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Ceci n'est pas un bilan.
Mes débuts en blog datent d'avril 2008. Pendant plusieurs mois, j'y déversai quasiment un article par jour, la source était intarissable touchant à des domaines très variés, avec une volonté d'ordre, de structure et surtout les besoins énormes d'être entendue, d'être en relation, de partager. J'y ai fait de belles rencontres dont certaines restent une réalité, j'ai essuyé des tempêtes, des colères. Depuis, ma vie qui le nourrit a grandement changé. Inévitablement, le blog, de par sa nature même, évolue également. Ne sachant décidément pas par quel bout prendre la suite ces temps-ci, je ferai aujourd'hui un panorama d'hier à aujourd'hui.
La maladie reste le maître- mot, en elle- même, dans ce qu'elle induit de conséquences sur tous les plans de ma vie; toujours en pointillé, elle est là. Encore que... Qu'en est- il de ma personnalité, mon tempérament? De mon évolution intérieure? De l'âge qui se prend? Des expériences multiples dont sont bâties les vies humaines? La maladie a été un déclencheur, c'est ce que j'en fais avec ce que je suis qui importe avant tout. Je constate également que plus la vie prend de place, s'active, se meut, plus la maladie, les handicaps passent au second plan. Chaque aventure du quotidien garde sa saveur et son inestimable prix certes mais elles se multiplient tant que le rythme du récit ici ne suit plus. Une solution serait d'alléger la réflexion et l'exigence d'écriture pour échapper à la succession rapide des péripéties, cela ramènerait peut- être bien en prime plus de lecteurs; je ne m'y reconnais toutefois pas. Il ne s'agit pas de faire le récit d’événements, de cumuler des informations générales ou de nourrir l'égo. Je suis en chemin, je regarde le monde à travers mon ensorcellement, mon histoire, je m'interroge et réfléchis, je pose des questions, évoque mon parcours et ma réflexion pour témoigner, proposer une voie d'authenticité qui n'est possible que dans l'intériorité.
Pourtant, avec le temps, j'ai constaté combien parler de soi dérange. Égocentrisme, narcissisme, vanité, suffisance, prosélytisme sont quelques uns des mots entendus. Nous n'apprenons pas malheureusement à rester chez soi; dès notre conception, nous sommes pris dans la valse des jugements envers nous- même et autrui, constamment nous sommes chez l'autre, à nous faire des films sur soi, sur lui, sur ce qui est arrivé, aurait pu arriver, arrivera, ce que nous avons pensé, ressenti et ce que nous penserons et ressentirons. Les TU qui tuent. Ajoutons- y les on, il- elle, ils- elles, les autres, les gens qui pareillement parlent de nos impuissances, notre sentiment d'être victime et non responsable, acteur, créateur. Parallèlement, logiquement puisque par réaction à ces sentiments, le JE est galvaudé, devenu l’étendard d'un égo tout puissant qui se révolte.
Par mon ami Boris dans son dernier livre, Sauve- toi, la vie t'appelle, Odile Jacob, 2012, je sais que notre histoire et nos relations présentes modifient notre discours du passé et nos souvenirs, Jean- Claude Ameisen dans sa majestueuse émission Sur les épaules de Darwin, le samedi matin de 11h à midi sur France Inter montre régulièrement les incroyables capacités de notre cerveau à travers les plus récentes recherches, ce qui fait notre humanité dans sa complexité et son unité, comment notre mémoire se transforme au cours des ans. Notre permanence est une illusion, dans la passé, dans l'avenir. Nous n'existons pleinement qu'au présent. Alors, dîtes- moi, comment pourrais- je parler des autres quand je ne me penche pas sur ce qu'il se passe en moi, quand je ne sais pas ce que je vis ici et maintenant en moi?
Rester chez soi, c'est parler de ce qui est vivant en soi ici et maintenant, c'est la prise de conscience de ses sentiments et besoins. Se relier à soi c'est se relier à l'autre, lui laisser la place. S'accepter, c'est accepter l'autre, belle leçon de la communication non violente qui me permet de dire ceci: quand je parle d'autrui, je parle de moi, quand je parle de moi, je parle de l'autre. Car oui, nous sommes tous reliés, notre humanité fondamentalement est identique depuis la nuit des temps et tant que notre espèce vivra simplement parce que nous avons tous les mêmes sentiments, les mêmes besoins. La difficulté vient de ce que nous ne les avons pas en même temps alors, l'expérience de chacun est l'expérience de tous. Témoigner, parler de soi, c'est évoquer ce qui est en marche chez nous tous. Je pense en ces instants à Alexandre Jollien dont je termine doucement Le philosophe nu. C'est aussi le récit de sa propre intériorité, de ses propres ressentis et pensées. Il reste chez lui, s'accorde de la bienveillance quand l'égo l'emporte tout en y réfléchissant, en y méditant surtout. Peut- on le qualifier d'égocentrique, de vaniteux de prosélyte? En tout cas, j'aime à retrouver cette authenticité dans son livre et les entretiens qu'il donne.
Ceci dit, la vie, ses événements de tout et rien, l'ensorcellement, la réflexion, la méditation que j'y mets se nourrissent mutuellement et nourrissent mon blog... qui lui- même nourrit les précédents. Ma vie aujourd'hui n'a plus rien à voir concrètement avec celle de 2008, ma situation a grandement évolué. Le choc de l'annonce de la maladie grave , chronique, incurable s'étiole dans les années qui passent, je vis désormais avec elle au quotidien; les handicaps, les limitations, les peurs, les colères sont familiers, je m'adapte parce que je sais qu'il n'y a aucune autre solution que celle d'écouter le corps, d'être au présent en œuvrant à la méditation de pleine conscience. Je prends moins de traitement grâce au sommeil où elle se trouve, j'ai grandement récupéré en marche, endurance, vue. Je conduis, je suis par monts et par vaux, j'ai repris le travail, je pratique le Qi Gong, la danse orientale. J'ai quitté la maison – prison et SeN qui mit d'ailleurs dans le blog la cause de notre rupture ( je l'y ai trahi, sali, lui et sa famille), mon entourage a été totalement renouvelé. Mon garçon traverse l'adolescence et après des années houleuses, douloureuses, il semble ces mois- ci trouver son équilibre, renouer avec la joie de vivre. J'ai rencontré un homme qui me donne des ailes, accélère certaines délivrances. Je sors, je m'amuse, je médite, je m'engage, je participe. Je suis pleinement vivante et en marche constante. Il est loin le temps où je passais des heures seule dans cette foutue maison, loin de tout, sans possibilité de sortir, au milieu des enjeux inconscients pourris, des guerres incessantes de territoires et de pouvoir, dépendante du bon vouloir d'un autre en rupture, en colère, tétanisé par ses peurs! Inévitablement, j'ai moins de temps pour écrire d'autant que les péripéties sont fréquentes à un rythme que l’écriture ne suit pas non parce que je m'en détache, m'en désintéresse ou parce que je n'ai rien à dire, partager, au contraire mais bien parce que mon quotidien explose de vie, d'expériences, de joie, de partage, de bienveillance. Il n'est pas question de clore ce blog, son ralenti de publication n'est pas sclérose ou endormissement, ses plages de silence sont révélatrices du temps que je passe à vivre ma vie et à en jouir. Je sais aussi qu'il est une porte ouverte pour ceux qui y passent dans des domaines qui leur appartiennent, je n'y suis que déclencheur de ce qu'il se passe, se joue en eux. Il est parfois aussi le seul témoignage sur la vie avec Devic. SeN m'a menacée à plusieurs reprises de poursuites pour ce blog, j'attendais des actes et non des paroles, il n'en a rien fait. De toute façon, je l'avais prévenu: « Si mes écrits peuvent éviter à UNE seule personne de vivre ce que j'ai vécu, je ne lâcherai rien, je continuerai quoi qu'il en soit.». C'était clair.
Désormais, ne se posent que des questions d'hébergement du contenu, les visiteurs sont ce qu'ils sont autant dans leur présence que leur absence, leur intérêt ou leur désintérêt et je prends le temps d'écrire quand le moment est bon pour moi, en harmonie avec ce que je sens, je ne suis redevable envers personne et surtout, je ne suis plus dans ces besoins d'être entendue, en relation, de partage car la vie m'en fait cadeau au quotidien.
Pour finir, en pirouette ( car j'ai la vie qui m'appelle), je vous invite à regarder cette vidéo, trouvée par hasard. Alexandre Jollien et mon ami Boris se sont croisés.
Et permettez- moi d'insister sur l'émission de Jean- Claude Ameisen, Sur les épaules de Darwin, tous les samedis matins de 11h à 12h. Celle- ci en est emblématique et après m'avoir lue, rien que les premières minutes auront pour vous un écho particulier.
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Commentaires
Je m'en vais te lire de ce pas! Vivement les vacances pour que je puisse gérer ma grande activité plus souplement, la maison est par exemple dans un état qui mériterait que je m'y penche grandement!!
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Bonsoir,
Cela fait bien longtemps que je n'ai pas laissé ma trace... Comme toi, mon blog s'est interrompu pendant quelques temps. Le temps de prendre le temps, de me poser les bonnes questions, de cheminer, d'avancer sur le chemin cahotique au gré du handicap qui se renforce. J'en sors forte et fragile, au gré du temps et des vents. A tout bientot, le plaisir de te lire.