• Dans mes jeunes années scolaires, je détestais courir. Je me suis planquée pendant les cours d’endurance, les cross souffrant quand je tentais d’en faire plus qu’à l’accoutumée. Autant je rêvais de danser, bouger en souplesse, autant j’ai été une vraie tire-au-flanc dans la course, de vitesse ou d’ endurance. Ces échecs répétés m’avaient poursuivie pendant des années après le bac et je restais avec cette insatisfaction, cette frustration non pour prouver quelque chose à quelqu’un mais pour me prouver que j’en étais capable.

    Je n’étais pas pour autant inactive, je marchais beaucoup, en toute occasion, je me déplaçais à vélo, c’était naturel. Pendant 5 ans, j’ai habité au 5e étage sans ascenseur avec tout le barda et le garçon petit à porter, séance de step au moins biquotidienne. J’ai bataillé contre vents et marées seule dans des transports en tout genre souvent complètement irrationnels. Puis, je me mis à faire du roller. Le mouvement, la glisse m’intéressaient, les sensations internes me régalaient, pendant des heures et des kilomètres, doucement, à mon rythme. Vint ensuite la natation où j’alignais les longueurs doucement intensément. L’énergie folle de mon fiston me poussait quand la paresse me prenait sporadiquement et je l’ai entrainé dans des aventures physiques de tout poil. En grandissant, ses capacités grandissaient également et nous allions toujours plus loin. Je me mis donc naturellement à courir.

    Avec l’aide de mon amie Sandrine, marathonienne de naissance, je commençai mon entrainement. En 2006, je battais tous mes records et me sentais bienheureuse d’avoir pu aller au-delà de mes rejets passés, je prenais plaisir à me dépenser physiquement, à évacuer le stress par ce biais. Au printemps, c’est par le sport que la maladie donna ses premiers signes. Perte de la course, perte de la marche, perte de la vue… Huit mois de fauteuil roulant, d’autres en béquilles, le réapprentissage de tous les mouvements du corps après l’alitement de plusieurs semaines, le rude combat pour s’asseoir, pour se lever, pour remarcher… Il me restait chevillé au corps le désir de pouvoir à nouveau courir… un rêve ?

    J’en parlai à Solange lors de notre entrevue à l’été 2009, elle m’inscrit dans la foulée à des séances de réentrainement à l’effort avec ma copine Valérie. Super !

    Démarrage fin août pour cinq semaines. A raison de deux séances hebdomadaires, nous nous retrouvions pour notre plus grand bonheur toutes les deux à se laisser diriger par l’équipe sans compter que je pouvais en profiter pour saluer mes anciens compagnons en ergo, kiné, au service, en adelo. Petit groupe de quatre, il y avait une bonne ambiance, chacun vaquant à ses tâches selon ses capacités. Première séance de test : je fus heureuse d’apprendre que j’étais presque dans les normes de valides. Waouh ! Au rythme de ma marche, l’encadrant me dit que je n’étais pas loin de la course. Je m’enthousiasmai, je me pris à espérer pouvoir courir au bout des six semaines.

    Question souplesse, rien à redire ! J’étais Elastigirl du temps de ma rééducation, je constatai néanmoins que je pouvais l’améliorer, le corps étant en demande d’étirements. (Le grand écart n’est pas un problème pour moi. Avec un peu d’échauffement, je descends sans souci jusqu’au sol. Oui). Question endurance et muscles, c’est une autre paire de manches. Pas vraiment musclée avant la maladie, les mois d’immobilisme n’avaient rien arrangé... Encore qu’avec la mobilisation des bras en raison de mes incapacités motrices, j’avais remarqué qu’ils avaient pris du volume. La natation avait préparé le travail précédemment, dans mon dos également et ces efforts avaient été porteurs lors de mes paralysies. A approfondir. Mes jambes, mes fesses, elles, avaient fondues. Je garde en mémoire cette phrase d’Élodie: « Le corps a une mémoire. Si vous l’avez bien traité, il s’en souviendra. » C’était suffisant pour ne pas se laisser aller au fatalisme.

    Les séances étaient partagées entre 20 minutes de vèlo (avec l’accent d’un des encadrants) et des exercices de renforcement musculaire.

     Je remarquai qu’avec la fatigue, ma vue se brouillait alors que le corps, lui, ne semblait pas l’exprimer; musculairement sur le coup, mon équilibre n’était pas très stable en bout de séance et il m’arrivait de tituber légèrement vers le taxi ambulance. Je compris pareillement qu’il n’était pas raisonnable d’arriver avec deux ou trois heures de travaux de bricolage dans les pattes ; cela dépassait mes capacités.

    Par contre, j’étais fofolle à essayer toutes ces machineries de salle de sport repérées quand je passais en fauteuil devant la salle, rêvant de pouvoir les utiliser un jour. Sans compter qu’à la moindre occasion, nous papotions et pouffions Valérie et moi. J’ai donc pédalé, marché sur le tapis, soulevé des poids avec les bras, les jambes, tiré sur les muscles assise, à la barre… C’était réconfortant d’autant qu’au bout des séances, les résultats étaient notoires… sauf que je ne me sens pas capable de courir. Ma vessie ne supporte pas le choc des foulées et mes jambes me semblent désorganisées par le mouvement. Sniff.

     Rapidement, Kévin, un camarade du groupe me surnomma Titi à cause de mon tee-shirt avec le petit oiseau narquois ; il aimait me retrouver et plaisanter avec moi qui ne suis pas en reste dans ce genre de débat. D’ailleurs, les encadrants apprirent rapidement à me connaître, mes péripéties originales, après les avoir déroutés, devinrent coutumières. Raphi qui passait me saluer à chaque séance souriait en coin, il me connaissait, lui. Nous en avons profité pour échanger ces petits mots, ces gestes, ces silences complices incroyablement riches. Solange est passée nous encourager tous avec son punch habituel.

    Un plaisir.

    J’ai véritablement passé des moments bénéfiques pendant que je déménageais et travaillais laborieusement dans l’appartement à rénover.

    (Panel de mes aventures sportives pour le prochain article, il y a de quoi sourire.)


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  • Samedi, la table  Napoléon III m’a été ramenée par l’ébéniste restaurateur à qui je l’avais confiée. Quand j’ai vu le travail opéré, j’en ai eu les larmes aux yeux tant elle est désormais resplendissante. Les seuls mots qui me vinrent à l’esprit alors que je le racontais à ma sœur furent : « C’est comme si toute la méchanceté de mamie avait été enlevée pour ne laisser plus que la beauté de l’objet en soi ! ». Voie inconsciente de mon psychisme pour exprimer mes ressentis.

     PICT2175Cette table est une légende dans la famille, elle daterait de 1870. Du vivant de la grand- mère, elle s’ingéniait à monter les uns contre les autres autour de son leg. Finalement, personne véritablement ne s’en soucia et je fus surprise d’entendre à l’enterrement de la méchante mamie que je pouvais l’avoir. Les années ont passé, elle stagna dans un coin de cave et j’avais fait une croix sur tout héritage du côté paternel dans la lignée du suicide du père  et des silences qui lui succédèrent. Les circonstances changèrent, les maladies ont bouleversés les liens permettant des expressions, des relâchements dans les non- dits et il y a deux ans, je récupérais la table malgré les tentatives répétées de SeN de m’en dissuader (dans sa famille, on n’aime pas les vieilleries : on jette, on achète, on change parce que ça pue le vieux). Je suis bornée et si je peux comprendre que le goût soit en variation infinie, je tenais à la prendre. Chez eux, ils ont des maisons, des terres, chez moi, rien. Mon patrimoine tient à très peu de choses et ce petit quelque chose, je le veux pour transmettre à mon tour à mes descendants ; ils en feront ce qu’ils voudront. Devant la somme demandée pour la restauration, j’ai trainé la patte et puis, je me suis lancée. Parce que justement, c’est mon patrimoine. Maintenant, elle est là, à côté de la bibliothèque héritée elle- aussi de ce côté de la famille.

     PICT1884Celle-ci vient du grand- père paternel décédé en début de cinquantaine. Je ne l’ai pas connu, sa réputation est très positive contrairement à sa femme qui était une femme mauvaise enfermée dans ses préjugés et coupée d’elle-même, de tout son entourage, obnubilée uniquement par les apparences et son pouvoir sur les autres. Elle a été l’objet aussi d’enjeux et de jeux malsains, elle a transité par mon père puis à sa mort,  à sa femme qui la détestait peut- être parce qu’elle lui renvoyait sa belle-mère à la figure. Elle a atterri dans la cave de ma tante lâchée par cette femme dans un mauvais état, gonflée par l’humidité, des pièces métalliques rares quasi introuvables perdues… Quand le contact reprit avec ma tante, elle me la proposa ; destinée à mon père, elle trouvait normal et logique que ma sœur ou moi la recevions à sa suite. SeN fit front pour ne pas la prendre, il n’écouta aucune de mes  doléances, il ne comprenait décidément pas. Donc, quand j’eus mon appartement, je décidai de la récupérer sans attendre l’avis de quiconque. Grâce à Vincent, nous sommes allés la chercher et mon oncle me fit jurer de ne pas la vendre : cette bibliothèque porte l’histoire de la famille sur au moins un siècle ! Evidemment, il n’en était pas question.

    Arrivés chez moi, il s’avéra que mes plans étaient foireux. Très grande, j’espérais la mettre en place en premier afin d’y ranger mes livres, bibelots de salon et débarrasser les cartons. Non seulement elle était difficile à remonter mais en plus, il manquait des fiches pour les portes hautes, les étagères étaient inutilisables abimées, sans support de fixation et plusieurs morceaux étaient décollés ou manquants. Résultat : cinq mois de bazar généralisé dans le salon sans possibilités de ranger correctement d’autres pièces envahies par des parties de la bibliothèque ou des cartons dont le contenu devait y être rangé.

    Je pensai pouvoir m’en occuper, ayant quelque expérience dans la rénovation de vieux meubles. Rapidement, je réalisai l’ampleur du travail et le danger de faire des bêtises sur un meuble ancien, de style ; je pris quelques contacts avec des ébénistes. Le premier doutait de la pertinence de la rénovation pensant trouver un meuble paysan coutumier de la région. Il fut étonné de découvrir un meuble de style en massif : sapin, chêne et poirier.  (Et bien non monsieur, je ne suis pas issue de paysans locaux, entre la bourgeoisie de la grande ville du coin d’un côté et les ouvriers textiles de l’autre d’une vallée plus loin, je ne suis pas dans les mêmes représentations). Le second, celui  qui a restauré la table, demande nettement moins d’argent préoccupé toutefois par les fiches manquantes pour les portes hautes : en quarante ans de carrière dans la restauration de meubles anciens, il n’a jamais vu ça ; cela risque de prendre du temps, à nouveau. Je suis toutefois prête à attendre et surtout à y mettre mes économies, seule assurance-vie en ma possession parce que ces meubles plus que centenaires sont mon héritage reçu et celui que je laisserai. Question d’échelle.

     Nombreux sont ceux qui ne me comprennent pas au regard de la situation financière actuelle. D’autres s’attachent plus aisément à la valorisation de notre histoire commune. Vaguement préoccupée par ces chants divers, je ne trouvais pas les raisons de mon obstination sur cette voie ; comment est-il possible que moi, la pièce rapportée (j’ai été adoptée par mon père bébé et ne sais absolument rien de mes origines) je tienne tant à la restauration de ces meubles ?

    Cette question me passait à l’esprit sans me torturer depuis quelques temps. Je sais qu’il est préférable de laisser cheminer pour trouver une réponse juste et comme à l’accoutumée, elle m’éclata dans la tête hier alors que je m’émerveillais encore et encore devant la table restaurée. Subitement, dans un éclair, j’ai fait le lien avec le buffet de la cuisine.

     PICT2162Celui-ci était relégué dans la cave de ma grand- mère maternelle. Eux, mes grands- parents maternels, par la psychanalyse, je sais désormais qu’ils m’ont aimée sincèrement, que je les aime, qu’ils ont été un jalon fondamental de ma construction interne. Ce buffet, personne n’en a voulu, ils se sont tous battus pour les meubles neufs que ma grand- mère avait achetés avant de mourir. Ma mère l’avait récupéré dans l’indifférence et avait espéré le rénover. Finalement, ce fut moi qui le fit envers et contre tous les sarcasmes.

     Il était recouvert d’une peinture foncée imitant à l’origine le noyer ; il m’a fallu des mois et des mois de travail acharné et désagréables pour aboutir à ce résultat. J’en suis très fière et je l’aime sincèrement parce que j’ai réalisé avec le pot au feu qu’à travers lui, j’avais reconstitué la salle à manger de mes grands- parents, cette salle à manger où nous avons partagé notre amour réciproque dans ma petite enfance avant leurs morts trop précoces et pour moi et pour ma mère.

    Qu’est- ce à dire alors que ce fatras de vieux meubles ?

     Simplement, c’est évident :

    Mes ancêtres ont laissé un héritage lourd, tourmenté, comme bien des familles, cela n’a rien d’original. Cependant, j’ai choisi de ramasser ce fatras de souffrances sur mes épaules par fidélité envers mes grands- parents maternels, par colère contre ce père qui n’a pas su/pu m’aimer et j’ai trimbalé cette galère pendant des années. J’ai pourri mon existence avec ce fatras, m’emprisonnant dans des relations malsaines et des choix malheureux gardant en creux un instinct de survie puissant entre révolte et déni. La maladie est arrivée quasi logiquement ; ne lâchant pas psychiquement, j’ai lâché physiquement. Commença le grand ménage : dans l’immobilité et l’aveuglement, j’ouvrais les yeux et prenais ma vie en main.

     Comme je racontais à ma mère mes dernières découvertes, elle me fixait dans les yeux ; quand j’eus fini, elle frissonna et détourna le regard. J’avais fait mouche. Inconsciemment, à ma naissance, par les prénoms qu’elle me choisit, elle m’avait donné la mission  de sauver la famille. Dans mon opiniâtreté et mes fidélités, j’ai décidé de réparer les blessures inconscientes de mon entourage. « Maintenant, Maman, ça suffit ! Il est plus que temps que je vive MA vie ! » Il n’est guère étonnant que ce soit en cette période que mon fils éclate, le grand ménage opéré chez moi a des effets en résonnance. Avec le prénom du premier martyr chrétien, il est inscrit dans ces fidélités depuis sa naissance, son propre ménage intérieur explose à nos figures.

     Ces meubles ne sont que le reflet matériel de ces internes. Du fond des caves, je les hérite abîmés et cassés, je les accueille tels qu’ils sont pour finalement les réparer avec l’idée de transmettre par delà ma mort. Je les transmets resplendissants, lumineux. Pour mes grands- parents maternels, j’ai trimé  baignant dans mes fidélités; pour les ancêtres paternels, je délègue me préservant par là même afin de n’en récolter que le beau.

     Tout cela n’a pas grande importance, je réalise simplement le sens qu’il y a là derrière. A l’annonce des premiers diagnostics en juin 2006, j’ai cru ma mort imminente et ma première réaction sous le choc a été de penser : «  Non, ce n’est pas possible ! Je ne vais pas, je ne PEUX pas mourir en laissant un tel bordel à mon garçon ! ». A ce jour, si la mort reste terrifiante, je pense pouvoir partir plus sereinement parce qu’enfin, j’ai lavé à grandes eaux les vieilleries de la famille, je me penche sur mon propre cas, je me libère de ces rôles où je me suis enfermée avec l’espoir d’être ainsi partie intégrante de ces lignées.

    C’est tellement stupide.

     Que de larmes j’ai versé en le réalisant en séance d’analyse. «  Si mes grands- parents étaient là, ils me diraient qu’ils ne souhaitent que mon bonheur et certainement pas que je souffre des mêmes blessures qu’eux ! » Souffrir avec ne libère pas, c’est par ma sérénité intérieure que je soulage. La guérison intérieure.

      Mes descendants liront dans ces meubles, je l’espère, un récit positif des liens qui nous unissent à travers les générations, une pulsion de vie et non plus une pulsion de mort… ou ils n’y verront rien, ce sera leur choix. J’ai le sentiment, quant à moi,  d’avoir beaucoup appris grâce à eux.

     Nous n’en avons jamais terminé avec nos psychismes, je règle ces contes pour repartir sur d’autres voies.

     Quand la famille s’emmêle, il s’agit d’y mettre de l’ordre.

     

     ( Ce qui n'empêche pas le joyeux foutoir dans la maison... mdr.gif Il n'y a pas d'art sans bazar disent les Russes... sourire-beat-cligne-des-yeux.gif )


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  • Les déménagements sont l’occasion de grands rangements et il arrive que des objets oubliés ressurgissent des bas côtés où ils ont été relégués par le quotidien. Ainsi, il y a quelques jours, d’entre des livres, est tombée une enveloppe blanc cassé au grammage épais.

     Sur sa face, écrit au crayon léger, mes mots : En cas de non retour,

    Je me suis souvenue.

     Juin 2006. J’étais rentrée de ces hospitalisations terrifiantes. Je trainais la patte, ne pouvais plus monter à l’étage, mes soucis de vessie commençaient, je dormais seule au rez- de chaussée, dans mon atelier en bazar, le lit coincé en vitesse sur le passage libre. Ma vue était normale. Je ne savais pas ce que j’avais ou du moins le diagnostic n’était pas clair. Nous étions sous le choc, tous et l’idée de la mort planait sur moi avec les diagnostics terribles qui avaient été annoncés, les médecins étant incapables de nous parler.

     Il était impossible d’aborder la question de la mort avec mes proches, ils ne voulaient rien entendre, inacceptable, insupportable, certainement.  Son éventualité prenait cependant pour moi une signification réelle et concrète. Comment pouvaient- ils imaginer que d’en parler, de dire ce qui me conviendrait dans la suite de la vie sans moi me soulagerait, me réconforterait, me rassurerait ? Pouvaient-ils imaginer l’angoisse supplémentaire que représentait à mes yeux le non règlement de cette suite sans moi ? Que deviendrait mon garçon âgé alors de 9 ans ? Être enterrée ? Incinérée ? Où ? Comment ? … et mes affaires financières, mobilières, mes legs éventuels ? …

    Finalement, j’écris cette lettre sans la faire lire à quiconque, je ne voulais pas les meurtrir davantage. J’indiquais simplement à ma sœur qu’entre ces livres, là, dans la bibliothèque, il y avait une lettre avec mes dernières volontés. Au cas où.                                                                                             

    24.06.06

     

    En cas de maladie incurable, je souhaiterais qu’il n’y ait pas d’acharnement thérapeutique et que des soins palliatifs soient mis en place afin d’éviter des souffrances inutiles tant à moi qu’à mes proches.

    Si la question des dons d’organes est posée, j’autorise les prélèvements.

     Pour ce qui est des rites de funérailles, je laisse aux vivants le soin de décider ce qui leur semble le plus approprié. C’est à eux de faire leur deuil ; pour moi, cela n’a pas d’importance.

    Il y a une garantie à la banque en cas de décès assurant une somme pour parer aux frais, il faudra bien tout vérifier et ne pas passer à côté de ce droit, éventuellement.

    Mes seuls désirs sont les suivants :

    -      Que le cercueil soit le plus simple possible, sans traitement non écologique ( je veux du biodégradable !)

    -      Quelques fleurs simples, quelques mots, pas de couronnes, de plastique. Que les sommes soient versées plutôt à des associations (Unicef, Amnesty international, Greenpeace…), une robe en coton ou lin très simple.

    -      Une simple plaque avec mes prénoms et date de naissance. Juste un x et non tout le nom. Pierre tombale inutile, je préfère un sol de terre semé de fleurs, d’arbustes ou d’arbre (pourquoi pas un arbre fruitier ?)

    -      La cérémonie religieuse ne me semble pas judicieuse. Si elle est utile pour aider à passer le cap, qu’elle soit baignée de All is full of love de Björk.

     Prenez soin de fiston. Qu’il reste parmi ceux qui l’ont vu grandir : SeN, ma mère, ma sœur, JeP et El., mes amis.

     Ceux qui le désirent pourront prendre une mèche de cheveux, un livre.

    Que ma tapisserie soit faite et mes bricoles utilisées, non jetées.

     Je suis désolée de la peine que je peux causer et regrette de ne pas avoir pu vous aimer tous plus que cela.

     En la lisant, je revois parfaitement la scène : la nuit, ma petite lampe de chevet posée à côté du lit, il était très tard. Je n’ai rien dit, ils dormaient à l’étage. J’ai réfléchi à chacun des mots, j’ai pleuré et au dernier point, j’étais soulagée. Je l’ai cachée entre les livres de mon ami Boris.

    Je l’ai retrouvée il y a quelques jours.

    Evidemment, les circonstances ont changé, de nombreux points sont désormais obsolètes. Il n’y a plus SeN et sa famille, j’ai arrêté la garantie qui ne couvrait que la banque et non mes proches, je ne peux plus donner mes organes en raison des traitements que j’ai eus et ceux que je prends, en raison simplement de la maladie elle- même; l’idée générale reste intacte néanmoins. Et surtout, avant toute chose,  aujourd’hui, il n’est plus question de mort, il est question de vie.

    Jusqu’à la maladie, je la voyais loin devant moi, fuyant les tourments du passé dans des échappatoires chimériques et malsains imprégnés de schémas inconscients stériles. Dorénavant, chaque jour est un cadeau, un trésor que je tiens à faire fructifier, en présence et confiance.

    Quand la maladie est un déclencheur de vie…


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    Voilà bientôt cinq mois que nous vivons dans notre petit appartement. Chaque jour qui passe me ramène à la joie d’avoir pris cette décision, c’est comme si tous les murs étaient tombés et que je me retrouvais devant un espace immense de liberté. Un véritable soulagement au point que je me demande désormais comment j’ai tenu ces années. La maladie a rajouté trois ans dans cette ambiance délétère que je voulais quitter avant d’être malade ; peut être était-ce un temps nécessaire pour être certaine de mes aspirations ? Maintenant, je suis au clair et c’est profitable quotidiennement. La clairvoyance acquise dans ce parcours douloureux illumine mes voies de traverse, je constate les avancées ; dorénavant, nous évoluons sur des voies radicalement différentes.

    Parmi ces évidences, il y a en particulier notre  rapport à la nourriture.

     Fiston s’est coulé avec délectation dans ces nouveaux comportements après en avoir été surpris. Désormais, c’est simple : nous mangeons quand nous avons faim. Les gadgets alimentaires ont quasiment disparus des placards ou sont limités dans le temps. S’ils sont gloutonnés la première semaine quand ils étaient prévus pour le mois ou les deux suivants, ils ne sont pas renouvelés. « Tu as faim ? » Quelque soit l’heure, je cuisine une soupe ou des pommes de terre, du riz, des pâtes avec des yaourts, du fromage, des petits légumes, un bout de viande ou de poisson, des légumineuses, ce qu’il me passe sous la main. Et franchement, c’est une libération. Finies les disputes.

    Manger seul, manger chaud, manger froid, peu importe. Nous mangeons ce qu’il y a, sans sombrer dans les travers de l’alimentation moderne grasse, sucrée ; je suis heureuse de voir mon garçon se préparer des soupes pour le goûter.

    Nous mangeons dans des bols, des assiettes creuses, des calottes, tous dans le même plat, avec du pain, des pommes de terre. Fiston passe de la soupe à la viande, de la pomme au fromage pour revenir à la soupe. Je grignote des pruneaux avec le fromage, des amandes, des noix du Brésil avec les salades, des fruits secs ou le chocolat, je mélange allègrement en tamagouille me régalant avec des riens reçus aux restos du cœur ou les quelques maigres courses qu’il m’arrive de faire parfois… Nous mangeons surtout ce que nous avons, simplement sans programme pré établi, au gré des surprises. Fiston était d’abord heureux de ces soupes en sachet, de ces boites de raviolis ou de chili con carne, de ces paquets de céréales pour petit déjeuner ou de gâteaux,  des boites de riz au lait, des lasagnes surgelées reçus aux restos du cœur… et finalement, le voilà qui commence à en revenir : «Maman, ce n’est pas bon » préférant des préparations maison improvisées avec des produits de base. L’éducation au goût est là, il ne pourra pas se défaire si facilement de ces années à manger des repas aux saveurs authentiques. Ce n’est pas l’anarchie parce que les mélanges sont raisonnés, c’est la liberté de se laisser porter par les tours et détours, les circonstances.

     A la suite de l’alimentaire, il y a la vaisselle.

    Fini le foutu lave- vaisselle prétexte à des querelles incessantes, ouf ! Certes, j’ai jeté un coup d’œil sur un modèle d’Envie, huit couverts assez étroit pour passer dans ma nouvelle cuisine mais je ne me suis pas laissée aller à l’acheter.

    Il est souvent mis en avant qu’un lavage à la machine est plus économique qu’un lavage à la main… Mouai… Tout dépend comment on lave non ? En plus, un lave-vaisselle à produire puis recycler en fin de vie coûte plus cher que le matériel nécessaire à un lavage main… sans compter la production des produits … ? .. D’accord, en cas de grosse vaisselle, c’est très pratique, je suis néanmoins ravie quand nous la faisons à plusieurs, c’est un moment privilégié d’échanges.

    Ainsi, nous n’avons plus de lave- vaisselle. Je n’avais pourtant nullement envie de repartir dans les lavages tri-quotidiens, dans cette gêne insupportable d’avoir de la vaisselle sale dans l’évier, reflet d’une blessure profonde de l’enfance colmatée maladroitement par cette fixation. Me contraindre à laver sans cesse ? Ah ça non ! Ce fut donc naturellement, sans que je ne le réalisasse immédiatement, que je décidai de ne laver la vaisselle qu’à l’envi.

    Je la rince avec l’eau de la bassine remplie au gré des ouvertures de robinet pour l’eau à cuire ou boire,  je la range dans le bac et la lave quand je sens que ce n’est pas une contrainte. Honnêtement, c’est un délice !

    Souvent, nous reprenons cette vaisselle propre dans l’égouttoir où elle sèche ; les gestes rébarbatifs de la cuisine sont complètement oubliés. Détachés des rituels mécaniques, nous vivons chacun notre petite vie alimentaire. Fiston n’y pense pas, ne s’accroche pas à des prétendus messages non dits, il apprend beaucoup par ce biais puisque sa folle de mère ne se gêne pas pour le mettre face à ses responsabilités et ses choix. Il ne bronche pas et sait parfaitement pourquoi il est confronté à certaines situations. Quant à moi, les gestes sont épurés, réduits au minimum de ce que j’en veux en pleine conscience. J’en fais moins mais je les fais pleinement. Quand je range, quand je lave, quand j’essuie, quand je choisis, je suis dans l’instant et mes pensées ne se promènent pas ailleurs.

     Dans le n°386 de Psychologie magazine, juin 2009, il y a un dossier sur la méditation. J’y ai lu que méditer, c’est vivre en conscience l’ici et maintenant. Se recentrer, être présent… et oui, je médite en vivant mes tâches ménagères autrement. Echo merveilleux à un stage d’octobre 2009 dont je vous parlerai en son temps.

     Quand je vous dis que je suis passée dans une autre dimension, c'est loin d'être une plaisanterie.


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  •  Suite en nouvel appartement camping

     Au bout de plusieurs semaines, enfin, je pus récupérer mon réfrigérateur, il était temps, je commençais à en avoir marre des échanges de glaçons et des changements d’eau froide. Autrefois, il y avait des chambres froides creusées sous la terre, je ne pouvais en venir à cette extrémité, la cave n’étant pas non plus suffisamment fraîche. Ouf, le réfrigérateur reste une très belle invention dont je ne me passe qu’en cas extrême.

     Par contre, question cuisson, je restai sans solution.

    La plaque que j’avais amenée dans la maison était désormais dans la cuisine qu’il avait faite pour moi, elle n’était pas adaptée à cette nouvelle pièce non aménagée (vous avez déjà vu un cuisine aménagée dans des HLM vous ?). Je n’avais pas envie de m’endetter pour acheter une cuisinière multifonction, pas envie non plus d’en acheter une basique sans un minimum de confort. Commença alors ma quête.

    Ma mère ne comprenait pas ma démarche, elle ne cessait de me montrer des cuisinières neuves dans les supermarchés en développant son idée : « Au moins, elle est neuve et propre, tu as une garantie, blabla. » Je ne cédai pas et finis par la convaincre de m’emmener chez Envie dans la ville la plus proche.

     Envie est une chaîne d’électroménager d’occasion. Ils récupèrent les appareils cassés, abîmés, au rebut chez les vendeurs de neuf ; leurs salariés, en réinsertion, les nettoient, les réparent. Rénovés, ils sont revendus à un prix nettement inférieur par rapport à du neuf.

    Durant mes premières années de fac, je passais souvent devant leur boutique étonnée par les prix affichés. Pourquoi donc achetions- nous du neuf plein pot quand cette alternative existait ? Je pensais m’adresser à eux pour ma première installation ; les circonstances de vie m’ont emportée ailleurs.

    De retour dans la région plusieurs années après, repartant de zéro seule avec mon fiston tout petit, je me renseignai et fus déçue d’apprendre que la garantie n’était que de six mois sans livraison possible. Habitant au 5e étage sans ascenseur- ah les HLM ! - je me voyais mal monter un réfrigérateur, une machine à laver toute seule (j’avais déjà fait la table, les chaises, les lits, pas mal de cartons et le reste avec quelque amis venus à la rescousse une après- midi). Je partis donc vers un supermarché qui livrait gratuitement et garantissait deux ans. Tant pis.

    Envie ne me quitta point la tête puisque dès que je sus que je déménageais pour un logement en laissant mes plaques dans ma prétendue cuisine, je cherchai sur la toile leur coordonnées. Ils n’avaient pas changé d’adresse et belle surprise, la garantie était passée à un an ! Et il était possible de se faire livrer avec un tarif selon la distance. Ni une ni deux, nous y allâmes fiston, ma mère et moi (je n’osais pas en ces temps rouler en ville craignant de ne pas voir assez dans la cohue avec ma vue convalescente) ;

    Nous déambulâmes dans les rayons, ma mère était étonnée mais n’arrivait pas à lâcher ses préjugés critiquant les prix. Fiston s’enticha d’une cuisinière, il voulait en finir vite. Si elle avait effectivement de nombreuses fonctions intéressantes, son apparence était véritablement vieillotte, non désuète (ce que j’aime) ; je n’accrochai pas. Par contre, il y  en avait une autre qui m’avait tapé dans l’œil : plateau en verre noir, brûleurs joliment dessinés, couleurs mates et harmonieuses, à mon goût. Malheureusement, les buses- injecteurs de gaz n’étaient qu’au gaz butane et chez moi, c’était du gaz de ville. Mince !

    Il était impossible de réserver l’appareil le temps de trouver les autres buses, je pris le risque, tant qu’à faire, je méritai une belle cuisinière et j’ouvrai le jeu.

    Plusieurs jours, je cherchai à gauche, je cherchai à droite et trouvai un revendeur qui me garantit la possibilité de commander. Zou, je retournai au magasin Envie pour acheter la belle cuisinière… Elle était exactement là où je l’avais laissée. La vendeuse m’expliqua qu’ils avaient très rarement des soucis avec les cuisinières, cela finit par me convaincre et je repartis avec un flexible gaz de ville, la facture payée et une date de livraison. Heureuse. Ma mère n’était pas convaincue, vexée peut être, cela m’importait peu. Elle évoqua néanmoins la possibilité de m’offrir un sèche-linge d’Envie pour Noël. Héhé, ses préjugés se démontaient légèrement.

     Nous étions en pleins travaux avec Kévin quand l’équipe arriva chez moi ce premier octobre 2009. Je les accueillis comme à mon accoutumée et ils installèrent l’appareil avec le tuyau ce qu’ils ne faisaient pas normalement. Quelques mots échangés en bonne ambiance, papier signé et je me retrouvai avec ma belle cuisinière ! Déjà, j’imaginais les merveilles possibles avec pareille machine, je voyais les pizze géantes, les gratins, les terrines, les tajines mitonnés, les poissons, les volailles au tourne broche, les tartes, les cakes, les gâteaux petits et grands dans le four et le panel des expériences sur les plaques de gaz : sautés à la poêle, viandes grillées, et surtout, mon thé à la turque avec PICT2059mon çaydanlik !!! Je ne l’ai pas embrassée, non non, je me suis hâtée de préparer le thé.. MMMMMmmmmmm… Une joie véritable que de le savourer après ces semaines de thé en sachet nettement moins bon que celui-là.

     Kévin arriva armé de son pinceau, le visage heureux.

    -      C’est un vrai plaisir de te voir comme ça ! Tu as un de ces sourires !

    -      Ah bon ?

    -      Ben oui, tu ne t’es pas  rendue compte comme tout le monde était ravi?

    -      Euh, non…

    -      Les livreurs étaient tout joyeux, tu n’as pas vu ? Il faut dire que tu étais tellement contente de recevoir ta cuisinère que tu nous as tous rendus heureux !

    C’est peut- être là qu’est ma magie, hihi. J’ai l’enthousiasme communicatif.

    Et voilà, l’aventure avec ma nouvelle vieille cuisinière était entamée ! J’ai reçu les injecteurs la semaine suivante, les ai changés toute seule comme une grande. Désormais, je la bichonne tous les jours toujours plus satisfaite de l’avoir choisie : je mérite d’avoir une belle cuisinière fût-elle d’occasion. Et cela pour un tiers du prix d’une neuve avec les mêmes fonctionnalités. Economique et écologique, écolonomique, mot d’ordre chez fée des agrumes au logis.

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    lus tard, avec l’histoire des étagères à venir, je souris en constatant que j’étais une vraie pôv fille, je me satisfais de ces vieilleries récupérées et retapées quand le mot d’ordre est au bonheur dans la consommation.

    Et ben, moi, je dis MERDE à la société de consommation !

     


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  • Les handicaps, dans mon cas, sont actuellement invisibles, ils n’en restent pas moins réels. Certaines circonstances m’y ramènent telles ces deux dernières semaines.

     

    Avec les travaux du nouvel appartement, j’ai dépensé une grande énergie, j’ai pris le temps qu’il m’était nécessaire pour en venir à bout malgré les aléas des aides et de mes capacités. Un plafond, des murs, un grattage par ci par là. Quand la fatigue pointait son nez, je posais mes outils et me reposais tant qu’il était nécessaire pour recouvrer mes forces. Facile à gérer finalement car aucun outil ne vient protester, pleurer, hurler, claquer les portes, m’exploser ses ressentis tortueux à la figure. Depuis la rentrée, mon fiston accumule les bêtises au collège et je suis constamment confrontée à des réjouissances en tout genre, c’est une toute autre tâche.

    Si mon esprit et ma sérénité intérieurs ne sont pas démontés, hormis quelques passages à vide où je vis colère et frustration en connaissance de cause, je ressens une grande lassitude physique. Certes, je délègue, je lie des contacts constructifs avec les interlocuteurs du collège, une association d’aide aux ados en souffrance, je ne l’abandonne pas, je ne démissionne pas… mais alors, qu’est- ce que je me fatigue ! C’est du travail de long court, des années de refoulement explosent et je refuse de passer cette occasion de régler des vieux contes. N’a-t-il pas demandé de l’aide un soir où je pratiquai la CNV avec lui ?

    Il y a là une tâche ingrate car les bénéfices sont lents à venir, lents à se montrer. A peine entrevois-je un signe encourageant qu’une nouvelle réjouissance m’arrive aux oreilles ou aux yeux, c’est vraiment dur.

    Je continue avec opiniâtreté à mettre en pratique la CNV malgré mes maladresses de débutante, je continue de poser des limites entre nous, je continue de verbaliser mes ressentis et de le pousser à exprimer les siens, je continue de garder un regard sur son travail scolaire,  je continue à me battre pour lui. Et je continue à essayer de rester chez moi, de ne pas le juger outrancièrement, de ne pas entrer dans les spirales infernales de la culpabilité, de prendre du recul quand je n’en peux plus pour aller méditer, pratiquer du Qi Gong ou tout simplement dormir. Malgré ces tentatives bénéfiques, je lâche physiquement… à moins que mon corps n’exprime une sensation que je ne saurais nommer.

    Il y a dix jours, je  recevais une décision stricte du collège, une sanction comme je ne pouvais en imaginer. Tiraillée entre colère, incompréhension vis-à-vis du fiston et découragement, je sentis vaguement que ma vessie commençait à faire des siennes. « Bah, c’est la période » pensai-je sans y prêter attention et je pris quelques remèdes habituels. Un jour, deux, trois… Arriva le week-end ; les confrontations avec le fiston se multipliaient, j’avais cette envie de lui arracher la tête comme le capitaine Haddock ivre hallucinant dans le désert sous l’effet conjugué de l’alcool et de  la chaleur (Le crabe aux pinces d’or : il y prend Tintin pour une bouteille de champagne et tente de lui faire sauter le bouchon avant de revenir à la réalité et de voir son camarade au bord de l’étouffement).

    Un esclandre éclata finalement à grand cri ; dès les premiers haussements de voix, ma vessie ne fit qu’un tour et je sentis l’imminence du débordement. Précipitation vers les toilettes, une grande brûlure me traversa le corps. « Aïe, Aïe ! Voilà que les choses se compliquent » Malheureusement habituée à ces infections urinaires, je pris des remèdes plus costauds. Soulagement pendant quelques heures, nouvelle crise avec le fiston, nouvelle brûlure. Les nuits furent mouvementées, levers trois, quatre, cinq fois. Aucun des remèdes pris ne semblaient avoir d’effet durable. La première journée de travail se passa assez tranquillement, les fuites se firent à la maison ; le lendemain, par contre, ce fut catastrophique.

    J’étais seule, mon collègue étant en réunion. Il y avait huit personnes et je courais partout, lot de l’individualisation et de la photocopieuse dans un autre bureau. Dans le doute, j’avais mis une jupe et des protections pour ne pas être gênée dans mon travail. Rien n’y fit. Je m’inondais les vêtements sous la jupe, je me précipitais sans cesse aux toilettes pour éponger, changer, nettoyer au mieux. Devant la photocopieuse, je ne pus retenir les flots et me retrouvai au milieu d’une mare. Heureusement, les collègues présentes m’aidèrent à nettoyer…

     Le temps ne passait pas, j’étais mal, mon corps entier tiraillait ; sous l’effet conjugué du corps et des conditions de travail, ma vue déclinait, les contours s’effaçaient, les lumières m’incommodaient. Je résistai pour tenir, en colère toutefois contre les odeurs qui me poursuivaient. « Pourvu que personne ne les sente !! » J’ai fait de mon mieux et enfin, je rentrai chez moi avec ma copine Rachel. Dès mon retour, j’appelai Colette (mon médecin), elle m’invita à déposer un échantillon au laboratoire quand je lui expliquai avoir essayé tous les remèdes en vain. Précipitamment, je remplis un petit flacon et réussis à le faire passer dix minutes avant la fermeture du labo, sans ordonnance sous promesse de la ramener le lendemain. Chez Colette, il y avait tellement de monde en salle d’attente que j’y retournai le lendemain, la neige bloquait les routes et plusieurs rendez- vous furent, heureusement pour moi, annulés. Grand tour de la question. Elle m’expliqua par exemple que les milieux froids et humides avaient certainement une influence sur mon organisme. Je pensai à cette foutue maison où j’avais tant souffert et expliquai que dans le nouvel appartement, nous avions plus de confort sur ce plan. « Il est possible également que le froid du sol monte à vous ». Ben oui, nous sommes au rez-de-chaussée au-dessus de caves non chauffées… Elle me conseilla de prendre de l’eau avec du bicarbonate de sodium en cure de temps en temps, afin de diminuer l’acidité organique qui favorise les infections urinaires. Re- ben oui, j’accumule... sans compter la charge de la tâche avec le garçon. Je repartis avec une ordonnance complète pour soulager les douleurs et l’infection. Ouf.

    Samedi, je voulus faire un tour pas trop loin de chez nous afin de trouver des vêtements en solde pour le fiston. Grand magasin à multiples rayons variés. Pff. En dépit de son aide, je fus très rapidement fatiguée, mes jambes pestaient contre ces piétinements. Je m’assis dans un rayon pendant qu’il essayait une paire de baskets espérant me soulager, il n’y avait rien à faire. Le tour des rayons fut impossible et j’hâtai le retour à la maison alors que ma vue, entre la fatigue et l’infection ne m’inspirait pas confiance, il était plus que temps de retrouver le calme.

     

    Voilà quatre jours que je prends mon traitement, les effets sont aléatoires. J’ai eu mes résultats de labo trois jours après le dépôt, il y a effectivement des vilaines bêbêtes et Colette est absente jusqu’à lundi après midi. En attendant, je me débrouille comme je peux, laborieusement selon les caprices urinaires. Refusant les protections jetables, je me promène avec mes serviettes lavables que je trempe, frotte, lave, essore pour passer d’une journée, d’une nuit à l’autre.

    « Maman, c’est comme la dernière, dit tranquillement mon garçon, tu as du mal à la quitter ». Roooh, fiston, c’est une belle façon de changer d’angle : qu’est- ce que je veux exprimer avec ces infections incessantes ? Surtout que les brûlures me viennent systématiquement quand je suis en plein conflit avec quelqu’un !

    Il est vrai que bébé, je faisais des infections incompréhensibles, le médecin avait eu un mal fou à les soigner, aucun examen ne permettant d’en trouver les raisons. Ma vessie était sensible, je courais aux toilettes avant la maladie.

    Désormais, s’y ajoutaient une atteinte de la moelle épinière, des années sous immunosuppresseurs (une chimiothérapie, ce n’est pas rien au quotidien)… ce genre de maladie finalement révèle aussi nos fragilités, mes fragilités.

     

    Car oui, je suis opiniâtre, persévérante, débrouillarde, intelligente, combative, plus encore… je suis aussi FRAGILE ! Pendant des années, j’ai tiré la corde, moi, la femme forte et bloom, je suis tombée malade violemment, très violemment. La maladie expose mes fragilités devenues des handicaps. Si je peux trouver les ressources pour surmonter les difficultés de mon existence avec une énergie étonnante, je vis avec ma vue fragile, ma vessie fragile, ma moelle épinière fragile, mon corps fatigable plus qu’un autre, mes douleurs devenues habituelles, un système immunitaire fragilisé par les traitements et ce fardeau n’empêche pas la venue d’autres aléas de vie.

     

    Je me demande souvent quelle attitude tenir dans ce cas d’handicaps invisibles. Quand je m’assois, peu m’importe que certains s’étonnent de voir une jeune femme si vite fatiguée ; quand je cours aux toilettes ou m’inonde, je ne me soucie que de mon bien-être ; quand je ne voyais pas, je ne me gênais pas pour tourner les objets en ma faveur ou pour demander de l’aide ; quand dans les immenses parkings pleins  ou en ville, il y a une place réservée aux handicapés, je m’y gare. Quand je me fais conduire par les taxis aux rendez- vous ou au travail, je ne pense pas à ce que d’autres en pensent ; quand je perds l’équilibre dans la marche ou la danse comme un ivrogne, je me garde simplement de ne pas tomber et de me rétablir solidement. Selon les circonstances, j’agis à l’écoute de mon corps et il ne m’intéresse guère de me justifier.

    Parfois, je me gare à côté de la place réservée aux handicapés quand elle est libre, une personne en fauteuil a besoin de plus de place que moi pour entrer et sortir de son véhicule. J’évite d’utiliser les toilettes pour handicapés quand je le peux. Je ne proteste pas quand la caisse prioritaire est largement occupée et qu’une autre a moins de monde plus loin. Je laisse la place à d’autres plus âgés, plus handicapés si je sens que je peux le faire.

     Mes handicaps ne sont pas des revendications, ils ne sont pas un étendard. Certes, ils me donnent accès à certains privilèges dont les virées aux Eurockéennes sont un exemple notoire, cependant, est-il judicieux d’en parler simplement parce que j’ai été contrariée par un obstacle surmonté sans aide ou aménagement ?  Dans quelle mesure informer l’autre ou non de mon état ?

     

    En y réfléchissant, une idée me traverse l’esprit : finalement, je ne demande qu’à être moi-même, dans sa complexité, sa réalité mouvante et humaine, je n’ai pas à être cataloguée handicapée ou non. Je ne veux pas d’étiquette. J’ai des droits, je fais le choix ou non de les utiliser selon les circonstances. C’est cela la société, à mon avis, que chacun y ait sa place quelque soit son originalité, une place avec toute la dignité due à un être humain.

       


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    Je suis folle et ce n’est pas nouveau ; cette réputation me poursuit depuis mon adolescence, ce réveil de fantaisie après des années de contemplation silencieuse du monde. Mon quotidien n’était pas plus facile que celui des jeunes années mais quelques rencontres positives m’avaient permis de comprendre que j’avais une vie à vivre et non à subir. Ce petit grain de singularité est donc devenu une marque déposée de mon nom.

    Ma folie provoque des réactions variables, de l’agacement au choc, de l’amusement à l’étonnement. Et oui, je ne laisse pas indifférent et rapidement, il est possible de savoir qui je suis. Il en est qui me trouve insupportable, ingérable, certains condamnent mes impulsions jugées outrancières. J’avoue néanmoins aimer être cataloguée folledingue par la grande liberté qu’elle me donne. Quoique je fasse, ceux qui me connaissent un tant soit peu finissent par conclure que c’est du fée tout craché… Imaginez alors le champ des possibles quand la bonne moralité ou le savoir-vivre mondain ne tiennent pas lieu de loi de réaction.

    Mon fiston s’exclamait il y a quelque jours, fâché par ce livre Cessez d’être gentil, soyez vrai ! : « Maman, toi alors, tu ne peux pas faire comme tous le monde ! Nous essayons tous de faire au moins un peu d’effort pour rester correct, pour être gentil (là, il parle de lui et de son mal être à ne pas être aussi standard que ce qu’il imagine de ses camarades) et toi, vraiment, tu es TOUJOURS vraie ! » appuyant d’un geste de la main en diagonale son affirmation. Nous en avons ri sincèrement tous les deux car il sait très bien qu’il n’y a pas d’alternative à l’authenticité pour être pleinement vivant.

    Ainsi, il m’arrive d’expérimenter des trucs improbables qui en effraieraient plus d’un ! Je m’en vais vous relater l’épisode de hier avec toute la spontanéité qui est la mienne.

     

    J’ouvrais le colis reçu dans la journée quand une odeur de Curly me chatouilla les narines. Tiens, tiens… je sortis les trois produits et attrapai un de ces flocons placés là pour protéger des chocs. Je le triturai, l’écrasai, le reniflai. « Ça sent le maïs ». Comme il collait légèrement aux doigts, une idée me traversa l’esprit… Dans cette entreprise, l’accent est mis sur les produits biologiques, auraient-ils remplacé le polystyrène hyper polluant par des flocons de maïs ? Pour en être certaine, je le léchai puis le croquai. Croyez- le ou non, j’ai mangé le flocon. Suffisamment folle pour vouloir partager l’expérience, je me dirigeai guillerette vers le fiston ; je lui tendis un flocon et l’invitai à goûter ; il était plus que méfiant, accoutumé aux frasques de sa mère. Il le prit, l’écrasa et le renifla. Comme je lui faisais remarquer que cela sentait le Curly, il plissa les yeux et refusa l’invitation. Je ris et croquai devant lui dans ce flocon. Il s’écria : « Maman, tu es folle  Ils ont peut- être mis un produit chimique dessus pour que ce soit utilisable ! Ne mange pas ça ! » J’ai ri en partant et posé le carton plein de flocons près de la poubelle dans la cuisine ; je n’avais nulle intention de manger le lot.  Je fis le lien avec ce petit bout d’encens attrapé dans une exposition sur les parfums, SeN avait été horrifié par ce geste : « Comment peux- tu manger ce truc alors que tout le monde y met les mains ? ». Je n’y avais pas pensé... comme je n’ai pas réfléchi avec ces flocons.

     

    Mes pensées se sont rapidement promenées :

    - Ces flocons en maïs seraient très dangereux avec cette odeur très attirante pour des enfants par exemple ; y mettre des produits toxiques dessus serait véritablement inconscient. Il existe par ailleurs un jeu de construction avec ce type de flocons qui se collent les uns aux autres avec de l’eau.

    - Manger du benjoin tripoté par des milliers de mains me fait moins peur finalement que d’ingurgiter des produits alimentaires ou médicamenteux faussement aseptisés, stérilisés  et bourrés de produits chimiques aux effets plus insidieux qu’une indigestion ou une intoxication due à un petit germe de « saleté ».

     

    Si je suis folle, c’est parce que je n’ai pas peur et fais confiance à la vie. C’est effrayant pour qui a peur en permanence parce que je suis une bravade aux milliers de dangers potentiels rencontrés dans nos existences. A nouveau, je comprends ce que la cnv enseigne : la réaction de l’autre parle de ses propres sentiments. Pour mon garçon, je vais tâcher de lui faire moins peur, il a tellement besoin de sécurité et avec une folle de mère, ce n’est pas gagné.


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  • Après plusieurs jours d’âpres batailles avec le fiston, j’espère ENFIN trouver quelques plages de calme pour me consacrer à l’écriture chronophage des articles. Car il est vrai, je l’avoue, je suis dépassée par les événements. Bah, je n’en ai cure, je continue ma petite vie dans le lâcher prise, tranquillement. Je n’ai simplement pas le temps pour écrire des textes dignes de ce nom ; balancer des brouillons ne m’enchante guère.

     

    Ce soir, avant de filer prendre une belle douche chaude dans ces nuits froides d’hiver, je m’en vais vous conter le récit incroyable de la cuisine du premier mois passé  dans le nouvel appartement. Incroyable ? Encore de l’incroyable me direz vous... ben oui, je vis benoitement dans ces tours de passe- passe au quotidien.

     

    Les débuts chez nous ont été épiques, nous sommes arrivés fsiston et moi la veille de sa rentrée avec une table, quatre chaises, un futon, un four combiné, les affaires de classe et un sac de voyage ; autant dire que c’était très réduit. Il était très stressé, nerveux, la rentrée et la précipitation des événements rajoutaient sur les tensions plus anciennes. Notre squat au milieu des travaux commença et pendant plusieurs semaines, nous n’avions pas de frigo (les températures ne permettaient pas de mettre dehors les denrées à conserver au froid), pendant un mois, je n’avais pas de plaque de cuisson. LE CAMPING sauvage... sans feu, avec un four combiné.

    Pas du tout effrayée par ce genre de situation, je fis preuve d’une ingéniosité répétée pour nous nourrir tranquillement. Très vite, étrangement, je m’étonnai de la réduction faramineuse du budget alimentaire. Fiston et moi avons des goûts très simples, mon garçon en entrée d’adolescence est vorace, certes, il avale tant à la cantine le plus souvent qu’à la maison, il se contente de simple ; il m’étonne également souvent par l’épure de ses convenances. Une équipe de choc !

    Tout, absolument tout, a été préparé sans plaque de cuisson que ce soit gaz ou électricité. Mon garçon a été enchanté de me voir développer des trésors d’ingéniosité afin de ne pas buter sur une contrainte technique. Quelle belle leçon de vie à donner à nos enfants si habitués à des automatismes de haute technologie !

     

    Chauffant dans un grand saladier les eaux nécessaires aux préparations, j’ai ainsi pu faire la soupe en sachet de pois au lard tant désirée par le fiston,

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    les pâtes, le riz,  le boulgour, la semoule et la polenta.

     

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    Une soupe de potiron avec le micro onde et le mixer plongeant, là, à gauche

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    Les légumes et pommes de terre en vapeur bien enfermés ou dans leur peau ou dans mon petit plat à couvercle.

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    Des pizzas maison express préparées avec des produits de base en vrac ou en conserve.

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    Des crêpes cuites sur notre multi crêpière électrique fourrée à la feta et aux olives noires PICT1629

     



    Notre soupe turque d’Idil (courgette, yaourt, œufs et riz, la recette est plus haut dans les articles mimamiam)

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    Des gratins aux aubergines, aux herbes et fromages en feuille de brick,

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    Des salades, du jambon fumé, des boites de poissons,

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    Un poulet fermier géant accommodé aux légumes de tout genre,

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    Des légumineuses en pagaille, en conserve ou cuites dans l’eau au micro-onde, même un houmous.

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    Des poissons séchés russes, des crevettes ou des filets cuits au micro ondes(le poisson est l’aliment qui se prête le mieux à ce mode de cuisson…  avec le chou fleur qui ne sent pas trop fort par ce biais)

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    Des frites avec ma super friteuse ! (évoquée elle aussi plus haut)

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    Des légumes à la tomate sur lesquels j’ai posé des œufs crus. Cuits doucement au four, c’était un vrai régal !

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    J’ai également cuit une palette fumée dans mon four combiné, et oui !

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    Mon ancienne voisine nous avait donné des galettes farcies au fromage et aux herbes, poireau réchauffées au four

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    Et des salades en pagaille, les chips sporadiquement, pour le plus grand bonheur du fiston.

    Et un excellent gratin de quetsches à la cannelle et au sucre brun.. A renouveler sans compter!

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    Quand j’y pense, je ne saurais dire comment j’ai pu me débrouiller. J’ai quelques vagues souvenirs d’avoir par exemple rempli une bassine d’eau froide que je renouvelais souvent pour garder le lait, le beurre au frais. Ou d’avoir échangé des bacs de glacière régulièrement avec mes visiteurs habituels. Quant à mes modes opératoires de cuisine, je me suis simplement adaptée aux circonstances sans plus chercher. J’ai oublié comment j’ai fait (sauf quelques expériences qui m’ont beaucoup amusée telle la soupe de potiron ou la cuisson du riz au four), j’ai fait, bêtement.

    SeN, en visite dans ce bazar monstrueux pour un obsessionnel me demanda : " Je me demande vraiment comment tu fais pour vivre comme ça !  Comment tu fais ?" (angoissé au possible, c’est évident). J’ai haussé les épaules en souriant, répondant : "Et bien, je vis. " La vie est là, naturellement, nous l’oublions trop souvent, je ne le veux plus.

     

    Combien d’hommes sur cette planète n’ont pas le luxe auquel j’ai accès ? Combien dorment dehors ? Combien n’ont ni eau courante, ni latrine ? Combien dorment à tous les vents ? Nous sommes privilégiés. Il en est des nantis qui vivent dans la peur de perdre, je les plains, ils ne vivent pas.

     

    ( Punaise, impossible de ranger les photos ce soir Grrrrrrrrrr, vivement le dodo!)


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  • En Adelo, Michel et moi échangions constamment : parmi nos multiples conversations fournies et riches, il y eut celle sur la relation d’aide.

    Je venais de découvrir Lise Bourdeau et Ecoute ton corps ; en complément de Michel Odoul, Dis- moi où tu as mal, je te dirai pourquoi, je cheminai en cet hiver 2007 sur la voie de la compréhension du choc violent de la maladie dans mon existence déjà tant malmenée. Il m’écouta avec attention et m’expliqua qu’il connaissait d’autres personnes : Christiane Singer dont j’ai déjà évoqué ici la découverte étincelante et Colette Portelance.

    Evidemment, je lui fis noter les références qu’il me citait sur un bout de papier dans l’attente de recouvrer suffisamment de vue pour m’y consacrer. Je les ai commandé en mai 2008, celui de Christiane Singer fut dévoré très vite, éblouie que je fus de cette écriture pure et lumineuse,  celui de Colette Portelance  fut ajouté à la pile des livres à lire. Entre les activités de retour dans la vie et l’immensité des œuvres que je voulais lire, il attendit jusqu’à février 2009 que mon attention se reporta sur lui presque par hasard. Et je commençai.

     La guérison intérieure, un sens à la souffrance. 

     Colette Portelance travaille depuis des années dans la relation d’aide quand elle apprend qu’elle est atteinte d’un lupus, maladie incurable où le système immunitaire détruit les organes qu’il considère en intrus. Un choc terrible, une remise en question totale dans une vie remplie à ras bord.

    Elle raconte son parcours, le choc, la révolte, la colère, l’abattement, les étapes du deuil, d’une vie transformée, bouleversée. Puis, elle s’interroge, dans la lignée de son travail sur la relation d’aide. Quel sens donner à cette souffrance ?

     La souffrance physique recentre sur le corps trop souvent négligé et oublié.

    La souffrance psychique ramène au flot des émotions étouffées, refoulées, ignorées et rendues violentes dans leur révolte d’être comprimées, à la violence faite à soi- même dans le déni de nos besoins fondamentaux, à cette caverne de souffrances que nous traînons tous . A vouloir la nier, nous la laissons diriger notre vie sur des voies malsaines et le cadeau de vivre est sali de notre propre chef, inconsciemment.

    L’épreuve et ses conséquences sont une opportunité pour se poser, pour regarder au plus profond de soi, sans fuite, en toute responsabilité. Parce que les épreuves sont une occasion incroyable de retrouver le sens de la vie, une occasion de lâcher prise véritablement. La souffrance indique simplement qu’il est temps de changer de chemin, que la voie choisie est néfaste, toxique. Nous avons les moyens d’en prendre une qui nous sera bénéfique.

     Être à l’écoute de soi, à l’écoute des autres sans se laisser dévorer, accepter les responsabilités de chacun dans ses souffrances, réaliser la force qui est en chacun de nous, être responsable et libre, conscient, se libérer des esclavages anciens. Il n’est pas question de rester centré uniquement sur soi ou de se dévouer totalement aux autres dans le déni de soi. Il est question de se re-trouver et de vivre pleinement des relations authentiques, prendre sa place,  laisser l’autre faire de même.

     Ré-apprendre le respect de soi, prendre conscience et nourrir son âme, principe de vie parce que nous ne sommes pas que des êtres rationnels. Notre mental veut contrôler, diriger afin de rester seul maître à bord au détriment de notre être dans son entier. Accepter notre complexité cohérente et fluide en combinaison du physique, du psychique, de l’émotionnel, du spirituel, en équilibre.

      Faire de notre vie un enchantement, simplement. Ici et maintenant.

      Colette Portelance parle de son expérience sans poser de lois implacables décrétées universelles, elle partage. Si son cheminement ne guérit pas de la maladie, il permet de trouver des voies particulières qui en décalant le regard rend plus supportable l’épreuve.

     Ce livre est très évocateur du cheminement intérieur dans la souffrance vers l’acceptation. Etrangement, je réalisai au fil des pages que j’avais parcouru une belle distance depuis cette conversation en Adelo, ce livre ne m’a rien appris. Livre étape permettant de mesurer l’avancée de mes travaux intérieurs et un écho en clin d’œil à la communication non violente découverte ces derniers mois.


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  • Allez savoir pourquoi, malgré la multitude des phrases et idées qui me passent par la tête, j’ai la grande paresse de m‘étaler en tartine ; il y a en moi une telle joie de vivre sereine que les mots me semblent creux.

    J’ai passé un excellent réveillon chez mon amie Magali. La situation était incongrue pour des raisons diverses que je n’ai pas à étaler cependant, nous avons passé un bon moment à manger, discuter, jouer, regarder les fusées, échanger, partager. Mon grand garçon était ravi et j’aime voir sur son visage ce sentiment de bien- être devenu si rare ces dernières semaines chez lui.

    Je sens au fond de mon être que c’était le dernier réveillon version ancienne, le prochain sera très différent avec des changements importants chez les protagonistes. Nous sommes à des âges où le réveil a des effets radicaux, il y a des prises de consciences salvatrices qui libèrent des emprisonnements passés pour qui accepte d’ouvrir les yeux , Magali et moi, dans nos grandes différences, prenons des décisions qui nous ouvrent des portes incroyables de découverte de soi.

    Aujourd’hui, j’ai flotté, entre des livres lus écoutés en demi-sommeil, des musiques joyeuses, des danses endiablées, des jeux débiles, des repas pris au hasard des circonstances, quelques points de tapisserie… Bref, pas grand-chose surtout que le téléphone reste souvent muet dans sa déficience chronique, mystérieux soucis techniques.

    Donc, je vais m’étaler en bruits et musique pour avancer dans mon schmilblick.

     Depuis quelques jours, je songeais à cette chanson de Philippe Katerine. L’an 2000 me paraissait si lointain quand j’étais enfant, j’imaginais ma vie en rêvassant comme lui l’a fait.

      

     

    10 ans ont passé au-delà et je ressens encore si parfaitement les sensations de ces représentations alors que ma vie est totalement différente de ce que j’avais imaginé. Je rêvais d’une vie réglée et banale finalement et alors que j’approche de la quarantaine, je souris de ce parcours tordu, de travers et si agité… Ne me serais- je pas étiolée dans une vie monotone ?

     Au réveil, derniers chapitres lus de Bonjour tristesse de Françoise Sagan.

     J’aime entendre le bourdonnement des voix dans mes états entre veille et sommeil, il y a une telle activation de mon univers mental que je me sens grandie de vivre ces textes de l’intérieur. L’aveuglement m’a ouvert cette porte d’écouter les romans ; je suis ravie de vivre pleinement ces plages de vie littéraire où l‘imagination est totalement libre des contingences du corps, je m’enfonce avec délectation dans ces univers. En somnolant, en repassant, en brodant, je vogue selon les trouvailles à la Médiathèque, au hasard.

    Quelques leçons d’anglais et de russe pendant le petit déj et les quelques tâches ménagères que j’ai bien voulu exécuter.

    Il y a plus de 20 ans que je traîne les premières, pourquoi ne les ai- je pas écoutées avant ? Les deuxièmes sont tellement vieilles (elles ont encore des thèmes soviétiques et j’apprends des usages anciens !!) que les voix trainent et se déforment, c’est trop drôle !

    Activités molles et débiles devant l’ordinateur entre un aquarium virtuel et des casse- briques à la noix ; Gossip, Music for men en fond musical prend sa place peu à peu et en quelques minutes, je me retrouve à sauter et danser comme une folle dans le petit espace libre du salon.

     


     

    Garçon se lève à 14h30 et me demande un brunch. Soupe et bidouilles diverses, nous grignotons quasiment toute la journée.

    Deux films courts sur l’eau, les expériences d’un médecin anesthésiste- réanimateur, je reste dubitative sans me fermer et accueille quelques belles idées. Après celui sur la loi d’attraction (notre vie est ce que nous pensons, j’en parlerai ici ou là), je transite entre 2009 et 2010 avec des problématiques profondes.

    Quelques conversations légères avec le fiston sur les vacances qui s’achèvent quand ni la chambre, ni les devoirs ne sont faits m’amènent à écouter en boucle cette chanson extra que j’entonne quand le demain devient la réponse récurrente à mes questions. Ola, il est tellement important d’être là ici et maintenant, comment espérer que demain soit la solution à nos maux ?

     

    Dans la foulée, Pink en boucle et voilà mon garçon effaré par sa vieille mère handicapée sautillant et dansant dans toute la maison le son particulièrement élevé dans les haut- parleurs.

    Parfois, je me demande pourquoi il y a tellement de coincés sur terre.

      

    Je vis mes émotions pleinement et je jubile de commencer 2010 dans un tel entrain.

    Repas avec la radio : une demi-heure sur l’Iran pendant que la soupe de légumes maison glisse dans ma gorge enchantée et que le poisson au curry pique la bouche adouci par le riz thaï.

    J’écoute Gilberto Gil, pensée vers le Brésil et mes amies Ana et Thatianne. Là- bas, c’est l’été… et au lieu de danser, j’écris.

      

     

    Je baille, satisfaite de cette journée gaie et nonchalante. Je passe à un concert de Peter Gabriel; plus tard, le dodo se fera entre un livre de CNV ou des textes lus de Platon.

      

     

    Quel programme tout de même ! A croire que je suis une intellectuelle...

     Je ne sais pourquoi, une voix me dit que cette année sera belle. Mon fiston s’en sortira lentement grâce à tous ceux qui s’occupent de lui, j’entrevois des changements importants dans les mois à venir positifs ; je lâche prise, j’ai confiance, c’est fou. La transition après des années de durs labeurs est mouvementée, l’énorme ménage entamé grâce à la maladie permet des changements profonds faussement anodins. Je n’ai pas souvenir d’avoir été aussi sereine et clairvoyante sur ma vie. Je suis sortie de prisons aux chimères et fantômes hurlants, je vis pleinement chaque jour tel un cadeau inestimable offert par l‘existence et j’en suis si reconnaissante. Mes pensées sont- elles uniquement mentales ou réellement inscrites dans mon être ? Je le saurai dans un an, l’année 2010 aura été ce que j’en aurai pensé.

     

    Je vous souhaite à tous des belles pensées illuminant vos vies de milliers d’étincelles et d’étoiles !

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