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Repos
Régulièrement, l'entourage s'étonne de mon activité, se soucie de ma fatigabilité, certains vont jusqu'à me gronder de tant de mouvements et de travaux. Mon fiston parfois s'écrie: « Maman, ralentis, je ne te suis plus! ». Il y a quelques semaines, mon chéri me grondait parce que je donnais des cours particuliers le dimanche après une semaine bien chargée. Ceux qui ne savent pas la maladie sont surpris quand tout à coup, je m'assois, demande à me reposer, à m'allonger en fermant les yeux quelques minutes ou que je décline un mouvement parce que ce n'est pas le moment pour moi... surtout s'ils ne me connaissent que par mes activités quotidiennes. Ces réactions m'ont permis de mettre de la clarté sur ce sujet.
En ce qui me concerne, le jour de repos hebdomadaire après une semaine de labeur, des vacances régulières, trimestrielles ou annuelles sur une année sont totalement inefficaces parce que le temps est chevillé à mon corps, je le vis donc au présent. Je suis bien embêtée par les plans à longues échéances; ils m'obligent à l'exigence. Un rendez- vous pris à l'avance se prépare en conséquence avec mesure dans les activités précédentes, la prise de boisson, de médicaments. Je n'ai pas d'autres choix sinon les aléas ne tarderont pas à contrecarrer mes plans ou à y ajouter des contraintes supplémentaires. Dans un quotidien à impondérables réguliers, je fais de même notamment en ce qui concerne le travail, les courses ou les activités physiques. Quand je sais que les stagiaires m'attendent avec trois heures de cours à tenir ou des cours particuliers avec des jeunes récalcitrants, la tête ailleurs, inconscients des enjeux de leur problématique et des parents inquiets, je m'oblige à la même exigence.
Chaque déplacement est une aventure en raison de mes tracas de vessie; il est nécessaire de réfléchir à une tenue appropriée et pratique, de prévoir les remèdes aux infections et accidents, de se soucier des solutions toilettes en situation périlleuse ( la ville étant de ce point de vue une catastrophe en raison de l'absence de lieux d'aisance libres d'accès et propres), de penser aux charges éventuelles à porter, aux efforts à fournir dans la danse ou les escaliers, les montées. C'est loin d'être facile d'autant qu'avant, je pouvais partir à la seconde au loin, en péripétie, sur un coup de tête. Je n'ai pas tant changé, j'ai néanmoins besoin désormais d'y réfléchir et de m'organiser efficacement, suffisamment à l'avance.
Porter les bassines de linge, descendre le chat, chercher le courrier, passer l'aspirateur ou la serpillière, faire la vaisselle, préparer les repas, faire le ménage ou le repassage, aller chercher du pain à la boulangerie au coin de la rue ou les denrées des amaps en bas de chez moi ne sont que quelques unes des activités nécessitant de l'attention. Quoi de plus rageant que d'être en pleine rue, les bras pleins avec une vessie qui crie sa surdose et réclame son soulagement en urgence! ( souvenir d'une sortie au musée ici, par exemple). J'ai donc une approche différente du labeur, du repos, de la fatigue et de l'effort.
A ceux qui s'étonnent de mon obstination à l'activité, je réponds désormais ceci: « Quand ça va, je m'active; quand ça ne va plus, je me repose puis, j'y retourne. ».
Être au présent à l'écoute du corps, sa nécessaire connaissance impliquent d-e:
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éviter les plans à longue échéance qui compliquent la vie en raison de leurs exigences logistiques ou d'accepter et faire accepter de les changer au dernier moment parce que la donne du corps a changé
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renoncer à des activités ou sorties quand elles induisent une dépense d'énergie que je n'ai pas à cet instant ou qui puiseraient sur les réserves nécessaires à une autre impondérable ou plus importante
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accepter d'être spectateur plutôt qu'acteur, comme lors des virées avec les copines de la danse que je regarde s'amuser et danser. J'aimerais en être si souvent, j'ai appris cependant à apprécier le spectacle de leur joie pendant que je reste assise à me reposer, à calmer des jambes incontrôlables ou une vessie chatouilleuse avec des toilettes difficiles d'accès
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mesurer les efforts pour tenir sur la durée, au quotidien, lors des sorties ou emblématique, lors des cours de danse où je ne mets pas toute la conviction désirée par la prof dans les exercices ou répétitions
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sentir l'énergie quand elle est là pour réaliser telle ou telle tâche, ralentir quand elle diminue et s'arrêter quand elle est à bout de souffle.
Cela donne un rythme en alternance variable au gré des circonstances, des nuits, de l'impact des médicaments, de la météo, des températures, des petits tracas de santé ou de vie, de la saison, de la coopération ou non de l'entourage, de ma capacité à récupérer sur l'instant. Il existe tellement de raisons que je ne me fie plus qu'à mon ressenti au fil des jours, des heures, des minutes. Je sais pour l'avoir vécu que forcer a ses conséquences: vague infection longue à faire partir, coup de massue me clouant sur place, j'ai été jusqu'à l'évanouissement qui s'annonce ou éclair claquant subitement. Autant dire qu'il ne fait pas bon tirer sur la corde.
Une petite voix intérieure me souffle que c'est loin d'être stupide vu que malgré toutes les entraves, je finis par en faire bien plus que certains valides, en pleine forme, avec tous leurs moyens.
Dans un marché aux puces, j'ai trouvé, par hasard, un petit livre, Vivre le temps autrement, de Pierre Pradervand, édition Jouvence. Lu en une demi- journée, il m'a fait sourire tout du long: je suis déjà à ce qu'il relate. Lecture qui permet de faire le point sur une fin d'étape.
Si le cœur vous en dit, penchez- y vous et peut- être que vous penserez à moi, avec le même sourire que celui qui m'a traversée.
Désormais, il me reste à définir ce que repos signifie dans une vie de Carabosse, quand je serai reposée de ce texte, évidemment. A plus tard...
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Commentaires
2cinochette.over-blogVendredi 30 Août 2013 à 10:45Chrystelle,
30 AOUT 2013
Je te trouve dans une mauvaise passe qui passera comme tu le sais. Redresse-toi et continue de mordre la vie tu le fais si bien.
Gina
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Merci, chère Fée, pour toutes ces explications 'dispositives' (qui sont fonction de chaque situation à chaque moment donné) fort utiles pour mieux comprendre autrui et aussi pour soi-même quand on prend de l'âge.
S'accepter, accepter l'autre, accepter tout court. et surtout VIVRE!! <3
Affectueuses pensées en passant...