• Possibilités des chambres 1.

    A l'étage, se trouvent  le grenier déjà évoqué et deux chambres. L'une est de forme standard avec une fenêtre orientée sud et la seconde, une grande pièce au sol, aménagée dans un grenier par les anciens locataires avec une petite fenêtre orientée à l'est, deux côtés sont largement mansardés et une poutre traverse celui de droite.

    Lors de la première visite de la maison, j'observai la grande surface de ces pièces et les papiers douteux mal posés.  Sans revendiquer quoi que ce fût, j'écoutais  les remarques et réflexions quant à la répartition des chambres. Certes, mon garçon eut pu bénéficier d'un immense espace tout à lui pour y inventer son univers en répartissant un coin dodo, un autre pour jouer et un dernier pour travailler, la petite chambre standard m'avait parue largement suffisante pour des adultes. L'inverse fut décrété « parce qu'il n'y a pas de raison à ce que l'enfant ait plus que les adultes ». Ma foi, pensai-je, il sera très content avec celle-là, il n'en a jamais eu d'aussi grande.

     La chambre attribuée au fiston ne fut pas spécialement le théâtre de conflits  inconscients car elle fut dévolue explicitement au même titre que la pièce du rez- de- chaussée devenue mon atelier. Tant que nous ne touchons pas aux biens non déménageables  appartenant clairement aux propriétaires, nous pouvons en jouir à notre guise sans crainte de jugement.  Ainsi, en lutte perpétuelle contre le fatalisme et la fatigue ambiants des travaux de l'été 2004, je résistai ardemment pour en changer les papiers peints. Je pris tout en charge seule puisque ma décision était jugée exagérée et inappropriée. Je  découvris avec exaspération qu'ici, comme dans la cuisine, se trouvaient deux papiers l'un par-dessus l'autre malgré la parole donnée des anciens locataires d'avoir enlevé l'ancien. Ce dernier par ailleurs était moisi et dans ce désagrément, je trouvai avec plaisir la facilité de le décoller. Décollage, peinture,,recollage, je ne me souviens plus des circonstances des travaux, mon obstination mal supportée prend toute la place dans ma mémoire.

     La chambre devint une belle pièce d'autant que je confectionnai des rideaux avec de la toile de jeans épaisse pour occulter la lumière : le volet extérieur en bois était tellement branlant qu'il était quasiment impossible d'espérer en profiter sans qu'il ne se décomposât lui- même. Il fut d'ailleurs jeté à bas quand le sapin du jardin fut abattu en 2007, il contribuait allègrement à l'image d'une façade de maison abandonnée (le qu'en-dira-t-on en meneur absolu)

    Cinq ans sans volet s'écoulèrent pour mon garçon. Il ne s'en plaignit guère et au détour d'une conversation anodine il y a peu, il clama son exaspération contre la pluie battante, le vent sur les carreaux qui lui faisaient peur, contre la fenêtre sans battant intermédiaire et le vacarme venu de la rue tous les jours (la façade sud se prend tous les courants de vents, d'air, de bruits)  Effectivement, il y avait de quoi se fâcher, cette pièce est un frigo en hiver et un four en été ; hormis par la fenêtre ouverte, il n'y a aucune circulation d'air.

    Ce fut dans la concertation que je plaçai les meubles réfléchissant à leur utilisation. Quelques années passèrent et je finis par déplacer l'armoire afin de pouvoir y ranger son linge malgré le bazar généralisé au sol, nous changeâmes pareillement le lit de place car fiston dormait mal.  Son lit mezzanine très utile dans les anciennes petites chambres devint le théâtre de conflits répétés car il s'y réfugiait souvent, y traînait le matin et nous ne pouvions l'y saisir ; il fut descendu arbitrairement. Pourtant, il fallut encore le déplacer après la visite d'un géo biologiste, cette chambre est traversée de deux failles dont une fait une branche. Il est désormais entre les deux dans une situation peu pratique, aucun autre lieu n'étant possible pour les éviter.

    Depuis que la maladie est arrivée, mon garçon en a définitivement fini avec les caprices du matin, il se lève désormais seul suffisamment tôt pour  déjeuner, s'habiller, préparer ses affaires et s'occuper de ci de là. J'ai demandé à ce que le lit fut remonté pour lui installer un bureau dessous... Rien à faire, inévitablement.

    Etant donné l'invasion des livres dans sa chambre- mon fiston a hérité du travers de la lecture comme sa mère-,  SeN lui fabriqua une belle bibliothèque que je couvris simplement de cire d'abeille, dégoûtée des produits toxiques vendus librement à tout venant dans les magasins de bricolage. Les piles de livres n'en continuent pas moins d'envahir l'espace autour de son lit. Finalement, je n'y rentre quasiment plus. A 12 ans, qu'il se débrouille avec ses propres travers !

    Cette chambre ne porte pas tant de conflit parce qu'en dehors de fiston et moi,  nul ne s'en est soucié. Ma mère et ma sœur, quand elles viennent, en inspectent l'ordre et la propreté pour le taquiner sur son désordre ; depuis qu'il est au collège, je toque avant d'entrer. Nous n'avons donc pas de territorialisation inconsciente de l'espace, il nous est consciemment dévolu. Les conflits soulevés sont dus aux éléments relevant de la propriété inconsciente portée sur le non déménageable.

     La symbolique de cet espace m'éclata alors que j'étais à l'hôpital au début 2007. L'hiver était froid et mon garçon continuait de porter ses vêtements d'été. El., mère de SeN, prenait soin quotidiennement de lui en mon absence et dans sa bonté habituelle, elle l'embarqua au magasin pour le vêtir plus chaudement sans rien me demander. Fiston fut heureux de ces attentions chaleureuses et fier de me montrer ses nouveaux vêtements. Incrédule, je posai la question des vêtements que je lui avais achetés l'été précédent pour l'hiver et qui étaient dans son armoire, dans sa chambre. A ma grande consternation, j'entendis que PERSONNE n'avait songé à regarder au fond des étagères et de la penderie! Il était donc plus facile de courir au magasin plutôt que de farfouiller dans cette armoire ?! Dès que mes jambes me permirent de monter à l'étage, je retournai dans la chambre et sortis toute la panoplie d'habits chauds pour l'hiver en pestant. Si le geste et l'intention sont très honorables et reçoivent toute ma reconnaissance, cet épisode m'a abasourdie puis  a généré chez moi une colère sourde.

    Pendant les deux mois d'absence de mon hospitalisation, que s'était-il donc passé dans cette maison ? 

    « Et bouquel final, la venue de Coq et Mariev.Triste tableau. »

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  • Commentaires

    1
    Mardi 28 Juillet 2009 à 07:31
    Philippe PHLQ
    C'est drôle mais une nouvelle fois ton texte illustre cet isolement mental, ces "non dit" dans lequel nous nous enfermons.
    Chacun analyse avec ses codes, ses filtres... d'où toutes ces incompréhensions, ces conflits latents, longtemps refoulés.

    La vie est déjà si difficile, comment faisons-nous pour rajouter ces "non-problèmes" afin de nous la rendre encore plus insupportable ?

    Le problème, c'est que nous avons beau prendre conscience de certains "défauts", nous ne pouvons nous empêcher de les reproduire dans le temps.

    Bonne journée à vous qui devez être en vacances.
    2
    Dimanche 2 Août 2009 à 09:32
    Annie
    Petit passage pour te souhaiter bon dimanche!
    J'avais lu ton article et j'ai eu du mal à laisser un com.
    Chacun croit faire de son mieux. Il n'y a qu'en cessant de juger, en regardant seulement soi-même, sans faire de suppositions sur les autres, qu'on peut avancer. Je dis cela par expérience, cela change la vie de se recentrer sur soi, et n'a rien d'un égoïsme. Plus on sera en paix avec soi, plus les autres seront "contaminés" par cette paix.
    3
    fée des agrumes Profil de fée des agrumes
    Mardi 13 Août 2013 à 17:52

    A Philippe:

    Et oui, nous empoisonnons nous- même nos vies.
    Quand une personne ouvre les yeux, elle réalise l'imbriglio relationnel. Son envie d'en sortir peut devenir effective, réelle, il reste à faire avec les autres. La peur, le déni, par exemple les maintiennent dans ces systèmes. Beaucoup préfèrent un connu malsain et confortable à l'inconnu potentiellement libérateur. Parce que le changement induit le renoncement
    Réponse de fée des agrumes le 28/07/2009 à 09h59
     
    A Annie:
    Aujourd'hui, je sais que tu as raison parce que j'en suis arrivée là aussi, avec mon humanité faillible et imparfaite expliquant quelques hauts et bas.
    Ces textes sont le reflet du cheminement interne de ces dernières années, ils ne sont pas anodins. Le prochain article fera le lien.
    Belle journée à toi pareillement, tes belles photos d'eau ont illuminé la matinée grisatre et sombre de la région.
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