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L’ ensorcèlement de la maison.1.
Deux ans.
Dans ma vie, j'ai déménagé en moyenne tous les deux ans. Comme toute moyenne, elle nivèle faussement ce parcours itinérant.
Véritable nomade, j'ai circulé sur un territoire uniforme, une zone homogène avec quelques étirements plus lointains. Déplacements de quelques mètres ou de centaines de kilomètres, de quelques mois à plusieurs années, hébergements, appartements, rarement maisons individuelles, je n'ai heureusement jamais connu la rue bien que le statut de sdf ait été frôlé de peu en des périodes troublées. Je n'ai jamais vécu la propriété, plutôt la crainte de l'expulsion dans mes jeunes années.
Je ne manque cependant pas de racines, certains lieux ayant marqué fortement ma mémoire, je peux retourner vers eux en les nommant telles. D'autres ont été de simples lieux de passage, le nombre des années n'étant pas déterminant.
Depuis la naissance du fiston, en bientôt 12 ans, j'ai bourlingué dans 6 logements en raison des circonstances mouvementées de la vie, des impondérables économiques et sociaux : instabilité destructrice d'un tyran domestique vite fui, emploi commanditaire du lieu de vie, difficulté à obtenir un logement social, hébergement tendu dans la famille, enfin, un premier logement personnel.
Petit trois pièces mal ordonné, salle de bains placard, nombreuses aberrations coupées des réalités de la vie quotidienne, je m'en fichais, j'étais enfin chez moi, sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit... et surtout quasiment rien à mettre dedans. Je le retapai avec quelques coups de mains occasionnels, période épuisante entre le cumul d'emplois pour arriver à m'en sortir financièrement, un tout petit garçon jamais fatigué, et ces travaux grignotant mes nuits et mon temps libre. Je le meublais au rythme de mes moyens, récupérant et retapant; il me fallut presque trois ans.
Ce logement n'avait ni cave, ni grenier, ni garage, le capharnaüm prit ses aises avec mes activités créatrices envahissantes et les occupations enfantines du garçon et surtout, il était au cinquième étage, sans ascenseur avec des cages d'escalier dégoûtantes. Monter les courses, la bouteille de gaz, la poussette, et le garçon sous le bras, j'ai fait du sport avec une énergie déconcertante, je n'avais de toute façon pas le choix. Le quartier est également la « cité » de ce bourg, la commune y reléguant tous les cas du secteur et il y règne un désordre généralisé, entre les poubelles débordantes, des gamins effrontés et des familles aux mœurs douteuses, trop d'errances humaines, de violences ; mon garçon se faisait malmener sans cesse parce que nous étions la pire catégorie du quartier : «des intellos ». Très vite, j'ai donc déposé des demandes dans d'autres organismes, le locatif privé étant désespérément trop cher au regard de mes revenus et il était hors de questions que je fasse des dettes, je colmatais déjà sporadiquement celles d'autres, faisant également face à des tracasseries judiciaires consécutives au tyran du passé.
Cinq ans de ce régime épuisant.
Heureusement, il y avait quelques personnes très chaleureuses, une vue magnifique et des promenades dans les champs et forêts environnants merveilleuses, des grandes villes à environ une demi- heure, des services, une gare.
Cet endroit ne fut pas quitté avec nostalgie quand j'eus l'opportunité d'avoir un autre logement dans une petite ville plus loin, tout neuf, de même surface mais très bien agencé, au troisième étage avec garage. Il n'en reste pas moins un symbole de fierté parce que je me suis battue pour rester digne, en faire un espace chaleureux et agréable, malgré toutes les difficultés rencontrées.
Tags : logement, ans, vie, garcon, autre
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Commentaires
Commentaires
De l'importance d'un chez soi, son antre , l'endroit ou l'on se ressource.... Avec l'environnement si important autour.
Je suis peu chez moi, rentrant assez tard le soir et souvent en vadrouille les weekends (au point qu'on se moque parfois de moi en me demandant pourquoi j'ai un appartement ;-)) mais il faut que je m'y sente bien.
Et dire que c'est le quotidien de tellement de personne en ce début du XXIème siècle !
Dans un article (demon blog) je disais que nous étions retombé au pire moment du XVIIIème... Ton récit, même s'il porte sur un "certain temps" ne fait que confirmer mes dires.
Que te dire ? Certainement pas ces "encouragements" à la con qui dégouline de bons sentiments, juste que ces constats multiples de notre régression sociale devrait nous inciter à la REVOLTE.
Je pense à ton fils... il doit grandir dans l'idée que ce qu'il vit - ce que nous vivons - n'est pas une fatalité, c'est une injustice et il faut la combattre, sans baisser la tête.
La honte n'est pas de notre côté mais du côté de ceux qui pourrissent l'Humanité !
Un jour viendra...
Nous avons commencé nous-mêmes très bas, et avons déménagé à chaque naissance, parce que cela devenait impossible. Mais j'ai de la chance d'avoir un mari ambitieux grâce à l'amour qu'il portait à sa famille. Aujourd'hui, malheureusement, il risque son boulot, et moi-même finirai bientôt au chômdu: on attend le moindre faux pas pour me virer.
Personne ne sait ce dont demain sera fait. Alors essayons de profiter de l'instant présent, même s'il paraît désedpérant...
Merci pour ta réponse.
Je pense que nous partageons un certain nombre de choses en commun... il y aurait encore tant de chose à ajouter, mais à quoi bon...
Cependant, ce que nous connaissons en 2008 me semble inaceptable. Car si nous sommes de plus en plus nombreux à subir les outrages de la société "moderne" (pffff, j't'en foutrai du modernisme... car c'est tout le contraire, cad... la régression) - et le témoignage d'Hélène en est encore un exemple supplémentaire, je pense que nous acceptons trop docilement notre sort.
A la manière des Juifs de Varsovie, nous baissons la tête, comme si nous avions commis des erreurs, comme si nous avions des fautes à expier, mais il n'en est rien.
De ton côté la maladie est encore venue en mettre une couche, mais dans l'ensemble nous oublions que nous sommes dans un pays riche, très riche... je lisais ce matin que 10 responsables de banques qui viennent d'être renflouées (je ne sais plus où en Europe) vont se partager 98 millions d'€uros de "parachute doré" en quittant leurs postes dont ils sont virés !
Le fric... il va bientôt falloir aller le chercher là où il est.
Hier, le DAL a été condamné pour les installations de tentes sur la voie publique... je rêve...
Oui... moi aussi "Y have a dream"... mais faudra-t-il, comme pour l'autre attendre 40 ans ?
Tu termines sur une note d'espoir... je suis comme toi, mais l'espoir... il faudra lui donner un coup de pouce (à la manière de la pub de la Société Générale... lol) pour qu'il se concrétise.
Se suicider parce qu'on se "ruine" (à propos de ton père)... heureusement qu'on est pas tous aussi attaché aux "choses", car la planète se viderait.
Reste que pour "passer à l'acte", il faut beaucoup de courage.
Bonsoir,
j'ai lu tes récents billets. D'abord un mot c'est tout, je te dis "Bravo". Tu le mérites Amplement.
Je rebondis aussi sur ton père qui a mis fin à sa vie; je ne pense pas réellement que ce soit l'attachement materiel qui l'ait fait capoter -pourtant je ne le connais pas- mais je connais assez bien la désespérance des individus. Il y a derrière chaque acte, chaque depression, chaque désespoir, il y a l'histoire du sujet.Si ton père avait mis ttes ses forces ds un combat de réussites sociales et que le bilan s'est soldé par un total fiasco, sur le plan narcissique c'est plus que dur, il y avait aussi sûrement pour lui d'autres échecs qui s'ajoutaient....et des regrets. Enfin c'est tellement personnel tout ça.
Je te souhaite une bonne nuit. A bientôt.
bibi
C'était l'époque encore où les hommes se terraient à l'intérieur d'eux-mêmes: "Tu seras un homme, mon fils!" Cela fait bien des dégats...
En réponse à Philippe, plus haut, jamais je ne me suis laissée faire!
Je suis déjà allée aux prud'hommes contre mon employeur, avec succès, car il nous volait tous!
Puis j'ai essayé de faire évoluer l'accessibilité aux lieux publics, pour toutes les personnes à mobilité réduite; au sein du Conseil Municipal de notre ville... Résultat, j'ai donné ma dem, et ils se sont vengés en refusant que notre fils soit scolarisé à l'école la plus proche de chez nous. La loi était pour nous, mais notre fils aurait été irrémédiablement fiché...
Parce que, Fée, il faut se battre tant qu'on le peux...
D'autres seront plus sereins, et je les envie...