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Possibilités des couloir, portes et fenêtres.
Quand la porte s'ouvrit ce jour-là, j'eus un frémissement de mauvais aloi, un courant me glaça l'échine ; un mauvais pressentiment m'étreignit. Etait-ce cette vieille tapisserie aux motifs végétaux vert foncé couvrant les murs et le plafond ? ces portes grisâtres ? ce sol en lino façon plancher bois clair ou cet affreux tableau représentant un arbre mort, tortueux sous un ciel noir de tempête ? Je ne saurais dire. Je remarquai les vieilles fenêtres, les volets branlants et malgré les grandes ouvertures, l'obscurité des lieux, leur morosité. Passant outre ces craintes irraisonnées, je me laissai tenter par la vie dans cette maison par des promesses de travaux prévus par les propriétaires et les grandes possibilités envisagées par lui.
Pour commencer, je virai ce triste tableau affreusement morbide en disant tout haut, bêtement que les anciens propriétaires devaient être des gens très malheureux. Qu'est- ce que je n'avais pas dis ? « Comment peux- tu te permettre d'affirmer un truc pareil ? Moi, je ne me le permettrais jamais, ça ne se fait pas, tu ne les connaissais pas » et patati et patata... pffff
Il y avait aux murs des appliques dorées en laiton avec des pendeloques en cristal. Associées à la forme des portes à poignées dorées et à la plaque de marbre au dessus du radiateur, j'imaginai une entrée flambante et vivante avec un petit côté baroque. Plafond blanc prévu par les propriétaires, demi-mur bas en rouge flamboyant et partie supérieure en blanc cassé avec une baguette travaillée en rouge, blanc et or entre les deux papiers. Personne ne me contredit, « Fais comme tu veux, ça m'est égal, fais pour toi » dit-il simplement. Ces braves gens payaient un peintre qui demandait à ce que les papiers fussent enlevés ; devinez qui se tapa le boulot ?
Vieux de quarante ans, sale et poussiéreux, je grattai ce foutu papier de haut en bas, de bas en haut, sur les murs, les plafonds, dans le couloir, dans l'escalier. Armée d'un pistolet à eau géant, j'aspergeai le plafond et pris des risques inconsidérés pour arriver à l'enlever, fabriquant un manche rallongé avec une spatule au bout. Le fiston parti à l'école, je venais travailler des heures seule et filai avant le retour du fiston, le tout avec les tâches quotidiennes de mon petit chez moi ; presque toutes mes vacances d'été passèrent dans ces travaux.
Lorsque j'atteignis la dernière partie de l'escalier, il vint voir où j'en étais ; j'étais fière de mon labeur et pourtant, il me fit la morale sur mes choix désastreux ! Comment pouvais-je inonder ainsi la maison, dégrader l'escalier ? Ni une, ni deux, je lui fis remarquer que leur prétendu travail en commun avait été inexistant et que je m'étais tapé tout le boulot seule, sans aide, ruinant mon énergie. Bla bla bla bla sur leurs emplois, leurs difficultés en termes de temps ou de possibilités physiques. Bla bla bla. Rasoir. Mais ils s'imaginaient quoi ? Scrogneugneu.
Le peintre vint peindre les plafonds et poser les papiers avec son échafaudage pour l'escalier. Je notai qu'il eut de l'aide pour l'installation et fus écœurée de constater combien il était facile de travailler avec cette élévation. Tout fut fait comme il faut, évidement.
Quand j'avais enlevé le papier, je fis remarquer que certaines parties des murs étaient très poreuses et qu'il serait utile d'envisager des travaux plus conséquents. Lettre morte, j'exagérai. Quand le peintre vint, il m'expliqua que le prochain qui enlèverait le papier arracherait le mur avec, à moins qu'il ne tombe avant. Je triomphai en silence, j'avais raison ; mais comme je ne sais rien, que je ne fais rien comme il faut, je laissai tomber ; je me mis à penser que ce n'était pas mon problème, ce n'est pas ma maison. Pour certains, ce qui compte, c'est l'apparence, que ce soit propre et caché. Et puis merde.
Je voulus repeindre les portes intérieures en blanc cassé avec une peinture labélisée écolo, « Fais comme tu veux, ça m'est égal, fais pour toi ». Quelle histoire ! Le peintre préférait ses peintures habituelles et malgré mes indications, les mélanges furent désastreux. Ivoire, c'est compliqué ? Les plafonds blancs sont une évidence mais je ne voulais pas des portes blanches et alors que le reproche de vouloir barioler la maison me revenait souvent, nous nous retrouvâmes avec notre ivoire écolo et une espèce de blanc gris en mélange d'une pièce à l'autre ou dans la même pièce, sur la même porte ; « Bah, je repeindrai tout uniformément plus tard ». Mouai, quatre ans et c'est toujours pareil.
Je repeignis les appliques après les avoir nettoyées et y ajoutai de la couleur. Ce fut moyennement apprécié, sera-t-il possible d'enlever cette peinture si elle ne convient pas ? Parce que bien sûr, j'abimais les habitudes. Maintenant, plus personne ne les regarde et je suis contente d'avoir persisté.
Avec quelques bouts de bois et des peintures choisies, nous fabriquâmes deux patères à crochets dorés pour y accrocher les vestes ; l'absence de penderie et placard me gênait et j'espérai une certaine rigueur d'utilisation par tous. ( Quelle utopiste je fus!) Il n'y avait pas d'autre choix de toute façon, pas de place, ni l'éventualité d'un changement radical du lieu. Tant pis.
Ne supportant plus les chaussures qui traînaient dans l'entrée, j'achetai un petit meuble en bois brut que je peignis aux couleurs du couloir, rouge et blanc cassé. Je lui avais logiquement posé la question sur le choix puisque nous habitions ensemble (enfin, je le croyais), il se contenta de me répondre, comme d'habitude, « Fais comme tu veux, ça m'est égal, fais pour toi ». Je fis et encore aujourd'hui, je suis fâchée avec les chaussures ! Je suis la seule à les y ranger à croire que c'est trop dur d'ouvrir la porte et de les y glisser. Une paire pour chacun, d'accord, ça passe mais quatre, cinq groles qui se mêlent là en vrac, non ! J'osai un jour une remarque sur l'opulence des chaussures pour hommes dans toute la maison évoquant l'éventualité d'y remédier ; il ne me comprit pas. Piquée au vif, je les rangeai les unes à côté des autres dans le dit- couloir en alignement ordonné. Quand il rentra et les vit, re blabla blabla. Enième rasoir. Désormais, certaines s'entassent dans des sachets plastiques dans le couloir de la cave attendant je ne sais quoi pendant que d'autres vont et viennent autour du meuble ; il met toujours les mêmes et je ne comprends pas pourquoi il en a tant. Parallèlement, il continue de se plaindre du bazar encombrant le couloir. Malgré toutes mes tentatives, je reste la bordélique, celle qui manque de soin, celle qui ne fait rien comme il faut. Blabla ... Je dois sûrement être bête...
Au départ, j'avais imaginé un beau tapis dans le couloir, chaleureux et rougeoyant pour animer le sol et l'entrée. Il refusa expliquant que c'eut été gênant, salissant. La porte ouvre directement sur le couloir sans sas et oui, c'était évident que toutes les saletés des chaussures passeraient sur le tapis. Quelques temps plus tard, il revint avec des tapis rouges ramasseurs de saleté comme on en voit dans de nombreux lieux publics. Ils devinrent rapidement le minuscule territoire où éclatent des querelles perpétuelles. Comme les Musulmans, les Japonais et bien d'autres, je n'aime pas les chaussures dans la maison, nous les enlevons en entrant. Quand il pleut ou neige, chacun a pour consigne implicite d'enlever les chaussures sur le tapis. Nous sommes trois, celui- là bouche l'entrée en enlevant les siennes alors que d'autres veulent entrer aussi et c'est l'exaspération des hommes qui se chamaillent le territoire.
A l'occasion d'une foire expo sur le Liban, je trouvai un long tapis en coton facile à laver en machine si nécessaire, une sorte de kilim. Je rentrai toute contente et le mis en place. Il critiqua le choix des couleurs et l'inutilité de cet achat. Pff, cause toujours, je le laissai. Un jour, je ne le mis pas en place parce que nous allions avoir la visite de personnes qui n'enlèvent pas les chaussures. Voilà qu'il commença à me tenir un monologue sur cette sale manie que j'avais et qu'il ne comprenait pas pourquoi je faisais une telle fixation sur les chaussures dans la maison, et puis le tapis habillait le couloir, et puis, et puis... blablabla ! D'accord, il a changé d'avis m'enfin, je n'avais pas besoin de la leçon de morale à chaque fois, flûte !
La porte d'entrée se révéla être une vraie passoire à courant d'air dès que la température baissa à l'extérieur ; l'air soufflait pareillement d'en haut, d'en bas, de droite, de gauche. Les grosses factures de fioul s'accumulaient, les radiateurs chauffaient au max rendant l'air sec et il faisait toujours froid. Malgré les couches portées, le froid des courants d'air me transperçait le corps. Je cherchai des solutions de pauvres, peu appréciées, avec des rideaux, des couvertures, n'importe quoi. Rien n'y fit.
Les fenêtres étaient du même ordre, le froid venait de partout. « Pourtant, il ne faisait jamais froid quand nous venions ici à l'époque du grand oncle ». J'y mettais certainement de la mauvaise volonté et c'est pareil dans toutes les maisons, « C'est comme ça ». Les regrets m'étreignaient déjà quand je fis l'état des lieux de notre ancien petit appartement. Sans chauffage depuis des mois, en décembre, il y faisait 17°c et l'isolation était optimale, sans courant d'air. Qu'est- ce que j'avais fait ??? Cette maison n'est pas à habiter en hiver et chaque année, je rumine ma grosse erreur, ma colère, ma révolte. Je suis décidément très bête.
Noël 2006. J'étais très mal, atteinte dans mon système nerveux en profondeur je souffrais du froid des courants d'air. Ma mère me voyant trembler dans mon fauteuil évoqua un châle en laine qu'elle avait fait dans sa jeunesse et où je me roulais enfant en quête de son odeur et de sa chaleur; elle promit de me le ramener. Je fus roulée dans mon plaid en cachemire, continuant malgré tout à trembler. El. en fut touchée et me questionna, j'expliquai simplement qu'avant la maladie, quand j'avais très froid, c'était désagréable, avec la maladie, j'avais mal. Elle ne resta pas insensible. Pendant que j'étais à l'hôpital début 2007, de nouvelles fenêtres et une porte d'entrée furent installées ainsi que des volets roulants au rez- de- chaussée. Alors bien sûr, je lui en suis reconnaissante : je sais qu'elle et son mari font de leur mieux et qu'il n'est pas facile de sortir de grosses sommes d'argent pour rénover une maison... pourtant, il aura fallu des années et ma souffrance pour déclencher le passage à l'acte.
Désormais, il y a du pvc en bas (que je honnis ! une aberration écologique qui se paiera cher dans quelques années), du bois sur deux fenêtres à l'étage, un autre modèle dans une chambre et de vieilles fenêtres sur le palier et dans la cave.
Et c'est moi qui risque de barioler et défigurer la maison ?
Il y a tellement de choses qui m'échappent, je dois vraiment être très très bête. A moins que...
Vous commencez à comprendre, n'est- ce pas?
Tags : maison, avis, peintre, couloir, chaussures
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Commentaires
Commentaires
Je suis passée par le choc, l'incompréhension, la remise en question, le désespoir. Puis est arrivée la maladie, je me suis jetée dans l'analyse et j'ai ouvert les yeux...
Désormais, je verse et déverse ma colère parce que je revis et fonce dans la vie et non plus vers la mort.
Rien n'arrive par hasard et comme tout humain, je donne du sens par la parole pour me défaire de ce qui m'a rongé trop longtemps.
Epouvantail, je réecris mon autobiographie sous le jour nouveau d'une vie les yeux ouverts.
Suis contente de te retrouver.
Cela tombe sous le sens maintenant.
Enfin même au début, il n'y a pas eu de couple, pas de décision à 2 pas d'harmonie... Pour moi c'est triste, on ne peut pas vivre dans la colère comme cela, incessamment. Il y a trop à manquer.
bises
Comme je l'expliquai à Coq, je déverse pour me libérer et je sais que je suis dans une phase de transition sans forcément vouloir contrôler l'avenir. Je fais ce que je peux pour m'en sortir, je pense à moi désormais et saisis toutes les occasions pour avancer. Je n'attends rien de personne, je ne peux que m'occuper de mes affaires, pour mon bien être. Restent des impondérables physiques, administratifs, financiers, économiques, matériels. Je me suis enlisée et sclérosée, j'ai ouvert les yeux et maintenant, je suis en transformation. L'interne agira sur l'externe et cette espérance me tient le coeur.
En plus, je ne suis pas triste ou malheureuse, je suis sereine et lucide; je mets les autres face à leurs responsabiltés aussi désagréables que cela leur soit.
Pour employer une image, c'est un peu comme le magma de la Terre qui fait bouger les continents de quelques milimètres, régulièreent, discretement. Et pfuit, rien ne change et tout a pourtant changé.
Bref, tout cela pour dire que je chemine jour après jour et qu'il n'est plus question de gâcher ma vie. Je vis pleinement chaque instant.
Assise au milieu des tempêtes, je médite et pourtant, qu'est- ce que j'avance vite et loin!
Comment s'entendre si on ne s'entend pas ?
La question du couple est essenteille et ces récits sont le reflets de mon long cheminement. Pouvoir donner un sens, mettre des mots a été possible grâce à deux ans d'analyse; désormais, c'est évident.
Le parcours avec la maladie prend également un sens et cette magistrale baffe inattendue est une révélation, un éclat de foudre qui illumine toute une vie de travers.
Les choix sentimentaux ne sont JAMAIS anodins et là, l'éclair a frappé fort et pas uniquement pour moi.
Je n'ai pas fini d'écrire, non pour me plaindre ou me venger, tout simplement pour raconter comment le corps finit par exprimer ce que le mental refuse d'écouter. Notre inconscient est le seul maître à bord, lutter contre lui est peine perdue, il s'agit de coopérer pour enfin s'accepter et exister.
Je cherche les possibilités techniques et dès que ce sera prêt, je lancerai l'appel.Votre voix s'y mêlera, je l'espère, avec celles de notre belle chorale