• Travaux incroyables. 3

    Ce jour-là, en début d’après midi, comme promis, Rachel arriva avec ses soixante heures de travail dans les pattes ; elle était accompagnée de son fils ainé de 17 ans. Trainant à la maison suite à un licenciement d’apprentissage, il avait été tenté par le chantier de mon appartement.

     Il aime le bâtiment au point de vouloir en faire son métier. Pourtant, comme bien d’autres, il n’avait pu se soumettre à certaines attitudes qu’il jugeait abusives et autoritaires ; il avait répondu au patron et bloom, direct à la porte ! Leçon de vie mon petit.

    Rachel se mit immédiatement à la tâche en continuant la pose du papier peint entamé par Yol et son fils, j’expliquai au jeune homme les projets et les tâches inventoriées.  Je remarquai qu’il avait l’œil affuté et des connaissances dans le domaine. Très rapidement, il fit des plans, demanda des conseils à son père au téléphone sur certains points et se lança dans l’aventure : il mastiqua les trous des murs, des portes.

    Ces dernières étaient dans un état lamentable, la peinture mise dessus coûte plus cher que toutes les portes bas gamme qu’elles sont, c’est dire ! Vivent les HLM… Comme j’évoquai mon expérience du ponçage des premières portes et le dégoût qui me prenait à cette idée désormais, il prit la relève et s’arma de la ponceuse circulaire et d’un masque.  La même saloperie se souleva par la fenêtre, se glissa sous la porte et cette foutue poussière fine s’insinua partout. Beuark ! IL connut les variations de couleurs précédemment évoquées et je pestai contre les idiots qui avaient badigeonné les portes de peinture acrylique inadaptée à des surfaces lisses. Et ces foutus HLM qui me laissaient me démerder avec ce bourbier, ces portes cabossées, fissurées, sales et peinturlurées depuis trop longtemps ! D’ailleurs, aussi finement que nous travaillâmes avec les nouvelles peintures, certaines portes accrochèrent en se fermant n’entrant plus exactement dans le cadre du fait des couches et des couches de peinture.

     

    Parallèlement à ses activités, il essaya d’entrainer fiston dans le mouvement pour partager avec lui, entre jeunes. Je m’étonnai de la facilité avec laquelle mon garçon se laissa diriger sans broncher. Lui qui ne décrochait pas de ses écrans, ne contribuait pas aux travaux semblait prêt à travailler sous l’égide de ce grand ado. Malheureusement, il se retrouva les bras ballants sans directives réelles et replongea vite fait dans ses univers virtuels les oreilles complètement fermées à mes demandes aussi simples fussent-elles,. Il est des moments où j’ai des envies de meuuuuuuuuuuurtres !!!!!!

     

    J’étais heureuse de ces aides plus que bienvenues ; seule, je pouvais le faire avec néanmoins une longueur de temps interminable que je ne me sentais pas l’envie de supporter.  Quand il se proposa pour venir toute la semaine suivante, je l’embrassai, il fut touché et je mesurai sa sincérité. S’il n’arrivait pas à tenir sa parole dans sa totalité- ce dont je me doutais car il parlait de m’aider à faire TOUT l’appartement- je ne comptais pas lui en tenir rigueur, sa générosité en cet instant me suffisait.

    Le lundi matin suivant, il débarqua pour continuer ce que nous avions entamé. J’étais décontenancée parce qu’il avait fait du stop pour venir, plus d’une heure et demie entre marche et transport, je saluais son opiniâtreté.

     

    Kévin et moi avons travaillé pendant plus de trois semaines à la rénovation du couloir. Il se chargeait des travaux de ponçage, rebouchage, montage démontage, posait les premières couches et quand il n’était pas  là, je continuai seule. Bien que contrariés par les difficultés à se déplacer, grâce à son aide, je pus voir le bout de ce couloir avec soulagement.

     

    Nous sommes dans des représentations très différentes, nos goûts sont aux antipodes (pas facile d’écouter nos musiques réciproques, et que dire de nos alimentations à des années lumières hihi !), nos vies sont si éloignées l’une de l’autre, et pourtant, nous nous sommes croisés, nous nous sommes rencontrés, fugacement,  authentiquement.  

     Certes, le plafond n’est pas fait, certes ses grands projets très généreux pour la salle de bains, les placards, le salon, les toilettes , les planchers resteront lettre morte, certes il se laissa rapidement gagner par sa nonchalance et sa révolte de 17 ans, je lui reste néanmoins reconnaissante d’avoir été là, pour rien alors que nous étions des inconnus à son arrivée.

    Il s’étonnait de ma capacité à garder le sourire et mon sens de l’accueil malgré toutes les adversités. Peut- être ai- je pu lui apporter quelque chose ?

     

    Bon vent Kévin, parce qu’on n’est pas sérieux à 17 ans, n’est- ce pas ?


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  • Commentaires

    1
    Mercredi 18 Novembre 2009 à 07:49
    Annie
    Aujourd'hui le travail manuel est dévalorisé, ainsi que l'effort. Pourtant la joie de s'installer dans un endroit où on sait qu'il est de notre création est immense, même si parfois c'est juste une petite touche de soi. Là, c'est carrément une grosse touche de toi! Félicitations pour Kévin, il ira loin ce petit!
    Prend bien soin de toi toutefois pour ne pas avoir de retombées de fatigue ensuite, et prévois de te sentir bien même quand ce projet sera abouti.
    Quand une chose se termine, nous sommes ainsi faits qu'une autre doit surgir pour que la vie continue d'évoluer.
    2
    coq
    Mercredi 18 Novembre 2009 à 11:01
    coq
    Tu as bien raison de le prendre comme ça pour Kévin ! Effectivement, à 17 ans, c'est déjà pas mal ! Quant à ton fiston, on a envie de le secouer, mais qu'attendre d'un ado de 12 ans ?
    3
    Dom
    Dimanche 13 Décembre 2009 à 13:35
    Dom
    Il est joli, ce chapitre avec Kevin. J'espère que cette rencontre restera inscrite dans son livre à lui. Il est arrivé avec son enthousiasme, ses grands projets et sa capacité de travail, j'espère qu'il est reparti en connaissant un peu mieux ses limites, beaucoup de satisfaction et un grand sourire. 
    4
    pandora
    Mercredi 18 Juillet 2012 à 12:05
    pandora
    Sympa ce Kevin ;)
    Mais non on n'est pas sèrieux à 17 ans (et pas toujours plus tard non plus ;))
    5
    fée des agrumes Profil de fée des agrumes
    Mardi 13 Août 2013 à 20:26

    A Annie:

    Les projets ne manquent pas, je continue mon petit bonhomme de chemin dans le lâcher prise et savoure la joie d'être sortie des impasses. 
    Nous n'en avons jamais terminé avec nous-même.

     

    Réponse de fée des agrumes le 19/11/2009 à 22h24

    A Coq:

    Je raconterai le parcours du fiston.. ou plutôt celui de mes découverrtes à son sujet!

     

    Réponse de fée des agrumes le 19/11/2009 à 22h26

    A Dom:

    Le pauvre s'est cassé la jambe quelques jours plus tard. Il se remet péniblement de ses mésaventures. Sa mère m'a rapporté qu'il avait demandé à venir me voir, je me réjouis de l'accueillir dans l'appartement quasiment terminé... du moins bien avancé.
    La tencontre authentique, c'est quelque chose et je la cultive en toute circonstance!

     

    Réponse de fée des agrumes le 13/12/2009 à 21h37

     

    A Pandora:

    Et pourquoi le serait-on? je vous le demane!
    Cf le texte du petit prince sur les gens sérieux, hihi!
    Réponse de fée des agrumes le 19/11/2009 à 22h27

     

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