• Adelo

    Dans le salon d’attente de rééduc, j’eus connaissance d’un atelier de détente et de loisirs situé au 2e étage où il était possible de lire, peindre, surfer sur le web, s’occuper à du non médical. Les ergo avaient rapidement remarqué  ma dextérité manuelle malgré le handicap visuel; nos échanges sur des techniques, des travaux, des expériences ouvraient des voies de création et potentialités.  Ainsi, à la première occasion, je me rendis en Adelo très curieuse. Ne pouvant voir, j’ai regardé et senti : une pièce lumineuse aux murs tapissés de dessins et peintures, des plantes vertes opulentes, des livres et des revues en pagaille, une musique douce. Je fus accueillie par un charmant monsieur, Michel.

    Je voulais peindre.  Il me donna une grande feuille blanche et des godets de couleurs, acrylique. Portée par la musique aux sonorités asiatiques, je me laissai aller à dessiner puis colorer le paysage de mes pensées. Quand bien même je ne voyais pas, je sentais les tracés et les couleurs, je me fiais à mes souvenirs, mes intuitions, mes sens relais de la vue déficiente ; j’entrai pleinement dans mon monde intérieur, bloquée par mes capacités physiques amoindries.

    Je reçus avec bonheur une tisane ou un thé que je sirotai tranquillement en écoutant à demi ce qui se passait autour de moi. Il régnait en ce lieu une sérénité, une paix merveilleuses ; Michel était adorable avec tout le monde, je remarquai vite avec quelle humanité il accueillait tous ceux qui se présentaient, comment il savait les écouter, les déranger dans leur mauvaises idées et les ouvrir à des activités dont ils ne se sentaient pas capables.

    Que s’est-il passé exactement ? Je ne saurais dire. Très vite, nous parlâmes musique, de nos goûts qui se révélèrent proches et je lui amenai de la musique « alternative » car ce qu’il nous passait tous les jours avait une dimension particulière, il fut ravi, j’avais vu juste. En enchaînant les conversations, un lien  s’installa entre nous.  Des portes s’ouvraient toujours plus grandes et les « énergies » circulaient dans des chenaux immenses de lui à moi et de moi à lui.  Adelo  devint mon lieu de prédilection, une bulle de bonheur où j'occupais tout mon temps libre. Chaque minute passée m'y remplissait de la beauté du monde.

    Ainsi, Michel s’ajouta aux personnes extraordinaires que je rencontrai à l’hôpital. Ces cadeaux précieux de l’existence prenaient un sens d’autant plus fort que le reste de ma vie se délitait, je vivais, loin de ce qui avait fait mon existence jusqu’à la maladie… et je mesurais chaque jour combien mes courses effrénées vers je ne sais quellc chimère étaient inutiles, grotesques de par le désespoir qu’elles véhiculaient. Acculée par le corps refusant de se soumettre à ma volonté, je retrouvai le sens de ce qui est important, la réalité de notre humanité.

    Qu’il y ait des Adelo dans tous les services et les hôpitaux !

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 11 Juin 2008 à 21:10
    liedich
    Si j'étais "con", je dirais que le milieu hospitalier est magique !
    mais pour l'avoir vécu, je connais la contrepartie.
    merci pour le souvenir.
    bien amicalement
    2
    fée des agrumes Profil de fée des agrumes
    Samedi 13 Juillet 2013 à 17:31

    Oui, l'hôpital est un lieu particulier. c'est pourquoi je pense que des adelo sont nécessaires partout! Et Michel est un grand magicien.

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