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« Qu’est- ce que tu fais toute la journée fiston ? »
Non que la question me taraudât, je craignais qu’il ne continuât sa boulimie d’écran en se collant à la console emmenée normalement uniquement pour le train et à l’ordi vieillot du foyer. Je savais qu’il passait ses journées en compagnie de Nicolas, grand garçon à guitare de 19 ans toujours fourré avec les enfants, qu’il divaguait à sa guise refusant toutes mes propositions. Je ne le voyais que de loin, aux repas, vaguement au dodo puisque nous ne vivions pas sur le même rythme. Je lui fis toutefois remarquer que ces vacances coûtaient et que je serais très déçue s’il passait son temps entre ordi et console, vautré comme à la maison.
Hum…
Lors d’une de mes déambulations, j’y regardai à deux fois quand je le vis participer à une partie de foot ! (Il déteste ce sport !) Ce fut une telle surprise que des photos s’imposaient afin de saisir cet instant improbable ; de loin, armée de mon zoom, je tentai quelques prises. Oh, il ne bougeait pas beaucoup, en gardien de but mais son visage était souriant et il s’amusait de regarder les autres s’agiter. J’appris plus tard que c’était Mickaël qui avait insisté et réussi à l’entraîner dans la partie. Bravo l’artiste !!! et ses camarades wwoofers!
Un autre jour, je les vis assis au foyer à jouer et chanter pendant que les plus petits dansaient.
Ils jouaient également aux jeux du foyer. « Tiens donc ». Avant de partir, il avait insisté pour avoir le jeu des loups- garous dont il voulait absolument faire une partie aux Amanins. L’idée me plut, cependant, il était tellement tendu à cette idée qu’il me saoula jusqu’à ce que la partie se fît et je ne profitai pas véritablement du jeu, fatiguée de sa tension et de sa nervosité. Ce fut un soulagement de le voir en compagnie d’autres le sortant de ses angoisses chroniques du « Si je ne le fais pas maintenant, je vais mouuuuurir avant d’en avoir à nouveau l’occasion !!! ».
Au repas de ce soir, Michel Valentin, co- fondateur des Amanins, était parmi nous. Il raconta son parcours de sa voix roulante et rocailleuse du Sud, j’échangeai quelques réflexions avec lui. Quand la table fut débarrassée, toute la clique des enfants s’installa sur des chaises en face de la longue tablée. Ils avaient préparé une surprise.
D’une seule voix, heureux d’être ensemble avec un projet commun, malgré les dissensions personnelles entre quelques uns, ils nous chantèrent la chanson qu’ils avaient composée. J’observai un fiston impliqué, tolérant, ouvert, détendu et je fus enchantée, comme tous les spectateurs de leur démonstration. « C’est fou comme d’un groupe à l’autre l’énergie change » remarqua une séjournante. Présente depuis deux semaines, elle expliqua que les familles de la semaine précédente n’avaient pas du tout investi les lieux pareillement. Là, le mûrier était devenu un arbre à enfants. Leur chanson toucha particulièrement Michel Valentin, il était fier et heureux de son engagement, cela se lisait sur son visage.
(je n'arrive pas à la tourner.. désolée )
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Après manger, un petit groupe se forma sous l’égide de John direction:
l’atelier des briques de terre crue.
Il nous expliqua en préambule la richesse de cette technique, comment elle était utilisée largement à travers le monde, les possibilités qu’elle offre ainsi que ses limites (mouillées, les briques fondent, logique). Joli petit tour rapide des diverses techniques de construction écologique (là encore Marieke m’épata de tant de connaissances !), l’idéal étant d’en utiliser plusieurs dans une même construction afin de s’adapter parfaitement à l’environnement, chacune offrant des avantages dans tel cas et des désavantages dans un autre (orientation, climat, positionnement, etc.).
Le mélange de base est terre, sable, paille et eau dans des proportions à trouver empiriquement et/ ou avec l’expérience selon la composition de la terre d’origine plus ou moins argileuse (si elle ne l’est pas, il est possible d’ajouter de l’argile trouvée ailleurs). Car oui, il n’y a guère de secret que celui de l’’expérience dans ce cas. En l’occurrence, John évoqua et montra des essais de la première heure sur le site des Amanins qui, avec le temps, se révélaient trop hasardeux engendrant fissures, effritements et autres réjouissances.
Pour élaborer des briques de terre crue, il existe deux techniques : la presse et l’adobe.
La presse :
ramasser du mélange
le mettre dans une bétonneuse la mouiller en dosant l’eau afin d’obtenir une pâte épaisse
remplir la presse en appuyant partout, surtout dans les coins
presser
sortir la brique
la mettre à sécher plusieurs jours ou semaines selon la météo
L’adobe :
John récupéra des restes inutilisés dans un coin, il fut nécessaire de les émietter à la masse
Arrosage
Brassage
Préparation des moules
Remplissage
Pressage
Séchage, ici, la mienne
Là d’autres plus anciennes
Ensuite, en groupe retreint, nous fîmes un petit tour des constructions avec les explications éclairées de John, très pragmatique, soucieux d’expliquer les tâtonnements, les expérimentations, les erreurs, les techniques au gré des circonstances.
Je consacrerai un article sur les lieux ultérieurement afin de prendre le temps de montrer et expliquer ce que j’ai retenu et compris tant j’ai à raconter. Toutefois, le partage de ces quelques heures fut très instructif, je découvrais un champ incroyable de tentatives, de parcours variés dont celui de Marieke ou d’autres qu’elle rapporta ainsi que les expériences de John. En souffle vivant, les alternatives à la frénésie des constructions actuelles existent ! Par delà le béton, le massacre des paysages naturels ou ancestraux orchestrés par l’appât du gain dans la spéculation immobilière et foncière, fondements de la prétendue richesse actuelle ( avec l’argent qui produit de l’argent), des humains se lancent dans la réflexion et la mise en pratique d’une construction respectueuse de l’humain, du lieu, du vivant. Ouf ! Tout n’est pas désespéré finalement ?
Dans ma caboche, lentement, les sensations engendraient des esquisses de pensées.
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Et troisième lever matinal car je souhaitais ardemment participer à la traite des chèvres de bonne heure.
Enfant, je dévalisais les gants en caoutchouc de ma mère, les perçais à l’extrémité des doigts, les attachais sur le robinet, le remplissait d’eau et m’entrainais à traire. Adolescente, je rêvais de m’installer en Bretagne avec quelques chèvres, fabriquer des fromages, peindre et créer. Ignorante des possibilités concrètes de formation dans le domaine, j’ai fait des études littéraires et gardé ce jardin en rêve dans un coin de mémoire. Plus de 20 ans après, l’occasion de tester mes capacités était trop belle. Malheureusement, exceptionnellement, Philippe avait avancé l’heure et nous arrivâmes trop tard, comparses et moi. Il sortait les brebis à notre arrivée et les chèvres étaient déjà en partance pour les pâturages.
A défaut, j’assistai au repas des animaux.
Chevrettes
Poules avec ouverture du poulailler
Et cochons.
Ces derniers valent le détour. Mickaël, wwoofer nous avait mis au parfum : solidaires et débonnaires habituellement, ils se révèlent égoïstes et brusques à la distribution du matin.
Des restes alimentaires sont posés à l’autre bout de l’enclos puis il s’agit de courir très vite afin de distribuer le mélange favori orge- petit lait. Malins, ils ont compris le stratagème et ignorent les restes pour se ruer sur le délice matinal.
L’un d’eux a d’ailleurs trouvé la solution, il s’accapare radicalement l’auge en l’investissant physiquement!
« S’ils savaient que nous les gâtons pour les bouffer ensuite ! » posa Mickaël. J’avouais en riant qu’en les observant, je ne voyais que les magnifiques jambons sur pattes.
Je n’ai rendu visite au bouc que plus tard ; il n’était pas en cette période particulièrement sociable, remué par ses hormones (c’est vrai que ça sent fort, un bouc !!)
Plus tard, je participai aux activités de jardinage : mise en terre de plants, désherbage des rangs, ramassage des courgettes, reconstitution des buttes, etc. Il était particulièrement intéressant d’écouter les explications de Marieke, autre wwoofeur(se) aux vastes connaissances quand le maraîcher était en vacances aussi.
Je n’échappai pas à un trait sur ma tenue en robe courte prétendument peu adaptée au jardinage. Qu’est- ce qu’il en sait d’ailleurs ? Je rétorquai seulement sourire en coin : « Tu ne peux pas t’imaginer tout ce que je fais en jupette et robe courte ! ». Je gardai en moi l’image de ces multitudes de femmes à travers les âges et les espaces travaillant aux champs en robe… Alala, c’est quelque chose les préjugés !
Je participai même au ramassage des pierres d’un champ en friche à préparer pour le labour.
Cette photo est à l’image de nos vacances : je bosse et fiston regarde.
En outre, je pus, pendant ce temps, partager quelques beaux échanges avec Marieke et Mickaël, apprendre d’eux, de leur vie, de leur interne.
Avant midi, je partis me reposer contrainte par le corps me rappelant à l’ordre : j’avais forcé sous le soleil. J’avais besoin de préserver mon énergie parce que cette après midi, était l’atelier de briques de terre crue et je ne voulais absolument pas le rater.
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Ce matin- là, je me levai tôt, encore, parce que je voulais participer à l’atelier pain. Bien qu’en ayant fait à la maison ou avec mon ancienne voisine, j’étais curieuse de connaître une approche plus « professionnelle ». Manque de pot, le boulanger était en vacances et ce fut Houari qui s’y collait. Nerveusement, il nous expliqua comment un champignon avait anéanti le grain de la dernière récolte les contraignant à acheter du blé auprès d’un producteur bio local, qu’il avait quelque difficulté avec cette farine différente de l’habituelle, d’autant que lui n’avait fait du pain que 5 fois dans sa vie ; il remplaçait le boulanger et nous sentions la responsabilité que représentait pour lui cette tâche. Il nous expliqua les différentes étapes :
Le levain issu d’un levain chef
Le pétrissage après ajout de la farine
Le façonnage
Les levées
La préparation du four à bois
La cuisson
Il nous montra également le lieu de stockage des grains et la meule où est produite la farine au fur et à mesure des besoins ( visible sur le petit film ici) .
Chacune des étapes était entrecoupée par des levées, du façonnage plus rapide nous laissant des plages libres à d’autres activités. Cependant, voyant Houari contrarié par le temps qui filait et son manque d’expérience, je proposai de l’assister en préparant les étagères couvertes de linge et de farine, avec pliage spécial séparant les pâtons. La coopération n’est- elle pas l’un des fondements des Amanins ?
J’avoue que j’ai été déçue. Nous n’avons que très peu mis la main à la pâte restant majoritairement debout à écouter et observer quasiment toute la matinée de préparation et mise en forme. Je comprends toutefois qu’il n’y a pas lieu de s’amuser quand il s’agit de faire du pain pour le site et la boutique du village de la Roche-sur- Grâne où ils vendent des produits de la ferme. Tant pis, je tenterai mes expériences quand la mouche me piquera à la maison.
Après ce long atelier, Agnès me proposa une promenade à Crest, ses filles voulaient y chercher des cartes postales. J’acceptai confiante, mon garçon déclina l’invitation occupé avec Nicolas au foyer. Nous déambulâmes dans l’artère principale sans monter à la tour : les filles étaient mécontentes, la maman préoccupée, je me liquéfiais sur place, en robe heureusement. « Non seulement je pète mais en plus, je fais pipi dans ma culotte ! » m’exclamai- je en explication qui fit sourire mes compagnes de sortie. Au moins, elles comprenaient.
J’appréciais néanmoins cette ruelle particulière de cette époque où la voiture n’était pas reine des espaces
Et surtout, nous allâmes dans cette chocolaterie fabuleuse : Façon chocolat !
Chocolat bio sans crème, lait ou additif, travail artisanal en direct devant la clientèle. Narines et papilles d’amateurs en perdent toute mesure. Devant les prix certainement justifiés vu l’exigence sur les produits et le travail, je ne cédai que sur un pot de glace au chocolat dégusté en balade … Les mots me manquent, j’avais rarement goûté pareille glace ! Du pur chocolat, cacao fort, chaque cuillère était un délice en bouche. Je recommande un passage par chez eux si vous êtes dans les environs. Plaisir rare pour les amateurs de chocolat au goût de chocolat.
Au retour, j’évoquai l’opportunité manquée du fiston, il n’en tint cure trop heureux de ses occupations ailleurs. « Au fait, tu fais quoi au juste mon garçon? »
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Classé parmi les plus beaux villages de France, ses toits en particulier, je fus ravie de le visiter avec mes camarades de séjour.
Première rue, montante:
Des fameux toits et un bout de vue:
Son église sur le sommet que j’ai pu atteindre à pied sans peine:
J’ai beaucoup aimé les petits jardins au moindre détour et les plantes omniprésentes parmi ces maisons et rues de pierre :
J’aime les ruelles avec leurs lignes et contre- lignes, elles me donnent systématiquement envie de m’asseoir et de dessiner des esquisses à des peintures ultérieures :
Et ce balcon aux petits personnages :
Je veux les mêmes !!
En raison d’un arrêt pipi urgent et la quête d’une cachette, j’expliquai mes difficultés avec une pointe de fantaisie ; le message passa sans encombre bien que j’eus préféré ne pas avoir à parler de la maladie et ses conséquences.
Comme au temps jadis, oui, j’ai pissé dans le caniveau trop heureuse d’avoir prévu une robe dans les bagages bien plus pratique que les pantalons vite inondés.
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Au matin, je ne traînais pas afin de respecter les horaires du petit déjeuner.
J’y bus mon premier bol de lait de brebis aux odeur et parfum prononcés retrouvant l’épaisseur du lait cru de ferme trait du matin et goûtais le pain fabriqué sur place somme toute semblable à ceux que je mange habituellement. Au gré des conversations, je notai comment, spontanément, le tutoiement s’imposait. Bien que d’un naturel ouvert et accueillant, j’avoue toutefois avoir du mal à y passer, le vouvoiement n’étant pas à mes yeux la marque d’une distance vis- à- vis de l’autre.
D’emblée, je participai à l’atelier fromage sous l’égide de Juliette ( elle est dans la petite vidéo mise ici) avec d’autres séjournants. Nous y avons visité la fromagerie, la bergerie, fabriqué des petits fromages frais, et j’ai pris beaucoup beaucoup de photos.
Explicitation des diverses étapes : chauffage du lait, ajout de ferment, coupe, brassage, égouttage en séparant petit lait (pour les cochons ravis) et pâte durcie, mise en forme, essorage, presse et retournement. Visite de la cave avec explication des étapes de salage, retournement et frottement des croûtes. Le tout en blouse et charlotte sur la tête. Je remarquai que trente ans après ma classe de neige en Cp et sa visite d’une fabrique de munster, les règles s’étaient grandement durcies question hygiène.
Avant le repas, je déambulai sur les lieux armée de mon appareil songeant à mon reportage en images pour le blog, caricaturale touriste. REINE DES COURGES que je suis , après le déjeuner, j’ai tout effacé par mégarde et j’étais furieuse de ma maladresse : non seulement j’avais perdu les photos d’avant notre départ mais j’étais également bonne pour recommencer ma frénésie gloutonne d’images. Grrr.
(Je suis retournée en fin de semaine à un autre atelier fromage afin de reprendre des photos pour vous, lecteurs. A voir plus tard)
A midi, le repas fut pris à l’extérieur grâce à une météo lumineuse sur cette terrasse (ce fut le cas quasiment tous les jours )
Garçon émergea péniblement malgré les tentatives répétées de Nicolas (jeune homme rencontré la veille) pendant la matinée. Il arriva le visage embrouillé, mal réveillé et ronchonna sur la multitude des légumes au menu. « J’aime pas les légumes » lança t-il en bougonnant. Son voisin de table s’esclaffa : « Et bien mon gars, tu ne vas pas beaucoup manger cette semaine parce qu’ici, il n’y a que ça! ». Toute la tablée s’en amusa malicieusement. S’il n’aime pas les courgettes, heureusement, il put s’empiffrer aux repas suivants d’autres légumes crus ou cuits mis sur la table. Produits sur place et cueillis la veille ou le matin, ils nous offraient des plats opulents et des repas dont tous sortaient pleins ; « Je mange trop » entendis- je régulièrement chaque jour.
L’après- midi, nous eûmes une visite commentée du lieu, j’y rencontrais d’autres séjournants, Agnès et ses filles notamment. Garçon resta au foyer refusant chacune de mes propositions de visite ; il ne s’inquiéta nullement quand je lui parlai de partir visiter Mirmande avec Agnès qui me proposait la place dans la voiture. Finalement, lui le grognon, saisit rapidement le sens de vacances familiales ; de tout le séjour, je ne le vis plus qu’à l’heure des repas, de loin et la nuit au sommeil. Chacun sa petite vie.
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Nous avions appris dans la voiture que nous étions comptés au repas du soir. Fiston s’amusa de notre arrivée par l’arrière : « Ah, vous nous attendiez pour le repas simplement parce que la viande, c’est nous ! A nous faire marcher, vous êtes quittes de nous porter. ». Etonnant comme il se lâchait si facilement ! Je n’en revenais pas.
Tous étaient à table quand nous entrâmes dans cette magnifique salle voûtée. Grandes et belles tables massives accompagnées de bancs, réfectoire digne d’un monastère.
Il était évident, au regard de tout ce qu’il avait avalé, que mon garçon ne mangerait plus. Je grignotais quant à moi de la pizza aux légumes et au fromage avec plaisir devisant par ci par là avec nos voisins de table auxquels je proposai de terminer ma salade de riz vainement. Fiston n’arrêtait pas de s’agiter et de causer, lui le sauvageon ; les premiers contacts furent donc mouvementés, haut en couleur.
Après manger, nous allâmes à la chambre en écoutant les explications de notre guide, John, observant les lieux d’un premier regard curieux. Après l’installation et le repérage des sanitaires, nous retournâmes au foyer.
Avant tout, je m’inscrivis aux activités de la semaine sur le programme affiché là, à gauche de ce porche (en face du foyer) et rejoignis mon garçon excité et nerveux dans ce nouveau milieu. Très vite, nous fûmes invités à des jeux ce qui l’enchanta trop content d’être rapidement intégré lui, l’anxieux chronique du rejet.
J’observai l’activité, ignorant qui étaient nos interlocuteurs. La nervosité de mon garçon me fatiguait, j’avais envie de l’assommer mais je restai silencieuse. Les jeunes gens avec qui il jouait m’inspirèrent confiance, aucun ne se laissa prendre dans la spirale de l’agacement, du jugement hâtif, au contraire. L’un d’eux, Mickaël, le géra calmement et d’une telle façon que je le vis se détendre peu à peu, rire et lâcher. Rassurée, je ne traînai guère, éreintée du voyage et dormais déjà quand il revint enthousiaste de ses parties de Taboo en bonne compagnie.
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Il fut heureux de prévoir le gros sac de nourriture parce que mon garçon a passé son temps à manger ; nous étions à peine dans le premier train qu’il commença sa litanie des « J’ai faim ». Ouf ! J’avais de la ressource. J’étais d’ailleurs si fière de moi que j’ai photographié notre repas de midi, en cohérence avec mon ensorcèlement du monde :
Chips bio, jambon de production locale dans une baguette farine label rouge et sel de Guérande pour des sandwiches- maison. Forcément, garçon avait voulu fêter le voyage avec ses boites de jus d’orange, « Des petites, Maman, pour que j’en boive moins ! » avait- il posé en argument lors de l’achat… Tu parles, il en a simplement bu trois ou quatre à la suite… Grrr, ces emballages à la noix.
je n'arrive pas à enlever les logos punaise...
« Dis- moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es », A. Brillat- Savarin
Je garde le souvenir des paysages changeant au gré des kilomètres surtout les à pic et creux verdoyants où sillonnent les rivières ondulantes de Franche Comté (ils me ramenaient aux fjords de Norvège) … et du bourdonnement incessant de la voix forte de mon fiston enthousiaste de son magazine Sciences et vie dont la lecture « profita » à tout le wagon. Chacune de mes demandes de baisser le ton soulevait ses tollés et grognements, il ne comprenait apparemment pas que les autres ne fussent aussi enthousiastes que lui des dernières découvertes scientifiques. Heureusement, nous avions deux heures d’attente à Lyon où joyeusement, nous en profitâmes pour revoir Coq. Une averse nous tomba dessus violemment au seuil de la gare mais ne nous empêcha pas de nous installer sur une terrasse couverte afin d’y boire chaud et froid. Mon garçon était tout heureux de la retrouver, il l’aime beaucoup, seulement, dans son petit monde et ses fixations, il nous saoula de ses jeux de console et il ne fut guère aisé de tenir la conversation. Autant dire que ces deux heures filèrent à grande vitesse ; finalement si la conversation fut quelque peu frustre, la présence physique, le son de la voix sont des trésors d’enchantement d’instants en bonne compagnie.
Dans le train menant à Valence, nous longeâmes le Rhône et garçon entama la salade de riz monumentale que j’avais préparée la veille. Je bataillais afin de préserver ma part tant il fut vorace. « Dis Schtroumpf gourmand, à part manger, qu’est- ce que tu as fait pendant cette aventure ? » (sur la dernière vignette de La faim des Schtroumpfs je crois).
En gare de Valence, nous payâmes le passage aux toilettes 50cts. Bien qu’ayant usé et usé de celles du train (allers- et- venus bénéfiques à mon corps vite engourdi dans les positions statiques), ma vessie n’avait de cesse de se manifester. Et fiston, avec tout ce qu’il avait mangé, avait de quoi s’occuper. Enfin, bien que scandaleuses soit ces toilettes payantes dans TOUTES les gares, au moins, c’est propre (encore que pas toujours, expériences des lieux, croyez- moi ). Nous attendîmes le bus et embarquâmes tranquillement, curieux de ce qui nous attendait. Je notais au détour d’un échange entre le chauffeur et un passager que la Sncf facture plus cher le trajet en bus que la société de bus… les sagouins.
Sur le trajet, le paysage époustoufla fiston : à l’horizon, le Vercors dessinait des ondes abruptes dans le ciel ; l’incroyable diversité des paysages de France m‘étonnera toujours et j’observais avidement les alentours. Arrivés en gare de Crest où il n’y a pas de train, je descendis quelque peu inquiète de trouver la personne sensée venir nous récupérer. J’entendis qu’il y avait un autre arrêt au centre et dans le doute, je rembarquais avec garçon ; le changement n’était pas judicieux parce que nous nous retrouvâmes sur une place au milieu de marronniers. Heureusement, j’avais donné mon numéro de portable et nous pûmes nous retrouver. Garçon grimpait et sautait dans les arbres quand elle arriva avec sa vieille voiture remplie de cartons. Rembarquement et en avant vers les Amanins !
Ce ne fut pas une dernière ligne droite, les vingt minutes passées en voiture traversèrent bois, vallées, villages perchés sur des routes étroites en lacet ; les Amanins sont véritablement perchés dans un recoin de nature qui se mérite. Bonne carte, sens de l’orientation ou GPS sont plus que bienvenus aux visiteurs non coutumiers des lieux. Comme je m’étonnai du parcours, fiston lança l’idée de cheminer à pied. Deux ou trois heures seraient nécessaires ; après 9 h de voyage, quatre ou cinq changements plus le port des sacs, non merci !
Sous le flot incessant des paroles de mon garçon d’habitude si sauvage, nous arrivâmes enfin, par l’arrière. Il était temps.
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Pierre Rabhi n’est pas un doux rêveur ou un penseur détaché des réalités, il est ACTEUR. Aussi, en toute logique, à la fin de Vers la sobriété heureuse, se trouvent la charte internationale pour la Terre et l’humanisme, l’exposition des sites où s’appliquent, s’expérimentent la mise en œuvre de cette vision du monde, concrètement. Adresses postale et électronique, téléphones, sites sur la toile y sont donnés, il est donc aisé de s’y plonger.
Page 125 et 126, je notai les Amanins, « espace d’échange, de formation, de transmission de savoirs et savoirs- faire qui accueille toute l’année des visiteurs en séjours courts ou prolongés. ». Zou, j’entamai mes recherches : première visite sur le site ici et mise en mémoire de l’adresse courriel. Quelques jours plus tard, je me hasardai à envoyer quelques questions au sujet des lieux, de leur accessibilité, de leur topographie et autre géographie avec en arrière, très arrière pensée de m’y rendre, un jour (l’année prochaine ?) avec mon fiston. N’est-il pas habituel d’entendre que les vacances se préparent d’une année sur l’autre en raison de l’encombrement ?
Quelques échanges sporadiques avec la secrétaire enthousiaste et ce message : « Nous avons de la place à partir du 15 août pour les chambres » (mieux adaptées à ma condition que le camping et les cabanes aux sanitaires à 300 m). Waouh ! Je n’en revenais pas ! Je n’avais pas prévu cette dépense si rapidement !
Fi des plans sur la comète ravageurs et anxiogènes ! Je repérai les jeux coopératifs pour le fiston, la phytoépuration pour moi. Bloom, j’arrêtai mon choix sur un séjour du 15 au 22 août. Pas de problème, il ne me restait plus qu’à envoyer l’acompte. Olala ! Serai- je déraisonnable de m’engager de la sorte alors que mes finances sont si ric- rac ? Plutôt que de me miner, je me laissai porter par les événements, prenant au fur et à mesure le temps de préparer tranquillement cette grande première de véritables vacances familiales avec mon garçon. L’air de rien, nonchalamment, j’achetai les billets de train (parce qu’il me semblait plus cohérent d’y aller par chemin de fer plutôt que par voiture surtout que la mienne pose souci), j’effectuai quelques virements en puisant dans mes économies et expliquai doucement à mon fiston ce qui se tramait.
Il était heureux à l’idée de prendre le train mais se méfiait d’un centre avec ateliers qu’il crut obligatoires « Non, non ! Si tu veux ne rien faire, tu peux ne rien faire ! » répétai- je rassurante.
Alors que j’expliquai alentour que nous partions pour nos premières vacances familiales, il pestait, rappelant nos déplacements et voyages précédents :
- Nous sommes déjà partis en vacances Maman, qu’est- ce que tu racontes? C’est n’importe quoi !
- Attends, tu verras, c’est complètement différent de ce que tu as connu jusqu’alors parce qu’avant, nous avons rendu des visites, accepté des invitations, visité ; les vacances familiales, c’est tout autre chose.
Il resta renfrogné dans son coin.
Nous préparâmes nos sacs tranquillement la veille après avoir organisé les quelques obligations matérielles avec l’entourage. Je mis un accent particulier sur la NOURRITURE ! A 13 ans, fiston grandit à vue d’œil et mange incessamment… Repas de midi, goûter, repas du soir étaient en marche avec nos changements voiture- train- train- train- bus- voiture sur un transport de 8h… Hors de question de supporter les « j’ai faim » à longueur de journée !
Le dimanche matin, enfin, nous partîmes avec nos sacs à dos et un panier énorme de mangeaille et boissons (Scroumpf). Ce ne fut qu’installés dans le train que je commençai à réaliser que nous partions et encore… Autant vivre les événements comme ils se présentent et ne pas extrapoler outre mesure, fiston était déjà suffisamment excité, je n’allais pas en rajouter une couche. En avant… et une très vague idée du paiement final de l’aventure… Complètement irrationnelle la fée…
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Ceci est un fait réel, nullement une fable ou un conte.
Un village africain au sein d’une région semi- aride, en voie de désertification, que les Arabes ont appelés « Sahel ». En terme imagé, cela veut dire « le Rivage », cet immense océan minéral que représente le grand désert saharien. Dans les faits, le pays est, entre grand désert et forêt tropicale, dans une sorte d’agonie, la grande sécheresse des années soixante- dix ayant été terriblement destructrice pour la faune, la flore, les troupeaux et le sol. La précarité omniprésente permet de survivre plus ou moins, mais parfois, elle se fait carrément misère ; cependant, tout se passe comme si les forces de vie, elles aussi omniprésentes malgré tout, n’avaient pas abdiqué et s’obstinaient encore dans la végétation chétive, dans les animaux malingres vaquant à leur incertaine pitance. Elles sont dans le cœur de ces femmes besogneuses et miraculeusement joyeuses, et de ces hommes comme impuissants, prisonniers d’une indolence millénaire. De temps en temps, de petites rafales d’une brise tiède surgissent d’on ne sait où, font tourbillonner la poussière en un vortex espiègle, parcourant la terre pour se dissiper sans laisser la moindre trace. Sur les champs se dressent les tiges desséchées du mil, de maïs, de sorgho, soulagées de leur manne. La récolte vient d’être achevée.
De jeunes cultivateurs jubilent, envahissent la cour du village, s’installent autour du doyen accroupi sur une nappe, dans ses habits de pauvre, le dos appuyé au mur de sa case en terre ocre. L’homme est beau, non qu’il ait des traits fins, mais parce que son visage fripé, orné d’une barbe blanche, affiche cette extraordinaire sérénité à laquelle la cécité dont il est affligé donne encore plus de profondeur : il vit de silence et de songe. L’homme est en quelque sorte clos sur lui- même ; il est noblesse incarnée agitant de temps en temps un éventail dans la tiédeur et la torpeur d’un temps qui semble immobile. Les jeunes paysans se tiennent dans une déférence et un respect justes face à celui qui va bientôt rejoindre les ancêtres, vivre dans un ailleurs, tout en gardant le lien avec ceux qui vivent dans le monde ordinaire. Après que le vieillard a manifesté qu’il est à l’écoute, qu’il est sorti de son temple secret, l’un des jeunes paysans prend la parole et dit : « Doyen, nous venons t’annoncer une bonne nouvelle. La récolte, cette année, est bonne. La terre a été généreuse grâce à la générosité du ciel qui l’a abreuvée en suffisance de sa bienveillance. Nous serons tranquilles jusqu’à la prochaine récolte. »
Le vieillard manifeste sa joie par un petit cri et dit : « Ayons gratitude à l’égard de la terre et du ciel qui l’a fécondée. Je me réjouis comme vous. »
Après un temps de silence, les jeunes reprennent la parole :
« Nous devons te dire également que la poudre des blancs, dont nous avons nourri la parcelle à l’est du village, a permis d’obtenir deux fois plus de récolte. Elle fait plus d’effet que le fumier et nous donne espoir. »
Le vieillard garde le silence un bon moment, comme plongé dans le songe qui le ramène à sa chapelle intérieure. Les jeunes paysans sont un peu décontenancés par le manque d’enthousiasme du vieillard. Il prend enfin la parole :
« Mes enfants, je ne sais de quoi est faite cette poudre. Mais elle semble agréée de Dieu, pour avoir un pouvoir si bénéfique sur la terre, et par conséquent sur notre propre vie. Nous en aurons également un autre avantage, puisqu’elle permet d’abondantes récoltes, à ce que vous avez constaté : nous pourrons désormais nous contenter de ne cultiver que la moitié de nos parcelles, et peut- être moins que cela, si Dieu le veut. Notre peine sera ainsi allégée. En toutes circonstances, gardons la mesure des choses pour que la satisfaction puisse toujours habiter notre âme. Et si nos besoins sont outrepassés, n’oublions pas ceux qui ne parviennent pas à les satisfaire, car Dieu donne pour que nous donnions ».
Extrait de Pierre RABHI, Vers la sobriété heureuse, p.59 à 61, Actes Sud, 2010
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