Ces temps- ci, je suis très fatiguée. Les activités quotidiennes accaparent mon énergie et aussi stupide que ce soit, je
trouve même difficilement de la volonté à pratiquer le Qi Gong. Vaquer à mes soins quotidiens liés à la maladie et ses handicaps, préparer à manger, ranger et nettoyer - à minima, travailler,
faire les courses, la vaisselle et le linge et me voilà très lasse. Gérer le budget mini- riquiqui en calculant comment venir à bout des dépenses élémentaires et de base (se loger, avoir de
l’eau, de l’électricité, de quoi manger) n’est pas envahissant certes cependant chaque jour est un questionnement sur le plan individuel et collectif : comment terminer le mois? Comment
tenir les réserves alimentaires assez longtemps ? Comment habiller et chausser mon garçon qui grandit si vite ? Pourquoi donc la situation est- elle constamment bloquée malgré mes
démarches internes et externes ? Comment une société peut- elle traiter aussi violemment ses membres ?
Je n’ai pas besoin de recevoir un poisson, j’ai besoin de pouvoir pêcher.
Mon combat ne s’alimente pas de volonté de profiter ou de profit, il ne tient qu’en un seul terme : dignité. Il n’est
pas normal et humainement soutenable d’avoir à se battre pour préserver sa dignité, une véritable société humaine digne de ce nom en est garante.
Utopie n’est pas chimère.
Alors, ma foi, je continue de méditer, d’être présente à mes actes, de travailler et de vivre avec humanisme.
Il y a quelques jours, fiston était très fâché, désagréable, voire agressif. Me doutant bien qu’il me parlait de lui par son
attitude, je l’interrogeai sur les raisons de son comportement. D’abord, il évoqua ses reproches à mon encontre en longue diatribe.
- Qu’est- ce que ce serait pour toi une mère idéale alors puisque je ne réponds pas
à tes attentes?
- Une mère qui a de l’argent !
- Ah bon, et c’est tout ce que tu changerais ?
- Oui, oui !! La même que toi en caractère, comportement, tout ça MAIS avec de
l’argent !
Je réfléchis quelques secondes, interpelée par sa demande. J’écoutais ensuite la liste de ce qui lui faisait envie observant
les variations au fil des mois, semaines ou jours. Après tout, ce n’est pas le manque de ces choses qui le blesse, c’est plutôt le fait de les voir chez d’autres et l’envie provoquée en
lui.
- Je suis désolée que tu ne puisses avoir ce dont tu rêves. Je fais de mon mieux
pour chercher des solutions afin d’améliorer notre situation matérielle.
- Ouai m’enfin, ça ne marche pas tes trucs.
- Pour l’instant, oui ; cela ne m’empêche pas de continuer tout le temps. C’est loin
d’être facile tu sais bien.
Nouvelle pause de silence en réflexion.
- C’est un choix de société.
Actuellement, ne comptent que le profit, l’argent, le matériel.
Imaginons une seconde que je reçoive un euro pour toutes les personnes que j’ai aidées, accompagnées, écoutées…
Il me coupa la parole :
- Oh ben maman, tu serais millionnaire !!!
Honnêtement, j’ai pris ses remarques pour des compliments et je suis heureuse de notre échange. Ensuite, j’ai entendu ses
envies, ses frustrations, je lui ai laissé la place demandée et depuis, il est sorti de sa colère, bidouillant, réfléchissant à des solutions pour dépasser les limitations matérielles. En lui-
même, il sait que mes choix de vie touchent à des valeurs fondamentalement humanistes, que je suis en harmonie et paix avec moi- même, que mon interne et mon externe parlent de concert. Cette
richesse-là ne se mesure pas avec les valeurs comptables actuelles.
Pourtant, le quotidien matériel reste identique à l’heure actuelle et nous sommes en survie sur ce plan malgré toutes
mes démarches, mon cheminement, cette énergie et cette volonté dont j’ignore où elles puisent leurs ressources. Je me sens préoccupée vaguement, en surface, ma joie de vivre, d’être au monde et à
soi n’étant pas entamées.
Il y a plus d’un mois, je constatai des vertiges, un malaise diffus au quotidien et une grande fatigue. Rendez- vous chez le
médecin : petite tension d’emblée. Traitement homéopathique pour améliorer les nuits en sueur, les rêves agités et un petit coup de pouce au tonus. Léger mieux puisque les vertiges
disparurent. Une semaine après, je rencontrai un thérapeute pharmacien de formation, naturopathe, iridologue et Cie par conviction. Questionnaire d’une heure puis plongée dans mes
yeux. : « Ah, ça se voit que vous avez une bonne hygiène de vie ! Il n’y a rien à redire ! »
Les seuls marqueurs sont : le système nerveux central (Devic, évidement) et… le stress.
« Ces préoccupations matérielles quotidiennes me mineraient- elles plus que ce que j’imagine ? » pensai-je au
fil des jours.
Aujourd’hui, je me dis que la frontière est ténue entre le système nerveux régissant le corps et celui régissant les
émotions, les pensées. Ils sont intimement liés, leur proximité infinitésimale. Les douleurs aléatoires, variables, capricieuses des dernières semaines sont peut- être le reflet de ces
préoccupations primitives quant à nos besoins élémentaires d’abri, de sécurité, d’eau, de lumière, de chaleur constamment sur la tangente, les caprices critiques du système urinaire, le reflet de
mes peurs instinctives, la fatigue récurrente, le reflet de l’énergie dépensée afin de parer à ces besoins élémentaires. Je n’en sais rien, je ne contrôle rien. Je vis, je m’adapte au gré des
circonstances continuant mon chemin vers l’abondance. Et je n’appelle pas le neurologue parce que je ne saurais quoi lui dire (déni ou lucidité ?).
Ainsi, je travaille, je m’occupe de moi, de mon fiston, de notre foyer, de mon budget, de notre présent, de notre avenir, de
nos besoins, de nos envies, de nos rêves, de ceux qui croisent mon chemin puis je tricote, je lis, j’écoute, je couds, je pense, je dessine, j’élabore des projets créatifs et pratiques, je
médite, je médite, je médite. L’énergie d’écrire vient ponctuellement, en accord avec mes possibilités, sans pression. La transition est là. Désormais, un autre rythme anime ce blog- déversoir,
je ne suis plus dans l’urgence de survivre, je suis dans la marche engagée du quotidien.
Impossible de la trouver en français ou en version originale, ceux qui connaissent les films reconnaîtront le passage (
traduction en dessous pour ceux qui ne parlent pas italien) :
Les deux tours, Peter Jackson.
- Vous êtes adroite avec une lame.
- Les femmes de ce pays ont appris à les manier; celles qui n'en ont pas meurent par elle. Je ne crains ni la
douleur, ni la mort.
- Que craignez- vous, gente dame?
- Une cage. Rester derrière des barreaux jusqu'à ce que
l'usure et l'âge les acceptent et que toute forme de courage ait disparu irrévocablement.
- Vous êtes fille de roi, damoiselle protectrice du Rohan, alors ceci ne sera pas votre
destin.
Commentaires
Merci à notre amie bergenoise commune de m'avoir fait découvrir ton blog. En lisant ces lignes je retrouve beaucoup de mes idées et de mes valeurs humaines et humanistes.
Pas facile de vivre avec juste assez pour vivre, voire moins. J'en fais aussi l'expérience régulièrement, ne parvenant jamais à faire amie-ami avec mon compte en banque qui n'affiche jamais les chiffres que je voudrais...
Alors, oui, je médite aussi... Et j'essaie de vivre le plus possible en étant reconnaissante de ce que j'ai déjà, en essayant de ne pas céder à la pression de la société de consommation qui nous incite toujours à désirer encore plus, encore plus loin encore plus souvent. Ce n'est pas facile. Surtout quand on a des enfants qui subissent peut-être encore plus que nous cette pression...
Je vais continuer à te lire:-)
Bonjour Fleur de Lotus
J'ai déjà eu un lien vers ton blog et m'y suis promenée en silence. Je ne lis ni ne parle norvégien, ça limite. Je ne m'étonne toutefois pas des liens, les points communs sont évidents.
Quant à la lecture ici, je te souhaite bon courage parce que mes tartines sont particulièrement volumineuses. Les commentaires sont bienvenus, il y a beaucoup d'échanges et de rencontres en ces lieux.
Au plaisir de te lire ici ou là-bas.
Quelles possibilités pour plus d'aisance matérielle ?
Te sens-tu capable de travailler plus (pour gagner plus lol !)
Est-il possible de revaloriser ta pension d'invalidité ? Renseigne-toi. Et c'est là qu'une visite chez un médecin a aussi son utilité.
Sinon, à part épouser un monsieur qui a les moyens ou gagner à l'Euromillion, je ne vois pas.
L'enervement d'Etienne, ce n'est pas seulement parce qu'il ne peut pas s'acheter tous les gadgets high tech qui lui font envie. Il traduit aussi et surtout son angoisse de mort. Il a failli être orphelin à dix ans. Et là, la précarité matérielle rend son monde encore plus insécurisant. Il a peur et en est révolté de devoir la subir sans rien pouvoir y faire.
Sur ma situation matérielle, je raconterai bientôt mes péripéties.
Quant à Etienne, il y a effectivement un truc de ce genre: l'angoisse de la mort . L'angoisse de mort, c'est autre chose.
Je pense que forcément, tes besoins primaires viennent un peu turlupiner ta quête de bien être... C'est la fameuse pyramide des besoins de ce cher Maslow... Si les besoins primaires ne sont pas satisfait, difficile de gravir les échelons et de satisfaire les suivants...
Bien vu!
je partage tout à fait ton point de vue. J'ai noté également que 1e stress que représente les soucis financiers, accentue aussi la grande fatigue, bref tout le "binz" devic. A un moment donné, j'en étais arrivée à devoir faire les poches pour voir s'il ne traînait pas des pièces pour acheter du pain; à cause de tracasseries administratives, de nombreux retards de paiements , bref, beaucoup de stress, d'inquiétudes, et effectivement mon fils qui ne comprenait pas pourquoi on ne pouvait pas acheter .......pour ma part financièrement ça va mieux, j'y ai gagné en sérénité et ne ressens plus de pression;heureusement que dans ces moments-là, m'a famille a pu me soutenir et intervenir financièrement .
Avoir les moyens lorsqu'on est malade ,cela signifie non seulement la possibilité de régler ses factures mais aussi de pouvoir s'alimenter correctement, de payer les différentes thérapies( nathuro, kinésio, massages, piscine,psy etc) les compléments alimentaires, un peu de ciné pour se changer les idées !
j'aimerai tant t'aider à trouver une solution ......
Bientôt, le récit de mes aventures administratives démontreront la violence ordinaire institutionnelle et sociale.
Tu en fais déjà beaucoup, crois- moi.
Je suis contente d'avoir créer le lien entre une fleur de lotus et une fée des agrumes!...
Bisous à vous deux.
Quand j'aurai des sous, je viendrai vous voir.
C'est étrange que ton fils ait d'abord dit "plus d'argent", avant de dire "une maman qui ne soit plus malade" et donc capable de gagner plus d'argent. Sur le coup, ça m'a choquée, mais finalement, cela veut dire plein de choses.
Et j'ai pensé à mon amie, dont le fils a fini par l'insulter et la maltraiter... C'est plutôt bénéfique que son plus gros problème soit le manque d'argent...
Je suis heureuse de lire ce cheminement en toi.
Mon fils sait que la maladie est là, il a ses peurs et nous en parlons, tranquilement. Après tout, , c'est notre vie qui importe d'abord et si sa seule préoccupatation est le manque d'argent, c'est vraiment que, oui, notre vie nous permet de passer outre cette foutue maladie. Il est en pleine adolescence, certes mais je suis fière de le voir avancer, prendre conscience de valeurs essentielles. Et puis, cette histoire d'argent est passée vite fait, il avait simplement besoin que son besoin- là soit entendu.