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Par fée des agrumes le 13 Mars 2009 à 21:40
Dans la maison, certains travaux n'avaient pas été faits depuis 40 ans, d'autres portaient la trace de l'inexpérience des anciens locataires et de leurs goûts personnels. Bien qu'en transit, j'avais besoin de me retrouver entre des murs qui me ressemblassent. Il avait parlé d'y vivre quatre à cinq ans, provisoirement ; je tenais tout même à m'y sentir chez moi et la couleur des murs, quand elle n'est pas neutre, en est une marque. L'aventure des papiers peints commença, comme le reste, sous une apparence de non- problème.
Il y eut l'épisode du couloir, de ces arrachages en solitaire sous le jugement obsessionnel d'autres ne supportant pas mes méthodes incompréhensibles de travail. Ce n'était pourtant qu'un élément d'un épisode qui m'éclata à la figure plusieurs mois après la fin des travaux de papiers.
J'avais proposé une entrée baroque entre rouge flamboyant et blanc cassé, une salle de bains en gris perle, une cuisine en bleu, un salon, une chambre et l'atelier en teintes chaudes, une autre chambre (du garçon) en écru et bleu foncé; les éléments en place m'avaient inspiré ces associations en les conjuguant avec le mobilier et les goûts de chacun. Sa mère fut emballée de mes explications et taquina son fils en lui conseillant de me laisser gérer la décoration de la maison. Évidemment, je peux comprendre qu'il y ait des divergences de goût et cela ne me sembla pas un problème que de varier les nuances et les choix afin de trouver ensemble les couleurs de notre quotidien.
La sortie dans le magasin de papiers fut pimentée, acide, avec une légère amertume. Pour la chambre du garçon, pour le couloir, pour mon atelier, je choisis et proposai, il me répondit : « Fais comme tu veux, ça m'est égal, fais pour toi » Quand la question de la salle de bains fut soulevée, le papier gris perle fut en quantité insuffisante et ne trouvant rien dans ces teintes, je proposai de le remettre à plus tard. Il n'en était pas question, le temps pris pour ces choix et achats était assez perdu, nous n'allions pas faire X déplacements juste pour du papier peint alors que le magasin en était plein, etc. Je le laissai choisir un autre, ne voulant pas empiéter, je le mis simplement en garde sur la difficulté à prendre un parti alors que nous n'avions pas la couleur des carreaux des murs. Le gris perle très clair était neutre et facile à conjuguer, le gris qu'il choisit était plus prononcé ; je le revois debout devant moi, le geste ferme, décider de prendre celui- là parce qu'il lui plaisait et qu'il n'avait pas envie de prendre plus de temps pour ces bagatelles.
Pour la cuisine, il refusa les teintes bleues que je proposai en accord avec les carreaux jaunes. « Tu as déjà choisi tout le reste, je prendrai celui- là ! » Hum, je ne dis rien, si je me buttais, il risquait de se sentir déposséder et je ne voulais pas le blesser. Inutile de commencer par se chamailler alors que nous n'habitions pas encore ensemble. Je voulus chercher le papier pour notre chambre, il s'y opposa, nous en avions assez, le reste n'était pas urgent. Je ne compris pas, les travaux pouvaient être terminés cet été et nous en aurions été débarrassés pour des années... Rien à faire. Je rongeai mon frein. Il eut quelques tergiversations sur le papier de la salle à manger car il rechignait à la facture; je proposai d'utiliser le papier dont sa mère n'avait pas voulu pour sa chambre de garçon.
- Oh, mais il ne te plaira pas!
- Bah, ma foi, je m'y habituerai si vraiment cela coûte trop cher d'en prendre un autre
Je décidai également de payer le papier pour la chambre de mon fils parce que lui ne jugeait pas utile de le changer, que celui que j'avais choisi était trop cher. Il ne comprenait pas ma volonté d'effacer les traces des anciens locataires.
Nous repartîmes avec la moitié de ce que j'avais pensé et légèrement froissés, chacun dans notre coin.
Le papier de la salle de bains se révéla totalement inapproprié aux teintes des carreaux, le mélange était désastreux. Comme j'évoquai la possibilité d'échanger les rouleaux non ouverts, il se braqua car il ne voulait pas retourner à 30km aller simple pour ce détail, il fallait s'y habituer, affirmant qu'il le changerait l'année suivante. Le papier récupéré ne me plut pas effectivement, trop bariolé mais il n'était pas question de changer alors que quelques lés avaient été posés. Le couloir avait du caractère et la chambre de mon garçon était tout à fait à son image. J'accommodai les rideaux et les peintures dans des tons similaires, visualisant dans leurs ensembles les pièces, tenant compte des papiers qu'il avait choisis ; je suis capable de rebondir sur les changements.
Plus tard, en visite chez mon amie Sandrine, je trouvai un joli papier pour notre chambre et malgré les réticences, nous le posâmes non pour nous mais parce qu'il ne supportait pas ma façon de travailler : je ne suis pas capable de faire ce qu'il faut quand il faut et comme il faut. Cela m'était égal, je voulais seulement changer l'ancien papier jaune mal posé.
Pour l'atelier, il refusa de le faire car il était fatigué et voulait profiter de ses vacances. La tâche d'arracher le vieux papier bleu de quarante ans fut effectuée avec ma sœur alors qu'il n'était pas là. A son retour, il nous réprimanda sur les dégâts causés au sol en déplaçant les meubles et il décida de poser le papier correctement lui- même puisque nous n'en étions apparemment pas capables
Pour le salon, il refusa pareillement, reportant la tâche à l'année suivante pour se préserver, il en avait assez des travaux. Les années suivantes, rien ne se fit.
Au fil des mois, le papier de la salle de bains commença à tomber et se détacher de lui- même comme ceux des mansardes de notre chambre. Les dosages de colle n'avaient pas été heureux et il bricola des recollages temporaires. Dans la chambre, ils sont désormais laissés à l'abandon, les meubles ayant été déplacés, cela ne se voit pas et cet argument est suffisant pour certains. Par contre, dans la salle de bains, l'aspect désastreux de la pièce (l'épisode baignoire sera raconté ultérieurement) vu par certains membres de sa famille lors d'une visite impromptue lui devint intolérable après plusieurs années d'inertie. Soucieux de la rénover vraiment, il fit confiance en mon sens des couleurs et m'emmena choisir la teinte. Dans un commun accord, nous décidâmes d'un papier à peindre dans l'espoir qu'il supporte plus facilement l'humidité conjugué à une peinture spéciale salle de bains. Je ne voulus pas d'un grain grossier, préférant du fin avec une couleur vert d'eau en camaïeu des carreaux des murs. A la caisse, il s'avéra que le grain choisi était spécial plafond. Il repartit en choisir un autre mais il revint agacé et décidé à garder le spécial plafond. N'ayant pas eu connaissance des détails de l'affaire, je me mis en colère quand dans la voiture, il se déversa en reproche sur le coût exorbitant de ces achats (ce spécial plafond était beaucoup plus cher). Comment envisager de telles sommes quand toute la pièce était à rénover ? C'était intolérable, blabla. Je lui dis de simplement ramener le lot le lendemain pour un échange et un avoir, je n'exigeai pas celui là à tout prix. Il refusa ne cessant jamais de me renvoyer la somme dépensée. Finalement, il le posa, la couleur se maria très bien, tous trouvèrent la pièce plus belle. Je restai avec cette arête en travers de la gorge, refoulant et ravalant mes sentiments, il ne fit plus rien pour la rénovation, obnubilé et découragé par les sommes dépensées. Nous n'y avions gagné que des querelles tumultueuses et virulentes pendant plusieurs jours.
En soi, ces récits n'ont rien de remarquables, ils sont le reflet de nombreuses situations quotidiennes et banales. Ils prennent tous leur sens quand lors de la première année de vie dans la maison, quelques phrases émergèrent de ci de là, empoisonnées des enjeux inconscients qui s'étaient joués avec ces choix de papier.
Rapidement, il me reprocha d'avoir tout choisi dans la maison et de ne pas être contente, de ne pas lui avoir laissé le choix, d'avoir tout régenté. D'abord étonnée, choquée, je réfléchis et lui fis le décompte des choix respectifs au reproche suivant :
Lui : le salon, la cuisine, le wc du palier, la salle de bains (le premier papier)
Moi : les chambres, l'atelier, le couloir.
Quant à la salle à manger, j'avais proposé l'économie offerte par ce papier bariolé qu'il s'était choisi pour sa chambre de garçon chez ses parents devant ses inquiétudes financières. En le formulant, je commençai à réaliser que l'espace de la maison avait un découpage inconscient : le lieu n'était pas partagé, il était territorialisé.
Là où il ne s'investissait pas, il m'avait laissé carte blanche, se déchargeant de toute décision : la chambre de mon fils, le couloir lieu de passage, l'atelier ( MON atelier qui devint vite mon salon par opposition au sien dans les discours, toujours inconsciemment) et NOTRE chambre dont il dit que ce n'est rien d'autre qu'une place pour y dormir.
Là où il se transposait, il avait décidé quasiment seul, parfois en opposition à mes propositions. Quand le partage du lieu était incertain en lui, il a rechigné à choisir et/ou à accepter la dépense engendrée.
Cependant, je ne cherche pas à le blâmer car il a trouvé auprès de moi un écho à des fonctionnements malsains auxquels j'ai contribué volontairement et inconsciemment. Ce long parcours a ouvert mes propres yeux sur mes acceptations, mon incapacité à exprimer ce que je ressentais, mes soumissions à ces tyrannies internes issues de mon histoire personnelle et ancienne. Dorénavant, je sais que RIEN n'est anodin dans le rapport à notre cadre de vie, il est le reflet de nos internes tortueux et des conflits non résolus au plus profond de nous. Ainsi, un lieu de vie commun devient le terrain d'une bataille sourde et perpétuelle tant que personne ne se décide à faire le ménage en lui.
Simple histoire de papiers peints... ?
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Par fée des agrumes le 21 Février 2009 à 02:21
Quand la porte s'ouvrit ce jour-là, j'eus un frémissement de mauvais aloi, un courant me glaça l'échine ; un mauvais pressentiment m'étreignit. Etait-ce cette vieille tapisserie aux motifs végétaux vert foncé couvrant les murs et le plafond ? ces portes grisâtres ? ce sol en lino façon plancher bois clair ou cet affreux tableau représentant un arbre mort, tortueux sous un ciel noir de tempête ? Je ne saurais dire. Je remarquai les vieilles fenêtres, les volets branlants et malgré les grandes ouvertures, l'obscurité des lieux, leur morosité. Passant outre ces craintes irraisonnées, je me laissai tenter par la vie dans cette maison par des promesses de travaux prévus par les propriétaires et les grandes possibilités envisagées par lui.
Pour commencer, je virai ce triste tableau affreusement morbide en disant tout haut, bêtement que les anciens propriétaires devaient être des gens très malheureux. Qu'est- ce que je n'avais pas dis ? « Comment peux- tu te permettre d'affirmer un truc pareil ? Moi, je ne me le permettrais jamais, ça ne se fait pas, tu ne les connaissais pas » et patati et patata... pffff
Il y avait aux murs des appliques dorées en laiton avec des pendeloques en cristal. Associées à la forme des portes à poignées dorées et à la plaque de marbre au dessus du radiateur, j'imaginai une entrée flambante et vivante avec un petit côté baroque. Plafond blanc prévu par les propriétaires, demi-mur bas en rouge flamboyant et partie supérieure en blanc cassé avec une baguette travaillée en rouge, blanc et or entre les deux papiers. Personne ne me contredit, « Fais comme tu veux, ça m'est égal, fais pour toi » dit-il simplement. Ces braves gens payaient un peintre qui demandait à ce que les papiers fussent enlevés ; devinez qui se tapa le boulot ?
Vieux de quarante ans, sale et poussiéreux, je grattai ce foutu papier de haut en bas, de bas en haut, sur les murs, les plafonds, dans le couloir, dans l'escalier. Armée d'un pistolet à eau géant, j'aspergeai le plafond et pris des risques inconsidérés pour arriver à l'enlever, fabriquant un manche rallongé avec une spatule au bout. Le fiston parti à l'école, je venais travailler des heures seule et filai avant le retour du fiston, le tout avec les tâches quotidiennes de mon petit chez moi ; presque toutes mes vacances d'été passèrent dans ces travaux.
Lorsque j'atteignis la dernière partie de l'escalier, il vint voir où j'en étais ; j'étais fière de mon labeur et pourtant, il me fit la morale sur mes choix désastreux ! Comment pouvais-je inonder ainsi la maison, dégrader l'escalier ? Ni une, ni deux, je lui fis remarquer que leur prétendu travail en commun avait été inexistant et que je m'étais tapé tout le boulot seule, sans aide, ruinant mon énergie. Bla bla bla bla sur leurs emplois, leurs difficultés en termes de temps ou de possibilités physiques. Bla bla bla. Rasoir. Mais ils s'imaginaient quoi ? Scrogneugneu.
Le peintre vint peindre les plafonds et poser les papiers avec son échafaudage pour l'escalier. Je notai qu'il eut de l'aide pour l'installation et fus écœurée de constater combien il était facile de travailler avec cette élévation. Tout fut fait comme il faut, évidement.
Quand j'avais enlevé le papier, je fis remarquer que certaines parties des murs étaient très poreuses et qu'il serait utile d'envisager des travaux plus conséquents. Lettre morte, j'exagérai. Quand le peintre vint, il m'expliqua que le prochain qui enlèverait le papier arracherait le mur avec, à moins qu'il ne tombe avant. Je triomphai en silence, j'avais raison ; mais comme je ne sais rien, que je ne fais rien comme il faut, je laissai tomber ; je me mis à penser que ce n'était pas mon problème, ce n'est pas ma maison. Pour certains, ce qui compte, c'est l'apparence, que ce soit propre et caché. Et puis merde.
Je voulus repeindre les portes intérieures en blanc cassé avec une peinture labélisée écolo, « Fais comme tu veux, ça m'est égal, fais pour toi ». Quelle histoire ! Le peintre préférait ses peintures habituelles et malgré mes indications, les mélanges furent désastreux. Ivoire, c'est compliqué ? Les plafonds blancs sont une évidence mais je ne voulais pas des portes blanches et alors que le reproche de vouloir barioler la maison me revenait souvent, nous nous retrouvâmes avec notre ivoire écolo et une espèce de blanc gris en mélange d'une pièce à l'autre ou dans la même pièce, sur la même porte ; « Bah, je repeindrai tout uniformément plus tard ». Mouai, quatre ans et c'est toujours pareil.
Je repeignis les appliques après les avoir nettoyées et y ajoutai de la couleur. Ce fut moyennement apprécié, sera-t-il possible d'enlever cette peinture si elle ne convient pas ? Parce que bien sûr, j'abimais les habitudes. Maintenant, plus personne ne les regarde et je suis contente d'avoir persisté.
Avec quelques bouts de bois et des peintures choisies, nous fabriquâmes deux patères à crochets dorés pour y accrocher les vestes ; l'absence de penderie et placard me gênait et j'espérai une certaine rigueur d'utilisation par tous. ( Quelle utopiste je fus!) Il n'y avait pas d'autre choix de toute façon, pas de place, ni l'éventualité d'un changement radical du lieu. Tant pis.
Ne supportant plus les chaussures qui traînaient dans l'entrée, j'achetai un petit meuble en bois brut que je peignis aux couleurs du couloir, rouge et blanc cassé. Je lui avais logiquement posé la question sur le choix puisque nous habitions ensemble (enfin, je le croyais), il se contenta de me répondre, comme d'habitude, « Fais comme tu veux, ça m'est égal, fais pour toi ». Je fis et encore aujourd'hui, je suis fâchée avec les chaussures ! Je suis la seule à les y ranger à croire que c'est trop dur d'ouvrir la porte et de les y glisser. Une paire pour chacun, d'accord, ça passe mais quatre, cinq groles qui se mêlent là en vrac, non ! J'osai un jour une remarque sur l'opulence des chaussures pour hommes dans toute la maison évoquant l'éventualité d'y remédier ; il ne me comprit pas. Piquée au vif, je les rangeai les unes à côté des autres dans le dit- couloir en alignement ordonné. Quand il rentra et les vit, re blabla blabla. Enième rasoir. Désormais, certaines s'entassent dans des sachets plastiques dans le couloir de la cave attendant je ne sais quoi pendant que d'autres vont et viennent autour du meuble ; il met toujours les mêmes et je ne comprends pas pourquoi il en a tant. Parallèlement, il continue de se plaindre du bazar encombrant le couloir. Malgré toutes mes tentatives, je reste la bordélique, celle qui manque de soin, celle qui ne fait rien comme il faut. Blabla ... Je dois sûrement être bête...
Au départ, j'avais imaginé un beau tapis dans le couloir, chaleureux et rougeoyant pour animer le sol et l'entrée. Il refusa expliquant que c'eut été gênant, salissant. La porte ouvre directement sur le couloir sans sas et oui, c'était évident que toutes les saletés des chaussures passeraient sur le tapis. Quelques temps plus tard, il revint avec des tapis rouges ramasseurs de saleté comme on en voit dans de nombreux lieux publics. Ils devinrent rapidement le minuscule territoire où éclatent des querelles perpétuelles. Comme les Musulmans, les Japonais et bien d'autres, je n'aime pas les chaussures dans la maison, nous les enlevons en entrant. Quand il pleut ou neige, chacun a pour consigne implicite d'enlever les chaussures sur le tapis. Nous sommes trois, celui- là bouche l'entrée en enlevant les siennes alors que d'autres veulent entrer aussi et c'est l'exaspération des hommes qui se chamaillent le territoire.
A l'occasion d'une foire expo sur le Liban, je trouvai un long tapis en coton facile à laver en machine si nécessaire, une sorte de kilim. Je rentrai toute contente et le mis en place. Il critiqua le choix des couleurs et l'inutilité de cet achat. Pff, cause toujours, je le laissai. Un jour, je ne le mis pas en place parce que nous allions avoir la visite de personnes qui n'enlèvent pas les chaussures. Voilà qu'il commença à me tenir un monologue sur cette sale manie que j'avais et qu'il ne comprenait pas pourquoi je faisais une telle fixation sur les chaussures dans la maison, et puis le tapis habillait le couloir, et puis, et puis... blablabla ! D'accord, il a changé d'avis m'enfin, je n'avais pas besoin de la leçon de morale à chaque fois, flûte !
La porte d'entrée se révéla être une vraie passoire à courant d'air dès que la température baissa à l'extérieur ; l'air soufflait pareillement d'en haut, d'en bas, de droite, de gauche. Les grosses factures de fioul s'accumulaient, les radiateurs chauffaient au max rendant l'air sec et il faisait toujours froid. Malgré les couches portées, le froid des courants d'air me transperçait le corps. Je cherchai des solutions de pauvres, peu appréciées, avec des rideaux, des couvertures, n'importe quoi. Rien n'y fit.
Les fenêtres étaient du même ordre, le froid venait de partout. « Pourtant, il ne faisait jamais froid quand nous venions ici à l'époque du grand oncle ». J'y mettais certainement de la mauvaise volonté et c'est pareil dans toutes les maisons, « C'est comme ça ». Les regrets m'étreignaient déjà quand je fis l'état des lieux de notre ancien petit appartement. Sans chauffage depuis des mois, en décembre, il y faisait 17°c et l'isolation était optimale, sans courant d'air. Qu'est- ce que j'avais fait ??? Cette maison n'est pas à habiter en hiver et chaque année, je rumine ma grosse erreur, ma colère, ma révolte. Je suis décidément très bête.
Noël 2006. J'étais très mal, atteinte dans mon système nerveux en profondeur je souffrais du froid des courants d'air. Ma mère me voyant trembler dans mon fauteuil évoqua un châle en laine qu'elle avait fait dans sa jeunesse et où je me roulais enfant en quête de son odeur et de sa chaleur; elle promit de me le ramener. Je fus roulée dans mon plaid en cachemire, continuant malgré tout à trembler. El. en fut touchée et me questionna, j'expliquai simplement qu'avant la maladie, quand j'avais très froid, c'était désagréable, avec la maladie, j'avais mal. Elle ne resta pas insensible. Pendant que j'étais à l'hôpital début 2007, de nouvelles fenêtres et une porte d'entrée furent installées ainsi que des volets roulants au rez- de- chaussée. Alors bien sûr, je lui en suis reconnaissante : je sais qu'elle et son mari font de leur mieux et qu'il n'est pas facile de sortir de grosses sommes d'argent pour rénover une maison... pourtant, il aura fallu des années et ma souffrance pour déclencher le passage à l'acte.
Désormais, il y a du pvc en bas (que je honnis ! une aberration écologique qui se paiera cher dans quelques années), du bois sur deux fenêtres à l'étage, un autre modèle dans une chambre et de vieilles fenêtres sur le palier et dans la cave.
Et c'est moi qui risque de barioler et défigurer la maison ?
Il y a tellement de choses qui m'échappent, je dois vraiment être très très bête. A moins que...
Vous commencez à comprendre, n'est- ce pas?
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Par fée des agrumes le 6 Février 2009 à 11:00
Cette question avait été cruciale. Si le mobilier (formica blanc, gris, noir, brun, vieille cuisinière, frigo) restait, je ne venais pas.
Ils ne me comprirent pas. En dépit de sa laideur déprimante, cette cuisine était également inadaptée à ma taille : plans de travail, évier, tout était trop bas et j'entrevoyais les dégâts sur le dos. Finalement, certains éléments furent enlevés et quelques meubles que je crus avoir choisis à deux commencèrent à être installés par lui. Mais avant cela, il y avait les papiers à décoller, les peintures à refaire.
Un peintre avait été employé par les parents propriétaires et il avait accepté le travail à condition que les murs fussent prêts à être tapissés. Je me coltinai bêtement la tâche. A ma grande surprise, je trouvai deux couches de papier. J'achetai une ponceuse pour décoller celui du dessous et passai plusieurs heures dans les nuages de poussières et de plâtre en grimpant jusqu'au plafond. Travail harassant désagréable. Comme je m'étonnai de ces deux couches, il me fut expliqué que les propriétaires n'avaient pas voulu s'embêter à arracher le premier, pris par le temps avant les locataires et qu'ils avaient simplement recollé un neuf par-dessus. Pourtant, ne se targuent- ils pas de toujours faire ce qu'il faut comme il faut ? Là, je m'interrogeai sur le décalage benoitement.
Le meuble formica sous évier resta en place parce qu'il ne v/pouvait pas tout faire en une fois (ce que je peux comprendre). En dépannage, temporaire, je plaçai un de mes meubles et dénichai une chute de plan de travail neuf dans la poubelle d'un magasin de cuisiniste afin d'y placer la plaque de cuisson et le four multifonction. Toute heureuse de cette trouvaille inespérée, je le mis en place et le lui montrai quand il rentra, très fière. Il me houspilla expliquant qu'il ne voulait pas de ces bricolages mais d'un plan de travail uniforme sur toute la longueur. Je courbai le dos et attendis l'achèvement de la cuisine... pendant 3 ans. Mon morceau de plan de travail se révéla fort judicieux pendant des mois.
L'évier était beau et grand, malheureusement trop bas pour mon mètre 68. Je me cassai le dos deux ans avant la maladie à faire mes vaisselles quotidiennes, matin, midi et soir. J'expliquai, je pestai, je cherchai des solutions... rien ne bougeait dans un flot de prétextes divers ou de silences exaspérés. Le lave- vaisselle acheté en soldes début 2006 ne fut installé que plusieurs mois après... quand je ne fus plus capable de faire la vaisselle. Comme je tombai un jour sur la porte en le vidant, j'essuyai un sermon sur le caractère brise- tout et sans soin de ma famille par lui, agacé de mes soit- disant casses incessantes.
De même, après quelques années d'inertie, les derniers aménagements se firent et l'évier fut posé à bonne hauteur alors que j'étais en fauteuil roulant. Après quelques semaines d'utilisation debout, virent les protestations : le plan de travail avait gonflé autour de l'évier et du robinet, je salissais sous la plaque de cuisson en renversant et il devenait fou, pestant de mes incapacités. Incrédule, je lui fis remarquer qu'il n'y avait aucun joint, ni autour de la plaque, ni autour de l'évier, ni autour du robinet, ni à l'arrière entre mur et plan de travail. Il me répliqua que rien ne serait arrivé si j'avais fait attention. « Maintenant, je vais devoir tout changer ! » ce qu'il compte faire ... plus tard.
Dès notre arrivée dans la maison, j'osai évoquer une uniformisation du sol par un carrelage identique dans toute la pièce, naïvement. J'essuyai un refus catégorique ; il préférait mettre du parquet stratifié sur la deuxième moitié et laisser les carreaux sur la première avec une espèce de baguette en alu entre les deux. Ce n'était pas très important et acceptai son choix afin de ne pas envahir et/ ou écraser ses désirs. Après quelques semaines, commencèrent les accrochages incessants aux vis qui ressortaient de la baguette d'alu. « Vous n'avez qu'à mettre des chaussons ! »... il est vrai que fils et moi sommes toujours pieds nus, quelle drôle d'idée. Puis, vint l'épisode de la goutte d'eau sur la parquet qui me choqua particulièrement.
Je venais de rentrer des deux mois d'hôpital et accusais la fatigue liée au traitement. Encore en fauteuil, je me contentais de venir mettre les roues sous la table et de manger en compagnie de mes deux acolytes. Je supportais difficilement les disputes quotidiennes entre un garçon maladroit et un contrôlant; je courbais l'échine de lassitude la majeure partie du temps car mes paroles n'avaient aucun impact. Ce jour- là, le garçon bavardait et gesticulait à table, comme tous les enfants ; dans des circonstances oubliées, il fit tomber une goutte sur le sol ; il eut droit à une remarque et un sermon sur le gonflement du parquet stratifié à cause de l'eau. J'ajoutai bêtement sans plus y penser qu'effectivement, ce revêtement de sol était inadapté à une cuisine... Que n'avais- je pas dit ? Ce fut l'explosion ! Entre cris et claques, le repas se termina dans une violence inouïe. J'en fus tellement choquée que je racontai l'épisode à la psychiatre : « Vous vous rendez compte ? Il hurle pour une goutte d'eau sur le sol ». Elle avait haussé les épaules, « Qu'est- ce que vous voulez ? il est obsessionnel et vous ne pourrez rien y changer, c'est sa structure de personnalité ». Cette étincelle ne fut que le début d'un éclairage perpétuel.
Alors, évidemment, je comprends qu'il ait fallu agir dans l'urgence en d'autres circonstances, je comprends que tous n'avaient pas les possibilités en temps et/ ou en moyens pour rendre cette pièce impeccable immédiatement, je comprends que des impératifs d'agencement, de niveaux, de conduite, de branchement posent problème, je comprends que la peur de mal faire puisse freiner les initiatives. Je ne comprends pas toutefois pourquoi il y avait un tel décalage entre les discours et les actes, je ne compris pas pourquoi le quotidien devenait une succession de violentes scènes... jusqu'à ce que l'obsession évoquée me permit de regarder les actes quotidiens sous un autre angle.
Plus tard, au détour d'une conversation anodine, j'entendis qu'il m'avait laissé choisir les meubles sans s'en mêler alors que je pensais les avoir choisis à deux et que s'il avait fait cette cuisine, c'était pour ses parents parce qu'l ne pouvait décemment pas laisser la pièce sans aménagement quand j'avais exigé l'enlèvement des éléments. Bon sang ! Elle avait presque quarante ans la précédente ! Ce n'était pas enlever de la valeur à la maison que de la rénover ? En plus, ils avaient refusé toutes mes propositions économiques expliquant qu'ils ne voulaient pas de « bricolages/ bidouillages »... Quelque chose m'échappait, étais- je donc trop bête ?
Je croyais que la cuisine intégrée était un aboutissement, un confort voire un luxe et je réalise combien elle est révélatrice de celui qui la fait plus que de ce qu'elle est. Dans ma grande bêtise, je voulais simplement en faire une belle pièce chaleureuse et accueillante adaptée à nos modes de vie, embellir la maison sachant pertinemment que simple locataire de passage, je n'emmènerai rien avec moi en quittant les lieux. Tant pis pour eux, qu'ils se la gardent ! J'espère retrouver bientôt ma cuisine de bric et de broc où je peux travailler sans avoir à craindre perpétuellement les critiques, remarques sur mes soit- disant incapacités à faire ce qu'il faut comme il faut. Il me tarde de retrouver une cuisine respirant la vie faite de principal et non de principe.
Mon ensorcèlement des lieux n'a évidemment rien à voir avec celui d'autres et certains s'indigneraient de lire ces quelques mots, choqués, révoltés, qu'ils le soient! Peu m'importe parce qu'ici, il n'est question que de moi et de ma perception du monde. Cette cuisine n'est seulement que la première pièce d'un puzzle laid qui se construisit à plusieurs et aussi terrible soit- elle, la territorialisation inconsciente des espaces se révéla lentement, à ma grande stupéfaction au fur et à mesure de l'installation.
En boutade aux obsessionnels!
(obsessions aux multiples visages)
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Par fée des agrumes le 4 Février 2009 à 23:32
J'avais prévu d'écrire en un seul article au sujet de cette maison et les paragraphes se succédant dans mon esprit depuis quelques jours, j'ai réalisé que cela serait trop long, et pour moi et pour vous. Aussi, j'ai décidé de les découper selon mes possibilités d'écriture (il n'y a que 24h dans une journée).
Nouvelle série à suivre dans le dévidoir donc.
Non que ce soit tellement important en soi, il me parait évident que ce sujet n'a rien d'anodin. Il parle de mon cheminement, tant sur le plan physique que sur le plan psychologique. Il éclaire sur ce parcours intérieur qui permet d'ouvrir les yeux dans la cécité qui fut/ est la mienne.
Avec Elodie, s'était dessinée la prise de conscience des interactions du corps et du psychisme dans un enchevêtrement indéfini digne du nœud gordien. Les objets, les lieux n'ont aucune importance hormis celle que nous leur accordons et le discours que nous en faisons. L'ensorcèlement de cette maison a évolué au gré des aléas de l'existence et surtout, il m'a permis de réaliser ce que je faisais de ma vie. La maladie prend pareillement du sens dans cette trajectoire de la connaissance de soi (moi en l'occurrence).
Cette introspection n'a aucune valeur universelle, elle est simplement une expérience personnelle, un regard sur le monde des plus subjectifs. J'ai pu constater néanmoins que le vécu des uns a des répercussions sur les représentations d'autres ; mettre des mots sur des choix inconscients, aussi futiles soient- ils, dans le cadre d'une expérience toute personnelle peut provoquer un déclic chez d'autres. Cet ensorcèlement a ainsi toute sa place dans le récit de ce parcours quasi initiatique qui est le mien.
La maison aux multiples possibilités.
Ce fut par ces mots qu'elle me fut présentée.
Aisément installés dans notre petit logement agréable, le fiston et moi étions bienheureux ; l'idée de partir n'était pas évidente. En quête de solutions, je cherchais toute information en vue de prendre une décision valable. Ainsi, j'avais posé des questions sur l'école du village de cette maison et rien de particulier ne me fut dit, une école comme les autres. L'envie d'être en famille, le jardin... pourquoi ne pas tenter l'aventure ? Quoi qu'incertaine et avec un trouble au cœur, nous finîmes par emménager.
Les affaires qui avaient saturé nos petits appartements précédents paraissaient menues dans ce volume, j'étais quelque perdue, peu coutumière de la maison individuelle, des grandes pièces, des escaliers. Cependant, dans mon incessante curiosité, j'étais ravie d'entrevoir les possibilités d'aménagements et de décoration qui s'offraient à nous. Chacune des pièces activait mes neurones et mon imagination, je calculais pareillement la quantité de travail nécessaire pour parvenir à faire de ce lieu une bulle de joie de vivre et de chaleur. Bien qu'un étrange sentiment incertain m'étreignait, je voulais me persuader que tout était possible, qu'ici, nous trouverions une harmonie, un tremplin à la grande aventure de notre périple familial, qu'ici se fonderait notre histoire commune.
Peu à peu, fatalement parce que tout était en place avant, les vents se levèrent insidieusement, inconsciemment et je sentis le malaise grandir sans pour autant accepter d'ouvrir les yeux. Aveuglément, envers et contre toute intelligence, je me raccrochais à mes espérances.
La négation de soi était entamée depuis longtemps; elle allait prendre entre ces murs un visage particulièrement cruel et insoupçonné.
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Par fée des agrumes le 2 Février 2009 à 13:31
Après le séjour dans le service de Solange et mon retour à la maison, je repris le cours des séances en hôpital de jour et dans la reconquête de la vie, de MA vie, je repartis dans la psychothérapie tête baissée avide de ne pas rater l'occasion de régler enfin mes contes (homophone utilisé à bon escient). Racontant les merveilleuses rencontres des derniers mois, le travail entamé avec Elodie, les possibilités de vie nouvelle offertes, je rayonnai au point que la psychiatre me demanda si elle m'était encore utile. Je ne l'entendais pas de cette oreille, il était hors de question que je m'arrêtasse en si bon chemin !
Heureusement, elle put faire passer la psychanalyse sous l' ald avec prise en charge du transport ; l'aventure repartit de plus belle. La matérialité était un frein trop important au regard de ma situation de grand dénuement. Les vannes pouvaient s'ouvrir.
Quelle tâche ! Quel labeur !
C'est un énorme travail de fond balayant toutes les certitudes et les mythes construits par le mental au cours de la vie, de ce mental qui contribue sournoisement, insidieusement à pérenniser l'emprisonnement dans des fonctionnements malsains afin de se persuader qu'il a raison, qu'il contrôle, qu'il sait, omniscient et omnipotent . La maladie abattait tout et dans cette tempête, je ne voyais plus que moi, seule, démunie et nue au sein d'un déchaînement de calamités répétées, de fantômes hurlants en silence et de démons dévorants. Entre terreur, désespoir, rage, révolte, abattement, soulagement, bonheur, recentrage, sérénité, je passe par tous les états émotionnels. Quand je crois avoir fait le tour de la question, une mystérieuse phrase vient réveiller des démons profonds qui ravagent tout sur leur passage. Les yeux s'ouvrent sur les actes, les choix, les objets même du quotidien et tout prend sens.
Comment ai- je pu vivre dans une telle illusion ? de telles fadaises ?
Certains morts ressurgissent des limbes du passé rôdant en dépit de leur disparition ancienne. Tout comme eux, les vivants perdent les masques que je leur attribuais inconsciemment.
La beauté et la chaleur des uns se dévoilent au grand jour éclairant le monde d'une pureté limpide et amoureuse, les travers perfides des non dits reviennent en pleine figure avec violence. De ceux qui m'ont rendu malade, je vois désormais clairement le visage et les crochets auxquels j'ai pu raccrocher mes repères de fille perdue et déchirée par leurs travers. Je réalise ainsi nos responsabilités respectives dans la nocivité de nos relations parce qu'à travers eux, je rejouais (je mets le passé instinctivement) la même petite chanson malsaine apprise d'ascendants intoxiqués par leurs propres ascendants. .. une chaîne de vies pleines de drames et de désastres enfouis, jamais dits.
C'est si ténu, si pernicieux. Nul n'est coupable, nous en sommes néanmoins simplement tous complices, nourrisseurs perpétuels de schémas toxiques et sans issue. Dans l'aveuglement généralisé, la fuite, nous restons inconscients de ce que nous léguons aux descendants avec les meilleurs sentiments du monde.
« Je rejoue mes airs malsains avec la complicité de ceux qui à travers moi rejouent leurs propres airs malsains. »
Saleté de disque rayé inlassablement répété.
Prêtez attention aux paroles.
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Par fée des agrumes le 26 Janvier 2009 à 13:45
Voici le texte qui m'a entrainée dans la note aux paroles de fée d'hier...
Sortie acheter le pain au passage de la camionnette bihebdomadaire, elle rentra les bras chargés et s'agenouilla pour défaire ses chaussures. Il vint de sa démarche nonchalante et d'une voix désabusée, le ton ironique, lança :
- Ah tiens, bonjour ! Que me vaut ta visite ?
Elle, toujours agenouillée, incapable de rester la bouche fermée, rétorqua sur un ton plaintif exagéré, feignant la supplication, le regard noir :
- Oh, dis, tu veux bien m'héberger quelques temps, je n'ai nulle part où aller ?
- Grumpf, pourquoi faire ? Je ne sais pas, enfin, pas vraiment... puisqu' on ne s'entend pas.
Elle se releva, accrocha sa veste au porte-manteau et avant de tourner les talons, en haussant les épaules, lâcha dans un éclair, comme toutes ses réparties :
- Nous ne risquons pas de nous entendre puisque nous ne nous parlons pas.
C'est une évidence.
Etonnant non ?
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Par fée des agrumes le 25 Janvier 2009 à 12:30
Pour l'anecdote, en boutade à certains. HihiIl est des circonstances dans la vie d'une fée qui attisent en elle son côté maléfique.
Non qu'elle soit particulièrement vilaine, elle n'est pas fée des agrumes pour rien, acide, piquante, cinglante (j'avais prévenu à l'accueil). Ses sorts passent par le lancer de répliques virulentes à toutes perches tendues par ses compagnons de route, temporaires, inopinés, constants ou permanents. Ici était une première approche.
Nombreux sont ceux qui s'y frottent avec plus ou moins de réussite. Mes amis aiment expliquer à ceux qui me découvrent combien je peux dérouter au premier abord, me rendant détestable ou très éclairante. Ou on aime ou on déteste, au moins, tout est clair d'entrée de jeu. Pourtant, est -il possible d'en vouloir à une personne qui ne triche pas et se montre telle qu'elle est, se fichant éperdument de l'hypocrisie généralisée ? Authentique.
Parce que fée des agrumes remuera ciel et terre pour faire votre bonheur, parce qu'elle ne manquera pas de remettre à sa place quiconque joue ses grands airs d'égos ou se dévalorise outre mesure, parce qu'elle n'en rate pas une pour dire ce que personne ne veut entendre ou ce petit truc qui enchantera votre instant, fée des agrumes a les caractéristiques prêtées aux fées.
Ambivalente, je suis profondément humaine avec pour mon malheur, une lucidité du regard et une intelligence vive vouées à l'humain et ses comportements.
Ainsi, les petits riens quotidiens prennent tout leur sens et des évidences occultées s'éclairent sous les feux des étincelles verbales. Elles parsèmeront donc mes allers et venues en ces lieux sans prétention d'être importantes ou utiles, simples dévidoirs et règlements de contes. Il y a aura également quelques perles d'autres êtres féeriques qui ont su dire ce qui importait en cet instant clouant le bec de la fée et l'éclairant grandement sur ses propres travers et faiblesses.
Quête du sens évidente.
Avez- vous lu l'introduction à ce chapitre avec sa musique? Revenez y par là
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Par fée des agrumes le 24 Janvier 2009 à 00:00
Il y a longtemps que ce sujet me trotte dans la tête, comme tant d'autres qui vont et viennent dans les méandres de mon esprit aiguisé et réactif. La nourriture a ses enjeux, les objets, les lieux pareillement, toutes nos représentations tiennent de nos ensorcèlements du monde respectifs avec ses rencontres et ses frictions. Le monde n'existe pas en dehors des projections que nous faisons de nous- mêmes sur chaque parcelle de l'interne et de l'externe. Le jardin n'échappe pas à la règle.
Mes plus beaux souvenirs d'enfance tiennent au jardin, qu'il soit potager chez ma grand- mère maternelle avec ses senteurs et ses saveurs de rhubarbe ou groseilles à maquereaux, ou qu'il soit sauvage comme celui de la grand-mère paternelle avec ses cerises, fraises et oseille sauvages, ses violettes et ses noisettes. Pourtant, je n'ai pas connu le jardin personnel en raison des chemins empruntés où le pavillon individuel et son jardinet n'ont pas de place. J'ai tenté quelque jardin loué qui n'a pas abouti en raison des circonstances de la vie. Tant pis.
Je suis venue vivre dans cette maison il y a quatre ans attirée par le petit bout de terre serré entre deux routes. Une envie folle d'en faire un lieu de plaisir et de joie m'a amenée à échafauder des projets en pagaille sans appréhension pour la quantité de travail à fournir. Pourtant, force est de constater que les esprits chagrin n'ont rien compris à ma démarche et c'est contre vent et marée que je me suis lancée dans l'aventure.
Vous remarquerez en regardant les photos ci-dessous que ce jardin était d'une tristesse affligeante. Les sempiternels thuyas qui bouffent toute la terre à leur pied rendant impossible d'autres plantations à leurs côtés, le gazon affreusement stérile et vide de toute naturalité, le sapin trop grand sur ce tout petit terrain, plus haut que la maison (un choix désastreux qui gâche la beauté de l'arbre) le béton en allée droite et austère. Evidemment, je ne l'aimais pas sous cette figure, lugubre et monotone.
Le rêve du petit pavillon avec son gazon propret et sa haie de thuyas pour cacher la pseudo intimité et/ou ses massifs bien délimités et rangés me dégoûte. Où sont les potagers ? les arbres fruitiers ? Je déteste ces jardin stériles, stéréotypés et fades, façade d'une quête de rêves impersonnels et fabriqués par je ne sais quelle bonne moralité.
Ce sont des photos numériques 2008 de photos argentiques 2004, je ne sais pas faire autrement.
Il y a déjà quelques prémices de mes travaux éparpillés; bac à sable du fiston, bac à compost à qui nous avons fait la fête fiston et moi quand je l'ai installé, des petites plantes en pot ou en terre. Mon bazar était entamé ...
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Par fée des agrumes le 23 Janvier 2009 à 15:30
Pied de nez absurde de l'existence, après quelques mois dans notre charmant logement, SeN nous annonça que la maison que louaient ses parents se vidait; les locataires partaient en juin et il pensa y emménager à leur place. L'espace étant suffisant, il me proposa de le rejoindre. Je restai interdite, son dernier refus m'avait profondément atteinte et je ne me sentais pas l'envie de recommencer un autre déménagement moins de 5 mois après le précédent. Et nous étions si bien. Il ne me pressa aucunement, me proposa de venir dans un premier temps visiter, je me sentais perdue, tiraillée, mes nuits se firent agitées.
Je parlai avec fiston qui fut emballé à l'idée de vivre « comme les autres » : une maison, un petit jardin, un « papa » et une maman... peut être une fratrie à venir, il avait bon espoir. De mon côté, l'idée d'avoir un petit bout de terre me tentait, je rêvais de légumes, de fleurs, d'herbes aromatiques... bah, pourquoi ne pas aller voir ?
Je me souviens de notre arrivée sur le pas de la porte, fiston et moi étions tout excités. Une maison, un jardin ? Cela nous paraissait si inaccessible ! Je sonnai et SeN entrouvrit la porte lentement, nous trépignions. Je frémis sur le seuil.
Frémissement de mauvais augure : la maison qui s'offrit à moi me glaça le sang.
Je vis un couloir sombre et lugubre, un séjour mauve et jaune du plus mauvais goût, une autre pièce au bleu délavé, une cuisine ringarde et laide des années 60/70 en formica avec des mélanges douteux de gris, noir, brun, des sols dépareillés, une salle de bains tout aussi criarde, un étage mal disposé. Aucun placard, des vieilles fenêtres, la route de chaque côté, pas de place pour garer la voiture, une vieille cave plus que désolée... La maison ne me plut guère, il y régnait une tristesse et une lourdeur des plus désagréables. Je vis également l'immensité des travaux à venir : papiers, peintures, sanitaires, sols, fenêtres, toit, sous- sol... Je me retrouvai face à un choix dantesque. Je pensais à SeN , à mon garçon, aux biens matériels... je m'écartelai seule.
« Je n'ai pas envie de vivre là dedans ! Si je n'y vais pas, SeN ne voudra pas aller ailleurs et je ne pourrai pas être avec lui. Fiston devra encore changer d'école alors soit nous venons cet été soit nous attendrons une année... SeN se meublera et que ferons- nous de nos appareils en double ? Et c'est plus grand, et il y a le jardin.. oui mais c'est aussi la maison des parents de SeN, comment peuvent évoluer les événements en cas de difficulté ? Ils sont adorables, cependant, ils resteront toujours ses parents et nul ne sait ce qu'il vaut tant qu'il n'est pas confronté réellement aux difficultés... ». Je passai des heures et des heures à y réfléchir. SeN ne voulait pas décider pour nous aussi me laissa t-il à mes questions sans rien imposer.
Finalement, poussée par la matérialité de la vie au quotidien et ma naïveté sur l'amour qui nous unissait, je pris le pari de tenter l'aventure, m'imaginant facile de repartir si l'expérience se révélait désastreuse. J'imposai toutefois de changer cette cuisine horrible. SeN accepta du bout des lèvres, ses parents, propriétaires ne comprirent pas cette exigence, je ne lâchai pas prise.
Il y eut quelques travaux de rénovation type papiers et peinture auxquels je consacrai des heures et des jours ,travaux sales et pénibles, souvent seule : gratter le papier peint vieux de trente ans que je mouillai avec un pistolet à eau géant emprunté au fiston parce que certains plafonds sont à quatre mètres, poncer les deux couches de papiers de la cuisine + le plâtre, nettoyer l'escalier de l'entrée de ses mousses au vinaigre, farfouiller dans la cave, le grenier afin d'y trier et ranger quelques vieilleries, poncer les planchers à vitrifier, briquer de ci de là... Quelle conne j'ai été quand j'y pense ! Je passai également des heures avec le peintre embauché pour les finitions et nous devisâmes longuement sur l' état des murs, de la maison. A sa façon, il confortait certaines de mes intuitions sans que cela ne me mit du plomd dans la tête.
Finalement, nous emménageâmes dans une désorganisation qui ne me sied guère et je me raccrochai à toutes les possibilités à venir.
Fol espoir éphémère.
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Par fée des agrumes le 11 Janvier 2009 à 13:35
Au bibliobus, à chaque passage, je me jette follement dans le rayon musique avec mes goûts bizarres et mon éclectisme habituel. Cette semaine n'échappa pas à la coutume.
J'ai pioché Brel, Nougaro, Maurice Chevalier, Aznavour, Bashung avec des percussions d'Afrique et des îles du Pacifique, du gospel, des chants Sioux Lakota, des comptines d'Afghanistan, de la musique chinoise, vièle Erhu, des chanteurs de la république de Tuva, la musique des films de Chaplin et des textes lus de Colette à Lorca ou Gary... J'ai réservé tous les albums de Papa Wemba en stock pour le prochain passage. Il y a tellement de choix que je repars à chaque passage avec une vingtaine de disques Hihihi. Evidemment, je n'oubliai pas quelques livres de travaux manuels et des BD pour mon fiston qui les dévore à une vitesse incroyable. Retour avec un sachet de plusieurs kilos ! Je suis terrible et incorrigible.
Dans la journée, je me suis plongée dans ma bibliothèque musicale créée sur l'ordinateur (sans téléchargement illégal, j'ai trop mauvaise conscience). Peu à peu, j'y ai ajouté quelques nouveautés de Souchon à Bowie puis quelques unes de mes bizarreries. Ce faisant, il me vint l'envie d'écouter Amadou et Mariam et je me mis à danser sur ces airs africains entrainants ... en tricotant, s'il vous plait. Suivirent de la musique nord africaine, des percussions d'Afrique, des îles Salomon, du Brésil et me voilà partie dans un de ces états de grâce qui me prend quand j'écoute les musiques que j'aime. D'abord, je dodeline de la tête, suivent les épaules et rapidement, je me mets à danser plus ou moins vivement selon mes possibilités du jour.
Mes pensées vont à travers le monde et je pense à tous ceux que je croise dans ma vie, je voyage d'un bout à l'autre du globe : tour de France, Togo, Mali, Maroc, Algérie, Tunisie, Turquie, Géorgie, Europe centrale, Russie, Ukraine, Norvège, Chine, Corée, Brésil, et j'en passe, j'en passe. Ce matin, en écoutant le crooner Aznavour (surprenante et amusante découverte avec cet emprunt à la Médiathèque), je pensais à Coq ; en écoutant Nougaro, je pensai à Elodie. Décollage sans limite avec mon émission favorite, la planète Bleue dont je collectionne les compilations de musiques improbables. (Grâce à mes recherches au bibliobus, j'ai même réussi à trouver des albums d'artistes dont parle Yves Blanc ! Incroyable !)
Voyez- vous, par exemple, il y a deux jours, mon chauffeur était un réunionnais Nous nous attendions chacun dans un coin sans savoir que nous nous attendions l'un l'autre, nous nous sommes trouvés par hasard ce qui me fit bien rire et je remarquai son accent des îles. Je lui dis que j'aimais la musique créole, l'heure de retour se fit ainsi au son de chansons de là- bas. Avec nos conversations sur son vécu, cet interminable trajet me permit de voyager au- delà du volume de la voiture et illumina la corvée des longs déplacements vers quelque chose d'autre que du commerce. Ceci n'est que l'exemple le plus récent de ce(ux) qui jalonne(nt) mon petit chemin de vie, éternelles rencontres.
La musique me transporte vers d'autres et ce partage irrationnel me donne l'illusion de me rapprocher d'eux malgré les kilomètres qui nous séparent. C'est surtout en ces instants de grâce que je sens bouillonner en moi cet espoir dans le genre humain, cette utopie de la communauté humaine riche de ses différences. Bientôt, je vous raconterai un événement très significatif de ce que ces états de grâce engendrent chez moi et vous réaliserez combien ils me portent, au sens figuré, comme au sens propre. Mes paroles ici ne sont jamais superficielles.
Je vous quitte en écoutant un mélange incroyable de reggae et de raï qui explose de vie. Je ne peux pas le partager avec vous, Deezer est quasi vide de ces mélanges improbables dont je raffole tant. Je vous mets juste Natasha Atlas et une reprise de I put a spell on you pour les curieux et/ ou les amateurs/ avec derrière la version de Nina Simone, pour le contraste...
Bon dimanche à tous, dans la grâce, avec la musique que vous aimez.
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