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C’est étrange, il y a quelques jours, je pensais à lui, il y avait plusieurs mois que je n’avais écouté ses chansons. Un pincement au cœur me prit et je décidai de retrouver le cd au milieu du bazar pour me plonger à nouveau dans cet univers beau et riche.
Jean Tenenbaum de son vrai nom échappa à la déportation alors que son père, juif russe réfugié en France mourut à Auschwitz après avoir été arrêté par la Gestapo. Jean avait 11 ans et attendit longtemps son père.
Sauvé par des militants communistes, il garda à l’égard de cette idéologie une reconnaissance infinie.
Tout au long de sa vie, il se battit pour la dignité humaine, à contre courant souvent des modes.
Adepte d’une vie simple et authentique, il a chanté la nature et les gens simples
Les poèmes d’Aragon avec une émotion rare
Partisan de la paix et de la non- violence (je retombe décidément toujours sur mes pieds),
il dénonce la petitesse des frileux confortablement installés prônant de grândes idées avec un humour ravageur.
Je partage avec lui cette France magnifique des droits de l’homme, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité porteuse d’idéal, d’intelligence et de beauté.
Dans son histoire, j’entrevois un parcours tel que mon ami Boris peut en relater, celui d’une souffrance abominable transfigurée par l’art.
Libre penseur, artiste engagé, il fut à mes yeux un être profondément humain, authentique dont les chansons et la voix chaude nourrissent mes espérances dans l'humanité, un être tel que je les aime, simplement.
Jean Ferrat n’est plus, c’est un grand homme qui disparait.
Au revoir monsieur et bon voyage.
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Pourquoi donc sont-elles si pénibles ? Il n’y a que dans la semaine, avec le travail, les déplacements et les rencontres que je me repose, c’est fou.
Mon garçon va mieux, il se passionne pour l’escalade, prend son millepertuis, dort mieux, sourit plus et s’énerve moins, riant de lui- même et de ses colères… sauf quand il est à la maison et passe son temps à jouer aux jeux vidéos. La tension monte et je m’énerve de ne pas le voir venir manger, de ne pas s’habiller, de ne pas parler d’autre sujet que ces jeux, de se détacher complètement de son activité scolaire… Grrrrr. Dur dur de l’en décoller. Bien qu’essayant de garder le cap façon CNV et de poser les limites, je finis par lâcher en vivant ou ma colère ou en méditant ou en pratiquant le Qi Gong.
Chaque rencontre avec SeN finit en eau de boudin. Je me fâche, je m’insurge ou je reste abasourdie. C’est comme si les douze années de camaraderie et d’amitié, les huit ans de collaboration plus proches n’avaient jamais existé, n’étaient qu’un épais brouillard glauque et grouillant d’enjeux inconscients malsains et inextricables. Et je ne décolère pas, et je me tourmente, et je m’interroge, incrédule sans trouver de solution. Je m’attèle à avoir de l’empathie pour moi- même, je mesure le chemin parcouru et tourne la tête vers d’autres relations plus authentiques, sereines, dynamiques, constructives. Quelle gageure que de se défaire de ses boulets du passé quand tout l’être est pleinement dans un présent entièrement renouvelé !
Inévitablement, la vessie lâche quand l’ambiance se fait délétère et je me penche benoitement sur ces aléas physiques en écho aux aléas de la relation aux autres. Je ne dis pas qu’ils sont responsables de mes tourments, entendons- le ! Ces baromètres corporels relèvent de ma responsabilité personnelle.
Jérôme de Sèze avait répondu à une de ces questions qui me taraudent :
- Pourquoi, quand je suis énervée ou contrariée, mon corps s’exprime t-il entre ces douleurs neurologiques, ces malaises ou ces lâchages de vessie ?
- C’est que les voies nerveuses utilisées par les fonctions physiques et les réactions psychologiques sont infiniment proches. Dans ce type de maladie, corps et psychisme sont intimement liés.
Formidable ce baromètre ?
Colette, médecin généraliste homéopathe sans qui je me demande réellement comment je supporterais les traitements et leurs effets secondaires a évoqué cette semaine le langage courant devant mes difficultés récurrentes tant de suées nocturnes que de vessie: « Pour ne pas le dire plus crûment, c’est votre façon d’exprimer vos sentiments : Qu’est- ce que vous me faites suer !!! »… Suer, péter, uriner… C’est tout du lâchage de toxines, le corps évacue en résonnance avec mon psychisme en mutation.
J’essaie de comprendre sans harceler par le mental ; je me penche tendrement sur mon interne et laisse passer les sentiments, ressentis, pensées et émotions. C’est une tâche de longue haleine, perpétuelle.
Les signes de changements sont évidents par les événements qui surviennent quotidiennement et dont le flot dépasse mes capacités à les raconter ici par manque de temps, je me sens également sereine, en paix, heureuse au creux de moi. Néanmoins, je coince, accroche sur des relations. Si avec ma mère, les résultats sont probants, avec fiston, la course est marathonienne, avec SeN, je me sens affreusement démunie après avoir tenté tout ce qui était en ma possession, seule devant son mutisme, sa colère, ses indécisions, ses peurs.
J’ai fait le gros ménage en moi, mon entourage est encore habitué aux fonctionnements anciens, ils sont certainement démunis devant ces nouvelles donnes - c’est si confortable de continuer ses petites habitudes ronronnant depuis des années. Comment pourrais- je leur en vouloir ? Les cartes ont été transformées, je me suis transformée. Tout est à remanier, chacun a le choix d’accepter ou non la nouvelle danse. Il est des naissances douloureuses, initiatiques, tous n’en veulent pas et c’est leur droit. Quant à moi, il s’agit de me nettoyer de ces oripeaux du passé en douceur, sans me violenter, sans les violenter… Et que c’est laborieux !! Parce que je suis humaine, avec des colères, des débordements émotionnels, des mots sortant de travers et blessants, une personnalité complexe et ambivalente, des contradictions, une imperfection généralisée !
« Tu es une grande guerrière… mais n’oublie pas tes propres préoccupations !» m’a dit un être venu des tréfonds du monde en des circonstances dont je parlerai en son temps ; j’ai souri, tout était dit.
Maladie auto immune, auto- destructrice, enfermement programmé, perte de la perception sensitive de l’environnement extérieur, le corps me ramena à l’essentiel. Par une chance inouïe, j’ai échappé à une mort abominable, mes yeux intérieurs se sont ouverts, j’ai pris la mesure de ma valeur, de la violence que je m’infligeais en m’oubliant, en me sacrifiant pour les autres au sens rituel.
Maladie d’initiation, de transfiguration… parce que c’est le sens que je lui ai choisi. Je panse mes blessures profondes, je couvre de baumes mes travers, erreurs du passé, je pose un regard éclairé sur mon existence, j’ai retrouvé le goût de la vie en frôlant la mort. C’est ma voie et non celle des autres ; ils ont leur propre cheminement, leurs propres choix, leur propre responsabilité.
Le cheminement vers la libération est long, chaotique, jamais acquis ; ces aléas relationnels sont des relans d’un passé malsain dont les puanteurs me suivent au gré des tempêtes, des reflux d’égouts, coriaces, résistances aux grandes eaux purificatrices que je déverse en nettoyant mon interne par la méditation, l’ouverture à mon inconscient, l’acceptation de mon être passé et présent dans sa complexité. A chacune de ces difficultés, mon corps me ramène à la seule véritable priorité.
Lâcher, lâcher ! Il n’y a guère d’autre alternative. Accepter que mon parcours n’est pas celui d’autrui. Accepter de les laisser assumer leur propre responsabilité. Accepter que je ne suis pas là pour les sauver. Accepter notre humanité complexe, variable à l’infini et si imparfaite. Accepter que nous n’en avons JAMAIS terminé avec nous- même. Perpétuelle mutation dont nous avons les rennes en main, conscientes ou non ; terrible labeur interminable que nous entamons… ou non.
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Toujours dans l’article du 2 mars, j’évoquai ces limites posées à mon travail réalisant avec quel bonheur la culpabilité m’avait quittée au fil des années dans la maladie. Avant elle, je ressentais intuitivement que je me minais à prendre en charge d’autres qui se lovaient facilement dans la brèche que j’ouvrais, je ne pouvais cependant envisager sortir de ces travers inconscients ne sachant pas ce que moi- même remettais sur le tapis continuellement. Le ménage est largement entamé et les fruits viennent tranquillement tout seuls dans mon petit panier cabossé et tordu, incroyablement solide et souple. Pour preuve, le retour de ce monsieur à qui j’ai fermement signifié sa responsabilité dans son ré- apprentissage.
En grande difficulté face à la lecture et à l’écriture hors recopiage, il semblait désinvolte, riant et décrochant facilement de son travail dès son entrée en formation. Puis, il a disparu plusieurs semaines. Il est revenu la semaine dernière pour se faire remonter les bretelles fermement et courtoisement par ma petite personne au doux sourire et aux yeux perçants parce qu’il avait tout oublié des premiers cours, reconnaissant ouvertement qu’il n’avait rien regardé autour de lui lors de ces semaines d’absence. C’est que je commençais à le soupçonner de prendre ces cours ( pour lesquels il est payé) sur son temps de travail comme moyen d’être au chaud, assis pendant une heure et demie et il était hors de question que je perdisse mon temps pour quelqu’un qui ne voulait pas se donner de la peine. Je pensais qu’il se vexerait de ma mise au point et ne viendrait plus. Ne m’avait-il pas dit qu’il ne s’occupait de rien ? Qu’il se débrouillait toujours avec sa femme ? L’air je m’en fiche.
Je le retrouvai lundi après- midi. Ne voulant préjuger de quoique ce fut, je distribuai leurs tâches à chacun et fis mon tour d’accompagnement/ contrôle avant de revenir vers lui. Il avait recopié sans broncher ce que je lui avais donné et tenté de répondre aux questions posées. Nous corrigeâmes ensemble ce qu’il avait terminé et je l’aidai à terminer ce qui lui posait souci. Pareillement, je le fis lire… et là, incroyable ! Je rencontrai un monsieur posé, nettement plus concentré et appliqué. Il m’enchanta de son effort à lire et de la conscience avec laquelle il exécuta ses tâches. Je l’encourageai, le félicitai. Il continua de garder son air désinvolte mais par son travail, la différence était évidente.
Peut être avait- il besoin d’être repositionné, de s’entendre dire qu’il faisait cette formation pour lui afin de ne plus être dépendant d’autrui ? Je le lui ai dit explicitement : « Ne pas savoir lire, c’est être esclave ! », citation empruntée à Leny Escudero militant dans la lutte contre l’illettrisme en mémoire de ses parents immigrés espagnols analphabètes.
Je suis ravie de notre collaboration de ce jour. Il nous sera possible de dépasser son illettrisme… si LUI le décide et en aucune manière je n’ai à prendre cette responsabilité sur mes frêles épaules.
Il est plus que temps de sortir du jugement et de cette foutue morale qui empoisonnent nos existences, entre culpabilité et fatalisme.
Poser limites et responsabilité respectives
lâcher prise
maîtres –mots, leitmotivs
Recette aux résultats flagrants
Discographie de Leny Escudéro ici pour ceux qui ne connaissent pas.
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Dans l’article précédent, je racontai le parcours chaotique de recherche de nouvelles sondes. Au risque de me répéter, je réexplique que la maladie a commencé chez moi très bas, au niveau du sacrum d’où des conséquences sur mon système urinaire. Avec Solange, nous tentons de comprendre ce qu’il se passe pour remédier à mes incessantes infections. Ces vérifications passent par une reprise des auto-sondages quotidiens pendant quelques semaines.
Un nouveau modèle de sonde est sorti récemment, plus stérile, mieux adapté à la morphologie féminine. J’ai fait trois pharmacies en vain, dans chacune, il fallait les commander ; je me rendis donc dans mon officine habituelle et chargeai le pharmacien de se renseigner. Au retour, il m’annonça qu’il fallait les commander spécialement et qu’une partie resterait à ma charge ; je n’ai pu en savoir plus mais ces circonstances me déplaisaient grandement, j’annulai donc le processus. Je me voyais déjà courir chez le médecin, repartir en quête d’autres ordonnances. Néanmoins, je ne pouvais me satisfaire de cette conclusion et pendant la nuit d’avant-hier, je me décidai à consulter le site de la marque de ces nouvelles sondes ce que je fis dès le matin. Je leur laissai un message expliquant mon parcours quand sur leur site, ils disaient les sondes remboursées à 100%. Une réponse me parvint ce matin : les sondes sont disponibles depuis 15 jours avec confirmation du remboursement. Un numéro de téléphone m’était donné pour les contacter ce que je fis immédiatement. Mon interlocutrice fut surprise de mon parcours et me proposa de passer directement par eux, sans l’intermédiaire de la pharmacie ; trop heureuse de résoudre enfin cet épisode, j’acceptai. L’affaire est en route, je n’ai que quelques échanges à confirmer verbalement ou par papiers, tout se règle étonnamment facilement.
Je suis opiniâtre, j’ai la tête sur les épaules et je peux me débrouiller malgré les entraves apparentes. Que ce fut dans les heures noires de la maladie ou désormais dans les petits détails du quotidien, j’arrive à prendre des initiatives, à trouver des pistes de traverse, à m’adapter. Systématiquement, dans ces circonstances, je pense à ceux qui n’ont pas ces ressources. Entourés, ils peuvent compter sur d’autres, les isolés sont confrontés à des situations très lourdes et incohérentes. Malades ou non, handicapés ou non, les humains vivent ces multitudes d’expériences. Je ne peux rien pour ceux qui sont désemparés ou désarmés, il ne sert à rien de m’en miner, je me sens simplement pleine de compassion et tellement reconnaissante d’avoir tout ce qui m’est donné.
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Après la séance d’acupuncture, j’ai eu un répit d’une semaine. Du coup, il a été plus facile de libérer les pensées par- delà la basique gestion. J’ai savouré les journées s’écoulant tranquillement tout en continuant mon quotidien singulier et inattendu. Cette semaine a été rocambolesque et je ne sais par où commencer alors que je n’ai pas fini de raconter mes péripéties des dernières années ??!! Certains événements n’ont de sens que dans un récit ultérieur, je tiens à garder un fil conducteur malgré l’effet blog ; d’autres parachèvent des découvertes.
Je n’ai pas abordé la problématique administrative depuis la maladie et les handicaps parce que je ne comprends pas moi- même les tenants et aboutissants des démarches engagées, la multitude des interlocuteurs et dossiers mille fois garnis de documents en pagaille. J’y viendrai parce que c’est un long parcours où la persévérance et la conviction sont nécessaires. Néanmoins, les dossiers de la Caf semblent enfin cheminer vers la régularisation malgré les aberrations du système. Ainsi, la semaine dernière, je découvris avec stupéfaction un versement conséquent en règlement des aides au logement des six derniers mois ! Le simple paiement des obligations de logement amputait intégralement mes maigres revenus au point de me conduire aux Restos du cœur cet hiver en dépannage ponctuel. Ce n’est pas la panacée en termes de choix, au moins, nous avons pu avoir quelques extras en dehors des haricots secs, pommes de terre et autres combinaisons frugales. Mon fiston avait été emballé au départ par l’arrivée de ces boites de produits tout faits, ces gadgets alimentaires comme je les nomme. Il engloutissait raviolis, lasagnes et autres plats cuisinés enthousiaste… et finalement, il s’en détacha avec le constat que ce n’était pas bon ; il revint donc naturellement vers des préparations maison. Nous nous sommes nourris joyeusement avec des fondamentaux de base. Cependant, les légumes frais manquaient, la viande aussi non dans l’équilibre alimentaire mais pour le plaisir. Je faisais des petites courses sporadiquement pour ajouter quelques fantaisies au quotidien, cela n’allait pourtant pas très loin. Et là, avec cette régularisation, je me retrouvais avec des possibilités nouvelles.
Parler de frénésie est outrancier, j’ai la tête sur les épaules, je fus toutefois enchantée à l’idée de pouvoir acheter quelques vêtements à mon garçon, de me payer un wok et une poêle, d’aller chercher des légumes à salade et de la viande sans compter le bonheur de pouvoir à nouveau retourner au cinéma ou en balade culturelle, acheter livres, disques trop précieux pour être seulement empruntés à la Médiathèque.
Dans le supermarché local, je m’étonnai de la simplicité de mon chargement; hormis un tee-shirt de marque pour mon garçon, je restai d’une sobriété évidente; devant les rayons surchargés et débordants de produits de consommation, je ne piochais que dans le basique, je me détournai naturellement des gadgets : comment peut-on avoir besoin de tant de trucs ?
A l’arrivée, ce fut la fête ; fiston resta cloué sur sa chaise quand je lui montrai son cadeau d’anniversaire en retard. Il me raconta combien son cœur battait la chamade, il n’en revenait pas… Au moins, sur ce point, il n’est pas blasé. Nous rangeâmes ensemble les différents aliments et il fut heureux de retrouver du chocolat dans les placards de la cuisine (Je le planque parce que sinon, il dévore tout dans la journée ; il ne s’en plaint pas, la règle est intégrée). Je me réjouis devant les réjouissances à venir : navarin d’agneau, pot au feu, raclette, blanquette de veau, salades en pagaille, etc. Slurpss ! Nos sens allaient s’amuser de ces saveurs lointaines.
Lorsque je retournai à la distribution des Restos suivante, j’hésitai à prendre mon lot, une voix intérieure souffla que je pouvais le donner à quelqu’un dans le besoin. Au retour, je voulus chercher du pain avant de rentrer et comme je me garai, je vis un pauvre hère assis sur le sol à faire la manche devant la porte d’un des magasins. Ni une, ni deux, je vidai mon panier des Restos pour lui proposer du lait, des pâtes, du riz, du fromage, des boites de raviolis et de cannellonis, du savon. D’abord surpris, il me remercia maintes fois pour ses enfants en levant les yeux au ciel en prière. Mes attentions l’incitèrent à me demander des produits de soin pour sa jambe blessée ; dans l’indifférence générale, je comprends qu’il se raccroche à celui qui lui vient en petite aide mais je gardai à l’esprit que je ne pouvais prendre en charge la responsabilité de sa situation. Je l’aidais de bon cœur dans un geste qui me remplit de joie et de félicité profondes avec le sentiment d’être en harmonie avec mon interne, je n’étais pas là pour le sauver.
Par mon emploi, je côtoie des personnes de tout horizon et les rencontres y sont multiples. Mes séances sont souvent le théâtre d’échanges incroyables autour de notre humanité commune et variable. Conversation sur la langue française si difficile à apprendre, les tracasseries administratives et les lois aberrantes d’attribution des titres de séjour surtout pour les non- européens entre bosniaques, russes, suédois, roumains, dégustation de biscuits, gâteaux ou autres délicatesses venues de traditions lointaines, récits des aventures familiales ou individuelles porteuses d’identités variées, ponts de culture et de représentations du monde dont je sors grandie. En outre, je suis pareillement une voyageuse sociale de haut vol, passant de l’illettré à très bas niveau de qualification au diplômé d’université parlant plusieurs langues avec la grande diversité des chemins sur les terres de France.
Je vis mon travail dans l’authenticité avec dévouement, c’est évident, cependant, je me surpris la semaine dernière à poser fermement la responsabilité de chacun dans l’apprentissage : « Je ne suis pas là pour m’amuser, je suis là pour fournir un travail et si vous ne vous y mettez pas, nous n’y arriverons pas. C’est à vous de choisir, ce n’est pas mon problème, c’est le vôtre » Je n’ai pas souvenir d’avoir été aussi claire et ferme. Devant des échecs, je me remettais en question, cherchais d’autres voies pédagogiques. Désormais, j’en ai réellement terminé avec la culpabilité. Les limites de la responsabilité respective sont devenues une réalité dans tous les domaines de ma vie. Il était temps.
Mercredi, j’avais rendez- vous avec Solange en raison des difficultés de ce début d’année. D’habitude, je me rendais à l’hôpital en taxi- ambulance à cause de ma vue, de la fatigue qu’occasionne les trajets. Je ne le commandai pas pour ce jour-ci, portée par l’idée de nous promener fiston et moi. Ce fut très spécial parce que je planais : je me trompai d’heure et nous partîmes une heure trop tôt, je pris des routes inconnues et nous roulâmes de ci de là en tours et détours. Dans l’hôpital, je pus rendre visite à Michel en ADELO, ravi de me revoir, je croisai d’anciens camarades de rééducation. J’errai, divaguai sans toutefois rater les objectifs du jour. Au retour, je me réjouis d’avoir pu, sans aucun souci, déambuler dans les couloirs, conduire en plein centre-ville de jour, de nuit. Mon champ de liberté s’ouvre effectivement.
Solange fut ravie de me revoir, me taquinant sur mes longs silences. « C’est que vous êtes tellement occupée ! » m’exclamai-je en souriant, elle insista. Nous fîmes le tour des questions quant à mon état actuel, mes récurrents problèmes urinaires, le papier à fournir en justificatif de handicap pour une candidature dont je parlerai plus tard. Je reçus en termes médicaux un retour détaillé de mes réalités en maladie de Devic. Si je ne compris qu’en gros ce qu’elle disait techniquement, je n’en mesurai pas moins l’ampleur de la gravité de la maladie. Une espèce de décalage m’éclata à la figure entre ce qu’il en était médicalement et mon ressenti dans ces circonstances. Atteinte sévère de la moelle engendrant ces dysfonctionnements du système urinaire auxquels seule une prise en charge médicamenteuse importante pouvait remédier, tâtonnements et essais de traitements voire d’intervention chirurgicale devant les anarchies systémiques. Quand elle dicta son compte-rendu médical pour le justificatif, je revis l’histoire dans la maladie avec les symptômes évolutifs de 2006, rapides, terribles. Je savais que j’avais été hospitalisée parce que je nécessitais une prise en charge complète au regard de ma dépendance lourde au quotidien, je savais que j’avais beaucoup souffert… J’appris surtout en cerise sur le gâteau que j’avais été en insuffisance respiratoire ! Je n’avais pas envisagé la mort en ces périodes si sombres sans raison et ce malgré mes ignorances sur les explications physiologiques. Sans traitement, vraiment, je le crois, ma vie se serait terminée dans un emmurement auto programmé.
En fin de consultation, nous partageâmes des paroles de cœur à cœur car décidément Solange est un médecin peu commun dans son humilité, son engagement, sa sensibilité ; nous avions très rapidement accroché de l’une à l’autre logiquement. Elle évoqua un travail dans le cadre de l’école d’élèves infirmiers auquel elle souhaitait que je participe en juin sur le thème de la sensibilisation au vécu du patient dans la maladie, le handicap, comment il continue d’être, malgré les épreuves, en vivant le présent, en se projetant dans l’avenir. Je l’avertis: « Attention, je suis prof ! » ; elle sourit et m’avoua qu’elle avait très tôt pensé à moi parce que justement, je savais m’exprimer clairement devant une (petite) assemblée. Nous convînmes de quelques cadres en préambule et je lui dis mon enthousiasme. N’avais- je pas déjà accepté de participer à des cours en ergo si l’école voyait le jour ? N’avais- je pas créé ce blog pour partager mes ressentis, mon parcours dans cette adversité, pour démontrer la force de vie qui bouillonne en chacun de nous, les potentiels que nous ignorons trop négligemment ?
Les jours suivants, je parcourus les pharmacies locales en quête des nouvelles sondes prescrites, nouveau modèle qu’aucune ne possédait. Après quatre établissements, plusieurs appels téléphoniques, j’appris qu’elles n’étaient pas prises en charge par la Sécurité sociale... hum, à près de 100 euros la boite (pour 6 jours), je refusai de les prendre ; à ce tarif, impossible de suivre. Je songe retourner chez un médecin très prochainement… d’autant que mes soucis reviennent depuis samedi.
Cela ne m’a pas empêchée d’aller faire une belle promenade avec mon amie Magali et ses enfants. Certes, avec les efforts, ma vessie lâcha devant la voiture au retour, mais je l’oublierai vite pour ne me souvenir que de la forêt, des petiots gambadant partout et s’étalant sur le sol tout à leur enthousiasme, de la compagnie de mon amie. Dimanche, je l’ai retrouvée avec Valérie pour un truc très très spécial dont je parlerai plus tard. Ce fut chaleureux, généreux, revigorant et très instructif. Puis, je mangeais avec Pandora au resto indien tranquillement pendant que Valérie gardait les garçons avec elle.
C’était un dimanche magnifique ! Merci à vous tous !
Je constatai à nouveau que dans le calme et la tranquillité, ma vessie ne se manifeste guère. Confrontée à des contrariétés, une fatigue, elle se rappelle à moi allègrement. Quel cadeau que ce baromètre !
Il y eut un autre événement incroyable ces jours- ci ; comme la sortie de dimanche matin, je lui réserve un article particulier car il est lié à toute une aventure étonnante que je ne réalise toujours pas tant elle me parait irrationnelle et invraisemblable. Parce que véritablement, quand l’interne change, l’externe en son entier suit la danse. A lâcher prise, ce que je n’osais pas même imaginer vient à moi de lui- même, sans que je le demande.
Pour en finir avec cette seule semaine, miroir de ma petite vie insignifiante et folle, je conclus sur une émouvante surprise de la blogosphère.
Les statistiques du blog ne m’intéressent pas, sauf la provenance des visiteurs. Dans les liens venus d’autres blogs, j’en découvris un que je ne connaissais pas et je cliquai dessus, curieuse. Le deuxième article sur la page était celui-ci. Il me fallut quelques secondes pour réaliser ce que je voyais ! L’auteure avait écrit un article à partir d’un commentaire que j’avais laissé chez une camarade blogueuse commune. Après l’étonnement, je fus heureuse d’avoir pu apporter un p’tit quelque chose à quelqu’un quelque part.
Je m’interroge régulièrement sur le parti pris dans mon blog, craignant de ne répondre aux attentes de ceux qui y viennent au sujet de la maladie en particulier. S’il est clair que ces tartines en cheminement intérieur contribuent grandement à réparer mes failles narcissiques, je ne peux m’empêcher de douter. Toutefois, comment pourrais- je parler de ce parcours sans entrer dans mes ressentis ? Ce que je vis et le sens que je lui donne sont intimement liés, mon ami Boris n’étant jamais éloigné de mes perceptions ; je ne peux donner de sens à ce que vivent les autres. Lorsque je découvre qu’une de mes quelconques paroles a portée des fruits sur le terreau d’un autre, la plénitude s’installe en mon cœur. Parce que lâchées sur la toile, mes paroles vivent leur vie, m’échappent, qu’un autre l’attrape, lui donne sens positivement dans son propre parcours, n’est- ce pas un merveilleux cadeau ?
L’humain n’existe pas sans lien, il ne serait pas sans la transmission reçue, transformée, enrichie au fil des existences, depuis la nuit des temps. Puissé-je transmettre la joie de vivre, d’exister, d’être, en écho à Élodie qui elle- même me l’a transmis.
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J’ai du répit dans l’agitation des dernières semaines et comme véritablement ma vie est un tourbillon, je me dépêche de relater mes péripéties lors de ces cinq semaines sportives avant que d’autres aventures rocambolesques ne viennent chambouler mes prévisions de récit (j’en ai déjà plein ma besace, mince !)
Donc, Valérie et moi étions dans ce petit groupe composé de quatre personnes. Les entraineurs ne nous connaissaient pas au départ ; ils eurent le loisir de découvrir chacune de nos personnalités. Evidemment, je ne suis pas en reste avec ma spontanéité qui me fait lâcher sans plus y penser ce qui me passe par la tête.
L’entrée en matière fut percutante d’emblée. Comme nous vaquions à nos exercices, je remarquai que les pantalons du personnel de l’hôpital avaient une étiquette à l’arrière sur la fesse droite. La tenue complète est portée avec une blouse recouvrant habituellement ce détail ; là, les entraineurs portent des tee- shirts et dans l’amélioration de ma vue (étiquette claire sur pantalon blanc vu d’assez loin, c’en est une belle preuve !), il me sauta aux yeux. Immédiatement, je m’en exclamai tout sourire: « Ola, nous sommes obligés de regarder vos fesses pour savoir comment vous vous appelez ! ». Je n’y avais mis aucune pensée particulière, notant simplement cette évidence et je m’étonnai d’entendre quelques rires fuser alors que l’entraineur parut déstabilisé ; il lui fallut quelques secondes pour revenir à ce qu’il faisait sur une machine. La suite m’échappe, je reste cantonnée à mes ressentis quand je réalisai ce que d’autres pouvaient porter sur ce genre de réflexion… Bah, cela est de leur ressort, moi, je ne suis pas mécontente de regarder ces étiquettes surtout avec des fessiers joliment galbés. Les hommes ne regardent-ils pas les femmes en priorité dans les yeux ? A vrai dire, je m’en fiche. Quand je n’y voyais rien, je n’ai eu que la confirmation de pensées d’avant la maladie, en paroles empruntées à Saint- Exupéry.
Studieuses malgré l’apparence de nos papotages (très sérieux qui plus est!), Valérie et moi comptions nos mouvements en tenant le fil du sujet. Avec les pauses et la fin des tâches consignées, nous attendions que les éducateurs fussent disponibles, et voilà que nous entendîmes que nous étions des tire-au-flanc !! Le terme exact m’échappe, c’était quelque chose dans ce champ lexical. Je ris et ajoutai bravement qu’une femme est multitâche ce qui n’est pas le cas des hommes. Evidemment, ce n’était pas tombé dans les oreilles de sourds et quand je me retrouvai en d’autres circonstances sur le vèlo contrariée par le cardio (il viendra plus tard celui-là, c’est épique !), j’attendis patiemment qu’il eut fini son travail avec un autre patient. Ce grand gaillard musclé au possible arriva de sa grosse voix chaude en notant simplement : « Et bien, vous voyez que les hommes aussi peuvent faire plusieurs choses en même temps ». Je ne pus retenir mes mots, avec un grand sourire: « J’ai attendu patiemment que vous finissiez là-bas afin que vous puissiez venir vous occuper de moi, c’est une chose après l’autre non ? ». Sans vouloir préjuger de sa réaction, je remarquai simplement un léger trouble dans son activité, il lui fallut quelques secondes pour revenir au réglage technique à effectuer sur les appareils que j’utilisais. De toute façon, ils ont très vite remarqué que je n’étais pas une méchante, j’ai l’esprit affuté et la langue pendue certes, mais je ne suis nullement ingrate de l’attention qui m’est portée, au contraire ! J’aime simplement m’amuser, partager, échanger. En outre, ils avaient trouvé le truc, avec le temps, ils n’arrêtaient pas d’augmenter la densité de mes exercices… En me crevant, ils me clouaient le bec… et Valérie de noter « Tu es fatiguée, on ne t’entend plus ». Scroumpf… Plus nous avancions dans les séances, plus je repartais la vue faible et les jambes désarticulées.
Les séances de vèlo étaient toutes effectuées avec un cardio sans fil porté dans une sorte de large ceinture élastique. Les entraineurs y surveillent la résistance du cœur afin de mesurer les limites à l’effort, à l’endurance. Rapidement, ils augmentèrent durée et résistance de mes pédalages, mon cœur a parait- il de sacrées capacités. « Ça se voit que vous étiez sportive avant » J’étais fière, au moins mes efforts passés n’avaient pas été inutiles. Néanmoins, ce contrôle devint rocambolesque. Non seulement il n’y avait aucune ceinture à ma taille (j’ai une taille de guêpe !!), il fallait multiplier les astuces pour maintenir le cardio à la bonne place, mais en prime, il ne fonctionnait pas. Du jamais vu à leur dire ! J’expliquai que j’étais coutumière des situations improbables et singulières : un art de vivre. Que pourrais- je envisager d’autre ? C’est récurrent et tellement amusant… (enfin, pas toujours). Chaque séance devint le théâtre d’un nouvel épisode dans les péripéties du cardio sur mon petit cœur malicieux.
Premièrement, il eut des jeux de mots en perdu, brisé ou sans devant le néant des informations. Suivirent les rires avec les chiffres anarchiques qui s’affichaient, disparaissaient et revenaient très différents des précédents. Le mouvement succéda aux discours et je passais 10 à 20 minutes à marcher du vélo au robinet, du robinet au vélo (mouillé, le cardio capte mieux). L’un des entraineurs versa le contenu d’une petite bouteille d’eau sur le capteur ; j’étais trempée, ça ne fonctionna pas. Il y eut les essais multiples et variés de placement du module, par moi, par les entraineurs avec la ceinture trop lâche à resserrer constamment.
D’autres groupes de passage dans la salle s’amusaient de nos échanges d’un bout à l’autre de la pièce : «- Ça marche ? - Non. - Et maintenant ? - Toujours pas… Attendez, il y a quelque chose ! Ah non, c’est reparti. » Etc. L’un, finalement, s’obligea à compter manuellement mes pulsations cardiaques.
Je changeais de vélo, à plusieurs reprises (l’écran affichant les données est entre les guidons). Celui qui avait fonctionné avec le monsieur précédent quelques secondes auparavant s’arrêtait dès que je m’installai.
Vive la technologie, moi je vous’l’dis !
Ce fut donc à l’aveuglette que nous avançâmes pendant ces cinq semaines d’entrainement.
C’est un fait, j’ai le chic de déstabiliser et ce sans calcul ; c’est naturel, spontané. Ceux qui ne me connaissent pas ignorent souvent comment interpréter mes paroles. Quand des machines ou des éléments hors de ma portée s’y mettent, je ne peux qu’en rire et je continue naturellement mon petit bonhomme de chemin avec fantaisie.
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Je n’écoutais pas Abba dans mon enfance, je ne les ai connus que très tard et vraiment, je n’aimais pas, affreusement kitsch. Et un jour il y a une bonne dizaine d’années, j’ai vu le film Muriel de PJ Hogan ; depuis, Abba a pris un tout autre goût pour moi.
Muriel vit en Australie dans une petite ville insipide. Son père est détestable, sa mère abattue, ses frères et sœurs trainent leurs carcasses dans un bazar généralisé. Elle est triste, ne s’aime pas et s’évade grâce à la musique d’Abba en rêvant à un merveilleux mariage. Elle fraude et part rejoindre trois filles qu’elle dit être ses amies. Rejetée, elle retrouve, par hasard, Rhonda, une ancienne camarade de classe dynamique, libre, authentique. Une magnifique amitié se construit entre elles et la vie de Muriel est transformée. Par la sincérité de Rhonda, elle apprend à s’accepter et à regarder ses propres qualités. Pourtant, elle ne se défait pas de ses rêves d’adolescente et en répondant à une petite annonce, elle épouse (pour les papiers) un nageur sud africain dans une belle cérémonie comme elle en a toujours rêvé. Entre temps, Rhonda a eu une tumeur et se retrouve paraplégique. Il y a une rupture, une cassure jusqu’à ce que Muriel réalise enfin que sa joie de vivre lui vient de cette belle amitié avec Rhonda et non de ces rêves chimériques, ersatz d’une vie triste et vide. Elle liquide son passé et vient libérer Rhonda des trois jolies mégères qui lui tiennent compagnie.
J’en parle mal, l’histoire et les personnages sont tellement complexes, travaillés que la place me manque pour en laisser entrevoir la richesse . Si techniquement, je ne m’y connais pas suffisamment, je sais que j’aime ce film et à chaque Dancing Queen, mes pensées se promènent chez Muriel avec plaisir et joie.
Dans la médiocrité, une rencontre peut sauver une existence, la vie est pleine de surprises, la souffrance peut enfermer dans des rêves chimériques au risque de passer à côté de ce qui fait la richesse des instants vécus au présent. Comme il est néfaste de vouloir à tout prix imaginer que notre bonheur viendra de parcours stéréotypés par l’environnement, la société, les représentations du groupe où nous évoluons. Quand nous ne nous aimons pas, les autres sont des bourreaux ; quand enfin nous réalisons la richesse et la complexité de nos internes bien loin des clichés manichéens vendus à tour de bras, l’autre se révèle un miroir positif de soi.
Je reconnais là les thèmes de mon ami Boris : nous existons par le lien, dans le toxique et le bénéfique. Ceux- là entretiennent nos pulsions de mort dans l’autodestruction et ceux- là portent en eux cette rage de vivre qui nous habite ; nous faisons le choix d’ouvrir les portes aux uns ou aux autres, très souvent inconsciemment, conditionnés que nous sommes par des choix faits enfant dans le fatras de notre entourage. Les erreurs s’accumulent, nous nous réveillons ou pas. Voilà de quoi sont construits nos parcours de vie.
Muriel en est un exemple merveilleusement raconté et ce n’est pas par hasard que j’aime tant ce film. Malgré la cruauté, le cynisme, la tristesse morne d’un quotidien pénible, la vie nous offre la possibilité d’évoluer et d’enchanter notre existence non dans des chimères mais dans des instants précieux tricotés par l’amitié, la sincérité, l’authenticité. Muriel, un hymne à la liberté et à la joie de vivre à dévorer sans modération…
Un fan trouvé par hasard, très en verve sur le sujet ! ici
Mon entêtement est là : garder foi en l’humain vivant !Allègrement, je rebondis.
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Je pensais raconter mes facéties lors du réentrainement à l’effort, tranquillement, joyeusement, malheureusement, ma tête n’y est pas, pas du tout !
Parce que le fiston est en vacances, parce que nous traversons une période très agitée et pénible où les querelles autour des ordinateur et console de jeux se multiplient en prétexte de remontées plus profondes, parce que je suis constamment contrariée par des paperasses et des justificatifs mille fois demandés pour obtenir des clopinettes, parce que mon corps me joue des tours désagréables, je suis fatiguée, lessivée, fâchée et exaspérée. Bien que n’étant guère découragée avec cet espoir chevillé au corps en permanence –sauf face à la mort-, je n’aperçois que laborieusement l’issue de ces conflits empoisonnés ; j’ai usé toutes mes ressources, ce n’est plus de mon ressort. Je délègue, je cherche de l’aide pour soulager nos peines et je m’occupe de mon interne en méditant constamment par le Qi Gong ou la présence à l’instant, j’écoute mes douleurs et mes travers physiques... Rien n’y fait, je me vide, je m’infecte depuis des semaines à en déborder ; et devinez qui donc hurle le débordement concrètement ? C’est ma vessie, fidèle au poste des signes d’alerte.
J’avais pareillement le chic pour perdre connaissance en cas de surcharge et je ne saurais dire le nombre de ces chutes en malaise ou non puisqu’il m’est arrivé de ne pas m'en rendre compte. Je m’éveillai dans les bras ou sur le sol sans me souvenir de ce qui s’était passé ; les fuites spectaculaires s’y conjuguaient de temps à autre. Les malaises se dispersent désormais, ma vue s’affaiblit en aveugle des autres quand je suis très fatiguée, ma vessie, elle, s’exprime, toujours. Ainsi, depuis janvier, je vis entre deux infections aux manifestations multiples et variées.
J’ai parlé ici de la première de l’année, survenant brutalement en pleine crise avec le fiston. D’autres ont suivi depuis. Résultat : quatre consultations chez le médecin, trois traitements homéopathiques, un traitement antibiotique, deux ECBU (analyse des urines), une séance d’acupuncture, l'achat d'une ceinture lombaire pour protéger mes reins, une lessive par jour, le port en permanence des jupes ou robes plus pratiques en ces circonstances de fuite, les serviettes éponges, les essuie- mains de la salle de bains ou de la cuisine, les microfibres entre les jambes, je me promène cahin- caha avec la crainte constante de ne plus pouvoir gérer les flaques, les odeurs. Une galère journalière.
La nuit, j’ai commencé par me lever en précipitation, à deux, trois, quatre, cinq, six, sept reprises puis je me suis réveillée dans des mares amères et chaudes ne pouvant décidément plus rien contrôler. Changement des draps deux fois dans la même nuit ; le lendemain, à 2h, je coupais une alèse dans un vieux drap imperméable pour ne plus avoir à changer le drap complet. Fuites au travail, fuites au Qi Gong, devant la cuvette ou la porte des toilettes… Entre brûlures déchirant le ventre, odeurs et gestion du linge, je n’ai de force que pour continuer un quotidien très simple. Je travaille doucement, je nous nourris spontanément, je raccommode chaque jour avec les moyens du bord. En fond sonore, les discussions vives entre révolte, colère et exaspération. Puis, une bulle en sourdine de quelques échanges posés où je ne comprends plus le décalage entre les discours et les comportements de mon garçon éperdu dans ses errances, ses colères, ses comportements. Foutue culpabilité en impasse contre laquelle je lutte. Il n’est question que de peurs et de besoins fondamentaux insatisfaits. Si je ne l’abandonne pas, je m’attèle à poser la limite, je ne peux résoudre TOUS ses tourments.
Insidieusement, peu à peu, un doute s’installe. Et ces sensations dans les bras ? ces tiraillements dans la hanche ? cette douleur sourde qui ne me quitte pas au creux des reins à droite ? ma vue défaillante en flou criard à la lumière blanche ?
Inexorablement, vient la question : ne ferais- je pas une poussée ?
« Tu as eu un choc ? » me demandait tout à l’heure ma mère. Je n’eus guère à lui répondre, elle haussa les épaules connaissant la réponse. C’est que je suis épuisée Maman.
Il est temps que le bout du tunnel de mon garçon s’illumine.
Consécutivement à mes retours incessants chez elle, Colette, généraliste, prit contact avec Solange, spécialiste et mon rendez- vous a été précipité. Le neurologue est prévu pour mi- mars. Pourvu que je n’aie qu’à lui dire que nous avons repris l’écoute de mes voies urinaires. Brrr. Saleté de maladie, je n’en finis pas avec toi !
Heureusement, la lumière trouvée dans l’obscurité des terribles mois ne diminue pas, je la sens en moi, sereinement, elle m’accompagne, m’entoure de sa chaleur douce. C’est en elle que je trouve le réconfort.
Je suis trop têtue pour baisser les bras , je n’en ai pas fini avec moi !
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Ce matin, je me réveillai avec l’émission de Nicolas Demorand sur France Inter et l’invitée du jour : Elisabeth Badinter. Son Dernier livre, Le conflit : la femme et la mère est sous les feux de l’actualité.
Les positions de cette femme m’intéressent depuis de nombreuses années, je la trouve claire, ferme, lucide, intelligente et courageuse. N’ayant lu aucun de ces ouvrages, j’ai néanmoins parcouru quelques uns de ses articles, écouté ses interventions avec intérêt, survolé en loin son livre, L’amour en plus, sur l’amour maternel. En la découvrant au réveil, ma curiosité se piqua et je ne quittai pas mon poste de radio de toute la matinée. Très vite, je me mis en colère, les pensées fusant dans ma petite caboche.
Elisabeth Badinter expliquait combien le phénomène écologique recelait de perversités potentielles. La promotion des couches lavables, d’un retour à la nature avec une femme s’occupant des enfants qu’elle allaite puis nourrit de bio cuisiné elle-même, le rejet des biberons, du lait maternisé et des petits pots, la méfiance des produits chimiques de la pilule notamment, sont potentiellement dangereux dans la mesure où ils peuvent dénier l’émancipation de la femme. Elle rappela fort justement combien l’apparition des protections jetables de tout acabit a libéré nos grand- mères de lourdes corvées. Elle s’insurge des pressions exercées sur les femmes les amputant de leur droit de choisir : choisir de ne pas avoir d’enfant, d’avorter, d’accoucher avec ou sans péridurale, d’allaiter ou non, de travailler ou non avec de jeunes enfants. Elle nota les cas de l’Allemagne, des pays scandinaves où la péridurale n’est pas proposée, voire même fortement déconseillée (impact de la mentalité luthérienne et son approche de la souffrance ). Elle s’insurge du silence pendant la campagne des régionales sur les carences flagrantes de structures d’accueil du petit enfant compliquant grandement la vie des femmes, de la fermeture progressive des centres d’IVG ; elle se scandalise de la culpabilisation incessante des femmes quelque soit leur choix et ce pour des raisons dogmatiques. Parce que oui, les femmes sont trimbalées d’un dogme à l’autre ! Il suffit de d’observer comment les jeunes mères sont conseillées sur l’attitude à avoir envers les enfants : tous les vingt ou trente ans, les modes changent radicalement et les mères sont constamment culpabilisées insidieusement de mal faire : il faut les coucher comme-ci, il faut les allaiter comme ça, il faut les laisser crier, surtout pas les laisser seul en cas de pleurs, il faut réguler les tétées ou les biberons à heure fixe, donner à la demande, interdiction formelle de le prendre au lit avec vous, ou non, non, prenez –le sans crainte… etc. etc. Pourquoi les femmes ne peuvent- elles pas simplement avoir confiance en elles ?
Sous couvert d’écologie, des dérives naturalistes rétrogrades s’insinuent lentement dans les esprits.
Elle expliqua également comment avec la crise économique des vingt- trente dernières années, la situation des femmes régresse. Par les conditions d’emploi et de salaire qui leur sont faites (80% des femmes qui travaillent occupent un emploi à temps partiel dont elles ne peuvent pas vivre décemment), nombre d’entre elles se retrouvent cantonnées au foyer. En outre, d’après une étude de novembre 2009 (INED je crois), 80% des tâches domestiques et parentales sont effectuées par les femmes qu’elles occupent un emploi ou non !
Par ailleurs, elle dénonça les jugements portés sur les femmes pour leurs choix de vie, pour leur tenue vestimentaire surtout dans les cités et les préjugés qui en découlent, l’instrumentalisation de l’Islam pour justifier la soumission des jeunes filles, femmes à la décision des hommes.
Elle appelle à la vigilance, à la réflexion sur la liberté des femmes dans la société, à leur place sans les culpabiliser systématiquement de leur décision, à ne pas baisser la garde devant les grignotages des droits si durement acquis.
Ce qui me mit en colère ce matin, ce fut la levée de bouclier de certains intervenants défendant leurs opinions sur l’allaitement, l’accouchement naturel l’alimentation bio, les couches lavables, le renoncement volontaire à l’emploi pour se consacrer exclusivement au foyer, aux enfants. J’avais l’impression qu’ils n’avaient pas écouté les propos d’Elisabeth Badinter : l’art et la manière de jeter de l’huile sur le feu alors qu’il n’y a pas d’opposition d’opinion !! Merde alors, que veulent donc dire ces clivages ??!! N’ont-ils pas entendu qu’elle ne cherche aucunement à proposer un modèle d’existence aux femmes ? Qu’elle ne cherche qu’à défendre le droit des femmes à CHOISIR LIBREMENT leur destin ? Qu’elle appelle à garder notre attention en éveil pour ne pas laisser s’installer des idées ébranlant insidieusement les droits des femmes ?
Actuellement, l’idéal de vie passe par la possession matérielle et un style Bourgeois Bohème avec une écologie d’aisés à la mode (manger, s’habiller bio, utiliser des voitures hybrides ou électriques, maison écolo et consorts). Avec des idées très consensuelles sur la sauvegarde ou la préservation de la planète, les critiques contre cette mode passent mal et vicieusement, s’en suivent des jugements, des enfermements.
Toutefois, en contexte, chacun d’entre nous fait face à des situations complexes en variation infinie liée à nos histoires, nos éducations, nos responsabilités conscientes ou inconscientes ; nous faisons également en fonction de nos moyens économiques et sociaux, des circonstances historiques. Avec ou sans conjoint, avec de bons revenus ou à peine de quoi vivre, une famille présente ou non, la paix ou la guerre, les discriminations, les maladies, les accidents, les décisions sont complètement différentes. Les Restos du cœur ne distribuent pas de nourriture bio, les logements loués aux personnes ric-rac ne sont pas bioclimatiques, il n’est pas question de rénover les HLM dans cette optique, la mixité sociale ne se fait pas dans l’espace, les femmes supportant seules la charge des enfants n’ont pas les mêmes possibilités que celles qui gagnent bien ou sont accompagnées de conjoint « confortable », tous ne peuvent composter, faire un potager ou aller acheter chez le producteur local… ces impossibilités en font-elles des citoyens irresponsables ? Certainement pas ! Alors, je m’énerve quand j’entends ces bobos parler de leur engagement écologique, incapables de simplement écouter les interrogations d’une femme avisée. (cf. d’ailleurs ce superbe article de Pierre Rabhi ici)
Cette journée de colère et de réflexion, suite à l’écoute des avis variés entendus à la moindre occasion à la radio m’a ramenée également à une hypothèse qui me trotte dans la tête depuis quelques années : la dichotomie des femmes.
Sournoisement et insupportablement à mes yeux, elles tiennent des discours revendicatifs sur leur liberté, leur autonomie, leur indépendance, leur épanouissement pendant que concrètement, elles sont complètement dépendantes de leur conjoint ! S’il leur arrive de se séparer, elles se dépêchent d’en trouver un autre par peur d’être seules face aux aléas de la vie. Il y a également ces mères qui enferment leur fils, leur fille dans des schémas sclérosés ou mortifères les empêchant de vivre pleinement leur vie avec les meilleures sentiments du monde simplement parce qu’elles ne veulent ou ne peuvent se défaire elles- mêmes de leurs chimères ou parce qu’elles acceptent de pérenniser un système qui les a fait souffrir. Je pense par exemple à certaines coutumes traditionnelles : les mères ont été mariées vierges à des hommes qu’elles n’ont pas choisi, elles ont subi leur vie en silence et quand leur propre fille est en âge de se marier, elles tentent de lui faire subir le même sort. Si certaines se rebiffent, elles doivent mener un combat de longue haleine pour échapper au joug de ces traditions. Je ne donne pas de nom précis mais je peux garantir que j’ai vu de mes propres yeux ce genre de situation !
Il y a pareillement cette non- acceptation du célibat, du non- désir d’enfant, de l’homosexualité, des décisions de mariage ou divorce, de séparation, de dénoncer des violences subies. Toutes ces situations engendrent une violence rare des femmes envers d’autres femmes et cette violence- là, je la trouve insupportable et révoltante.
A mon humble avis - qui ne compte absolument pas-, j’affirme que le sort des femmes s’améliorera véritablement quand les femmes elles- mêmes en finiront avec les préjugés dans lesquels elles restent enfermées. Cela nécessite une prise de conscience, de l’énergie, de la volonté, du courage. Pourquoi n’en sommes- nous pas toutes capables comme Elisabeth Badinter? A quand une éducation sérieuse des enfants, garçons et filles, pour sortir des représentations sexistes ? Des livres où les femmes ne sont plus cantonnées à des rôles subalternes ? Quand les femmes sortiront-elles des rôles auxquels elles s’identifient inconsciemment en continuant de clamer leur affranchissement ?
Dans mon cas, je suis une adepte d'alternatives écologiques telles que les protections lavables, les coupes menstruelles, allaiter son enfant, manger bio, cuisiner ses plats ; je n'en perds pas pour autant mon esprit critique quant aux dérives possibles de ce genre de choix. J'élève seule mon garçon envers et contre tous les jugements entendus de ci de là, de la part de femmes également, très dures avec des arguments psycho- moraux; j'ai réussi un diplôme avec mention en étant enceinte et jeune maman, j'ai travaillé tout en allaitant mon bébé, j'ai fait face à toutes les difficultés économiques d'une femme seule. Diplômée du supérieur, précaire de l'Éducation Nationale, je n'ai jamais renoncé à mon emploi accumulant les contrats à temps partiel avec un salaire équivalent au mieux au SMIC alors qu’avec une vie de dépendance ou d’assistance, j’aurais été plus soutenue ou connu une vie matérielle plus facile (en travaillant, je gagnais moins qu’avec une allocation parent isolé !!!) . Les hommes croisés ont été inopérants enfermés dans des comportements induits par LEURS MERES incapables de les sortir de leur giron. Je n’ai pas renoncé à retrouver ma liberté devant leurs incapacités aussi effrayante que puisse être mon insécurité matérielle en recommençant seule. J’ai pris des décisions aux conséquences pénibles et laborieuses pour ne pas devenir dépendante ou prisonnière de la volonté d’autres, à quel prix? Dans quelle mesure suis- je véritablement considérée dans la société actuelle? Je ne revendique ni avantage, ni étendard, je m’attèle seulement à ouvrir ma conscience, à me libérer des jugements lâchés inconsciemment par d’autres parce que je ne choisis pas de vivre comme eux. Non, je ne suis pas une conne parce que j’ai pris le parti de la liberté !
Ensuite, je m'interroge grandement:
Quand est- ce que véritablement les femmes elles- mêmes se libèreront des représentations chimériques de leur place dans la société? N’y a-t-il pas un véritable travail de fond à opérer pour considérer socialement les femmes décidant de leur vie hors des clivages communément établis (en l'occurrence le couple, la maternité exclusive ou le carriérisme). Autrefois, ces femmes- là étaient nommées sorcières et brûlées sur le bûcher. Aujourd’hui, ne tente t- on pas de les consumer par d’autres voies ?
Et puis, zut, qu’hommes et femmes s’éveillent ! Ce qui est fait pour les uns l’est pour tous !
Pour réécouter les émissions de cette journée, c'est là.
La question est vaste et je n'en ai pas fait le tour. Je suis en colère, je me révolte, c'est mon humanité, l'énergie de mon coeur et de mon esprit, non destructive, belle et bien constructive, l'indignation, comme l'écrit si justement Pierre Rabhi.
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Pour ce qui est de mes exploits sportifs, je n’ai pas grand-chose à en dire. Je me suis simplement régalée à essayer ces machines bien que ce fut fatigant (je n’étais pas là pour regarder les autres se fatiguer tout de même). Je ne peux toutefois empêcher les interrogations incessantes sur mes capacités : dans quelles mesures relèvent-elles de capacités normales ? Quel est l’impact du handicap ? Est-il possible de le dépasser ? Jusqu’à quel niveau mon corps peut- il supporter ces sollicitations physiques ?
Questions sans réponse.
Au départ, ils nous ont montré des exercices avec un bâton à lever, soulever, transvaser. Comme je passais mon temps à papoter avec Valérie, j’ai rapidement été évincée de cet atelier. Ma réputation était établie : une pipelette. C’est que messieurs, les femmes sont capables de faire plusieurs choses en même temps.
Ayant cerné les énergumènes, nous eûmes nos exercices chacune adaptés à nos capacités respectives, rarement ensemble. Je commençais en général par 20 minutes de vèlo puis enchaînais avec les machines diverses et variées. Nous finissions avec des étirements avant de repartir.
J’étais curieuse, posais des tas de questions, devisais avec plaisir en leur compagnie et fus admirative de leur passion du sport englobant tant leur vie professionnelle que privée. Les gabarits étaient différents, les activités multiples, ils n’étaient que du muscle ces entraineurs ! Ayant pratiqué dans de tout autres registres, je pus partager ma nostalgie du temps où je courais, nageais, patinais, où tout me paraissait possible physiquement avec de l’entrainement et un effort constant. Sniff. Je relatais en particulier combien j’étais affligée de ne pouvoir danser plus sérieusement. Par manque de moyen d’abord, par manque de partenaire ensuite puis par crainte de ne pouvoir y arriver avec ce corps fragilisé. L’un des entraineurs me réchauffa le cœur et j’eus envie de l’embrasser quand il me fit remarquer que j’avais du potentiel, il se voyait que j’étais sportive avant et il n’y avait pas de raison de tirer un trait définitif sur mes envies de bouger. (Bon, ma grande, il ne reste plus qu’à trouver les moyens matériels de s’y mettre ! A défaut, en attendant, je danse en Qi Gong et à la maison.).
Dans l’action, j’ai testé les machines qui m’avaient tant attirée du temps où j’étais clouée dans le fauteuil à tenter de simplement retrouver des fonctions motrices élémentaires.
Le tapis de marche m’attirait, je m’y voyais courant comme ces gens qu’on montre à la télévision tenue par l’espoir d’aller courir un jour dans la forêt, à travers champs. Il était pourtant rarement disponible et il se passa plusieurs séances avant que nous pûmes en bénéficier à tour de rôle. Pas en reste, je demandais à utiliser l’autre appareil à côté dès la première séance d’entrainement, un truc de marche elliptique (je crois que ce mot est quelque part dans la dénomination). « Ah, ça, ce n’est pas évident, vous voulez vraiment essayer ? » Ben oui ! Je le connais pour l’avoir utilisé en cabinet libéral du temps de ma rééducation de sortie d’hôpital. Les bras activent des manches et les jambes montent et descendent dans une espèce de marche magique hors sol. J’adore même si c’est très crevant ! Parce que j’y bouge de tout le corps, j’aime y danser, suspendue sur des coussins d’air, j’ai l’impression de sauter dans le ciel, d’un nuage à l’autre. Un mouvement généralisé me ramenant aux mouvements de la nage, aux mouvements du roller, aux mouvements de la danse. Un régal.
Avec le tapis de marche, c’est une autre affaire. Marcher devant un mur blanc à projeté gris/ bleu n’a vraiment rien de transcendant d’autant que toutes les conversations et actions se passent dans le dos. Est-ce pour nous ramener aux sensations physiques ? Cela en deviendrait presque un exercice de méditation. Avec la modulation de la machine, chacun est contraint à un rythme programmé par les chefs d’entrainement. Entre les barrières latérales et celle de devant, comment se tenir ? Devant, cela oblige à rattraper constamment la course, sur les côté, ce me fut rébarbatif. Comme le balancement naturel des bras manque ! Avec des troubles de l’équilibre, il ne m’était guère évident de lâcher ; quand je m’y essayais, je craignais de me laisser emporter par le tapis, le fil passé autour des épaules pour bloquer l’appareil en cas de chute ne m’inspirait pas confiance. Quel travail que de se maintenir sur ce truc en mouvement alors que le paysage est statique ! En bout de course, méfiance, le tournis guette, il s’agit de s’asseoir quelques minutes pour se repositionnement dans l’espace. Je préfère de loin les balades en forêt, c’est une évidence.
Impossible de nommer les autres machines. Il y avait celle où il s’agit de s’asseoir en rameur pour tirer une ficelle lestée d’avant en arrière ou de bas en haut, celle où on se couche pour soulever des poids, une autre pour ouvrir et fermer les jambes, celle où on ouvre et ferme les bras, celle où on soulève vers la poitrine une barre tenue par le dessous. Je les ai toutes testées ne fussent qu’un seul essai. De la sorte, je voulus tenter celle où l’on se couche sur le dos afin de soulever des poids, je fus mise en garde contre cet exercice plutôt masculin. Avec ma tête de mule, j’insistai et je tentai l’expérience. Coriace, j’ai résisté tant bien que mal et compté les levers de poids douloureusement. Pauvres petits bras malingres ! Dire qu’avant les sollicitations répétées dans l’inertie des jambes, ils étaient plus menus, en véritable guimauve de foire.
J’ai pris plaisir à cavaler d’un repère à l’autre au pas le plus rapide possible, à me contorsionner en geste de Qi Gong ou d’étirement devant les grands miroirs de la salle de sport (mes désirs frustrés de danse y sont certainement pour beaucoup).
Les séances touchant à leur fin, je demandai comment mettre à profit les poids achetés auparavant. J’eus des essais avec ceux du service et quelques expansions possibles à la maison : je suis ravie de m’y exercer plusieurs fois par semaine, du bout des jambes ou du bout des bras depuis. Quand j’en ai assez de n’avoir pu marcher dehors pour cause de fatigue, de pipi impérieux, de contrainte météorologique ou spacio- temporelle, je m’y mets. Particulièrement, je les apprécie quand le froid me traverse. Rien de tel que ces exercices de musculation au salon pour stimuler le recentrage sur soi et solliciter les calories réchauffant mon corps à la maigre couche de graisse protectrice.
Le réentrainement à l’effort est fortement recommandé parce qu’il permet des récupérations notables dans de nombreuses pathologies neurologiques (sep, avc et autres réjouissances). Il est primordial de préserver les muscles, de ne pas les laisser fondre, de penser au-delà de l’instant de crise. Ma prise en charge pendant les mois noirs de la maladie a eu certainement des bénéfices essentiels. Alitée et complètement paralysée, j’avais des séances de mobilisations des membres dans mon lit à coussin d’air. Contacts humains, entre deux, avec soi, représentation du corps et de son intégrité, positionnement dans l’espace malgré l’absence totale de sensation… Complètement renfermée en moi- même par l’aveuglement et les paralysies, la rééducation permit la réappropriation du corps en convalescence lente ; avec le retour de la marche, la natation et la pratique du Qi Gong, dans leurs mouvements, je me réappropriais l’espace; dans ces séances sportives, je concrétise l’étendue de ma place dans le monde physique. Car depuis des mois, cette première perfusion de mitoxantrone en janvier 2007, j’investis l’espace en l’ouvrant comme un enfant grandit. Elodie ne m’a-t-elle pas dit qu’après une épreuve terrible de cet ordre, nous repassions toutes les étapes du développement humain ?
(Mes facéties seront l’objet de l’article suivant, je ne rate jamais l’occasion de partager des expériences singulières, c’est plus fort que moi ou, je préfère ce terme, tellement naturel. )
Après la musculation de ce matin, je vous quitte pour danser, dans la foulée sur cette chanson que j'aime parce qu'elle déborde de VIE ( si quelqu'un peut me dire de quoi elle parle, je serai ravie!!)... Une rareté musicale connue par Yves Blanc et son émission La planète Bleue dont je suis une inconditionnelle depuis des années!!!
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