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Suite et fin? Pas si sûr.
Plusieurs jours, l'histoire de famille me préoccupa et j'en parlais largement avec quelques amis, mon chéri. Ils me soutinrent, m'éclairèrent, m'accompagnèrent, j'ouvris mes esgourdes, mes yeux en m'attachant à entendre ce qu'ils disaient, à voir ce qu'ils montraient. Je réalisai. Je mesurai. Petit à petit, grâce à eux, je posai des limites, commençai à dire non. Certes, j'ai encore largement donné, répondant à une urgence où je fus acculée, et pourtant, j'ai pris le temps d'y réfléchir, je suis sortie du huis clos en cherchant de l'aide ailleurs, je me suis penchée sur ce qu'il se passait en moi, j'ai pris la décision en harmonie avec mon interne malgré les pressions, les crises de larmes et de panique, les coups de colère, les jugements à l'emporte- pièce, le terrorisme des impuissants. Ainsi, j'ai donné non pour aider, colmater in extremis une situation jugée vitale mais parce que je ne pouvais, au regard de mes valeurs de solidarité et d'entraide laisser sans réponse cette non- demande d'aide ( puisqu'elle n'a pas été formulée explicitement, comme si c'était une évidence). Je n'ai pas complètement accédé pour sortir de cette foutue obligation que, parce que j'ai un peu plus, il est normal que je donne à des proches en grande difficulté et c'est nous respecter chacun que de ne pas tout prendre en charge et de laisser de la place à leurs ressources, leur responsabilité. Comme avec SeN, je redevins la méchante, l'abominable, lot de ceux qui refusent de continuer sans réfléchir les anciens fonctionnements. Je sais que quoiqu'il en soit, je m' attelle à une nouvelle strate dans le grand chambardement provoqué par Devic.
Parallèlement, j'ai laissé de la place à leurs représentations, fait appel à leur propres ressources et pris conscience de l'aveuglement par l'argent, considéré comme seule alternative, seule solution; aucunement, le système défaillant, branlant, néfaste ou toxique n'est regardé, jugé et remis en question. J'en ai été attristée et sidérée car comment envisager des solutions quand il n'en a que pour et par l'argent? Il n'y a alors aucune alternative. C'est stérile, glacial, sans issue.
J'en étais encore à ces travers familiaux quand je retrouvai une copine de la danse lors d'une sortie tissus pour les costumes de scène. Sous le coup du précédent épisode, je lui racontai ces circonstances et elle enchaîna sur son expérience avec un magnétiseur venu à domicile. Il lui avait parlé de programmes fixés sur certains objets de son intérieur: un ex ayant imprimé sa volonté de revenir chez elle l'empêchant ainsi de trouver une relation stable et durable avec un autre, les marques sur les murs de sa grande fille refusant de couper le cordon, le poids plus ou moins conscient des transferts de ses parents. En l'écoutant, quelque chose se mit en branle très profondément et une armoire me revint en pleine figure (et oui, encore une armoire en pleine figure). La jolie et solide armoire qui trône dans ma chambre depuis que j'ai quatorze ans se révélait tout à coup porteuse d'un programme, la fidélité à ma mère souffrante et désespérée, symbole de mon extrême préoccupation envers ses peurs de perdre, de manque, de non considération, son schéma de solitude interminable que je soulagerais chimériquement en partagent ce sort avec elle. Blam!
J'avais choisie cette chambre avec elle il y a 26 ans, à mon goût, regrettant déjà à l'époque l'achat d'un lit une place et non deux qui me semblait plus approprié au cours de la vie. J'y avais renoncé parce que c'était trop cher, trop encombrant, bien des excuses pour ne pas laisser de place à une vie au- delà de l'adolescence, au- delà de la relation mère- fille. Je l'ai ensuite transportée à chaque déménagement car j'aime ses courbes, sa solidité, sa facilité à être démontée et remontée sans s’abîmer depuis des lustres et parce que ma mère n'a pas de place pour la garder. Pendant cinq ans, dans la chambre partagée avec SeN, elle fit face à sa propre chambre d'adolescent ramenée de chez ses parents ( alors qu'eux ont la place pour la stocker, que certains éléments sont abîmés voire cassés). Abominable miroir! L'un et l'autre, nous nous sommes reconnus dans cet autre chargé des mêmes travers de fidélité familiale.
Au cours des seize dernières années, j'ai mis cette armoire en place d'honneur dans mes chambres successives, m'obstinant à y ranger mes affaires alors qu'elle déborde, parfois ne ferme plus sans forcer. Ce bazar commençait déjà à m'irriter quand je rencontrai mon chéri l'année dernière. Ses visites en traînant sa valise et ses sacs n'avaient pas de sens à mes yeux et je réfléchissais de plus en plus à lui trouver de la place. Survinrent l'incident de la chute de l'armoire, celle de l'aide d'urgence et l'éclairage sur ces programmes et ces fidélités. Il était temps d'en finir, de tourner la page et aussitôt ces évidences mises en conscience, plutôt que de m'attarder sur des explications et des remémorations incessantes, je décidai de trouver une armoire digne de moi, de nous, grande, spacieuse, permettant d'y ranger nos affaires. Si je peux sortir, après des mois de labeur et d'effort de l'argent pour aider un proche en difficulté, je peux très bien acheter une chambre d'adultes en couple. Zou!
Dans les jours qui suivirent, je fouillai tous les catalogues de meubles, comparant les qualités, les prix, les possibilités de modularités ( avec ma manie de déménager constamment), je visitai des sites sur la toile et me rendis même dans une boutique luxueuse de la région pour regarder ce qu'ils proposent. Sans crainte, j'y convins d'un rendez- vous à domicile et une spécialiste vint dans ma chambre prendre les mesures; j'attends désormais son projet d'aménagement tout en continuant d'en discuter et de partager les modèles, modules, annonces, catalogues et sites avec mon chéri parce que c'est un projet COMMUN.
Dorénavant, je suis soulagée. La petite armoire sera mise à l'abri en attendant d'avoir sa place, hors de ma chambre, accessoire, à côté. Je sais également que ma démarche est un processus salvateur tant pour moi que pour mes proches; en refusant de pérenniser des fonctionnements et des relations malsaines, j'enclenche une autre énergie, un autre fonctionnement qui leur sont bénéfiques car eux aussi souffrent de ces enfermements. Il n'est guère étonnant que ces dernières semaines, j'ai vendu, trié, jeté, déconstruit et reconstruit. La vie est naturellement en perpétuel renouvellement, nous autres humains, angoissés perdons tant de temps à vouloir la figer.
J'arrive au bout d'un texte laborieux à écrire; il y a plus d'une semaine que je le travaille, le compose, le décompose, le construis, le déconstruis. Il y a tant d'autres aventures bien plus drôles à raconter et je bute sur ce sujet. Il me semblait cependant nécessaire de le rapporter car Devic est un choc engendrant des ondes se multipliant et résonnant à l'infini. Les prises de conscience s'étalent sur des années, c'est un long cheminement. Souvent , je me dis que j'aurais préféré avancer sans subir pareille épreuve, était- elle nécessaire? Ces souffrances ont- elles un sens? Pour Colette Portelance oui. Mon ami Boris parle du sens que nous donnons pour survivre aux traumas. Je n'ai pas de réponse.
Bon, j'en finis enfin avec ce machin et retourne à un joli début d'angine. Car oui oui, comme après l'armoire sur la tête en avril, je refais un début d'angine après le coup sur la tête de ma propre armoire. Coïncidences? C'est quand même gros non? Nous n'en avons jamais fini avec notre inconscient me répétait la psychiatre. Je demande une trêve à ma caboche, j'ai besoin de repos.
A bientôt pour plus de légèreté!
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Commentaires
Bonsoir Christelle,
comme je comprends ce fonctionnement de " garder " des choses.... pour telle ou telle raison, mon déménagement est enfin terminé et ton texte est assez éclairant sur ce sujet. Ce fut mon 31 eme déménagement, tu vois je ne sais combien tu en as à ton actif, peut-être autant. Cependant je crois que même sans Devic tu aurais autant avançé : sans doute différemment. C'est mon humble avis mais ton potentiel est énorme. J'admire ton énergie dans tant de choses que tu entreprends et je t'envie d'avoir trouvé un ami. Quand l'amour est le centre de notre vie, qu'importe tout le reste n'est ce pas ?
Gina