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    Hier soir, en me plongeant avec délectation dans les draps de mon lit tant attendu, je n’avais pas le courage de reprendre ma lecture quotidienne. J’étais heureuse de l’article écrit dans la journée creusant et réfléchissant à son évolution entre son apparition inattendue, le cours qu’il prit dans ma tête, sous mes doigts et la structure que je lui avais donnée au final. Craignant d’être trop confuse, je pensais à son plan, me répétant incessamment que le fil était ténu, malicieuse que je suis à sautiller d’une idée à l’autre en grand écart afin de relier des champs faussement antagonistes ou illogiques. Je l’ai relu et relu ; plongée fraîchement dans mes questionnements stylistiques et logiques, je manque de recul pour avoir un jugement clair sur cette question. Cependant, je me délectai en éclairage soudain de ce titre venu sans plus y penser :

    en écho, je m’écris.

    Parce qu’en écho, je m’écrie, aussi.

     

     

    Entre l’écriture et le cri, reste l’écho. C’est inopiné et beau, non ? 

     

     

    Alala, je m’étonne moi- même de mes travaux. En recette du bonheur, il existe celle-ci : émerveillons- nous de ce que la vie nous offre !

    Et dans ma quête narcissique, je trouve en mon intérieur des richesses insoupçonnées. Je me penche avec empathie sur ces années de souffrances où j’ai longtemps pensé que je n’étais rien, que je ne valais rien, que j’étais incapable de faire quelque chose de valable. Désormais, je sais que ce n’est pas le cas et comme me l’a si joliment écrit Annie en commentaire, chaque article publié me transforme.


    Punaise, quel cheminement incroyable !


    La suite des articles ne donnera que plus de force à ces pensées, je suis réellement passée dans une autre dimension.


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  • Au gré des transports en ambulance, VSl et taxi, j’ai souvent croisé Rachel.

    Elle me connut au début de la maladie, aux pires instants et nos chemins s’éloignèrent jusqu’à ce que je la retrouvasse il y a quelques mois par le taxi en transport pour le travail (ben oui, la médecine du travail refuse que je conduise : trop fatigant pour moi a dit le médecin –conseil).

    Elle me tutoya naturellement et je fus ravie de la retrouver tout comme elle le fut de me voir sur mes deux jambes, à meilleure vue et pleine de la chance de vivre. Au fil des conversations et des transports, elle apprit que je déménageais. Alors que je décrivais l’état de l’appartement, elle se proposa spontanément pour m’aider. Evidemment, j’acceptai, les bras volontaires étant les bienvenus. 

    Je m’étonnai de ne pas culpabiliser d’offrir des travaux à ceux- là qui en avaient déjà tant dans leur propre vie. J’y pensais, sans y réfléchir et la réponse me vint rapidement : « Si Rachel se propose pour m’aider, cela dépend d’elle, je n’ai pas à en être. Peut être que dans nos rencontres successives, je lui ai apporté quelque chose et elle a envie de me le rendre. »

     Apparemment, d’ailleurs, je l’avais marquée et elle me rappela  cette expédition à Strasbourg en décembre 2006.


     J’étais dans de telles souffrance et errance que je ne souviens plus exactement de qui nous y avaient conduit en ambulance couchée. Rachel en était et elle n’en avait rien oublié.

    Elle me raconta comment elle avait été impressionnée par ce sourire immanquablement inscrit sur le visage tous ces mois de dégringolade physique. Ce jour-là, pourtant, en partance pour la rencontre avec ce grand professeur, je ne souriais pas ; elle avait lu l’anxiété en moi et se souvenait de ces mots que moi- même j’avais oublié : «  C’est ma dernière chance de m’en sortir » avais- je dit au départ de la maison. Elle avait ressenti la tension tout le long du trajet.

    Puis, elle évoqua, la joie dans la voix, comment j’étais ressortie le sourire aux lèvres de cette consultation clamant : «  J’ai enfin trouvé quelqu’un qui saura me prendre en charge correctement ! Maintenant,  je peux entrevoir l’avenir. ! »

    Les semaines suivantes furent particulièrement atroces et m’acculèrent à des extrémités où la mort me paraissait parfois la seule réponse à mes souffrances, néanmoins, en cet instant, j’étais dans l’espoir.

    J’eus plaisir à entendre ce récit de Rachel en autre témoin de cet épisode passé. Parce qu’il me permet de retrouver des sensations connues en ces circonstances si étranges, je prends la mesure de mon désarroi et la force de cet espoir qui me chevillait le corps.

    Que de chemin parcouru dans la souffrance et la libération depuis !

     

     

    Comme elle s’y était engagée, Rachel débarqua chez moi un samedi après midi pour m’aider alors qu’elle finissait une semaine de 60h sur les routes. Il m’était tout naturel de la recevoir dans mon capharnaüm, elle fut toute à son aise de s’y trouver.

    C’est véritablement une rencontre délicieuse, un coup de baguette magique du destin… comme tant d’autres reçus ces dernières années.
     
    Merci à toi Rachel.

     

     


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    Ambiance musicale d'écriture:

     

     

     

    Loin de l’image traditionnelle du déménagement, nous arrivâmes dans le nouveau logement contraints par la rentrée des classes. Nous n’avions que peu de fournitures et des vêtements pour la semaine, tout au plus. Pizza mangée sur pouce et premier dodo entre nos nouveaux murs.

     

    Fiston fit son cheminement et je me retrouvai le lendemain seule dans le grand dénuement d’un chantier de rénovation avec mon corps fragilisé et mes petits bras pas musclés. La gestion quotidienne était complexe, sans réfrigérateur, sans gaz, sans mobilier, le strict minimum pour s’alimenter. Cela ne m’effraie pas, je suis habituée aux grands dénuements, par une vie de pauvre, par une vie de malade, par une vie d’handicapée ; le renoncement a pris déjà tant de visages dans ma petite existence.

     

    Le premier jour me laissa dans un état émotionnel particulier, j’encaissais le coup du grand changement et je passai par des émotions variables, entre tristesse, colère, impuissance, révolte, panique de ne pas y arriver. Ai-je pleuré ? Je ne saurais le dire.   A nouveau, je puisai au creux de mon être des ressources insoupçonnées et je me lançai dans l’aventure. Cœur à l’ouvrage, pragmatisme, enthousiasme et la ferme volonté de vivre pleinement chaque instant.

    Je commençai les travaux.

     

    La consigne essentielle était que je restasse à l’écoute de mon corps ; un vertige, un malaise, une perte de connaissance et personne pour me ramasser ; je ne voulais pas de cette charge pour mon garçon. Aussi, je travaille à mon rythme rendant ma volonté incompréhensible aux maniaques de l’ordre et de la propreté ;  dussé-je prendre des mois pour y parvenir, l’essentiel est de m’inscrire dans ce territoire.

     

    La cuisine n’est pas choquante en blanc, ses tuyaux, encadrements et plinthes en noir, des carreaux brun fumé typiques des années 80. Je décidai de la laisser telle quelle et de simplement l’habiller.



     

    Le papier du salon n’est pas laid et la couleur des peintures claire, Etienne les aime et demanda à mettre sa chambre ici. La circulation et l’agencement de l’appartement ne s’y prêtent guère ; je négociai avec lui l’aménagement à son gout de la pièce que je lui destinais, il accepta. Il sait par expérience que sa mère est capable d’adapter et de trouver des solutions partout.

     Ce fut dans ce salon que j’installai notre futon sur le sol parce qu’il ne nécessitait pas de travaux urgents ; quand les autres pièces seront terminées, je m’y attellerai  afin de la mettre à mon goût. Dans quelques mois.

    Pendant plusieurs jours, tout y traina entre les cartons, les vêtements, les affaires de classe, un vrai squat !

     


     

    La salle de bains est bariolée dans des couleurs originales : les carreaux brun fumé et des murs en bleu ciel, des encadrements bleu marine. Le choix me parait douteux. Que faire ? Repeindre les murs ou les carreaux ? « Basta, j’y reviendrai plus tard, laissons mûrir les idées. »  Dans l’amusement, j’y ajoutai en prime les fuchsia du rideau de douche et du tapis en coton, autant aller au bout du délire finalement.


     

    Des toilettes vanille fraise, expression qui amusa grandement fiston au point qu’il refuse d’en changer les couleurs. Tout le monde n’a pas la chance de rentrer dans une glace géante pour satisfaire ses besoins naturels !!



     

    Une chambre jaune, l’autre bleue, un couloir gris, des placards verts. A y regarder de plus près, je réalisai qu’en ces lieux également la bariole avait été ardemment pratiquée par d’anciens locataires. Dans une grande ingéniosité, les portes, les plinthes, les caissons de volet avaient été enduits de peinture acrylique normalement appliquée sur les murs et non les surfaces lisses. Scrogneugneu, comment remettre en état ces éléments ? Un lessivage intensif avec au bout des eaux hyper polluées des résidus de peinture ? Poncer et provoquer une poussière fine et insidieuse ? Arggg



    Les odeurs de tabac récurrentes dont souffrent les non-fumeurs que nous sommes me poussèrent à arracher les papiers du couloir, de la chambre jaune. Je pris mon temps pour y parvenir, soulevant les critiques de SeN qui ne comprenait pas mon obstination à vouloir tout faire en même temps alors qu’il y a déjà tant de travail par le simple déménagement.

    « A choisir entre le tout en même temps sur les premiers mois et le peu à peu qui s’éternise sans fin, j’ai choisi la première solution ! Je ne veux pas me retrouver avec des travaux qui n’aboutissent jamais » Bec cloué, l’éternel projet jamais concrétisé, il connait parfaitement et je n’en veux pas CHEZ MOI.

    Coup de pouce de 20 minutes de fiston: « Olala maman, c’est dur ! » et plus conséquent de Vince débarqué avec Delph qui m’accompagna à de menues tâches. 

     

    Alors que ma sœur m’aidait aux vitres parce que j’étais trop fatiguée, je contemplai le plafond du couloir et ses lambris peints ; il était si jaunâtre !

    - Peut être qu’un coup de peinture s’impose,  Qu’est- ce que tu en penses ? 

    - Attends, me répondit- elle en partant quelques minutes ;

    Elle revint avec un balai et une serpillère au bout. Elle souleva le tout et commença à briquer le plafond. Quand la serpillère redescendit, elle était toute brun- jaune

    - Tu vois ça, c’est la suie du fumeur !

    - Beuark !!!! Poussai-je avec horreur

    Et à mon tour de lessiver cette foutue suie !  Il en fut quasiment transformé, léger soulagement.

     

    SeN m’aida à peindre le plafond de la chambre bleue et recouvrir ses murs en couleur dune, Yol et son fils me posèrent la moitié des lés dans la chambre jaune entièrement déshabillée par mes soins. Je ponçais, en haut, en bas, j’aspirais et nettoyais (Ces épisodes furent porteurs, je vous raconterai plus tard. )

     Une après midi, armée de ma ponceuse circulaire, je frottai avec opiniâtreté les portes des chambres, passant du bleu au jaune via le blanc. Quelle horreur que cette fumée qui envahit l’espace, les vêtements et entre dans les narines ou la gorge ! Je portais pourtant un masque et une blouse ; mes cheveux se collaient en multicolore et les poussières passèrent entre les élastiques insuffisamment serrés ; j’étais furieuse ! Comment peut- on laisser des amateurs gérer de telles cochonneries !

    Et je peignai, en blanc, en blanc cassé de cette saloperie de peinture glycérophtalique !  L’organisme HLM est en lien avec une entreprise de peinture du coin et les peintures m’avaient été imposées. Non seulement ce fut une expédition folle que d’aller les chercher à 30 km quand un autre magasin est à cinq minutes, mais en plus, je n’avais le choix ni sur les couleurs ni sur la qualité! J’avais essayé de négocier le truc avec la vendeuse, elle n’en voulut rien entendre ; c’était inscrit celle-là et c’était à prendre ou à laisser. Je repartis donc dépitée et en colère avec ces trois seaux dont un à diluer au white spirit. Beuarrrrk ! Un peu de colorant dans le blanc pour le casser et armée d’un pinceau, je peignis en pestant sur les cov et les produits dangereux vendus en libre service ! Dire que dans trois mois, les glycéro seront interdites à la vente !! N’importe quoi.

    Par chance, le temps était clément et nous avons vécu pendant plusieurs jours les fenêtres grand ouvertes en permanence.

     

    Mes manies écologiques exaspérèrent quelques unes de mes aides parce qu’il était hors de question que les résidus fussent jetés dans les siphons. Le balcon se remplit de contenants variables emplis d’eaux souillées à la peinture acrylique ou de white-spirit usagé; l’expédition à la déchetterie s’imposera.

     

    ...


    Je suis invalide COTOREP à plus de 80%  et reconnue travailleur handicapé.



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  • Mon garçon est parti chez sa mémé pour le weekend, je n’ai pas envie de peindre ni de ranger, je traîne.

    Je me suis fait plaisir pour le repas avec une poêlée aux gésiers de canard, lardons, pommes de terre haricots verts et pignon de pin sur une laitue au vinaigre de framboise, petit repas dégusté en conscience. Je me promène sur le net dans le pratique et le vague tout en écoutant quelques musiques envoûtantes.  Ce décor n’a pas grande importance parce que l’essentiel est à l’intérieur.

      Ce soir, je me promène au gré des ressentis émotionnels et corporels grâce aux expériences des derniers mois. Je divague et louvoie à vue sur mes tensions dans la nuque, le dos, les jambes, j’enrobe ma vessie de compassion, je laisse passer les émotions en constatant néanmoins que le creux de mon être ne se démonte pas ... Comme si je regardais passer ces travers de l’âme de loin.

      A cet horizon, j’ai connu colère, tristesse  et renoncement : une altercation avec SeN m’a ramenée à ces impasses où j’étais cloitrée. J’en suis sortie, certes, j’ai besoin de temps pour me dépêtrer de ces engluages surtout quand les circonstances me ramènent à ces voies malsaines où je me suis engagée inconsciemment autrefois.

    Triste parce que je mesure plus chaque jour son enfermement. Il s’y plait, c’est rassurant et connu, comment pourrais-je intervenir dans sa vie ? Cela relève de son parcours et de sa responsabilité.

    Colère parce toutes ces années passées avec lui me laissent un goût amer de possibilités ratées, rejetées ; toute une trentaine mise au pilori avec déjà trois années de maladie en aboutissement atroce d’un désespoir devant ses peurs.

    Le renoncement en bouquet final simplement parce que je me sais impuissante à changer quoi que ce soit, c’est à lui de cheminer. Mon cœur se pince quand connectée à lui, je ressens ses tiraillements internes, ses frayeurs et sa propre colère envers lui-même parce qu’il est incapable de prendre une décision.

     Au plus fort de l’altercation, je m’étonnai de mon calme intérieur, de ma capacité à me camper solidement devant ses sursauts de colère à la père Goriot. Seul le corps en deux temps m’a ramené à ces trop pleins : des larmes coincées dans la gorge qui sitôt senties ont disparues et l’imminence d’une fuite qui finit en brûlure dans la précipitation aux toilettes ; la culpabilité de ma mère qui se ronge les sangs, les tentatives du fiston de calmer le jeu (pourtant qu’est- ce qu’il est colérique et hurleur celui- là à ses heures de crise !).

     Dans les heures suivantes, j’ai appliqué la CNV, benoitement tant avec SeN qu’avec ma mère, aucune autre voie n’avait de sens dans ce contexte. Et j’ai  été empathique avec moi- même.

    Laisser passer les émotions, les tourments, écouter las tensions du corps, les accepter pour les défaire et ne pas me réfugier dans la fuite soit par l’abrutissement ou le travail physique en tentant des travaux hors de ma portée.

    Puis lâcher, lâcher prise

    Finalement mesurer le calme qui m’habite. Malgré tout, je ne me culpabilise plus, je ne me torture plus, je ne me punis plus, j’accepte les responsabilités de chacun. Rester chez soi. Totalement.

     Il en est fini des chimères et des travers d’autrefois ; désormais, je vis pleinement. Pensée pour tous ceux jalonnant ce parcours et ma reconnaissance, ma gratitude à leur égard.

     Car je le sais, je ne peux rien faire hormis penser à moi, mon fiston (et là, j’ai du pain sur la planche !!). Je pose des limites claires en répétant mes ressentis, les raisons de mon départ, l’horreur du flou, des incertitudes et surtout des ingérences de son histoire familiale, du poids de sa peur atroce de déplaire à ses parents. Ce qu’il en fait est de sa responsabilité, je ne suis pas coupable.

     Aussi facile qu’il soit de me cataloguer dans la série méchante, je sais que je ne suis qu’un messager de feu à l’éclairage insupportable pour qui veut fuir. Dans le lâcher prise, cela aussi, je l’accepte pour ne cheminer que sur ma propre voie, sans juger ou préjuger de celle d’autrui.

    J’ai cru mourir il y a trois ans alors franchement, je ne vais pas m’encombrer  inutilement avec les aléas des autres, ne me reste que la compassion pour lui, sincèrement. Qu’il me traite de méchante, cela ne m’atteint pas, je sais qu’il se protège et protège son système ; je suis dans une autre dimension, j’ai d’autres expériences merveilleuses à vivre, ici, maintenant, demain, ailleurs. Je me suis réveillée, je suis libre.

    et cette chanson en écho qui tourne depuis plusieurs minutes... le hasard 

     

     



    Clean
    The cleanest I've been
    An end to the tears
    And the in-between years
    And the troubles I've seen

    Now that I'm clean
    You know what I mean
    I've broken my fall
    Put an end to it all
    I've changed my routine
    Now I'm clean

    I don't understand
    What destiny's planned
    I'm starting to grasp
    What is in my own hands
    I don't claim to know
    Where my holiness goes
    I just know that I like
    What is starting to show

    Sometimes

    As years go by
    All the feelings inside
    Twist and they turn
    As they ride with the tide
    I don't advise
    And I don't criticise
    I just know what I like
    With my own eyes

    Sometimes

    Sometimes

     

     


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  • A l'étage, se trouvent  le grenier déjà évoqué et deux chambres. L'une est de forme standard avec une fenêtre orientée sud et la seconde, une grande pièce au sol, aménagée dans un grenier par les anciens locataires avec une petite fenêtre orientée à l'est, deux côtés sont largement mansardés et une poutre traverse celui de droite.

    Lors de la première visite de la maison, j'observai la grande surface de ces pièces et les papiers douteux mal posés.  Sans revendiquer quoi que ce fût, j'écoutais  les remarques et réflexions quant à la répartition des chambres. Certes, mon garçon eut pu bénéficier d'un immense espace tout à lui pour y inventer son univers en répartissant un coin dodo, un autre pour jouer et un dernier pour travailler, la petite chambre standard m'avait parue largement suffisante pour des adultes. L'inverse fut décrété « parce qu'il n'y a pas de raison à ce que l'enfant ait plus que les adultes ». Ma foi, pensai-je, il sera très content avec celle-là, il n'en a jamais eu d'aussi grande.

     La chambre attribuée au fiston ne fut pas spécialement le théâtre de conflits  inconscients car elle fut dévolue explicitement au même titre que la pièce du rez- de- chaussée devenue mon atelier. Tant que nous ne touchons pas aux biens non déménageables  appartenant clairement aux propriétaires, nous pouvons en jouir à notre guise sans crainte de jugement.  Ainsi, en lutte perpétuelle contre le fatalisme et la fatigue ambiants des travaux de l'été 2004, je résistai ardemment pour en changer les papiers peints. Je pris tout en charge seule puisque ma décision était jugée exagérée et inappropriée. Je  découvris avec exaspération qu'ici, comme dans la cuisine, se trouvaient deux papiers l'un par-dessus l'autre malgré la parole donnée des anciens locataires d'avoir enlevé l'ancien. Ce dernier par ailleurs était moisi et dans ce désagrément, je trouvai avec plaisir la facilité de le décoller. Décollage, peinture,,recollage, je ne me souviens plus des circonstances des travaux, mon obstination mal supportée prend toute la place dans ma mémoire.

     La chambre devint une belle pièce d'autant que je confectionnai des rideaux avec de la toile de jeans épaisse pour occulter la lumière : le volet extérieur en bois était tellement branlant qu'il était quasiment impossible d'espérer en profiter sans qu'il ne se décomposât lui- même. Il fut d'ailleurs jeté à bas quand le sapin du jardin fut abattu en 2007, il contribuait allègrement à l'image d'une façade de maison abandonnée (le qu'en-dira-t-on en meneur absolu)

    Cinq ans sans volet s'écoulèrent pour mon garçon. Il ne s'en plaignit guère et au détour d'une conversation anodine il y a peu, il clama son exaspération contre la pluie battante, le vent sur les carreaux qui lui faisaient peur, contre la fenêtre sans battant intermédiaire et le vacarme venu de la rue tous les jours (la façade sud se prend tous les courants de vents, d'air, de bruits)  Effectivement, il y avait de quoi se fâcher, cette pièce est un frigo en hiver et un four en été ; hormis par la fenêtre ouverte, il n'y a aucune circulation d'air.

    Ce fut dans la concertation que je plaçai les meubles réfléchissant à leur utilisation. Quelques années passèrent et je finis par déplacer l'armoire afin de pouvoir y ranger son linge malgré le bazar généralisé au sol, nous changeâmes pareillement le lit de place car fiston dormait mal.  Son lit mezzanine très utile dans les anciennes petites chambres devint le théâtre de conflits répétés car il s'y réfugiait souvent, y traînait le matin et nous ne pouvions l'y saisir ; il fut descendu arbitrairement. Pourtant, il fallut encore le déplacer après la visite d'un géo biologiste, cette chambre est traversée de deux failles dont une fait une branche. Il est désormais entre les deux dans une situation peu pratique, aucun autre lieu n'étant possible pour les éviter.

    Depuis que la maladie est arrivée, mon garçon en a définitivement fini avec les caprices du matin, il se lève désormais seul suffisamment tôt pour  déjeuner, s'habiller, préparer ses affaires et s'occuper de ci de là. J'ai demandé à ce que le lit fut remonté pour lui installer un bureau dessous... Rien à faire, inévitablement.

    Etant donné l'invasion des livres dans sa chambre- mon fiston a hérité du travers de la lecture comme sa mère-,  SeN lui fabriqua une belle bibliothèque que je couvris simplement de cire d'abeille, dégoûtée des produits toxiques vendus librement à tout venant dans les magasins de bricolage. Les piles de livres n'en continuent pas moins d'envahir l'espace autour de son lit. Finalement, je n'y rentre quasiment plus. A 12 ans, qu'il se débrouille avec ses propres travers !

    Cette chambre ne porte pas tant de conflit parce qu'en dehors de fiston et moi,  nul ne s'en est soucié. Ma mère et ma sœur, quand elles viennent, en inspectent l'ordre et la propreté pour le taquiner sur son désordre ; depuis qu'il est au collège, je toque avant d'entrer. Nous n'avons donc pas de territorialisation inconsciente de l'espace, il nous est consciemment dévolu. Les conflits soulevés sont dus aux éléments relevant de la propriété inconsciente portée sur le non déménageable.

     La symbolique de cet espace m'éclata alors que j'étais à l'hôpital au début 2007. L'hiver était froid et mon garçon continuait de porter ses vêtements d'été. El., mère de SeN, prenait soin quotidiennement de lui en mon absence et dans sa bonté habituelle, elle l'embarqua au magasin pour le vêtir plus chaudement sans rien me demander. Fiston fut heureux de ces attentions chaleureuses et fier de me montrer ses nouveaux vêtements. Incrédule, je posai la question des vêtements que je lui avais achetés l'été précédent pour l'hiver et qui étaient dans son armoire, dans sa chambre. A ma grande consternation, j'entendis que PERSONNE n'avait songé à regarder au fond des étagères et de la penderie! Il était donc plus facile de courir au magasin plutôt que de farfouiller dans cette armoire ?! Dès que mes jambes me permirent de monter à l'étage, je retournai dans la chambre et sortis toute la panoplie d'habits chauds pour l'hiver en pestant. Si le geste et l'intention sont très honorables et reçoivent toute ma reconnaissance, cet épisode m'a abasourdie puis  a généré chez moi une colère sourde.

    Pendant les deux mois d'absence de mon hospitalisation, que s'était-il donc passé dans cette maison ? 


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  •  Et cela faisait plus d'une heure que je tournais dans le lit avant de finalement me lever, agacée.

    Il y a des périodes où je ne dors pas. Bien que cela me fatigue au plus haut point, je constate malheureusement que quand je suis préoccupée, je ne dors pas.   Il est évident que mes levers à pipi urgents en pleine nuit ne facilitent pas le sommeil surtout quand le quotidien est en phase de changement. Je me demande souvent comment je tiens ensuite la journée.

    Avant la maladie et les traitements permanents, j'ai passé des années à ne dormir que 5h en nuit entrecoupée parce que j'étais seule face à la multitude des tâches quotidiennes, entre le travail, le garçon petit dormeur, la difficulté à joindre les deux bouts matériellement, les études et/ ou la recherche d'un emploi, d'un logement, de tel ou tel appareil ménager ou mobilier, des affaires judiciaires interminables, des questionnements relationnels flous, l'attitude d'autres incapables d'être au clair avec moi (et ça, ça m'a minée à un point que je ne saurais décrire !)... Bref, j'en ai fait des nuits trop courtes et non reposantes.  Avec le recul et la psychanalyse, j'en suis arrivée à me dire que la virulence de la maladie  n'a été que le reflet du ras-le- bol généralisé qui habitait et mon corps et mon inconscient. A force de se croire tout- puissant, mon mental a complètement court- circuité mon organisme et le cri toujours ignoré m'a clouée sur place : « Maintenant, tu ne te préoccupes plus de l'extérieur, tu t'assois, tu regardes à l'intérieur et tu réfléchis en conscience ! » Ben oui ma vieille, autant tu croyais tout contrôler, autant la baffe a été violente. Lâcher prise total par la force des événements et le refus du corps à répondre à mes ordres.

    J'ai donc fait le grand ménage interne ; inévitablement, les répercussions portent sur l'externe. Si certaines blessures inflammées (comme peuvent l'être ma moelle épinière et mes nerfs optiques, et oui) semblent s'être apaisées, je suis en plein bouleversement. Ma recherche de logement adapté m'a confrontée à la dure réalité de l'incompréhension et de la faiblesse sociale en raison d'un choix de vie humain et non financier.  Certains choix que je pensais porteurs d'avenir sont devenus des boulets, je chemine également sur la voie du deuil vis-à- vis de certains rêves du passé. Evidement, je me sens bien à l'intérieur comme je n'en ai pas souvenir ; évidement, j'ai confiance en la vie ; évidement je vis au jour le jour acceptant les circonstances et nourrissant mon être à la source...

    Alors, pourquoi maintenant je ne dors pas ?


    Vessie capricieuse s'exprime quotidiennement, elle me rappelle constamment à l'ordre bien que je ne sache pas systématiquement ce qu'elle exprime ; d'ailleurs, il lui arrive de ne parler de rien.  Le traitement de fond lui- même provoque des impériosités, une atteinte médullaire a inévitablement des répercussions sur le système urinaire très complexe et sensible. Je suis vernie.

    L'urgence voire l'imminence d'un déménagement occupe mes pensées parce que je remballe tout un pan de ma vie, je trie et range désormais sur le plan matériel. Des projets inaboutis, avortés me reviennent en pleine figure et ce n'est pas anodin.

    Vivre en permanence dans un décor obsolète avec certains qui refusent, nient et fuient les changements opérés en mon interne n'est  aisé pour aucun.

    En pleine phase de reconstruction après une monumentale tempête, je tourne une page avec les deuils que cela nécessite.


    En écrivant cette dernière phrase, une pensée me traverse l'esprit :

    Après la nuit, l'aube pointe les premières lumières du jour et c'est à ces heures entre deux que je ne dors pas.


    Si mon corps a quelque chose à dire, n'est- ce pas parce qu'il est désormais en symbiose avec l'univers ?  Comme ma vue qui revient lentement permettant  l'élargissement de mon champs de vision et des possibles, je crois avoir compris là ce qu'il se joue.


    La vie est trop parfaite pour nous remplir de contrariétés, ce nom ne voile que ce foutu mental qui cherche à tout contrôler. Accepter que ce non- sommeil est en fait à l'image du ici et maintenant. Accepter qu'une nouvelle page s'ouvre à moi dans l'écriture de mon être. Lâcher prise. Forcément, logiquement. Face à de telles évidences vertigineuses, il me semble normal d'être anxieuse. Accomplir un tel chemin, tout bouleverser, c'est loin d'être une voie tranquille et confortable. Je ne veux pas gâcher la tâche effectuée d'autant qu'il reste une longue route à parcourir et je ne suis qu'un être humain. Accepter aussi mes peurs, mes doutes, ces travers du passé qui désormais connus et contenus n'en finissent pourtant pas de faire partie de moi.  


    Il est maintenant 6h passées, je ne dors pas. Plus de deux heures  de trou dans le sommeil. Je retournerai au lit tout à l'heure avec l'espoir de rattraper ce manque physique. J'ai du pain sur la planche pour la journée, des trucs qui trainent et me préoccupent outre mesure, il est plus que temps de m'y atteler. Petit à petit, lentement, j'avance.


    Le hasard n'existe pas, nous sommes acteurs de nos vies, le tout est d'arriver à ouvrir nos yeux sur soi- même afin de ne pas rester prisonniers de schémas inconscients malsains. Nous ne cessons jamais d'apprendre, je suis en phase d'acceptation de mes faiblesses, de mon humanité. J'en ai fini avec le mythe de la toute puissance.  


    Tiens, j'ai faim.


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  • Longtemps, j'ai rêvé de ces greniers merveilleux où se révèlent des vieilleries porteuses d'histoires anciennes émouvantes, j'ai longtemps été envieuse de ces caves propres et pratiques où légumes et vins se conservent admirablement, où les étagères à conserves et le congélateur s'emplissent des trésors ramassés au jardin, dans les champs, les vergers, et que dire de ces buanderies où le linge lave et sèche sans envahir les pièces à vivre !  Dans cette maison, les deux existent et j'ai cru, aux chants des sirènes évoquant les possibilités.

     

    Dans le grenier, quelques vieux meubles, des rideaux, des lustres. «  Ce buffet est charmant, ce petit meuble- là peut être repeint pour s'accorder avec l'autre, nous pourrions isoler cette partie des combles pareillement à son pendant transformé en chambre par les anciens locataires. Regarde ces lustres en cristal, ils sont tellement lourds, serait- il possible de les donner ou les vendre ? Celui- là, je le verrais bien en décoration dans le couloir avec les appliques. Ce vieux lit est vraiment trop sale, et si nous le jetions aux encombrants ? Oh, et là, nous pourrions ouvrir une porte pour accéder à une terrasse aménagée au- dessus de la cuisine ! Et pourquoi n'installerais- tu pas tous tes appareils Hifi et tes haut- parleurs en aménageant un salon d'écoute ? Ou une galerie de placards intégrés pour y ranger  les objets à usage peu fréquent ? Blabla, blabla ...»

    Des idées, j'en avais, j'en avais et j'étais prête à mobiliser mes forces dans cette tâche, j'étais prête à donner encore et encore de mon temps pour faire de cet espace un lieu vivant, pratique où il pourrait profiter de sa passion imaginant même un mur entier uniquement de haut- parleurs encastrés, où nous pourrions ranger et ordonner le bazar de tous. Rien, hormis le lit et un vieux nettoyeur vapeur  cassé sont partis aux encombrants.


    J'essayais de troquer ou vendre les rideaux de velours, sans succès. Ils continuent des croupir dans le petit meuble, pour rien, petit meuble dont il a été dit qu'il était impossible à rénover (Pourquoi reste t-il là, depuis tant d'années alors ?) Le buffet adorable se remplit de cartons de haut- parleurs,  « pour ranger », mon idée n'a pas convenu, il continue de croupir lui aussi avec le superbe ensemble table et chaises en formica anciennement assortis à la magnifique cuisine dont je ne voulais pas (c'est pour rappel)

     Pour aider ma mère et ma sœur, j'ai conservé une armoire en pin  qui se remplit des décorations de Pâques et de Noël, des pelotes de laine récupérées chez sa grand -mère, tricoteuse que je suis depuis plus de 20 ans. , de quelques affaires dont je n'arrive à me défaire, symboles d'une attente d'enfant. Elle est cassée, il ne faudrait pas grand-chose pour la réparer... «  Mais pourquoi faire ? Ça sert à quoi ? Ça sert à rien ». Leitmotiv qui me fut répété pour toutes mes idées dans la maison.


    Le grenier ne bouge pas, se remplit de cartons dont les contenus m'échappent ; auparavant très organisée, j'y retrouvais systématiquement ce que je cherchais. Avec mes incapacités physiques de la maladie, tout a été laissé aux mains de la facilité immédiate et je n'ose même plus y entrer. Je demande à peine où est tel ou tel objet puisque personne ne peut me répondre. Quand j'évoque l'éventualité de le ranger, de l'organiser, le leitmotiv me revient inévitablement : «  Mais pourquoi faire ? Ça sert à quoi ? Ça sert à rien » c'est invisible aux yeux des visiteurs donc aucun intérêt d'y mettre de l'ordre. Pfffff 

     

    Au premier hiver, je l'ai déjà évoqué ici, les courants d'air et le froid envahirent la maison, transperçant le corps jusqu'aux os dans ce qui devint une souffrance pendant les mois terribles de fin 2006, au pire de la maladie. Pourquoi donc insistai-je sur l'isolation de ce toit ? «  Mais pourquoi faire ? Ça sert à quoi ? Ça sert à rien »  Bourrer l'atmosphère avec la chaleur fugace et volatile des radiateurs alimentés au fuel, chaleur fuyant par les béances omniprésentes d'une maison non isolée n'empêchant nullement les sempiternels courants d'air, c'est tellement... quoi déjà ?  

    Je ne peux décidément rien envisager des possibilités du grenier qui reste, lettre morte, entassement désorganisé d'une multitude de choses.

    Ô secours !!!!!! 

     

    Et la cave ?

     Dans le petit garage, à notre arrivée, je commençai par un rangement, trouvant des produits dangereux divers.  La déchèterie est à quelques kilomètres, avec des horaires particuliers... Envers et contre toute intelligence, ils partirent en poubelle parce que c'était trop compliqué de les ramener à la déchèterie. Et merde ! Pourquoi suis- je la seule à m'en vouloir ?

    Nous y avons mis des éléments de l'ancienne cuisine, je récupérai des planches proposant naïvement et stupidement l'aménagement d'un atelier. «  Mais pourquoi faire ? Ça sert à quoi ? Ça sert à rien » Laisse tomber ma pauvre fille ! Désormais, s'y entassent des caissons, des planches, des machines, des haut- parleurs, encore de ces choses qui m'échappent... Quelques unes de mes affaires gardées dans l'espoir d'un autre enfant, deux meubles de mon passé noyés sous les cartons et les morceaux de je-ne-sais-quoi  y apparaissent parfois. Arriverai-je à les récupérer en temps voulu ? ...

    Savez- vous que c'est moi la bordélique sans organisation ? Que c'est moi l'incapable d'avoir un intérieur rangé et net ?.... Grrrrrrr

    Au milieu, il y a la petite pièce avec la chaudière vieille de quarante ans. Mixte, elle pourrait être utilisée au fuel et au bois. «  Mais pourquoi faire ? Ça sert à quoi ? Ça sert à rien » Trop de travail avec le bois, impossible de le ranger quelque part... ben, oui, alors, pourquoi faire ?

     Cette pièce toujours chaude puisqu'elle chauffe également l'eau me parut une aubaine pour sécher le linge.  Pas question de se lancer dans des travaux pour aménager une buanderie, trop de travail et trop compliqué, bon, je veux bien, j'insistai pourtant pour y tendre des cordes à linge. Aspiration de la poussière grise omniprésente et perçage de trous. J'étais toute contente d'y descendre le linge qui y séchait en une nuit. Quel confort de ne plus supporter les étendages dans les chambres, sur les armoires, dans le salon avec un linge rarement bien séché, emmagasinant l'humidité de la maison et les odeurs inhérentes à ce séchage. Mon bonheur dura quelques mois et un jour que je pendais ma dernière lessive, j'entendis mon garçon sauter allègrement au dessus de moi. Du plafond qui nous séparait, tomba cette poussière grise fine qui ne quittait pas les lieux malgré nos tentatives désespérées. Une intuition me traversa et je me mis à poser des questions sur ces plaques présentes dans toute la cave, personne ne put/voulut me répondre. De mon propre chef, je pris contact avec un organisme spécialisé  et la visite de l'agent de prélèvement conforta mon intuition : et si c'était de l'amiante ? Les résultats furent sans appel. Je pestai de cette indifférence généralisée : « Mais comment pouvez- vous laisser cette cochonnerie en place ? Et dire que je me suis évertuée à aspirer, balayer, tendre mon linge pendant des mois dans ce trou empoisonné ! » L'agent de prélèvement le dit ouvertement, il ne fallait pas traîner dans cette cave. Rien n'y fit. Trop compliqué, trop coûteux, trop dangereux, l'amiante est toujours là et personne n'envisage de l'enlever. Le linge à sécher est revenu dans les chambres.

     Il y avait également toute la surface occupée par une grande pièce dont le sol est encore en terre battue. Super ! Rien de mieux pour conserver les carottes, les pommes de terre, les oignons, les géraniums en hiver et les bonnes bouteilles de vin. Il me prit de vouloir la vider, la ranger, l'aménager. «  Mais pourquoi faire ? Ça sert à quoi ? Ça sert à rien ». Tant pis, je commençai seule jusqu'au moment où en ouvrant la porte, je découvris trois énormes rats ventrus qui ne se gênèrent aucunement de ma présence. AAAAAhhhhhhhhh horreur ! je refermai la porte vite fait et courus annoncer la découverte.  Il mit quelque poison persuadé que j'avais mal vu, mettant en doute ma parole.  Ils ne réapparurent plus, certes mais nous eûmes droit à une odeur de cadavre pendant des semaines dans le salon, quelque bête ayant crevé dans un coin inaccessible sous le plancher. Bon, j'avais fabulé. 

    Comme les courants d'air venus du sol du salon étaient réellement trop inconfortables, il lui prit de mettre un isolant sous le plancher depuis cette pièce. Je ne dis rien quand je constatai qu'il ne le mit que sous le salon où lui passait son temps ; l'idée de nettoyer une bonne fois pour toute cette cave ne me quittait pas, je rongeai mon frein. 

    Ma voisine m'avait montré la belle cave qu'ils avaient aménagée dans leur maison ancienne. Elle raconta comment on y entrait vouté, le sol si près du plafond, comment elle avait sorti cette vieille terre pourrie par les petites lucarnes et comment son mari l'avait entièrement assainie, aménagée. Ah ça, ils pouvaient être fiers ! J'en parlais chez nous, «  Mais pourquoi faire ? Ça sert à quoi ? Ça sert à rien » Grrrrr, je décidai de commencer sans attendre sur qui que ce soit. Au premier coup de bêche, je tombai sur des cailloux et je réalisai combien ce serait trop dur pour une petite bonne femme comme moi.

    La maladie arrêta ces projets, tout comme pour le grenier. Trois ans plus tard, j'évoquai la possibilité de faire exécuter les travaux par le voisin. L'idée ne déplut pas, je le fis venir afin qu'il en évaluât le coût. Quand il entra, je remarquai son regard de  professionnel du bâtiment et il me détailla les étapes :

    - Sortir la terre, l'évacuer de la rue, peut être utiliser le marteau piqueur s'il y avait de la roche dessous pour creuser assez profond au cas où il y aurait des sources fréquentes en ces contrées, assainir le sol avec les couches nécessaires de gravier, filet spécial et dalle coulée

    - gratter les murs pour les assainir parce que trop humides et abîmés avant de les traiter

    - enlever cet isolant du plafond parce qu'il risquait de faire pourrir le plancher de la pièce au dessus.

    - mettre les sols à niveaux

    - installer un système électrique aux normes  et éventuellement un lavabo.

    En partant, il remarqua l'amiante et dit simplement qu'il fallait enlever ces dalles urgemment. Est-il utile de vous dire que le coût dépassait toutes les estimations ? «  Mais pourquoi faire ? Ça sert à quoi ? Ça sert à rien »


     

    Et il y a la fosse septique qui refoule ses odeurs de déjections à tel point que toute la maison en profite dès que nous tirons deux fois la chasse d'eau dans les toilettes du palier, il y a les inondations incessantes dès qu'il pleut et que les eaux de la rue pentue arrivent devant le garage et ses égouts constamment bouchés

     

    Finalement, cave et grenier n'ont eu pour effet que de me conforter dans mes intuitions refoulées : il était temps de fuir cette maison malsaine aux multiples possibilités. Je réfléchissais désespérément à des solutions d'échappée quand la maladie me cloua sur place ; je n'étais pas au bout de mes surprises.


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  • Avec l'expérience des déménagements incessants et les inévitables  réappropriations des lieux, je compris la nécessité de réfléchir au positionnement des meubles, un agencement bien pensé rendant la vie plus agréable. Ainsi, au déménagement de janvier 2004, j'ai coupé des petites étiquettes de chacun de mes meubles à une échelle pratique et dessiné le plan de notre appartement ; l'effort s'avéra très porteur car cet appartement fut raisonné, pensé, très agréable et équilibré, il était nôtre pleinement.

     

    Bêtement, l'arrivée dans cette maison suscita la même envie. Certes elle était grande, certes nous avions largement la place pour y mettre nos affaires, certes quelques nouveaux éléments pouvaient s'y ajouter. Certes. Toutefois, je pensais que réfléchir à nos modes de vie, nos habitudes, nos centres d'intérêt respectifs pouvait nous conduire à trouver un équilibre, une harmonie entre ces murs. Spontanément, je fis un plan de chacune des pièces à la même échelle que celle des étiquettes de mes meubles et je lui proposais d'y inclure les siens.   Ce fut à peine s'il me rit au nez, «  Mais pourquoi faire ? Ça sert à quoi ? Ça sert à rien ». Dans ma grande innocence, je lui expliquai combien il était judicieux d'y réfléchir, nous avions chacun de notre côte des vies installées, nous pouvions nous éviter des erreurs aux conséquences insidieuses, blabla. Il sourit et refusa mes propositions, gentiment. J'y réfléchis dans certaines pièces où il me laissait libre, « ça m'est égal, fais pour toi. » Cuisine, chambres, atelier, salle à manger. Je lui demandai son avis et nous eûmes quelques accords, beaucoup de rejet. Je me pliai à ces remarques ne voulant pas de conflit pour des broutilles. Les enjeux des pièces prétendument communes, hormis celles déjà évoquées ici et , se jouèrent simplement,  au plus profond de nos êtres, dans la complicité malsaine d'un schéma relationnel pourri dès le départ.

    Côté sud, il y a une longue pièce à grandes fenêtres coupée en son milieu par une léger porche ; après le récit de l'organisation des lieux au temps des grands- oncle et tante, nous convînmes d'un partage entre la salle à manger au plus près de la cuisine et le salon au fond. Mes étagères bourrées de livres, la commode assortie trouvèrent leur place malgré les difficultés liées aux prises de courant, de téléphone, d'antenne. Je me souviens de la friction engendrée par un trou à percer et des câbles à tirer, tout le monde était pourtant concerné par l'utilisation du téléphone et de l'internet.

    Il refusa catégoriquement l'installation de l'aquarium dans la salle à manger, imaginant le pire d'un tel volume d'eau et des odeurs susceptibles d'en émaner (euh... question odeur, la maison bat des records à elle- seule !).  Par la suite, ce choix nous aurait évité de nombreux désagréments quand il fallut installer la chambre en bas ; dormir pendant des mois avec cet aquarium n'a pas été très agréable, j'avoue.

    Une salle à manger étant plus opérationnelle avec table et chaises, je m'interrogeai sur le mobilier à placer entre ces murs. J'avais déjà acheté un bureau assorti aux étagères, bureau dont j'avais rêvé longtemps, bureau que la place et les moyens antérieurs ne m'avaient pas permis. Je me réjouissais de prendre des aises avec l'impression qu'accompagnée, je pouvais enfin me faire plaisir sans craindre le dangereux rouge des comptes, je me réjouissais de partager avec lui ces choix mobiliers. Cependant, il se désintéressa complètement du choix des table et chaises ; j'avais beau lui montrer quelques idées, lui demander ce qui  pouvait nous plaire, il ne s'en occupait pas. Par hasard, à la sortie d'un magasin peu coutumier aux meubles, je vis une table ovale à un prix défiant toute concurrence, je m'en enthousiasmai, lui demandai son avis. « Si elle te plait, fais comme tu veux », je crus y entendre un choix partagé et je l'achetai dans la foulée. Il la chercha, nous l'installâmes et je trouvai plusieurs semaines après des chaises en osier, par dépit dans un catalogue. Deux ans après, j'y ajoutai un vieux tapis en laine que ses parents voulaient jeter et que j'avais nettoyé vaillamment. J'en avais imaginé un autre  mais pourquoi en acheter un quand nous pouvions en récupérer un pour rien ? C'est contre ma nature.  Il rechigna, prétextant que ce n'était pas utile ; le jour où je le roulais pour cause de visite n'enlevant pas les chaussures, il me fit une scène parce que ce tapis habillait la pièce et qu'il ne voulait pas l'enlever (une vraie girouette  bougeant au gré du regard d'autres, grrr).

     Très rapidement, il ne supporta plus mon étalage de machine à coudre et tissus, mon bazar créatif; dans une bonne intention dont je ne doute pas, il se prit à vouloir me faire un meuble spécial  afin que je pusse travailler dans cette autre pièce mal définie au rez- de- chaussée. Il se donna donc cette peine et je me réjouis de cette attention touchante. J'avais désormais un espace clairement défini pour mes activités à bazar ; dans sa cohérence générale, tout débordement extérieur à cet atelier devint une intrusion qui lui tapèrent sur les nerfs insidieusement.

    Au final, dans la salle à manger, les couleurs me déplurent, c'était trop chargé surtout avec ce papier jaune aux motifs dorés (cf. les possibilités des papiers peints), ma tentative de rideaux assortis n'y changeait rien. Était- ce parce que très vite ces lieux devinrent pareillement aux autres le théâtre d'une territorialisation inconsciente des espaces détestable?

    « Je veux un coin à moi ! » clama t-il d'entrée de jeu à l'emménagement, revendiquant le salon. Aveugle et complice inconsciente de notre travers relationnels, je n'y vis aucun problème. Néanmoins, très vite, je m'agaçai. Il posa quelques gros appareils hi-fi et plusieurs paires de haut- parleurs, sa télévision, ses décodeurs, ses magnétoscope et lecteurs divers, le tapis de sa chambre de garçon ainsi que quelques éléments de cette même chambre. Il acheta une étagère sans me demander mon opinion, une table basse et un meuble de télévision dans le même style copeaux pressés recouvert papier clair que je n'aime vraiment pas d'autant que ce sont des meubles de basse qualité, qu'il a les moyens de se payer les meubles qu'il dit aimer (design, genre années 70). Incrédule, j'écarquillai les yeux quand il m'annonça qu'il voulait s'acheter un ensemble canapé-fauteuil en cuir de buffle très carré et foncé.

    Il passa des mois, des mois à traîner dans tous les magasins possibles et impossibles pour tester et chercher LE canapé qui lui conviendrait, celui de ses parents en référence absolue-sauf la couleur. Grrrrrr, qu'est- ce qu'il m'énerva !!! Je n'en pouvais plus de le voir chicaner pour tout et rien, aller- et -venir sans fin. Au bout de plusieurs mois, je lâchai mon agacement et lui dis ouvertement que ce qu'il voulait n'allait ABSOLUMENT pas avec les meubles qu'il avait installés dans SON salon. Il se renfrogna quelques instants sous des airs faussement désinvoltes et finit par acheter un canapé en tissu nettement moins cher et moins décalé d'avec les meubles.  Je n'ai décidément rien compris de cet épisode.

    Au fur et à mesure de la cohabitation, terme des plus appropriés en ces circonstances, ce salon me devint insupportable. Très vite, il me reprocha les affaires que j'y laissai, entre ouvrages à lire et travaux manuels, il reprocha au fiston de s'y étaler, criant et pestant quand nous posions nos pieds nus sur le canapé ou le fauteuil, interdisant la moindre consommation liquide ou solide dans cette pièce... sauf quand nous avions de la visite et qu'il décidait d'y prendre ses apéros ou qu'il y mangeait ses desserts personnels. Il nous reprochait sans cesse de lui abîmer ses affaires, d'avoir cassé une roue de la table basse en nous asseyant dessus, d'avoir tâché son tapis et son canapé, d'être incapables de prendre soin des mobiliers. Je ne comprenais pas quand il laissait entrer ses invités en chaussures alors que je suis de ceux qui ne supportent pas les chaussures à l'intérieur, surtout pas sur les tapis. Y aurait-il des chaussures venues de l'extérieur toujours propres et des pieds d'intérieur toujours sales ? Finalement, je compris que ce qui importe est l'intégration du propriétaire des pieds dans l'univers intime de monsieur, les nôtres éternellement sales, ceux de sa famille (dont forcément nous ne sommes pas) éternellement propres.

    La cerise sur le gâteau arriva il y a peu quand mon désir de quitter cette maison devint une évidence. Par mes revenus, mes possibilités matérielles, je sais pertinemment que dans un appartement à ma portée,  la place risquerait d'être restreinte, certains meubles n'y trouveraient pas leur place, des choix se feraient malgré moi. Je lui parlai des affaires que je risquerais de laisser, des échanges envisageables, de ce dont il pourrait allègrement profiter seul dans ces cinq pièces. Et là, après des années de silence sur le sujet, il m'expliqua qu'il n'aimait ni la table de la salle à manger, ni les chaises, ni le tapis, qu'il ne les avait jamais aimés et qu'il ne voulait pas les garder, je n'avais qu'à me débrouiller.  !!!!!!!!!!!! «  Mais pourtant, je croyais que nous les avions choisis ensemble ? » articulai- je péniblement. «  Et ben non, je t'ai laissé choisir parce que ça te plaisait. ».

    Finalement, la salle à manger est une simple réserve où s'entassent mes  affaires « intellectuelles », elle prend trois ou quatre fois dans l'année un air de fête, le bureau est occupé par son ordinateur et je ne l'utilise pas, le salon est un bric-à- brac  musical  sans style, plus proche de l'entrepôt que du salon, mon garçon et moi n'y passons que le temps de regarder quelques séries télévisuelles ou films de temps en temps. Absence totale de partage et d'ergonomie, les éléments y sont entassés  sans logique. Quand il rentre et nous y trouve, il nous fait comprendre que nous avons à déguerpir, que c'est à lui d'occuper les lieux. Ses soirées et dimanches se passent entre son canapé télé/ écoute musicale et le bureau internet pour chercher des appareils hifi.  fiston et moi nous réfugions dans ce qui est l'atelier case bordel ; spontanément, l'air de rien, désormais, dans les dénominations du fiston, il y a son salon et mon salon...

     

    C'est qui déjà qui sait faire tout ce qu'il faut quand il faut et comme il faut ? Nous  savons depuis belle lurette que ce n'est pas moi. 

     

     


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  • Avec les papiers peints et leurs possibilités (voir ici), j'évoquai déjà la salle de bains. Pourtant, ce ne fut pas le seul révélateur d'enjeux inconscients, les sanitaires devinrent rapidement les prétextes à des scènes effarantes de non- dits, mésaventures entre cuvettes des toilettes et baignoire de bas étages et d'égouts.

    Au sol, le carrelage criait avec le reste de la pièce et j'évoquai l'éventualité de carreler par-dessus.

    - C'est trop compliqué, il faudrait raboter la porte, se casser la tête pour faire le niveau avec le couloir.

    - Il existe des peintures spéciales, il suffirait de les peindre en blanc..

    - Ah, non, c'est du sale travail et ça ferait vraiment bricolage mal fichu. Je vais  poser un lino par-dessus.

    - ola, attention aux joints ! Nous avions fait ça chez ma mère et du coup, l'eau s'est infiltrée dessous, tout a été abîmé sans que nous en apercevions

    - Oh, mais non !

    Il posa son bout de lino, et je m'évertuai à coller les joints en plastique autocollants qu'il ramena peu à peu. J'attendis un an avant d'avoir le tour complet et ce fut encore moi qui m'y coltina tout comme pour le recollage des carreaux décollés du mur (mais bon, c'était derrière l'armoire et personne ne le voyait, donc, pas important pour lui).

    Après les travaux de peinture en 2004, la baignoire se révéla très abimée et sale. L'émail était devenu rugueux, poreux, absorbant toutes les taches, toutes les traces. Fiston et moi, amateurs aléatoires et sporadiques de bain nous y raclions l'arrière train en glissant sur ce fond brut et il m'arriva souvent de m'ouvrir la peau des fesses (et oui, de porcelaine et fine est ma peau délicate). Quelle drôle d'idée avions- nous de nous baigner d'ailleurs ?  La douche suffisait ; « Chez nous, ça fait longtemps que plus personne ne prend de bain ». Blablabla, ils sont la référence absolue dans le savoir- vivre et ce foutu schtroumpf à lunettes nous barbe ! J'ai passé des années de lutte acharnée à chercher des solutions pour la rénover, pour la nettoyer, rien n'y fit. A la brosse, à l'éponge à récurer, à l'éponge fine, à la microfibre, au gel javellisé, à l'anticalcaire, à la poudre, au vinaigre et bicarbonate, au produit en bombe, au produit wc..... j'y ai usé mes doigts et mon dos, EN VAIN ! Poser une autre cuve par-dessus l'ancienne, la repeindre avec des peintures spéciales ? Blablabla, c'est trop compliqué, il faut tout arracher, il faut tout changer... j'enrageais, j'enrageais. Et avec un bébé, je ferais quoi, heim ? Je le baignerais dans cette poubelle ?? Pas de bébé et aucune réaction de personne. Statut quo habituel. 

    Lourdement handicapée par la maladie, la toilette dans la baignoire devint un calvaire puis impossible.  Maud fit sa visite d'ergo pour évaluer les aménagements nécessaires, l'éventualité de refaire entièrement la salle de bains fut proposée avec financement.. «  Tu remarcheras ! » affirma t-il en terme de refus quand ses parents- propriétaires en acceptaient l'idée. Heureusement, j'ai pu retrouver mes capacités motrices après des mois de galère.

    Quatre ans plus tard, une visite d'une de ses tantes fut un déclic. Comme il lui faisait visiter la maison en la présentant si merveilleuse, je me mis en colère. Devant la porte de la salle de bains, il fit barrage afin qu'elle ne vît pas son état. Amatrice des salles de bains, peut être, elle le taquina et entra malgré tout. Je la précédai et fis voler le rideau de douche qu'il avait tendu pour cacher la misère. Coup d'éclat et grosse scène ! Comment pouvais- je me permettre de me comporter ainsi ? Il était outré ; je lui répliquai qu'il n'était nullement gêné de nos bains depuis 4 ans là- dedans, pourquoi se gêner de la montrer ?  Tant pis pour la scène, il m'importait uniquement que ces travaux se fassent par respect pour NOUS TOUS.  A l'été 2008, je partis quelques jours avec mon garçon dans les Vosges et il s'y mit.

     

    Ah, ça, j'ai eu droit à son dur labeur : poncer la baignoire en inhalant les poussières toxiques, poser la nouvelle résine, arracher le vieux lino pourri dessous à cause de l'eau qui s'y était infiltrée (Ah ? Tiens... mais bon,  c'était notre faute étant donné que nous sommes incapables de nous laver sans tout éclabousser), fixer les nouveaux meubles et lavabo, mettre le joint en silicone entre murs et sol, etc.  Il a fait du bon boulot, c'est certain, elle ressemble enfin à une pièce correcte. Cependant, nous étions à peine rentrés que les finitions s'arrêtèrent. Finie la rénovation ! Stoppés le changement des robinets, de la prise de la machine à laver, finie la suite des meubles. Serions- nous un frein à ses entreprises ?

    Plusieurs semaines plus tard, je nettoyais les sanitaires lorsqu'il se mit à juger mes manières : «  Je me casse les pieds à refaire la salle de bains et toi, tu passes ton temps à tout abîmer et rayer ! ». Olala, je suis partie dans une fureur noire ! «  Mais si ça ne te plait pas, pourquoi tu ne le fais pas toi- même ? Pourquoi n'es- tu pas capable de me le dire autrement ?» Grrrrrrrrrrrrrrr

    Evidemment, je me suis renseignée, évidemment j'ai vu que les récurages ne sont pas bons pour les sanitaires et évidemment, j'ai changé mes procédés. A aucun moment, il n'a nettoyé les sanitaires et alors que je suis malvoyante et handicapée, c'est encore moi qui vois les saletés, qui me tords le dos et les mains à frotter avec la microfibre et du vinaigre au bicarbonate.  Là franchement, je me dis que je suis très très conne.

    Les toilettes ne sont pas en reste et couronnent ce tour désastreux des sanitaires. Il y en a deux, une sur le palier avec évacuation dans la fosse sceptique, un autre avec un broyeur dans la salle de bains.

    D'abord, il a enlevé toutes les clefs, arraché le verrou au palier pour que le fiston ne s'y enferme pas en cas de crise (il est colérique ce p'tit, je sais).  Il entre à sa guise dans la salle de bains quand nous y sommes et entre dans une colère noire quand le fiston le dérange alors que ce sont les seules toilettes qu'il lui autorise puisqu'il est soit- disant incapable de tirer la chasse d 'eau comme il faut. Entre intrusion et non respect de l'intimité, il ne reconnait pas ses incohérences contradictoires.

     Longtemps, il a pesté contre le broyeur, cet engin affreux qui moud du caca et du papier plein de pipi,  une horreur pour un obsessionnel d'autant que ses odeurs remontent par la baignoire. Il s'imagine des bourrage quasi intentionnels pour boucher la tuyauterie parce que nous sommes incapables de faire comme il faut quand il faut. . Pourtant, les toilettes du palier posaient un problème tout autant tragique : tirer deux fois la chasse sur une journée et tous les effluves de la fosse remontent dans la maison, nous inondant des odeurs des déjections et eaux sales. Combien de sermons sur l'art de tirer la chasse d'eau furent lancés à l'encontre des enfants ? Combien d'ordres contradictoires à quelques heures d'intervalles nous avons entendus pour permettre la bonne évacuation de nos déjections ? Comment s'étonner finalement que mon garçon finisse par aller uriner dehors ?  Je m'en suis arrachée des cheveux à ne plus savoir où aller, je me suis révoltée devant tant de contradictions : parce qu'en plus, ce sont nos déjections qui puent et non les siennes. Non mais, de qui se moque t- on ? Et je ne vous parle pas des remarques sur mon incapacité à contrôler les allers-et- venues aux toilettes des visiteurs... une belle histoire de merde, je vous le dis !

    Au bout du compte, heureusement que le broyeur était là quand j'allais mal, heureusement que je pouvais entrer dans la salle de bains en fauteuil roulant, heureusement, que je résistais pour continuer à me laver, malgré tout parce qu'il était question de ma dignité.

     Dans cette salle de bains, il me porta, me lava, me déshabilla, m'habilla, me ramassa, me soutint dans des actes peu ragoutants; je voyais dans tous ces actes une abnégation absolue, un d'amour total, les larmes me montaient souvent aux yeux devant ce qu'il supportait et je lui vouais une reconnaissance absolue. Cependant, des mois après les pires périodes de la maladie, l'expérience et les connaissances acquises m'amenèrent à soulever certaines questions pratiques auxquelles nous n'avions pas pensé en ces périodes si dures, solutions qui nous auraient évité, à tous les deux, certaines épreuves douloureuses. Sa réaction me figea de l'intérieur, je réalisai avec effroi que ces gestes d'accompagnement n'avaient pas l'abnégation que je leur prêtai, il voulait seulement contrôler «  pour que tu n'en mettes pas partout ». Ses obsessions étaient -elles donc plus fortes que son affection pour moi ? C'est une baffe des plus mémorables dont je ne reviens pas.

     

     Maintenant, je vais et viens sur deux jambes, mon fils et moi utilisons les toilettes du bas et lui, reste le seul à utiliser les toilettes du palier... parce qu'il est le seul à savoir y tirer la chasse d 'eau, n'y tolérant pas même des invités de passage. La territorialisation des espaces est explicite désormais, pour moi, en tout cas.  Lui s'offusquerait de lire mes ensorcellements .

    Tant de petites anecdotes me traversent l'esprit, je pourrais en relater tant et tant ,finalement, j'en suis fatiguée. A quoi bon ? La territorialisation inconsciente des territoires se conjugue à l'insupportabilité de l'autre.  Nos saletés (celles inhérentes à la vie tout bêtement) sont les marques de notre place sur le territoire et ici, dans cette maison, elles sont devenues rapidement insupportables. J'en arrive à penser que nous sommes tolérés sur le territoire d'autres, qu'inconsciemment, nous sommes des étrangers au clan ; de toute façon,  notre étrangeté est clairement dite et le rejet s'était déjà exprimé avec la terrible gentillesse des bien- pensants sincères croyant faire ce qu'il faut, comme il faut, quand il faut.

    Et merde...

     


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  • J'avais envie aujourd'hui de mettre deux créations humaines en parallèle. Très lointaines dans le temps, comme dans les circonstances, elles évoquent pourtant pour moi un sentiment personnel.

    Je suis une perpétuelle révoltée contre tout ce qui anéantit la beauté du monde et des humains.je ne me soumets pas à ce qui est stérile, destructeur comme les soit- disant règles de savoirs- vivre et les hypocrisies sociales. Je n'accepte pas les injustices, la vanité de ceux qui se croient être si importants, la lâcheté des bien -pesants. Certainement que mon histoire familiale y est pour quelque chose, je suis descendante d'ouvriers communistes, héhé. Ma révolte ne m'empêche pas de comprendre profondément l'acceptation, la nécessité de se détacher, de prendre du recul, pour réfléchir, pour méditer, se libérer.  Faire le ménage en soi change le monde autour de soi, inévitablement.

    Les bouddhistes tibétains luttent âprement depuis des décennies, subissant la torture et la répression tout en pratiquant la méditation et le détachement. Gandhi a conduit l'Inde à l'indépendance par la non- violence. Je crois en la capacité à changer le monde sans entrer dans la lutte guerrière ou les tractations de bas étages entre politiques avides majoritairement de  pouvoir  et d'importance personnels. Alors, aussi ténu, invisible et ridicule que cela paraisse, je vis mon engagement dans chacun des actes de mon quotidien :

    - Des choix alimentaires réfléchis, écolonomiques

    - A l'homéopathie depuis plus de 10 ans (sauf avec la maladie de Devic, inévitablement, encore qu'elle m'évite de nombreux travers consécutifs aux traitements et séquelles)

    - une vie sobre, non consommatrice des miroirs aux alouettes posés en modèle ou besoins prétendument nécessaires... ce qui est loin de rendre la vie au collège de mon fils facile. Vous rendez- vous compte ? Il n'a aucune affaire de marque, aucun gadget à la mode. J'aime à lui raconter comment Michel Serre explique dans son livre déjà évoqué ici qu'autrefois, les sociétés payaient des hommes pour se promener avec des marques ( les hommes sandwich), maintenant, les gens paient pour porter des marques ( !!!!!) . Il comprend et est plutôt atterré de l'inconscience de ses camarades.

    - la solidarité en règle fondamentale de vie par des petits ou des grands riens, la tolérance et l'ouverture aux autres d'où qu'ils viennent (la multitude, des couleurs, des religions, des nationalités, des milieux sociaux de mon entourage vous étonnerait), le don en toute occasion.

    - Un travail- sacerdoce n'apportant rien de ce que notre société pose en modèle de réussite  mais d'une richesse humaine incommensurable tant  donnée que  reçue


     L'authenticité en toute chose, je vous le dis et voilà pourquoi certains me trouvent insupportable, je suis le reflet de leur incapacité à être authentiques.


    Pourquoi s'agiter, réfléchir, se mettre constamment en danger quand la vie est si rassurante et confortable dans le ron ron d'un quotidien centré uniquement sur la satisfaction immédiate de désirs devenus fades et faciles d'accès par le jeu de la volonté consumériste?

    Parce que je veux pouvoir me regarder en face chaque jour, mourir en me disant que j'ai fait selon ma conscience, mes ressentis et non torturée par les remords de mes lâchetés à cause d'angoisses chimériques ou de peurs délirantes. Parce que je ne veux pas en arriver à dire que je savais et que je n'ai rien fait, tournant la tête ou restant bouche bée les bras ballants.


    Et je me trompe, et ma vie est jalonnée de galères, et je suis dure, et je ne possède pas grand-chose, et je mets souvent mal à l'aise, et certains finissent par me détester, et beaucoup ne me comprennent pas, ...

    Tant pis, parce que je suis VIVANTE et trop nombreux sont ceux qui ont oublié de l'être. Malade, handicapée, sans propriété immobilière, ni belle voiture, ni terre, ni assurance- vie accident ou autres, sans mari, sans chien ou chat, sans écran plat, sans meuble de style, ni vêtements à la mode ( les miens ont une espérance de vie de dix ans en moyenne et en prime, je les recycle quand c'est possible)... je regarde avec compassion ces vies  confortables où s'endorment les consciences, les vies proprettes en surface, ces vies  pleines de vides ouvertes seulement sur les écrans où se jouent les jeux du cirque moderne, les hypocrisies des nantis à faire de la charité quand ils expliquent le plus sincèrement du monde aux moins favorisés ce qui est essentiel dans la vie ou comment travailler sur soi pour sortir de la misère et/ ou des problèmes.


    Bref, je parle encore trop et mes deux créations humaines se font attendre.


    Le premier est pour ne pas oublier nos responsabilités respectives, les liens qui nous unissent qu'on le veuille ou non.

    Le deuxième pour crier que chaque être est important, riche et capable d'enchanter le monde, que personne ne peut être considéré nul ou inutile.


    1.  Texte attribué au pasteur Niemöller, écrit à Dachau en 1942


    Quand ils sont venus chercher les communistes
    Je n'ai rien dit
    Je n'étais pas communiste.

    Quand ils sont venus chercher les syndicalistes
    Je n'ai rien dit
    Je n'étais pas syndicaliste.

    Quand ils sont venus chercher les juifs
    Je n'ai rien dit
    Je n'étais pas juif.

    Quand ils sont venus chercher les catholiques
    Je n'ai rien dit
    Je n'étais pas catholique.

    Puis ils sont venus me chercher

    Et il ne restait plus personne pour protester.

     


    Forcément, je ne peux que continuer à réfléchir et ouvrir ma bouche quand le jeu sournois du bon comportement à avoir est là à se pavaner ou à faire la morale sur ce que chacun DOIT faire ou comment.

    Ouvrir ma bouche pour ne pas être complice de la destruction.


    2.    Björk, Declare independence (attention, ça pulse!)

     

     

     

     


    Declare independence!
    Don't let them do that to you!
    Declare independence!
    Don't let them do that to you!

    Declare independence!
    Don't let them do that to you!
    Declare independence!
    Don't let them do that to you!
    Justice

    Start your own currency!
    Make your own stamp
    Protect your language

    Declare independence
    Don't let them do that to you
    Declare independence
    Don't let them do that to you

    [x4] Make your own flag!

    [x6] Raise your flag! (Higher, higher!)

    Declare independence!
    Don't let them do that to you!

    Declare independence!
    Don't let them do that to you!

    Damn colonists

    Ignore their patronizing
    Tear off their blindfolds
    Open their eyes

    Declare independence!
    Don't let them do that to you!
    Declare independence!
    Don't let them do that to you!

    With a flag and a trumpet
    Go to the top of your highest mountain!

    And raise your flag! (Higher, higher!)
    [x5] Raise your flag! (Higher, higher!)

    Declare independence!
    Don't let them do that to you!
    Declare independence!
    Don't let them do that to you!

    Raise the flag!

     


    Où cours tu ? Ne sais -tu pas que le ciel est en toi ?  écrivait Christiane Singer

    J'ajouterai seulement que nous possédons tous la capacité de faire de nos vies un enchantement, profitable en soi, autour de soi et très très loin.


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