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Travaux incroyables. 4.
Avec Kévin, nous avons travaillé plus de trois semaines à la réfection du couloir, nous ne comptions ni les jours, ni les heures, importaient uniquement l’avancée, le but. Je remarquai au fil des jours qu’il venait avec moins de conviction, indécis entre ses propres démons. Je pratiquais la cnv, mesurant ainsi ses errances, ses doutes, ses révoltes tout en gardant la distance nécessaire ; nous avons chacun à cheminer seul.
Ses ambitions initiales s’étiolèrent lentement, je continuai ma part pendant qu’il se perdait dans d’autres voies. A son dernier passage, il ponça les portes des placards, elles aussi barbouillées de peinture inadaptée. J’avais demandé un ponçage à main pour éviter les poussières dans ce lieu peu ventilé ; trop fastidieux, il retourna à la ponceuse excentrique. Logiquement, je repartis dans les heures suivantes à la chasse de cette poussière particulièrement fine et salissante, chasse au vert cette fois- ci. Sans nouvelle de Kévin, je gratouillai les résidus sur les grands panneaux et ponçai moi- même les cadres de portes. En mouillant légèrement avec un chiffon, je remarquai que la poussière formait des amas non volatiles sous la spatule aussi, je terminai cette tâche fastidieuse avec moins d’aversion. Heureuse de mes réalisations incroyables, je mesurai néanmoins l’immensité du reste des travaux avec lassitude. Au bout d’une séance de grattage, fatiguée, je m’exclamai la voix tremblante : « De l’aide ! J’ai besoin d’aide ! Pourrais-je avoir un coup de pouce et déléguer ? ». Mes pensées retournèrent vers sœur Thérèse citant l’évangile : « Demandez et vous recevrez ». Croyez- le ou non, dans les jours qui suivirent, j’obtins une aide exceptionnelle de mon employeur pour le déménagement. Je pris contact avec une association d’insertion pour employer quelque ouvrier afin de laisser à d’autre les toilettes, la salle de bains et éventuellement la rénovation de la bibliothèque familiale centenaire récupérée en septembre. Ouf, j’étais rassurée. Pourtant, la fée est folle et son opiniâtreté profondément ancrée dans sa caboche de Carabosse. Les jours, les semaines passaient sans nouvelle de l’association, autant continuer doucement à mon rythme ; de savoir qu’un autre prendrait le relai me donnait des forces.
Au fond d’un pot de peinture laissé par les anciens locataires, je trouvai du blanc suffisant pour peindre les plafonds du petit couloir et des toilettes. Allez zou, je me lançai ! Après, le rebouchage des fissures et trous à coup de spatule, je chargeai le rouleau. Si le vert du couloir nécessita plusieurs couches pour que le blanc fût suffisant, je m’épatai de mes résultats dans les toilettes : j’avais pensé à croiser les traits et il ne me fallut qu’une couche pour le plafond, une pour les angles et une dernière pour les finitions le long du tracé du départ de la couleur des murs. Waouh ! Je n’en revenais pas moi- même.
Quand la peinture des plafonds séchait, je m’attelai aux travaux de la salle de bains. L’encadrement de fenêtre me demanda du temps entre des grattages d’écaille, de cloque, des surfaces non poncées sur du bleu ciel vif et un tour en bleu marine. Même travail fastidieux pour les tuyaux recouverts de bleu marine jusque dans les moindres recoins et la patience me fut plus que nécessaire pour couvrir en blanc cassé, pareillement la porte et son cadre bleu marine. Elle me demanda SIX couches celle- là ! Sans compter que comme toutes les autres, elle était en mauvais état, il m’a fallu l’enduire, la poncer pour colmater au mieux sa médiocrité. Et je grattais, et je ponçais… armée de mes pinceau et rouleau, jonglant entre les étapes et les espaces, je profitais de chaque instant à ma portée pour continuer.
La peinture glycérophtalique étant en garde pour la porte de la cuisine embarquée en raccommodage (parce qu’ils ne vont quand même pas la changer, vous pensez), j’avais acheté de la peinture labellisée écologique séchant beaucoup plus vite. Ainsi, je couvris petit à petit les portes des placards, les portes des toilettes et salle de bains à une vitesse qui me surprit. Dans un sursaut d’enthousiasme devant tant d’avancée, je peignis les murs des toilettes.
Lors de ces peintures de plafonds ou de murs, en acrobate improbable, je grimpais sur les escabeaux, me tenant au moindre décrochage, tanguais parfois avec mon équilibre perturbé par les atteintes de la moelle. Comme je passais d’une activité à l’autre sans transition, je n’avais pas de tenue spécifique ; j’ai ainsi peint en jupe longue, en jupe courte, en pantalon, en chemise de nuit, en pyjama. Les gants étaient majoritairement portés surtout avec la glycéro, il existait des travaux sans puisque je partais dans la lancée sans plus y réfléchir. Quelques tâches sur les vêtements en accident que je nettoyais ou découvrais trop tard, « Tant pis, ils ne sont pas si abîmés ; avec le temps, ça partira » pensais- je.
N’en revenant pas, je terminai fièrement les toilettes et ce fut dans une grande joie que fiston et moi y installâmes l’étagère un samedi soir ; j’ai rangé et attendu le lendemain pour accrocher ma tenture égyptienne au mur. Et dire qu’une semaine auparavant, c’était ce bazar de chantier, poussiéreux et sale, les outils et peintures entassés, les escabeaux posés aux murs ! Quel bonheur que de rentrer dans des toilettes si jolies !
Toujours sans nouvelle de cette association, je considérai la salle de bains : « Ces murs ne sont pas si grands et si je faisais ceux du renfoncement où j’avais prévu des étagères de rangement ? ». Ni une ni deux, un mur, deux murs, une couche, deux couches… et lentement, certainement, les murs se couvrirent et s’éclaircirent. Non, pas croyable, en deux semaines environ, j’avais tout fait, TOUTE seule ! Incrédule, enthousiaste, j’enlevai les linos sales et déchirés pour découvrir le carrelage qu’ils cachaient. Raclage et nettoyage vaillants de la glue, découpage et enroulement des vieux revêtements en attendant la déchetterie où un voyage devenait plus que nécessaire. Evidemment, si rénovation il y a, production importante de déchets il y a.
Le nettoyage du matériel de peinture notamment me posait un problème récurrent. Au white spirit, je le gardais dans un pot en verre pour le ramener à la déchetterie, je dosai avec parcimonie et c’était gérable. Par contre, le nettoyage à l’eau générait des quantités souillées envahissantes. Il en décantait sur le petit balcon, dans un puis deux seaux… ces volumes m’agaçaient. Quand je n’eus plus aucun contenant capable de les recueillir, je jetai les eaux du dessus dans les toilettes me dédommageant à demi parce que c’était les résidus de la peinture écologique… et pourtant, ce fut un crève- cœur de la voir couler dans les égouts.
Quand les deux plafonds furent terminés, il restait un fond de peinture blanche ; je cherchai en vain un plus petit pot pour la conserver. Ne supportant plus ces entassements, je sacrifiai donc ce fond en remplissant ce pot énorme avec toute l’eau souillée de nettoyage. Avec les vieux linos plastiques, je l’ai transporté de mes petits bras pas musclés dans la voiture puis à la déchetterie ; toute seule, je les ai déposés dans leurs bacs respectifs. Quel soulagement d’en être enfin débarrassé !
Désormais, le constat est là : j’ai réussi au- delà de toutes les incapacités qui sont les miennes. Certes, je suis invalide COTOREP à plus de 80% et reconnue travailleur handicapé, je n’ai toutefois pas fini d’étonner, parce que j’ai encore bien d’autres aventures à raconter. Et oui, ce n’est pas fini , héhé.
Tags : peinture, toilettes, mur, sans, petit
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Commentaires
Commentaires
amitiés
Marie-josé, l'inf de nuit
Vivre avec, c'est tellement plus simple et moins fatiguant que de vivre contre, non?
Affectueuses pensées
Toute handicapée que tu sois, tu en fais plus que beaucoup de "valides" (moi la première).
Sachant ce que c'est que de rénover dans les grandes largeurs, je dis simplement chapeau et bravo pour ton ardeur ! et puisque la Fée est fada, c'est encore mieux
Bah, je n'étais pas seule et franchement, quand j'y regarde de plus près, il y a bien des détails qui me déplaisent... et un air d'inachevé récurrent.