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De chair et d’âme.
En écho à la rencontre réelle de mon ami Boris dont j'emprunte un titre de livre, je suis depuis samedi dernier en communion avec moi- même, en harmonie avec les changements opérés dans ma petite existence insignifiante depuis plusieurs mois, métamorphosée subtilement, secrètement de l'intérieur.
La vie jalonne nos parcours de miracles sublimés par la rencontre d'êtres résonnant en nos internes. Tant que j'étais dans l'autodestruction consécutive à une faille narcissique (et oui excusez du peu), j'ai croisé quelques malveillants miroirs de mes propres travers inconscients, survivant à mes souffrances par ceux qui n'entraient pas dans la danse des relations toxiques, rencontres fugaces ou durables, au hasard. Depuis que j'ai tout lâché, acculée par la maladie dans mes derniers retranchements, m'obligeant ainsi à regarder en face ce qui se jouait en moi, l'intériorisation a permis de regarder le monde d'un autre œil, d'entrer dans des relations différentes, souvent nouvelles et magiques. Pour preuve de ces mots futiles et aléatoires, il y eut ma rencontre réelle avec Pierre Rabhi.
Je l'ai découvert grâce à Philippe, fidèle lecteur, par un lien laissé dans un de ses commentaires. Bien que n'ayant par accroché dans l'instant, j'y suis revenue lentement découvrant avec enchantement les possibilités alternatives à nos fonctionnements actuels malsains et destructeurs, générateurs de mal- être et de mal-vivre, en voie royale vers l'impasse absolue. J'ai ainsi lu les articles de son blog, visionné toutes les vidéos trouvées sur le net et lui ai consacré un article à l'image de ce qu'il représente à mes yeux, une bulle d'humanisme véritable et de réconciliation avec la Nature, notre environnement, l'éveil à une conscience simple, profonde et sereine.
Par un concours de circonstances incroyables, je reçus quelques semaines après cette découverte le message d'un organisme fréquenté depuis plusieurs années annonçant sa venue dans la région pour une conférence où, vous l'imaginez facilement, je me suis inscrite immédiatement ; j'en ai parlé autour de moi, enthousiaste à la moindre occasion. Logiquement, j'y suis allée en compagnie de camarades de Qi gong et cnv, aucun de mon entourage proche largué ou malmené par mes métamorphoses.
Dans l'entrée, j'achetai une charte des plus sobres avec la ferme intention de l'afficher chez moi aux yeux de tous les visiteurs puis m'installai à côté de mes camarades de route. J'observai l'alentour et le public, le regard vif, acéré souriant de l'image que chacun donne de lui à travers son accoutrement, c'est tellement parlant. Nadine discutait avec une prof de yoga, je ne voulus pas m'immiscer dans la conversation malgré la curiosité qui m'étreint en toute circonstance. Quand elle fut partie, Nadine me souffla : « Tu as vu ? Il est assis là, derrière ». A contre jour, en pleine conversation avec une jeune femme, je l'aperçus en chair et en os, de loin.
- Est- ce que je vais avoir le culot d'aller le voir ? dis- je à haute voix sans réfléchir
- Oh, je n'oserai pas, je suis trop impressionnée par les gens connus.
- Oh, je ne suis pas impressionnée, je n'ai simplement pas envie de le déranger- je pensai fugacement à ma rencontre avec mon ami Boris et me levai- Allez, j'y vais, je verrai bien, tu viens avec moi ?
- Je n'ose pas.
Ni une ni deux, me voilà partie à sa rencontre, d'un pas alerte et déterminé, en mouche qui pique, subitement, mode de fonctionnement récurrent chez moi.
Devant eux, je me tins à distance, ne voulant pas être intrusive et je tâchai d'attraper quelques renseignements pour savoir s'ils n'étaient pas en pleine conversation d'organisation de la conférence. La jeune femme se retira naturellement bien que je lui signifiai ne pas vouloir la chasser, au contraire et je me retrouvai seule avec lui. Sa voix ne me surprit nullement, je l'avais tant écoutée sur le net, il est petit et menu, d'apparence si fragile, attendrissant au possible. Je m'assis près de lui.
Je lui racontai sa découverte sur le net, les vidéos, la lecture de son blog, la visite des sites, avouai ne pas avoir encore lu un de ses livres, parlé des rencontres et hasards sur la toile et la joie qui fut mienne quand je reçus le message annonçant sa venue dans la région. Devant mon enthousiasme chaleureux, il était ravi, surtout très reconnaissant et d'une humilité rare. Il répétait des mercis doux et savoureux, je lui souris tendrement et lui lâchai «Savoir recevoir, c'est aussi savoir donner » (Elodie omniprésente)
Fussent ces mots qui résonnèrent en lui ? une attitude générale ? ... je ne sais, toujours est- il que je sentis une communion s'installer entre nous.
Il signa ma charte alors que j'expliquai ne rien vouloir lui imposer, ni la signature, ni la photo (saleté d'appareil qui me trahit trop souvent surtout entre des mains inconnues ! Une seule sur les trois est visible, grr... m'enfin, ce n'est pas le plus important, je n'ai pas de photo de ma rencontre avec Boris par exemple). J'évoquai de ci de là l'article écrit dans mon blog à son sujet, lumineuse à l'évocation de ses pensées, de son approche humaniste du monde et de la société, émerveillée par les possibilités qu'offraient cet ensorcèlement.
- Votre histoire personnelle est un exemple puissant de notre communauté humaine, de la tolérance avec tout ce que cela a de positif pour tous
- C'est que tout est relié, nous sommes tous reliés
- Et oui, nous venons tous d'une petite communauté de quelques milliers de personnes apparue quelque part au Moyen Orient.
Il approuva simplement d'un hochement de la tête.
Plusieurs personnes vinrent à sa rencontre, je n'avais pas tant besoin de parler et de m'approprier, simplement l'envie d'être là, à côté de lui ce que je lui dis entre deux interruptions, « Je me remplis de votre présence ». Il y eut une jeune femme demandeuse d'aide, tendue et éperdue en quête d'un soutien, un producteur local fier de son engagement et blessé des aléas de son entreprise en difficulté économique à cause de ses choix. Moi- même, je retrouvai mon ancien prof de sciences naturelles de 6e maire écologiste actif dans la région et partie prenante de la venue de Pierre Rabhi, je fus abordée par un homme rencontré 19 ans plus tôt lors d'un voyage en Russie, Union soviétique en ce temps -là. Il encadrait notre groupe et avait essuyé mes piques acides. A mon grand étonnement, il se souvenait parfaitement de moi et s'étonna de ma mémoire quant à son nom et celui de sa fille. Toujours baroudeur, les enfants quasiment adultes, je m'excusai de le ramener à son histoire douloureuse en demandant des nouvelles de sa femme alors qu'il était séparé depuis un an et avec quelqu'un d'autre. Il me croyait journaliste, me demanda si j'avais un des articles publiés à cette époque dans un journal local où j'avais affutée ma plume sur cette expérience particulière. Bref échange sur près de 20 ans de nos vies. Ma franchise acide n'est peut être pas si négative sur le long terme... je sentais une sorte de respect mutuel, comme deux combattants loyaux.
Je ne bougeais pas de ma place à côté de Pierre Rabhi.
Dans le mouvement qui l'entourait, je me souciai de lui :
- Comment vivez- vous toutes ces sollicitations? Il y a de quoi être étourdi et je vous vois si humble et disponible.
- C'est que je me nourris de ces rencontres.
- Avec tous les autographes donnés, n'avez- vous pas votre propre livre d'or pour garder vous- même une trace de ces rencontres ? ... - il signe et signe demandant les noms systématiquement- Au fait, avez- vous lu les commentaires sur votre blog ? Je sais que vous n'êtes pas dans cette technologie. - un mouvement de tête attentif- Vous y avez de véritables déclaration d'amour, d'admiration, votre livre d'or est tout trouvé !
- Il y a possibilité de les imprimer, peut être.
- Oh, oui, sans problème. Allez- y, je vous le recommande vivement.
Un insecte ne le lâchait pas et revenait sans cesse se coller à lui. « Cette mouche vous embête... », elle insistait sans changer de peau et Pierre Rabhi continuait de discuter, d'écouter en la chassant d'un simple et doux geste de la main. « Tiens, je crois que c'est un taon, voilà pourquoi il ne s'en va pas » constatai-je. Naturellement, de sa douceur omniprésente, il dit simplement :
«C'est que je ne veux pas le tuer ».
Bulle magnifique qui me renvoya à Gandhi en détour de pensée.
Son intervention se faisant imminente, je le quittai au dernier instant, reconnaissante toujours de son engagement. Sur un dernier merci, je lui serrai fortement la main « Et surtout faites nous beaucoup, beaucoup de petits comme vous ! Encore que je sache que vous ayez rempli votre tâche dans ce domaine » (Il a eu 5 enfants). Quelques secondes, nous fûmes plongés dans le regard l'un de l'autre, seuls au monde ; dans un geste de générosité immense, il m'attira vers lui et m'embrassa avec une chaleur incommensurable, m'entourant de son bras appuyé sur mes épaules, me serrant fortement la main. Je reçus ce cadeau dans chacune de mes cellules, inondée de communion humaine, d'un être à l'autre, pleinement. Surprise d'un tel don, d'un tel échange, pas du tout de la générosité de ce GRAND petit bonhomme.
Quelques minutes de rencontre forte éclairées de nos sourires intérieurs en permanence.
Nous voici en pleine conversation alors qu'il signe ma charte:
Quelque soit notre situation, la notoriété ou l'anonymat, nous ne sommes tous que des humains. Je sais qu'en toutes circonstances aussi improbables soient- elles, l'occasion de rencontrer pleinement quelqu'un est imprévisible et possible. Qu'importent la culture, la religion, la nationalité, la représentation du monde, ce qui compte à mes yeux est nourri de sincérité, de respect, d'authenticité. Il n'y a de murs que ceux que nous érigeons, coupés avant tout de nous- même.
Etrange sentiment de l'unicité des expériences, entre Qi Gong, rencontres, communication non violente, psychanalyse et cheminement personnel. La maladie a abattu moult barrières et quel cadeau !
Tags : rencontre, moi, rencontres, ferme, depuis
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Commentaires
Nous, occidentaux sommes toujours un peu surpris par l'accueil, la disponibilité apparente, des gens du Moyen Orient.
J'en ai été moi-même surpris lorsqu'au Tchad, nombre de mes interlocuteurs, pétri de cette "culture Musulmane" m'ouvrait leur "porte".
Voilà une image à opposer aux Ben Laden et autres intégristes (de tous poils) musulman. Dans l'Islam - mais aussi dans notre culture paysanne - l'accueil est un devoir...
"Notre" société, dite "moderne" (et qu"ON" veut encore moderniser davantage), qui cultive l'individualisme, la réussite (matérielle) personnelle est à l'opposée de ces valeurs.
Merci de m'avoir mentionné...
Au plaisir.
Comme toi je pense qu'en restant vrai et spontané les vraies rencontres se font, les rencontres simples, belles, riches... pour lui comme pour toi!A Annie:
Bonsoir Annie,
Un plaisir de te lire à nouveau. :)
Expérience spirituelle, certainement puisque ce fut une communion d'âme à âme.
J'apparais en pointillé, de ci de là, il est certain que je suis en meilleure mine que sur la photo de l'hôpital en Adelo avec fauteuil, moitié des cheveux, douleurs et lourds traitements en compagnons de route.
Comment ne pas rayonner en si bonne communion, de toute façon?!Réponse de fée des agrumes le 28/06/2009 à 21h28A Philippe:Dans mon travail, je cotoie bcp de musulmans souvent amers quant à l'hermétisme des gens d'ici et je me plais à leur expliquer qu'autrefois, il y avait toujours une place dans la grange, un bol de soupe pour un voyageur ou un mendiant.
Nos sociétés "modernes" marchent sur la tête et finissent dans le mur; heureusement, il y a encore des gens pour croire qu'un autre monde est possible... voire vital!
Ce n'est pas à toi de me dire merci, c'est moi qui te remercie bien bas! Sans toi, je serais passée à côté de cette belle rencontre!
Passeur, voilà ce que tu as étéRéponse de fée des agrumes le 29/06/2009 à 20h33A Coq:Et nous en savons qqchose, n'est- ce pas?Réponse de fée des agrumes le 29/06/2009 à 20h44
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Rarement je t'ai vue en photo: je te vois superbe!