• Possibilités des salon et salle à manger.

    Avec l'expérience des déménagements incessants et les inévitables  réappropriations des lieux, je compris la nécessité de réfléchir au positionnement des meubles, un agencement bien pensé rendant la vie plus agréable. Ainsi, au déménagement de janvier 2004, j'ai coupé des petites étiquettes de chacun de mes meubles à une échelle pratique et dessiné le plan de notre appartement ; l'effort s'avéra très porteur car cet appartement fut raisonné, pensé, très agréable et équilibré, il était nôtre pleinement.

     

    Bêtement, l'arrivée dans cette maison suscita la même envie. Certes elle était grande, certes nous avions largement la place pour y mettre nos affaires, certes quelques nouveaux éléments pouvaient s'y ajouter. Certes. Toutefois, je pensais que réfléchir à nos modes de vie, nos habitudes, nos centres d'intérêt respectifs pouvait nous conduire à trouver un équilibre, une harmonie entre ces murs. Spontanément, je fis un plan de chacune des pièces à la même échelle que celle des étiquettes de mes meubles et je lui proposais d'y inclure les siens.   Ce fut à peine s'il me rit au nez, «  Mais pourquoi faire ? Ça sert à quoi ? Ça sert à rien ». Dans ma grande innocence, je lui expliquai combien il était judicieux d'y réfléchir, nous avions chacun de notre côte des vies installées, nous pouvions nous éviter des erreurs aux conséquences insidieuses, blabla. Il sourit et refusa mes propositions, gentiment. J'y réfléchis dans certaines pièces où il me laissait libre, « ça m'est égal, fais pour toi. » Cuisine, chambres, atelier, salle à manger. Je lui demandai son avis et nous eûmes quelques accords, beaucoup de rejet. Je me pliai à ces remarques ne voulant pas de conflit pour des broutilles. Les enjeux des pièces prétendument communes, hormis celles déjà évoquées ici et , se jouèrent simplement,  au plus profond de nos êtres, dans la complicité malsaine d'un schéma relationnel pourri dès le départ.

    Côté sud, il y a une longue pièce à grandes fenêtres coupée en son milieu par une léger porche ; après le récit de l'organisation des lieux au temps des grands- oncle et tante, nous convînmes d'un partage entre la salle à manger au plus près de la cuisine et le salon au fond. Mes étagères bourrées de livres, la commode assortie trouvèrent leur place malgré les difficultés liées aux prises de courant, de téléphone, d'antenne. Je me souviens de la friction engendrée par un trou à percer et des câbles à tirer, tout le monde était pourtant concerné par l'utilisation du téléphone et de l'internet.

    Il refusa catégoriquement l'installation de l'aquarium dans la salle à manger, imaginant le pire d'un tel volume d'eau et des odeurs susceptibles d'en émaner (euh... question odeur, la maison bat des records à elle- seule !).  Par la suite, ce choix nous aurait évité de nombreux désagréments quand il fallut installer la chambre en bas ; dormir pendant des mois avec cet aquarium n'a pas été très agréable, j'avoue.

    Une salle à manger étant plus opérationnelle avec table et chaises, je m'interrogeai sur le mobilier à placer entre ces murs. J'avais déjà acheté un bureau assorti aux étagères, bureau dont j'avais rêvé longtemps, bureau que la place et les moyens antérieurs ne m'avaient pas permis. Je me réjouissais de prendre des aises avec l'impression qu'accompagnée, je pouvais enfin me faire plaisir sans craindre le dangereux rouge des comptes, je me réjouissais de partager avec lui ces choix mobiliers. Cependant, il se désintéressa complètement du choix des table et chaises ; j'avais beau lui montrer quelques idées, lui demander ce qui  pouvait nous plaire, il ne s'en occupait pas. Par hasard, à la sortie d'un magasin peu coutumier aux meubles, je vis une table ovale à un prix défiant toute concurrence, je m'en enthousiasmai, lui demandai son avis. « Si elle te plait, fais comme tu veux », je crus y entendre un choix partagé et je l'achetai dans la foulée. Il la chercha, nous l'installâmes et je trouvai plusieurs semaines après des chaises en osier, par dépit dans un catalogue. Deux ans après, j'y ajoutai un vieux tapis en laine que ses parents voulaient jeter et que j'avais nettoyé vaillamment. J'en avais imaginé un autre  mais pourquoi en acheter un quand nous pouvions en récupérer un pour rien ? C'est contre ma nature.  Il rechigna, prétextant que ce n'était pas utile ; le jour où je le roulais pour cause de visite n'enlevant pas les chaussures, il me fit une scène parce que ce tapis habillait la pièce et qu'il ne voulait pas l'enlever (une vraie girouette  bougeant au gré du regard d'autres, grrr).

     Très rapidement, il ne supporta plus mon étalage de machine à coudre et tissus, mon bazar créatif; dans une bonne intention dont je ne doute pas, il se prit à vouloir me faire un meuble spécial  afin que je pusse travailler dans cette autre pièce mal définie au rez- de- chaussée. Il se donna donc cette peine et je me réjouis de cette attention touchante. J'avais désormais un espace clairement défini pour mes activités à bazar ; dans sa cohérence générale, tout débordement extérieur à cet atelier devint une intrusion qui lui tapèrent sur les nerfs insidieusement.

    Au final, dans la salle à manger, les couleurs me déplurent, c'était trop chargé surtout avec ce papier jaune aux motifs dorés (cf. les possibilités des papiers peints), ma tentative de rideaux assortis n'y changeait rien. Était- ce parce que très vite ces lieux devinrent pareillement aux autres le théâtre d'une territorialisation inconsciente des espaces détestable?

    « Je veux un coin à moi ! » clama t-il d'entrée de jeu à l'emménagement, revendiquant le salon. Aveugle et complice inconsciente de notre travers relationnels, je n'y vis aucun problème. Néanmoins, très vite, je m'agaçai. Il posa quelques gros appareils hi-fi et plusieurs paires de haut- parleurs, sa télévision, ses décodeurs, ses magnétoscope et lecteurs divers, le tapis de sa chambre de garçon ainsi que quelques éléments de cette même chambre. Il acheta une étagère sans me demander mon opinion, une table basse et un meuble de télévision dans le même style copeaux pressés recouvert papier clair que je n'aime vraiment pas d'autant que ce sont des meubles de basse qualité, qu'il a les moyens de se payer les meubles qu'il dit aimer (design, genre années 70). Incrédule, j'écarquillai les yeux quand il m'annonça qu'il voulait s'acheter un ensemble canapé-fauteuil en cuir de buffle très carré et foncé.

    Il passa des mois, des mois à traîner dans tous les magasins possibles et impossibles pour tester et chercher LE canapé qui lui conviendrait, celui de ses parents en référence absolue-sauf la couleur. Grrrrrr, qu'est- ce qu'il m'énerva !!! Je n'en pouvais plus de le voir chicaner pour tout et rien, aller- et -venir sans fin. Au bout de plusieurs mois, je lâchai mon agacement et lui dis ouvertement que ce qu'il voulait n'allait ABSOLUMENT pas avec les meubles qu'il avait installés dans SON salon. Il se renfrogna quelques instants sous des airs faussement désinvoltes et finit par acheter un canapé en tissu nettement moins cher et moins décalé d'avec les meubles.  Je n'ai décidément rien compris de cet épisode.

    Au fur et à mesure de la cohabitation, terme des plus appropriés en ces circonstances, ce salon me devint insupportable. Très vite, il me reprocha les affaires que j'y laissai, entre ouvrages à lire et travaux manuels, il reprocha au fiston de s'y étaler, criant et pestant quand nous posions nos pieds nus sur le canapé ou le fauteuil, interdisant la moindre consommation liquide ou solide dans cette pièce... sauf quand nous avions de la visite et qu'il décidait d'y prendre ses apéros ou qu'il y mangeait ses desserts personnels. Il nous reprochait sans cesse de lui abîmer ses affaires, d'avoir cassé une roue de la table basse en nous asseyant dessus, d'avoir tâché son tapis et son canapé, d'être incapables de prendre soin des mobiliers. Je ne comprenais pas quand il laissait entrer ses invités en chaussures alors que je suis de ceux qui ne supportent pas les chaussures à l'intérieur, surtout pas sur les tapis. Y aurait-il des chaussures venues de l'extérieur toujours propres et des pieds d'intérieur toujours sales ? Finalement, je compris que ce qui importe est l'intégration du propriétaire des pieds dans l'univers intime de monsieur, les nôtres éternellement sales, ceux de sa famille (dont forcément nous ne sommes pas) éternellement propres.

    La cerise sur le gâteau arriva il y a peu quand mon désir de quitter cette maison devint une évidence. Par mes revenus, mes possibilités matérielles, je sais pertinemment que dans un appartement à ma portée,  la place risquerait d'être restreinte, certains meubles n'y trouveraient pas leur place, des choix se feraient malgré moi. Je lui parlai des affaires que je risquerais de laisser, des échanges envisageables, de ce dont il pourrait allègrement profiter seul dans ces cinq pièces. Et là, après des années de silence sur le sujet, il m'expliqua qu'il n'aimait ni la table de la salle à manger, ni les chaises, ni le tapis, qu'il ne les avait jamais aimés et qu'il ne voulait pas les garder, je n'avais qu'à me débrouiller.  !!!!!!!!!!!! «  Mais pourtant, je croyais que nous les avions choisis ensemble ? » articulai- je péniblement. «  Et ben non, je t'ai laissé choisir parce que ça te plaisait. ».

    Finalement, la salle à manger est une simple réserve où s'entassent mes  affaires « intellectuelles », elle prend trois ou quatre fois dans l'année un air de fête, le bureau est occupé par son ordinateur et je ne l'utilise pas, le salon est un bric-à- brac  musical  sans style, plus proche de l'entrepôt que du salon, mon garçon et moi n'y passons que le temps de regarder quelques séries télévisuelles ou films de temps en temps. Absence totale de partage et d'ergonomie, les éléments y sont entassés  sans logique. Quand il rentre et nous y trouve, il nous fait comprendre que nous avons à déguerpir, que c'est à lui d'occuper les lieux. Ses soirées et dimanches se passent entre son canapé télé/ écoute musicale et le bureau internet pour chercher des appareils hifi.  fiston et moi nous réfugions dans ce qui est l'atelier case bordel ; spontanément, l'air de rien, désormais, dans les dénominations du fiston, il y a son salon et mon salon...

     

    C'est qui déjà qui sait faire tout ce qu'il faut quand il faut et comme il faut ? Nous  savons depuis belle lurette que ce n'est pas moi. 

     

     

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  • Commentaires

    1
    Je transfère
    Dimanche 11 Août 2013 à 21:35

    Commentaires

    Petit coucou du Mexique...
    Tout va bien
    Commentaire n°1 posté par Annie le 30/04/2009 à 16h59
    Quelle joie de te lire!
    merci
    Réponse de fée des agrumes le 04/05/2009 à 13h17
    Coucou! Je suis bien rentrée à Lyon :-) Je suis super contente de ce week-end, faudra qu'on remette ça!
    (c'est fou comme Stéphane me rappelle mon père...)
    Commentaire n°2 posté par coq le 03/05/2009 à 11h04
    " Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rencontres"
    Réponse de fée des agrumes le 04/05/2009 à 13h37
    je reviendrai te lire plus tranquillement et rattraper mon retard cette semaine, mais je passe en vitesse te faire des bisous, juste des bisous, et te remercier de ta présence ce weekend
    à très bientôt   ;)
    Commentaire n°3 posté par mariev le 03/05/2009 à 23h09
    Pourquoi me remercier? je suis tellement contente d'être venue.
    Savoir recevoir, c'est aussi savoir donner.
    Réponse de fée des agrumes le 04/05/2009 à 18h37
     
    Eh beh, vive la cohabitation dans ces conditions ! Cela ressemble plus à une (mauvaise) co-location qu'à un emménagement commun : je comprends que tu veuilles vivre dans un environnement plus chaleureux...

    Bon courage.

    Sinon, je me suis reconnue découpant meubles à l'échelle quand nous habitions un tout petit appartement, mal fichu de surcroit.
    Ainsi, j'avais réussi à tout installer, au centimètre près.

    Maintenant, j'ai le plaisir (ainsi que les 2 hommes de la maison) de changer la disposition des meubles (légers) de temps en temps : chacun donne son avis sur le résultat.
    Commentaire n°4 posté par cybione le 04/05/2009 à 12h47
    L'art de vivre ENSEMBLE, simplement.
    Réponse de fée des agrumes le 04/05/2009 à 18h37
    J'étais venu lire ton blog plusieurs fois déjà, sans pourtant commenter.
    Enfin, je me lance.
    J'aime beaucoup la manière dont tu dresses de façon impressioniste, par petites touches, un étrange tableau de ta vie, ton couple, ta (enfin tes) maisons. Il me rappelle par certains aspect une partie du roman Extrêmement fort et incroyablement près dans lequel un couple territorialise leur appartement autant que leurs esprits.
    Je sais bien que c'est un cheminement, mais il est raide, acide, dérangeant. Mais n'est-ce pas là le propos de ton blog. Tu ne te surnomme pas Fée des agrumes pour rien !
    Commentaire n°5 posté par Oliv Kronsilds le 04/05/2009 à 23h37
    Merci pour ces quelques mots, j'apprécie vraiment ces eaux portées à mon moulin.
     Les passagers silencieux me titillent toujours, qui sont-ils? que pensent-ils?
    Je salue leur courage à lire mes longs articles tortueux hihi.
    Je ne connais pas ce livre. Encore un à ajouter à ma looooooonnnnnngue liste de lecture qui se remplit sans cesse. Groumpf, pourquoi ne puis-je me contenter d'avaler les émissions débiles de la télé?
    Le surnom est tout à fait approprié à ma personnalité: acide et dérangeante, héhé. M'enfin, j'ai averti d'entrée de jeu à l'accueil.
    .
    Réponse de fée des agrumes le 05/05/2009 à 11h57
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