• Première balade d'août

    Avant la maladie, je passais beaucoup de temps à mobiliser mon garçon: marche à pied, vélo, roller, piscine. La perte de mes capacités physiques fut pour lui particulièrement violente vu qu’avant sa mère était dynamique et constamment en piste afin de trouver des occupations défoulant les énergies.

    Pendant les années de lourds handicaps, il ne fit plus rien, personne n’avait de temps ou de force pour lui permettre de se dépenser, c’était un crève- cœur à mes yeux et j’étais triste de le voir se morfondre dans une quasi- indifférence. Aussi, dès que je pus initier et/ ou participer d’une façon quelconque à une activité, je luttais afin d’y parvenir. Il y eut ainsi nos promenades en fauteuil, les premières marches, les sorties à la piscine, les balades à vélo. Ces dernières l’effrayaient quelque peu car il savait pertinemment que je ne voyais pas ; partir seul avec moi quand SeN rechignait à nous accompagner était une responsabilité trop lourde à porter sur ses épaules de garçon de 10 ans en ces temps-là. Finalement, j’avais réussi à le convaincre et nous étions partis à travers les routes de campagne. Malgré ma vue très faible, j’avais ouvert grand mes oreilles, m’étais fiée à des éléments suffisamment gros pour me repérer et  l’expédition s’était déroulée sans encombre. Renouvelant l’expérience, il lui redevint naturel de partir en expédition avec moi. Néanmoins, grandissant à grande vitesse, son vélo devint trop petit et nous ne pûmes plus profiter de ces sorties jusqu’à ce mois de juillet et l’achat in extrémis d’un vélo nécessaire à sa participation au camp.

    Début août, ne supportant plus de le voir se vautrer à longueur de temps entre le lit et le futon, j’émis l’idée de partir tous les deux à deux roues faire un tour sur une piste cyclable qu’il ne connaissait pas. Il râla, comme d’habitude puis accepta l’offre. Il prépara de quoi manger et boire dans son sac à dos et trouva une excuse à la noix pour me le faire porter. Nous partîmes.

    DSC00070Il crâna avec son nouveau vélo, pédalant comme un fou afin de rester devant et me dépasser à la moindre occasion. Pourtant, entre deux pointes de vitesse, il lui arrivait mille et un malheurs qui le freinaient ; je me retrouvai donc à l’attendre avançant avec constance lentement. « J’ai déraillé, j’ai mal aux pieds, j’ai mal au genou, je me suis cogné, j’ai besoin de régler mon siège, … », la litanie n’avait pas de fin. Connaissant assez bien l’énergumène, je négociai l’air de rien l’avancée du parcours alors qu’il commençait à dire qu’il était fatigué, qu’il avait faim, qu’il avait soif. Il pesta, refusa la perspective de continuer le ventre vide et la bouche sèche… seulement, héhé, c’était moi qui portait le sac et allègrement, je roulais devant lui, m’échappant plus loin à chacune de ses tentatives pour l'attraper ; « comme avec l’âne qui avance à la carotte ! ». Nous roulâmes une demie heure jusqu’au village que j’avais négocié où il put ENFIN boire et manger. Une photo de moi fut prise en symbole de la DSC00076victoire que représente la simple activité de se percher sur un vélo, en équilibre et de pouvoir avancer puis nous repartîmes vers la maison. L’ambiance était plus légère et nous devisâmes de choses et d’autres, relevant toutefois la joie d’avoir pu atteindre notre objectif. Nous empruntâmes une autre voie et ce fut heureux et détendus que nous retrouvâmes nos pénates.

     


    Autant pour lui que pour moi, l’aventure somme toute banale avait la saveur de ces riens qui font le bonheur de vivre, d’être là, ensemble.


    « Balades de juillet. Deuxième.Vers la sobriété heureuse, Pierre Rabhi. »

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 5 Septembre 2010 à 12:47
    Annie

    Les petites joies de la vie...

    Mais même si on ne fait pas de vélo, il y a mille autres choses à faire et à être!

    Un jour, il partira sur les routes de lui-même, ne les élève-t-on pas pour qu'ils s'envolent?

    2
    fée des agrumes Profil de fée des agrumes
    Jeudi 15 Août 2013 à 22:33

    Je savais que tu dirais cette évidence à propos du vélo!  Toi et moi savons qu'il y a mille et une manières de faire et d'être, trop nombreux sont ceux qui ne voient que les limites qu'ils s'imposent!

    Quant à mon garçon, je suis assez heureuse de constater combien il est capable de se débrouiller dans sa vie .. quand il le veut. Je le bouge parce qu'il passe beaucoup de temps vautré, couché avec sa console et je suis rassurée quand il sort, prend l'air et bouge son corps. Je suis sa mère

    Réponse de fée des agrumes le 05/09/2010 à 13h46
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