• De la colère, 7. La demande.

     Mine de rien, cette quête d’explicitation de ma colère me conduit bien au- delà de ce que j’entrevoyais à l’écriture du premier article sur ce sujet. Les silences entre chacune des publications sont le reflet du temps dont j’ai senti le besoin. La nuit voit se multiplier les rêves agités, les journées en deviennent traînantes. Lâcher prise fut une nécessité, rester chez moi un but quotidien, centrer constamment mon attention à mes actes et gestes afin d’y être présente et surtout ne pas penser, ne pas analyser, dépasser le mental ; quotidiennement, j’ai donc médité. Je savais qu’un article sur la demande se préparait, quelques bribes de phrases survenaient mais manquaient un fil conducteur, une énergie.

    Hier soir, j’eus une pensée fugace pour cette peur terrible formulée au dernier article et je réalisai en quelques secondes qu’elle parlait également de mon enfance, de ma jeunesse. Longtemps, constamment, quotidiennement, j’ai vécu dans la violence, les adultes ont détourné la tête, des chapes de plomb se sont succédées. Non seulement je vivais dans l’insécurité et la peur, et en plus, mes besoins fondamentaux étaient niés. Parce que les plus proches étaient aveugles et sourds à leurs propres sentiments et besoins insatisfaites, qu’il leur était insupportable de regarder en eux- même hors des jugements, accusation/ victimisation, haine/ culpabilité, destruction/ auto destruction, fuite/ sentiment d’impuissance, il leur était impossible de simplement accorder de la place à mes besoins (à ce je, j’ajoute ma sœur en pensée), ils en sont devenus destructeurs, maltraitants. Mue par un instinct de survie et une volonté de vivre profonde, je me suis engouffrée très tôt dans la culture, la pensée, l’art,  la réflexion sur l’humain, la création; j’ai pris souvent la fuite, mon fils naquit par accident, j’ai lutté, j’ai lutté avec opiniâtreté ; une part de moi refusait d’entrer dans ces jeux de violence, de destruction, de mortification, alors je me suis révoltée, j’ai fait comme j’ai pu au gré des circonstances et de mon état. «  Votre vie est un long parcours de souffrance et de violence mais comme vous êtes bonne et intelligente, très tôt, dès la petite enfance, vous avez décidé de chercher à comprendre. » m‘avait dit ce thérapeute en Allemagne.

    Avec SeN, j’ai répété la même danse maléfique car cette ambiance ressemblait à ce que j’avais connu, j’ai ouvert la porte à une nouvelle maltraitance par non- estime de moi.  Autodestruction programmée jusqu’à la maladie auto immune en cri d’alarme d’un corps porte- parole d’un intérieur confronté à sa survie. Me reviennent en mémoire les paroles de ce même thérapeute vu en juillet 2006 : «  Il faut que vous fassiez une psychanalyse parce que si vous arrivez à guérir de ça, vous ferez autre chose ! », je mesure chaque jour plus la pertinence fulgurante de ces quelques mots.

    Finalement, la maladie et l’éventualité d’une mort proche et rapide dans d’atroces souffrances ont été un déclic, il y avait urgence à régler ces vieilleries afin de ne pas en charger mon fils,  et surtout pouvoir partir en paix avec moi- même. S’en suivit ce parcours que je raconte sur ce blog, en pointillé : le retour à la vie, au corps et à soi, les rencontres, la découverte de ma valeur, le Qi Gong, la communication bienveillante, ces deux jours méditatifs de stage (1-2-3-4), l’ouverture des yeux, la psychanalyse, … Tout s’éclaire d’une logique incroyable désormais.

    La violence ordinaire, sourde, invisible était omniprésente dans ma vie. Une part profonde et indicible de moi a choisi de s’en défaire, d’en sortir luttant contre cet inconscient conduisant à répéter incessamment les mêmes scénarii malsains avec le vain espoir de réparer des plaies anciennes. Quel marathon laborieux et douloureux! Et pourtant, si la mésestime de soi fut évidente, j’ai choisi d’être guidée par l’amour, la vie, la joie et non la rancune, la mort, la haine. L’expérience de la maladie m’a acculée à ce qu’il y a de plus élémentaire en l’humanité : la question de sa survie (je ne parle pas du groupe humain mais bien de ce qui fait notre essence, notre identité d’espèce- par- delà l’égo, évidement). Ce que j’ai vécu, la chance inouïe d’en sortir, la rage de vivre m’ont amenée à vouloir agir, il n’était plus question de gâcher ce temps si fugace et précieux qu’est la vie d’un être humain.

    Ce blog a été induit par la demande de soignants de l’hôpital, je m’y suis mise dubitative. Peu à peu, il est devenu le déversoir de ces années de quête de sens (logique que mon cher ami Boris y paraisse tel un ange gardien bienveillant puisque sa rencontre est à l’image de ce que je vivais), ce blog est devenu un plaidoyer contre la violence ordinaire et là réside la demande.

     La conscience des sentiments et besoins insatisfaits ne suffit pas, la clarté acquise est certes bénéfique mais en rester là équivaut à garder les bras chargés voire encombrés de ces trouvailles. Afin de continuer sur une voie vivante, il s’agit de passer à l’étape de la demande, elle seule permet de dépasser la violence ordinaire. Faire une demande c’est être en lien avec soi quand elle est faite à soi, c’est être en lien avec l’autre quand elle est faite à l’autre. Elle a à être concrète et négociable, accepter que l’autre puisse ne pas y accéder n’est pas aisé mais ô combien nécessaire.

    Mes demandes à SeN, à ses parents n’ont pas abouti et j’étais en colère pour cette raison, j’avais à accepter ces refus. J’aurais pu choisir le reproche et la rancune perpétuelle, les condamner, les accuser, j’ai préféré chercher à  voir clair en moi et je me suis faite la demande de tout mettre en œuvre pour y arriver. Doucement, lentement, j’y suis parvenue. Aujourd’hui, mon besoin de reconnaissance de la maltraitance dont j’ai fait l’objet ainsi que le besoin de justice qui l’accompagne sont sans issue, c’est verrouillé et je m’épuiserais sur cette voie stérile. Alors, je suis allée voir plus profond ces derniers jours et je réalise que ce blog est à l’image d’une demande que je n’avais pas formulée explicitement: je veux sortir de la violence ordinaire silencieuse destructrice pour moi et pour les autres. Dans ce but, je témoigne des circonstances anodines où elle s’installe. Donner du sens à mon vécu, à mes ressentis diffus et sensibiliser celui qui se perdrait ici à ces petits riens malsains pour ne plus me retrouver dans une telle situation et l’éviter pareillement ne serait- ce qu’à une seule personne. Dans une dynamique de vie, logiquement, naturellement, j’offre également des pistes de réflexion, de résolution. Il s’agit donc ici d’ouvrir les yeux sur les ravages de la violence ordinaire d’autant plus insupportable qu’elle touche des personnes vulnérables et fragiles.

    A moi- même, je fais la demande :

    -       de me préserver : Concrètement, j’ai élaboré un réseau de contacts avec des interlocuteurs professionnels efficaces dont je sais qu’ils sauront réagir de manière appropriée en cas de nouvelle dégringolade physique, je les contacte également face aux difficultés matérielles afin de limiter les dégâts de la violence de la société. Désormais, je médite sur les voies permettant d’améliorer ma situation financière, matérielle.  Je m’attèle surtout à transformer ma pensée vers l’abondance.

    -       De continuer mon action quotidienne : d’abord Qi Gong et  communication bienveillante pour agir à l’échelle personnelle puis garder au cœur la volonté de continuer mes écritures et interventions en reflet d’un cheminement intérieur avec l’espoir que cela puisse être utile à d’autres pour sortir de cette violence ordinaire et sournoise.

    A vous qui passez et acceptez de l’entendre, je fais la demande : prenez soin de vous.

    N’imaginez pas un instant être capable de prendre soin de qui que ce soit si vous ne le faites pas avec vous- même ! Cherchez la clarté, accordez de la place à vos sentiments et ressentis, identifiez vos besoins insatisfaits et faites la demande qui permettra d’être en relation à soi, à l’autre et de dépasser cette violence ordinaire.  Je n’ai pas dit autre chose aux élèves infirmiers de première année lors de ma dernière intervention.

     

    Ces articles sur la colère ont nécessité du temps, de longues heures de méditation. Les esclandres aux déclencheurs matériels m’ont conduite à plonger très profond et j’en suis heureuse.  Maintenant, je sais que je suis ailleurs. SeN, les siens n’occupent plus mon esprit, je ne suis plus dans la confusion à leur évocation. Ils ont été des révélateurs bien que j’eusse préféré ne pas passer par ces épreuves, c’est ainsi. Désormais, je suis à la vie, à l’être, à la joie, ce que je vis n’a plus rien à voir. C’est d’autant plus flagrant que je vois mon fiston si mal en point il y a quelques mois sortir lui aussi de la mortification et plonger dans la vie en lui et autour de lui. Mon travail interne rayonne alentour, au bénéfice de mes proches et amis, de certains de mes soignants, des camarades d’activités, des voisins, de mes élèves, des rencontres fortuites, au hasard au quotidien, partout, partout. « Une étoile » m’a si joliment dit Yolande. Je me fais la demande de continuer à alimenter son feu.

     

     

    Look no further
    Look no further
    I look no further

    Cruelest, almost
    Always to ourselves
    It mustn't get
    Any better, off

    It's in our hands
    It always was
    It's in our hands
    In our hands

    It's all there
    In our hands
    It's all there
    In our hands

    Well, now aren't we
    Scaring ourselves
    Unnecessarily?
    Aren't we trying too hard?

    'Cause it's in our hands
    It's in our hands
    It's all here
    It's in our hands

    Look no further
    I look no further

    It's in our hands
    It always was
    It's in our hands

    It's in our hands
    It's in our hands
    It's in our hands

     

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 18 Mai 2011 à 14:20

    Je n'ai aucun doute sur la suite de ta vie: une longue suite d'évènements heureux, (en circonstances et en rencontres), de bonheur et d'abondance en tous domaines.

    Je t'embrasse!

    2
    Mercredi 18 Mai 2011 à 23:09
    Bruno

    Tite fée, j'ai croisé tes mots il y a déjà quelques lunes, en visitant les divers sentiers de ton blog, j'y ai instantanément découvert l'éclat d'une étoile, une âme épanouie qui cherche à faire éclore la belle personne qu'elle habite.

    A présent, ayant vécu en partage une part des méandres de tes chemins, aujourd'hui je sais enfin que ta route sera lumineuse dans la joie de l'accomplissement.

    Rien n'est simple dans la complication de l'égo, seul l'Amour a le don d'éclairer notre voie.
    Tu es belle, et le monde est riche de toi. Merci très fort !
    Prends soin de toi, vous!
    Sincèrement, un simpleman.

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