faire dans la demie mesure. Du bout des lèvres, SeN me dit qu’il n’en attendait pas tant. « Sait- il seulement à qui il a affaire ? » pensai-je. L’hiver venant, je songeais au printemps pour la suite, je négociai un nouvel accord encore.
Dans l’agitation absurde du déménagement de mon mobilier engendrée par les barrages de SeN refusant l’entrée d’étrangers dans SA maison plus les travaux nécessaires au nouvel appartement, je n’eus guère d’occasion à récupérer mes chères plantes d’autant que ces opérations ne se font pas n’importe quand. Pendant des mois, ce fut le déclencheur de violentes disputes et théâtres, le prétexte à un flot de reproches et menaces diverses. Sans mes connaissances et ma prise de conscience grâce à la communication non- violente (bienveillante), c’eut été bien pire et destructeur. Je suis néanmoins passée par des phases de colère, de révolte et de peurs hautes en couleur.
Les saisons ont passés, j’ai observé, écœurée l’évolution du jardin. Les herbes aromatiques, les fraisiers sauvages, les primevères, les muscaris, les topinambours, les rates, les narcisses, les tournesols, les soucis, … tout a disparu. Les rondins ont été redressés et alignés, les petites fleurs sauvages coupées, les surfaces recouvertes de gazon et d’écorces uniformes. Je me demande même si le coin du potager n’a pas été traité chimiquement pour être nettoyé. Le bac à compost lui- même m’a été retourné et son contenu débarrassé. Tout est taillé, aligné, droit, les couleurs sont rares. Les quelques grandes plantes non abominables thuyas sont celles que j’ai laissées et les revoir me serre le cœur. Certaines sont devenues trop grandes, les déplacer leur ferait courir un risque qui me blesse, je ne demande qu’à ce qu’elles s’épanouissent, deviennent belles et opulentes, c’est un véritable travail de séparation qui s’opère en moi à leur égard. Heureusement, j’ai aménagé un petit coin derrière chez moi, j’y ai transplanté quelques-unes de mes favorites et malgré la violence inouïe engendrée par cette question, j’ai réussi, maladroitement à trouver un arrangement avec SeN afin de pouvoir enfin me libérer définitivement de cet endroit : il est d’accord pour payer de nouvelles plantes afin de compenser la perte de mes plantes chéries qui donc resteront dans ce jardinet.
Ce fut pénible et laborieux, un long chemin de croix. Maintenant, je suis à mes plantations présentes, je rêve de jardin partagé, je traficote un compost clandestin en plus d’un intérieur, j’ai des projets de légumes, de fleurs, de petits fruitiers, d’herbes aromatiques nouvelles et je ne reviendrai plus dans ce jardin tout comme je refuse désormais d’entrer dans cette foutue maison où j’ai tant souffert, où partout maintenant se multiplient les travaux que j’ai sollicité des années en vain. Depuis belle lurette, j’ai la tête bien au-delà, je suis à d’autres voies, ces histoires ne me revenant qu’au détour de ma confrontation à ce passé détestable. J’oublie ces personnes, ces lieux, ils ne sont plus que des références lointaines me permettant de mesurer le chemin parcouru ces dernières années. Parce que je me respecte, je sais que je mérite mieux qu’une guerre de tranchée quotidienne, une vie coincée et cloisonnée par des peurs et des angoisses mortifères ; les murs de ces impasses ont volé en éclat et je gambade allègrement sur des espaces ouverts où les possibles se multiplient. Ce qui coince à ce jour devient une nouvelle leçon, une nouvelle expérience et mon entourage transformé pareillement à mon intérieur m’accompagne dans la joie. Grâce à eux, grâce à leur amour et l’amour que je me porte, je transforme mes pensées et ce qui me semblait insurmontable alors que j’étais plus jeune, en pleine forme, pourtant perdue et affreusement seule se délite sous l’effet d’une force de vie venue de mon cœur, de mon âme. Et je suis heureuse de conclure sur ces mots le chapitre des possibilités de la maison qui en fait n’étaient que des impossibilités de vie sclérosées et sclérosantes. Mon récit désormais sera celui de ma convalescence, de ma reconquête du monde. Elles sont souvent visibles en pointillé précédemment, elles ont maintenant toute la place car il n’est plus question de mort, il est question de VIE.
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A l’instant, je me suis souvenue de mon carnet de bord du jardin que j’avais entamé en parallèle des travaux terriens. Pratiquant le jardinage en carré, en néophyte, j’avais jugé opportun d’y noter mes semis et associations de fleurs et légumes sur ces petites surfaces à rotation rapide. J’y revois radis, salades, carottes, betteraves, navets, échalotes, oignons, poireaux, haricots, melons, courgettes, pommes de terre, poivrons, tomates, basilic, ciboulette, œillets d’Inde, mâche, rutabaga, épinards, choux, céleri, citrouille, fraises, ... Les récoltes étaient capricieuses, le sol n’ayant pas été nourri et écrasé par les pluies ruisselantes, la stérilité du sapin et des thuyas. J’avais besoin de temps pour apprendre à le connaître ainsi que le climat semi- montagnard de la région davantage pour le nourrir, le fertiliser. Je refusais les produits chimiques et travaillais avec un calendrier lunaire. Ce fut laborieux d’autant que nul ne comprenait ma démarche. Ils restaient décontenancés ; à leurs yeux, c’étaient perdu d’avance. SeN critiquait le goût des légumes et n’en mangeait quasiment pas. Je me régalais dès que possible en prenant toutefois garde de bien les laver en raison du fort passage de voitures et camions le long de la maison.
Au printemps 2006, je n’ai pas pu m’en occuper car les premiers symptômes de la maladie survinrent simultanément aux premiers rayons de soleil. A l’été, je fis ce que je pus tant que j’étais mobile et puis à partir d’août, c’en fut fini de mes travaux de terre et verdure. Le jardin et mes plantes furent abandonnés. S’il est vrai que ma dégringolade effrayante fut une évidente contrainte, je vécus en ces heures un véritable crève- cœur. Alors que je me sentais partir vers un ultime voyage, je supportais très mal de voir mes plantes geler parce que laissées dehors, le jardin sombrer dans une décrépitude abominablement triste. Cette répétition de mort en écho à ma propre dégénérescence m’était insupportable. J’avais besoin de vie, de l’espoir d’une continuité de la vie que j’avais accompagnée. Il n’en fut rien. Aussi, quand à la première sortie en 2007 je pus entrevoir des fleurs de bulbes que j’avais plantés, sentir les herbes aromatiques rejaillir, ce fut une victoire à plus d’un titre.
En mai, j’avais cassé les pieds à SeN pour qu’il travaillât la terre des carrés et plates- bandes. En bougonnant, il s’y attela et je pus engager de nouvelles plantations avec l’aide d’un fiston enthousiaste ; celui-ci d’ailleurs demanda à avoir son propre carré ce dont je fus particulièrement fière. Nous récoltâmes évidemment des légumes en nouvelle victoire, joyeusement. A la fin de l’année, le malheureux arbre mal placé et balafré de mauvaises coupes précédentes fut enlevé ainsi que sa souche. SeN agrémenta une terrasse avec quelques bordures supplémentaires. Le gazon fut replanté et ce fut avec obstination à nouveau que j’obtins le droit d’y planter des graines de fleurs sauvages que fiston mit en place au hasard des vents. Je continuai mes plantations de ci de là avec par exemple des topinambours dans un coin. Ils n’étaient pas bienvenus et difficilement tolérés, je les récoltai sous la pluie et les mangeai seule, heureuse de leur saveur particulière. Constamment, je faisais le dos rond aux réflexions.
Les deux années suivantes, je continuai malgré mes limitations physiques, le flot des critiques et des jugements insidieux incessamment répétés. A chaque printemps les éclosions de fleurs m’enchantaient, je savourais les légumes et herbes récoltés, je tentais des expériences toute à ma découverte continuelle, je me réjouissais pleinement de ces fruits et de cette vie. Avec ma vue très basse, je ne voyais pas grand-chose, tout passait par les odeurs et le toucher, c’était un nouvel univers sensoriel. Je demandai de l’aide, un accompagnement surtout visuel pour juger de l’état des herbes folles, de certaines plantes, des fruits et légumes, les réponses étaient peu impliquées et ce fut outrée que je découvris la quantité énorme de framboises écrasées au sol parce que non récoltées ! Ce fut encore moi qui m’obstinai à les ramasser, à les cueillir afin d’en profiter au moins une fois ! Vraiment, je ne comprends toujours pas ces attitudes : les fruits et légumes du jardin ne sont pas propres et n’ont pas un goût habituel, ceux du supermarché sont tellement mieux, propres, emballés, communs, connus. C’était à désespérer.
En pied de nez et opposition à la tristesse du jardin avant mon arrivée, voici quelques photos de nos œuvres :
Contre le refus du jardin opulent, le refus de l’engagement, le refus de l’enfant, le refus de la vie, j’ai lutté. Si je l’ai payé chèrement jusque dans ma chair, je ne regrette rien car je refuse la mortification. En moi, bouillonne la rage de vivre. Et quitter cette maison était une nécessité pour ne pas y mourir.
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Derrière ce mot simple, se cache une multitude de questions, démarches et interrogations, des perceptions du monde fort variées. Un jardin n’est jamais anodin, il est le révélateur de celui qui le conduit, de ses propres mains ou à la commande des mains d’autres. Il parle des goûts, des désirs, des choix de vie, des images ou façades de chacun, des modes auxquelles adhèrent ou non les propriétaires, de ses possibilités aussi. IL porte la marque des générations, des cultures, des origines géographiques. Un jardin est un livre ouvert.
Il y a longtemps (24 janvier 2009, ici) j’avais entamé cette réflexion en publiant des photos du jardin quand je suis arrivée dans cette maison. Non par hasard, je n’ai pu continuer cette analyse ; désormais, le temps me parait convenu. C’est avec lui que je conclurai le laborieux récit de la maison aux multiples possibilités non pour ressasser des rancunes mais bel et bien pour en finir avec le pénible deuil des espérances anéanties et ravagées par les enjeux inconscients d’une relation empoisonnée. N’en déplaise à certains, ce récit amer a tout son sens dans celui du parcours de la maladie. Ils sont intimement liés parce que tel est mon cheminement intérieur, l’un comme l’autre y ont leur sens et leur place. Ils font aussi ce que je suis aujourd’hui par le récit que j’en fais, par mon appropriation intime des événements, par mon ensorcèlement du monde.
Le jardin fut l’élément déterminant à ma venue. L’impression première dans la maison avait été mauvaise, je me rassurais de pouvoir profiter pleinement d’un tout petit bout de terre. SeN avait déclaré qu’il s’installait là pour fiston et moi car cela pouvait nous offrir des possibilités positives, le jardin étant assurément une opportunité à mes goûts naturels et champêtres. D’emblée, cependant, il prévint : « Je ne m’en occupe pas », il n’aime pas ça, il préfère de loin d’autres activités. A priori, ce n’était pas grave, je me réjouissais d’y faire ce que bon me semblerait. Je ne mesurais pas l’ampleur de ces circonstances.
Seule, j’ai commencé le grattage de la terre : j’ai installé des bordures avec des fleurs et des framboisiers, j’ai retourné un coin de terrain pour y installer un potager. Déjà, les critiques fusèrent : je m’y prends mal, c’est tout tordu, ne dépasse pas ce coin parce que je veux le reste pour la détente, pourquoi tu veux faire comme ça ?, Rhô, mais ça ne va donc pas !!! Mon projet de potager en carré semblait impensable, impossible, insurmontable et je me suis obstinée envers et contre tous. SeN accepta l’achat de planchettes qu’il assembla à ma demande. J’ai continué à démarrer un compost, à refuser les produits chimiques, à nourrir la terre, à me pencher sur les fonctionnements naturels du sol et les cycles lunaires. Je pestais contre ces thuyas abominables, acidifiants et stérilisants. Quand j’expliquai à ces descendants de paysans coupés de la terre qu’une taille radicale s’imposait, ils ne me crurent pas « On ne va pas les tailler alors qu’ils ont tellement de mal à partir ! ». J’ai regardé la lune, insisté et insisté et finalement, elle fut faite. Ils repartirent si vite en hauteur et en épaisseur qu’ils n’en revinrent pas. Ils répétaient à l’envi que je pouvais faire ce que je voulais dans le jardin, ils ne s’en mêlaient pas pourtant mon jardinet un tantinet sauvage ne leur convenait pas, ce n’était pas propre. Je n’eus pas d’aide pour arracher des ronces aux racines profondes et épaisses ou pour quoi que ce fut d’autre d’ailleurs. SeN refit des planches plus hautes à ma demande en pestant après un an des premières.
Le jardin fit le bonheur de mon fiston qui adorait y cueillir des framboises et des fraises sauvages, il passait des heures dans son riquiqui bac à sable décrié à son installation, nous y mangions souvent en pique- nique ou barbecue improvisés à l’ombre du grand arbre. Malgré le vacarme et les gaz des camions qui accéléraient devant chez nous en semaine, à certaines heures, j’aimais gagner en diversité, observer le retour des fleurs, des abeilles, des papillons, des sauterelles sur ce petit coin de terre autrefois morne et stérile. C’était loin d’être facile je ne doutais pas néanmoins du bien fondé de ma démarche et aspirais à l’installation d’un nichoir à oiseau, d’une petite serre, de petits arbres fruitiers, lançai l’idée de parcelles de pommes de terre, réfléchissais à l’installation d’une balançoire, d’une petite pièce d’eau...., une foule de projets pleins de vie.
Arriva l’été 2006.
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En ces heures printanières, alors que fleurissent les plantes alentour, je me souviens de ce printemps particulier. Les mois précédents avaient été éprouvants, la maladie m’avait clouée huit mois entre fauteuil roulant et lit, je ne pensais pas, au creux de l’hiver, revoir un printemps… Et les traitements ont opérés.
La maison n’était pas adaptée, l’accès à l’extérieur impossible avec un grand escalier, pareillement pour ceux du jardin et de la rue agrémentés de marches supplémentaires, d’allées et trottoirs trop étroits pour un fauteuil ET en prime, des pentes accentuées de chaque côté de la maison. SeN avait refusé de déménager et d’entreprendre des travaux d’aménagements. A la visite de l’ergothérapeute, il argua d’une rampe d’accès qu’il fabriquerait lui- même expliquant les plates-formes, moteurs et poulies auxquels il songeait. Rien ne se fit et tant que je ne pus mobiliser mes jambes, je fus tributaire du bon vouloir de ceux capables de monter et descendre le fauteuil dans ces foutus escaliers.
Ainsi, les ambulanciers en ont bavé. Contraints de venir à deux lors des périodes particulièrement sombres, ils privilégièrent rapidement l’ambulance, le vsl n’étant plus adapté. Ce fut d’autant plus nécessaire qu’aux pires heures, ils en virent au brancard. J’ai tout subi sans broncher m’inquiétant plus d’eux en voyant leur précaution, leurs difficultés dans les virages et coins forcément étroits. Sous la pluie, la neige, dans le froid et le vent, ils me portaient, me transportaient, me transféraient, du lit au fauteuil, du fauteuil au brancard craignant de glisser sur le marbre mouillé ou gelé, de lâcher, de me voir tomber, bloquant les roues, tenant fermement les poignées, rattrapant fauteuil et brancard s’échappant sur la route étroite, pentue et fréquentée de camions et voitures incessamment. De temps en temps, SeN et son père me portèrent, pour les fêtes par exemple. De ce fait, autant le dire, la maison devint rapidement une prison concrètement.
Ma vue étant très basse, les fenêtres n’étaient que des flux de lumière souvent pénibles puisque je ne supportais plus les lumières vives, claires et directes. Je n’avais donc pas la possibilité de regarder le monde à travers les vitres. Avec cela, le village est isolé, enclavé, je n’avais quasiment pas de visite.
Grâce aux traitements et à l’âpre rééducation, je pus marcher avec un déambulateur début avril, laborieusement. Nous plaisantâmes avec quelques amis en visite de l’éventuelle coïncidence d’une reprise de la marche pour les fêtes de Pâques et ce fut effectivement le cas avec des béquilles. Bien que vacillante, tremblante, mal assurée, je m’entrainais constamment.
Ce jour- là, le soleil brillait et mon garçon était dehors, il m’appelait afin que je regardasse ses activités. J’étais gênée par la lumière vive, je lui répétais que je ne voyais que très peu et que seuls les bruits pouvaient m’aider à sentir ce qu’il se passait. Pourtant, mes yeux furent attirés par une tâche de couleur et j’interrogeai mon fiston qui confirma mon intuition : des fleurs étaient sorties de terre là où j’avais planté quelques années auparavant des bulbes. Je roulai vers la porte d’entrée et armée de mes béquilles, envers et contre tout conseil de prudence, j’entrepris de descendre les escaliers. Péniblement, j’arrivai à la pelouse et titubai jusqu’à mes plantations. Epuisée, je me coulai sur le sol et me roulai de joie au contact des herbes, des tiges et fleurs. J’embrassai la terre et ses fruits, plongeai mon nez dans le persil, le serpolet, le thym, tout, TOUT ce qui se présentait à moi. Je me baignais de soleil, je soupirai d’aise, mon fiston riait entre joie et surprise. Le parasol fut installé ainsi qu’une couverture et je restai allongée à rouler d’un coin à l’autre pendant plusieurs minutes. Je passai outre les réflexions d’un certain qui ne comprenait pas, qui jugeait mon attitude incongrue et salissante seulement à ses inquiétudes et son absence de contrôle sur mon attitude. D’ailleurs, je ne me souviens plus de ce qui a été dit ou fait, ni des caprices de ma vessie, ni de l’habituelle circulation routière bruyante et malodorante, je garde uniquement le souvenir d’un instant divin au plaisir infini dans une totale fusion avec la nature environnante.
Je rentrai laborieusement, péniblement, titubant maladroitement sur la pelouse irrégulière et dans les escaliers pendant que d’autres rangeaient le matériel qui avait été installés peut- être bien parce que ma vessie devint pressante, à moins que l’air et le sol ne se fussent rafraichis. Joyeusement, mon nez était plein de ces odeurs d’herbes et de fleurs, mes oreilles du bourdonnement des bestioles, ma peau des sensations douces, rugueuses molles ou friables des végétaux, pétales, terres, cailloux. J’avais rempli mon corps et mon âme de ce qui m’avait tant manqué tous ces mois d’enfermement et de médicalisation. J’avais gagné une nouvelle bataille particulièrement importante à mes yeux car ce jardin avait été lui aussi le théâtre d’une guerre de tranchée relationnelle. Mon obstination à vouloir l’aménager, le rendre vivant dès mon arrivée dans cette maison prenait tout son sens, résonnait profondément en moi. Cette sortie incongrue fut un magnifique pied de nez narquois à tous ces esprits chagrin prisonniers de leurs angoisses.
Le printemps est véritablement ma saison préférée, c’est la saison de la re-naissance.
Voyez- vous, en écoutant cette chanson tout en relisant cet article, ben.. je pleure.
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Certains m'ont fait part de leur difficulté à lire avec le fond foncé et l'écriture claire. Mes soucis de vue étant grandement arrangés, ces contrastes me sont moins nécessaires. Dites- moi, s'il vous plait ce qui vous convient le mieux et avec quelques bidouillages, nous trouverons, ensemble, des couleurs agréables pour tous. D'ici-là, ne vous étonnez pas de changements variables et fréquents.
J'attends vos idées et doléances en commentaire!!!
Merci d'avance.
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