• J'avais  remarqué que les fêtes et leurs rituels d'opulence alimentaire m'avaient quelque peu refroidie et mon aspiration à la simplicité se faisait plus forte. J'en suis au même point en ces périodes de gras; il n'y  eut que quelques crêpes que mon fiston tint absolument à préparer lui- même «parce que c'est toujours toi qui fait tout ». Parler de naturalité avec mon amie Delphine, gastronome avertie, me ramena à ces chroniques. Je remets donc le nez dans mes archives de photos histoire de relier ces préparations avec mon état d'esprit.

     Je  n'ai pas changé de cap général, privilégiant les produits de saison et les préparations simples écolonomiques. Je ne me souviens plus quand j'ai participé aux derniers approvisionnements et je le ressens dans les possibilités de variation. Quand c'est Stéph qui fait les courses, il y a nettement moins de flexibilité puisqu'il n'a pas du tout le même rapport à la nourriture ; forcément, nous appréhendons les courses autrement.

     Les salades mêlées de carottes, endives, mâche, scarole parsemées de graines de lin et arrosées d'huiles bio première pression à froid ont été plus rares, à mon grand dépit. Heureusement, un dimanche, une préparation mâche et carottes à l'huile de noisette a régalé mes papilles. La foutue sauce industrielle était encore sur la table ; j'ai beau expliquer qu'il est très simple et rapide de les préparer, rien n'y fait, les bouteilles se suivent invariablement.

     Souvent, revient le riz. Je l'aime et quand je n'ai pas envie de travailler en cuisine, j'en cuis une belle casserole. Il existe mille et unes manières de le préparer à partir de toutes sortes, variées en goût : thaï, basmati, complet, rouge, méditerranée, Camargue, rond, allongé, gluant, risotto, pilaf, créole ou à l'asiatique. Je ne m'en lasse pas. Ainsi, il a accompagné moult préparations :

    -       Blanc avec des épinards en branche, des haricots verts à l'étouffé, de la viande blanche

     

    -       Rouge avec chou farci, carottes navets

     

     

     -       Végétarien avec petits pois et chou fleur vapeur douce encore si croquants

    -       Complet avec des épinards à la crème, un mélange hivernal de carottes, navets et champignons, mâche et dinde cuite tout doucement pour rester onctueuse ou  des filets de grenadier aux amandes

    -       Complet et végétarien avec une délicieuse purée de lentilles corail et des tomates pelées (Miam miam, une découverte à renouveler !!)

     

    -       Thaï avec de la dinde émincée au curry et amandes entières ou une côte de porc grillée, de la mâche et du chou chinois sauté.

     

     -       Méditerranéen mélangé à des lentilles blondes et des courgettes, fourre- tout de restes en demi portions agrémenté d'ail, d'oignon et d'herbes fraiches.

     

    Tiens, les fourre- tout de restes, je reste maître en la matière avec mes tamagouilles magiques qui bernent (souvent) les difficiles :

    -       Gratin de pommes terre avec les restes de légumes et de poissons émiettés


    -       Soupe chinoise avec les restes de la salade (carottes céleri râpés et chou chinois en lamelle) plus des champignons noirs, des oignons, de l'ail et de la coriandre.

    -       Des galettes où j'ai écrasé les restes de quinoa, de riz et de lentilles rouges, roulées dans la farine de riz et zou, dans la poêle. Mon garçon a fait les gros yeux quand tout avalé, il a su ce qu'il y avait dedans, hihi. 

    -       Les vieilles pommes repoussées parce que fripées ou abîmées sur un coin coupées en petits cubes et revenues dans la poêle avec des amandes effilées, du sucre complet et une lamelle de beurre fondu.

      -       Les feuilles de brick à la feta et aux épinards accompagnant un rôti orloff, des choux de Bruxelles (une belle cure là aussi ) et le mélange carottes navets dans un seul plat au four. Le jus et les quelques rondelles qui restaient ont fini en bouillon le soir.

     

    -       Deux pavés de saumon pour trois coupés en cube et sautés dans la poêle avec des crevettes roses, des brocolis vapeur et du risotto simple.

     

     

     

     

     -       Une soupe tomate courgette avec le jus des tomates pelées utilisées pour les pizza maison faites avec le garçon, tout fier de son œuvre. Ai- je besoin de vous expliquer comment nous avons garni notre pâte maison (farines sarrasin, épeautre, maïs) avec trois fois rien et les fond de placard ? je vous laisse imaginer.


    -       La cocotte d'oignon, haricots rouges, viande hachée, tomates pelées et haricots verts mijotée sur feu doux avalée avec de la polenta pour le plus grand bonheur du fiston qui a chanté son amour des haricots verts ce jour-là, à ma grande surprise.

    -       De cette cocotte rallongée d'eau, j'ai fait une belle soupe le lendemain. Slurp, j'aime quand les assiettes débordent de boire et de manger.

     Il y eut également

     

    -       des crêpes garnies à la feta et aux épinards, les orties et l'oseille étant en sommeil pour l'instant,

     

     -        un merveilleux pot- au- feu qui me réjouit les papilles à chaque aventure,

     -       les spaghettis d'épeautre aux champignons façon carbonara.

           Faire revenir les champignons de Paris en boite sans leur jus dans une poêle avec de l'ail et de l'oignon, ajoutés les spaghettis cuits à part, puis verser l'appareil jus de la boite, laits de chèvre et de soja, œufs battus. Cuire selon le goût ( humide ou sec) et finir avec du persil plat, du basilic ou une herbe à votre convenance.

     -       Des cuisses de canard mijotées dans une cocotte avec une boite de tomates pelées, des haricots verts et du piment de Cayenne. -       Des cookies maison pour récupérer de vieilles bananes trop mûres pour être mangées à la main. Avec des noix de pécan, du sucre complet, de la farine d'épeautre, des fruits secs en poudre, ils ont pris de la saveur en séchant lentement dans la cuisine au fil des jours, devenant toujours plus croustillants.

     

     La chaleur et la lumière commencent à manquer, les boites de tomates pelées ont eu leur période, nous rapprochant de l'été, ravivant les plats. Les graines germées compensent tant bien que mal mon impulsion vers les semences du printemps  que je freine en raison de l'hiver persistant.

    J'ai réussi à faire quelques courses de légumes et fruits grâce à ma mère et une escapade matinale, j'ai réussi à faire revenir des légumineuses dans la maison, quelques graines, du millet ou du quinoa, il me tarde de retourner à l'approvisionnement pour retrouver ma palette de produits. Palette ? Oui, finalement, je mets tant de peine à chercher des saveurs que des couleurs, en petites touches impressionnistes ou en traînées de couleur fauvistes. Loin de l'académiste, je danse avec des produits bruts et simples, riches en goût et nutriments afin de générer une alchimie chatouillant le nez et embaumant la bouche.

     Croyez- moi, je désespère devant la fadeur et la misère des aliments ingurgités dans les fast- food, qu'ils soient extra ou intra familiaux. Je désespère devant la misère gustative parce qu'une table triste est une vie triste, un plat sans goût est comme une vie sans saveur. Je reste persuadée qu'une alimentation simple et écolonomique est possible, qu'elle peut enchanter le quotidien parce que finalement, comme toute chose, elle n'est que ce qu'on en fait.

     Au bout de ma chronique, je m'étonne à nouveau de ma capacité à ensorceler la table, de l'excitation que me procurent ces expériences alimentaires et du bonheur que je ressens en nourrissant tant mon corps que mon esprit et mon âme de cet engagement dans la voie de la simplicité et de la vie.

     Vivant, coloré, ouvert, créatif, instantané, curieux, jubilatoire, intense dans l'interne et l'externe, chant d'amour à la vie qui est offerte malgré le désespoir latent, les crises, l'incompréhension, les égoïsmes et les souffrances, malgré  l'incommensurable terreur du temps qui passe trop vite ...

     C'est mon ensorcellement du monde, unique, éphémère, irrationnel et partial. Rien d'exceptionnel, seulement fondamentalement humain.


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  • A vous qui passez en silence ou me faites la joie de laisser un petit mot, je voudrais offrir la possibilité de participer au schmilblick des réflexions abordées ici.

      Il arrive que le système des commentaires sur un article précis entrave la parole surtout quand c'est l'ensemble, une catégorie qui touche et fait vibrer les cordes des émotions, qu'elles soient de joie ou de colère, entre révolte et incompréhension, plénitude et sérénité, questions et témoignages.


    Quelques pistes sont en cours d'élaboration :


    Ouvrir un chapitre où je publierai des articles écrits par d'autres qui me les auraient envoyés par courriel


    Créer un livre d'or et pourquoi pas un forum.


    Dites- moi ce que vous en pensez.


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  • Quand la porte s'ouvrit ce jour-, j'eus un frémissement de mauvais aloi, un courant me glaça l'échine ; un mauvais pressentiment m'étreignit. Etait-ce cette vieille tapisserie aux motifs végétaux vert foncé couvrant les murs et le plafond ? ces portes grisâtres ? ce sol en lino façon plancher bois clair ou cet affreux tableau représentant un arbre mort, tortueux sous un ciel noir de tempête ? Je ne saurais dire.  Je remarquai les vieilles fenêtres, les volets branlants et malgré les grandes ouvertures, l'obscurité des lieux, leur morosité. Passant outre ces craintes irraisonnées, je me laissai tenter par la vie dans cette maison par des promesses de travaux prévus par les propriétaires et les grandes possibilités envisagées par lui.


    Pour commencer, je virai ce triste tableau affreusement morbide en disant tout haut, bêtement que les anciens propriétaires devaient être des gens très malheureux. Qu'est- ce que je n'avais pas dis ? « Comment peux- tu te permettre d'affirmer un truc pareil ? Moi, je ne me le permettrais jamais, ça ne se fait pas, tu ne les connaissais pas » et patati et patata...  pffff 

    Il y avait aux murs des appliques dorées en laiton avec des pendeloques en cristal. Associées à la forme des portes à poignées dorées et à la plaque de marbre au dessus du radiateur, j'imaginai une entrée flambante et vivante avec un petit côté baroque. Plafond blanc prévu par les propriétaires, demi-mur bas en rouge flamboyant et partie supérieure en blanc cassé  avec une baguette travaillée en rouge, blanc et or entre les deux papiers.  Personne ne me contredit, « Fais comme tu veux, ça m'est égal, fais pour toi » dit-il simplement. Ces braves gens payaient un peintre qui demandait à ce que les papiers fussent enlevés ;  devinez qui se tapa le boulot ?

     

    Vieux de quarante ans, sale et poussiéreux, je grattai ce foutu papier de haut en bas, de bas en haut, sur les murs, les plafonds, dans le couloir, dans l'escalier. Armée d'un pistolet à eau géant, j'aspergeai le plafond et pris des risques inconsidérés pour arriver à l'enlever, fabriquant un manche rallongé avec une spatule au bout.  Le fiston parti à l'école, je venais travailler des heures seule et filai avant le retour du fiston, le tout avec les tâches quotidiennes de mon petit chez moi ; presque toutes mes vacances d'été passèrent dans ces travaux.   

    Lorsque j'atteignis la dernière partie de l'escalier, il vint voir où j'en étais ; j'étais fière de mon labeur et pourtant, il me fit la morale sur mes choix désastreux ! Comment pouvais-je inonder ainsi la maison, dégrader l'escalier ?  Ni une, ni deux, je lui fis remarquer que leur prétendu travail en commun avait été inexistant et que je m'étais tapé tout le boulot seule, sans aide, ruinant mon énergie. Bla bla bla bla sur leurs emplois, leurs difficultés en termes de temps ou de possibilités physiques. Bla bla bla. Rasoir.  Mais ils s'imaginaient quoi ? Scrogneugneu.

    Le peintre vint peindre les plafonds et poser les papiers avec son échafaudage pour l'escalier. Je notai qu'il eut de l'aide pour l'installation et fus écœurée de constater combien il était facile de travailler avec cette élévation. Tout fut fait comme il faut, évidement.


    Quand j'avais enlevé le papier, je fis remarquer que certaines parties des murs étaient très poreuses et qu'il serait utile d'envisager des travaux plus conséquents. Lettre morte, j'exagérai. Quand le peintre vint, il m'expliqua que le prochain qui enlèverait le papier arracherait le mur avec, à moins qu'il ne tombe avant. Je triomphai en silence, j'avais raison ; mais comme je ne sais rien, que je ne fais rien comme il faut, je laissai tomber ; je me mis à penser que ce n'était pas mon problème, ce n'est pas ma maison. Pour certains, ce qui compte, c'est l'apparence, que ce soit propre et caché. Et puis merde.

     

    Je voulus repeindre les portes intérieures en blanc cassé avec une peinture labélisée écolo, « Fais comme tu veux, ça m'est égal, fais pour toi ». Quelle histoire ! Le peintre préférait ses peintures habituelles et malgré mes indications, les mélanges furent désastreux. Ivoire, c'est compliqué ? Les plafonds blancs sont une évidence mais je ne voulais pas des portes blanches et alors que le reproche de vouloir barioler la maison me revenait souvent, nous nous retrouvâmes avec notre ivoire écolo et une espèce de blanc gris en mélange d'une pièce à l'autre ou dans la même pièce, sur la même porte ; «  Bah, je repeindrai tout uniformément plus tard ». Mouai, quatre ans et c'est toujours pareil.

    Je repeignis les appliques après les avoir nettoyées et y ajoutai de la couleur. Ce fut moyennement apprécié, sera-t-il possible d'enlever cette peinture si elle ne convient pas ? Parce que bien sûr, j'abimais les habitudes.  Maintenant, plus personne ne les regarde et je suis contente d'avoir persisté.


    Avec quelques bouts de bois et des peintures choisies, nous fabriquâmes deux patères à crochets dorés pour y accrocher les vestes ; l'absence de penderie et placard me gênait et j'espérai une certaine rigueur d'utilisation par tous. ( Quelle  utopiste je fus!) Il n'y avait pas d'autre choix de toute façon, pas de place, ni l'éventualité d'un changement radical du lieu. Tant pis.


     Ne supportant plus les chaussures qui traînaient dans l'entrée, j'achetai un petit meuble en bois brut que je peignis aux couleurs du couloir, rouge et blanc cassé. Je lui avais logiquement posé la question sur le choix puisque nous habitions ensemble (enfin, je le croyais), il se contenta de me répondre, comme d'habitude, « Fais comme tu veux, ça m'est égal, fais pour toi ». Je fis et encore aujourd'hui, je suis fâchée avec les chaussures ! Je suis la seule à les  y ranger à croire que c'est trop dur d'ouvrir la porte et de les y glisser. Une paire pour chacun, d'accord, ça passe mais quatre, cinq groles qui se mêlent là en vrac, non !  J'osai un jour une remarque sur l'opulence des chaussures pour hommes dans toute la maison évoquant l'éventualité d'y remédier ; il ne me comprit pas. Piquée au vif, je les rangeai les unes à côté des autres dans le dit- couloir en alignement ordonné. Quand il rentra et les vit, re blabla blabla. Enième rasoir. Désormais, certaines s'entassent dans des sachets plastiques dans le couloir de la cave attendant je ne sais quoi pendant que d'autres vont et viennent autour du meuble ; il met toujours les mêmes et je ne comprends pas pourquoi il en a tant.  Parallèlement, il continue de se plaindre du bazar encombrant le couloir. Malgré toutes mes tentatives, je reste la bordélique, celle qui manque de soin, celle qui ne fait rien comme il faut. Blabla ... Je dois sûrement être bête...

    Au départ, j'avais imaginé un beau tapis dans le couloir, chaleureux et rougeoyant pour animer le sol et l'entrée. Il refusa expliquant que c'eut été gênant, salissant. La porte ouvre directement sur le couloir sans sas et oui, c'était évident que toutes les saletés des chaussures passeraient sur le tapis.  Quelques temps plus tard, il revint avec des tapis rouges ramasseurs de saleté comme on en voit dans de nombreux lieux publics. Ils devinrent rapidement le minuscule territoire où éclatent des querelles perpétuelles. Comme les Musulmans, les Japonais et bien d'autres, je n'aime pas les chaussures dans la maison, nous les enlevons en entrant. Quand il pleut ou neige, chacun a pour consigne implicite d'enlever les chaussures sur le tapis. Nous sommes trois, celui- là bouche l'entrée en enlevant les siennes alors que d'autres veulent entrer aussi et c'est l'exaspération des hommes qui se chamaillent le territoire.

    A l'occasion d'une foire expo sur le Liban, je trouvai un long tapis en coton facile à laver en machine si nécessaire, une sorte de kilim. Je rentrai toute contente et le mis en place. Il critiqua le choix des couleurs et l'inutilité de cet achat. Pff, cause toujours, je le laissai. Un jour, je ne le mis pas en place parce que nous allions avoir la visite de personnes qui n'enlèvent pas les chaussures. Voilà qu'il  commença à me tenir un monologue sur cette sale manie que j'avais et qu'il ne comprenait pas pourquoi je faisais une telle fixation sur les chaussures dans la maison, et puis le tapis habillait le couloir, et puis, et puis... blablabla ! D'accord, il a changé d'avis m'enfin, je n'avais pas besoin de la leçon de morale à chaque fois, flûte !


    La porte d'entrée se révéla être une vraie passoire à courant d'air dès que la température baissa à l'extérieur ; l'air soufflait pareillement d'en haut, d'en bas, de droite, de gauche. Les grosses factures de fioul s'accumulaient, les radiateurs chauffaient au max rendant l'air sec et il faisait toujours froid. Malgré les couches portées, le froid des courants d'air me transperçait le corps. Je cherchai des solutions de pauvres, peu appréciées, avec des rideaux, des couvertures, n'importe quoi. Rien n'y fit.

    Les fenêtres étaient du même ordre, le froid venait de partout. «  Pourtant, il ne faisait jamais froid quand nous venions ici à l'époque du grand oncle ». J'y mettais certainement de la mauvaise volonté et c'est pareil dans toutes les maisons, « C'est comme ça ». Les regrets m'étreignaient déjà quand je fis l'état des lieux de notre ancien petit appartement. Sans chauffage depuis des mois, en décembre, il y faisait 17°c et l'isolation était optimale, sans courant d'air. Qu'est- ce que j'avais fait ??? Cette maison n'est pas à habiter en hiver et chaque année, je rumine ma grosse erreur, ma colère, ma révolte. Je suis décidément très bête.


    Noël 2006. J'étais très mal, atteinte dans mon système nerveux en profondeur je souffrais du froid des courants d'air. Ma mère me voyant trembler dans mon fauteuil évoqua un châle en laine qu'elle avait fait dans sa jeunesse et où je me roulais enfant en quête de son odeur et de sa chaleur; elle promit de me le ramener. Je fus roulée dans mon plaid en cachemire, continuant malgré tout à trembler. El. en fut touchée et me questionna, j'expliquai simplement qu'avant la maladie, quand j'avais très froid, c'était désagréable, avec la maladie, j'avais mal.  Elle ne resta pas insensible. Pendant que j'étais à l'hôpital début 2007, de nouvelles fenêtres et une porte d'entrée furent installées ainsi que des volets roulants au rez- de- chaussée. Alors bien sûr, je lui en suis reconnaissante : je sais qu'elle et son mari font de leur mieux et qu'il n'est pas facile de sortir de grosses sommes d'argent pour rénover une maison... pourtant, il aura fallu des années et ma souffrance pour déclencher le passage à l'acte.

    Désormais, il y a du pvc en bas (que je honnis ! une aberration écologique qui se paiera cher dans quelques années), du bois sur deux fenêtres à l'étage, un autre modèle dans une chambre et de vieilles fenêtres sur le palier et dans la cave.


    Et c'est moi qui risque de barioler et défigurer la maison ?

    Il y a tellement de choses qui m'échappent, je dois vraiment être  très très bête. A moins que...


    Vous commencez à comprendre, n'est- ce pas?


     


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  • Ce fut Jacynthe qui m'en parla la première au téléphone alors que nous devisions des symptômes physiques révélateurs d'inconscientes perturbations. Nous l'avions croisé ensemble à cette foire du livre évoquée sur la page qui lui est consacrée, elle en garde un souvenir magique et se dit reconnaissante à mon égard de l'avoir guidée vers lui. Il revient donc très souvent dans nos conversations et cette fois-ci, elle évoqua une intervention à la radio la veille à propos de son dernier ouvrage à paraître. Après avoir étudié les traumas et leurs conséquences, la résilience qui est en tout humain, il s'était intéressé aux bourreaux.  Pourquoi et comment les crimes de masse ont- ils pu être commis ? Que ce soit au Rwanda, en Allemagne, ailleurs,  comment des personnes tout à fait normales, souvent cultivées et adorables parents peuvent- elles devenir des assassins de masse si monstrueux, des complices de la barbarie absolue ?  Intriguée, je commandai le livre fraîchement paru dans la foulée.


    J'y retrouvai son style clair et pédagogique qui permet de comprendre des théories psychiatriques et neurologiques complexes, son humanisme vivifiant et empli de bonté, son humour, ses émotions et ses envolées sur l'humain, ses connaissances pointues, ses études, ses recherches à travers le monde. J'avoue pourtant avoir eu quelques difficultés à trouver un fil directeur, livre qui me semble plus zigzag que linéaire puisqu'il y réfléchit tant sur les tortionnaires que sur les victimes, beaucoup sur les enfants, sur les schémas et mythes qui régissent la diversité humaine, les réactions multiples que choisissent ceux qui sont confrontés à des situations aléatoires. Comme il le dit, les discours logiques  et limpides sont rassurants et endorment la pensée alors que la vie est un trouble constant aux variations aléatoires.


    Il évoque régulièrement l'importance du lien à l'autre, qu'il soit individu, famille groupe ou  nation,  comment le contexte familial, culturel structure nos pensées et nos choix de vie et surtout comment il détruit ou soutient ses victimes rescapées.

    Il analyse les comportements divers face aux catastrophes naturelles, les adaptations observées dont les plus éclatantes au premier abord sont couvent les plus toxiques parce qu'elles empêchent la véritable résilience, processus qui a des stades à traverser pour être effective, l'irrationalité des hommes à vouloir expliquer l'inexplicable en trouvant des boucs émissaires avec des raisonnements complètement aberrants.


    Il déshabille la perversité des relations quand l'autre devient rien, n'existe plus. Ainsi, les terroristes islamistes, les nazis commettent les pires atrocités avec l'exaltation amoureuse envers un chef qui illumine leurs vies mornes et insipides. De même, insidieusement, la technologie flatte les narcissismes par les écrans qui absorbent l'autre et ne renvoie que l'image de celui qui le regarde avec une force encore jamais égalée. Cette perversité contextuelle qui n'a rien à voir avec la perversité développementale est implacable et conduit les humains à des extrémités insensées.


    Il décortique également les mécanismes du confort rassurant des pensées et discours pré mâchés, la sécurité psychique donnée par l'alignement sur le comportement de la masse alors que le fait de penser et faire autrement, à contre courant créée une tension forte avec production de certaines hormones du cerveau. Agir différemment est fatigant et stressant, génère un inconfort, donc, la majorité des humains deviennent des moutons et des perroquets de Panurge se rassurant les uns les autres avec des délires raisonnés et logiques. Le discours et l'histoire qui s'écrivent après les événements ne sont jamais dénués de significations et oblitèrent le cheminement de chacun de manières étonnamment diverses. Un récit conduit à se sentir coupable chez l'un, fort et puissant chez l'autre, honteux pour lui,  miraculeux pour elle alors qu'ils ont traversé les mêmes circonstances. Il y a autant d'histoires qu'il y a de ressentis et autant de discours qui vont détruire ou accompagner dans la résilience les survivants ou leurs descendants.


    Enfin, il parle des enfants cachés. Qu'ils aient été juifs, rwandais, enfants nés d'une union avec l' « ennemi », enfants de dignitaires nazis ou de collabo, les parcours sont tortueux, complètement dépendants de ce que l'entourage dit d'eux, de ce qui leur est donné ou non affectivement, avant, pendant, et après le trauma. Les événements détruisent ou non, reconstruisent ou non la représentation de soi, ils la transforment  inévitablement.

    Il  expose les stratégies mises en place à travers le monde par les enfants livrés à eux- même, spontanément et dont la réussite résiliente tient à un encadrement affectif et culturel primordial ; sans amour, sans sens, sans mot, sans culture, ils tombent dans l'errance totale, fantômes d'humains aux multiples tares développementales. Et puis, donnez-leur un lien affectif, une explication, un récit, une structure sécure et ils rattraperont ce qu'ils n'ont pu acquérir.

     Pareillement, il démontre comment les idées sur l'adoption sont complètement liées aux fantasmes de ceux qui les disent. J'aime en particulier quand il démolit les mythes sur la famille soit- disant tellement exemplaire qu'est la famille traditionnelle au couple immuable et ses enfants naturels. L'histoire des humains est marquée depuis la nuit des temps par la mort précoce des parents : ainsi, par exemple, après la guerre de 14, il y a moins d'un siècle,  un enfant sur deux était élevé par d'autres que ses parents biologiques. Selon la culture, le discours ambiant, le vécu des individus, l'adoption a des sens diamétralement opposés ; la société japonaise basée sur la hiérarchie familiale considère les orphelins comme quantité négligeable, le don d'enfants chez tel peuple est un acte d'amour et un cadeau béni des dieux pour la famille accueillant l'enfant... Il expose les cheminements psychiques des adoptants et des adoptés, de ce que l'adoption devient dans les pensées individuelles et sociales parce que finalement, l'adoption est toujours un bienfait malgré tout ce qu'on en dit.


    Ainsi, nous sommes des êtres irrationnels raisonnant le monde dans des délires individuels ou collectifs, occupés à donner du sens à l'inexplicable et de ces fonctionnements, naissent des épouvantails.


     « Un épouvantail, lui, s'applique à ne pas penser, c'est trop douloureux de bâtir un monde intime rempli de représentations atroces. On souffre moins quand on a du bois à la place du cœur et de la paille sous le chapeau. Mais il suffit qu'un épouvantail rencontre un homme vivant qui lui insuffle une âme, pour qu'il soit de nouveau tenté par la douleur de vivre.

    Mais tout est à repenser. Quand le réel est fou, la parole est incertaine. Le monde qui revient en lui ne sera supportable qu'à condition d'être métamorphosé. La poésie, le théâtre ou la philosophie en feront une représentation tolérable. La rage de comprendre se transforme en plaisir d'explorer, la nécessité de fouiller  l'enfer pour y trouver un coin de paradis se mue en aptitude à rencontrer des insuffleurs d'âmes.

    Alors l'épouvantail se remet à parler et parfois même à écrire sa chimère autobiographique. »


    A nouveau, mon ami Boris me conforte dans l'idée que nous sommes tous inter  reliés, que nous sommes tous responsables les uns des autres, que la culture et ses « inutilités improductives » sont nécessaires, vitales à l'humanité autant que de boire et se nourrir ou dormir, que nous avons tous le droit et le devoir de réfléchir, d'être critique, aussi cher que cela puisse nous coûter.

     A nouveau, je compatis pour les travers humains et je nourris ma foi en l'humain VIVANT.

    Merci encore Boris.


    Ps : tout ce ceci n'est que personnel et partial, c'est mon ensorcellement du monde et ma curiosité s'impatiente de lire ce que vous en aurez lu.


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  • En médecine chinoise, l'hiver est la saison du repos, du retour sur soi.


    Cette année, nous avons eu de la neige quasiment sans arrêt, sauf à Noël, comme par hasard, pied de nez à nos représentations. Aujourd'hui encore, elle tombe à gros flocons ( ils ne sont malheureusement pas visibles sur la photo, mince)





    Je ne sors quasiment pas hormis les quelques rendez- vous quand des chauffeurs viennent me chercher. Les visites chez ma chère voisine n'ont pu se faire en raison de quelques soucis de santé, une grande fatigue. Mes amis sont loin, occupés et ne s'aventurent que rarement dans ce coin reculé. Mes envies de bouger n'aboutissent pas en raison de l'exaspération de mon unique chauffeur personnel face à mes difficultés physiques. Il aime la conduite sportive et les accélérations, aller et venir à sa guise pendant des heures, sur les routes, piétiner dans ses magasins, manger par ci par là, seul, sans entrave. Autant dire que ma vessie sensible aux secousses, mes envies impérieuses d'uriner, mon incapacité à marcher plus d'une demie heure,  à piétiner, bouger et sautiller d'un point à l'autre, mes yeux faibles qui me ferment au plaisir de dévorer les détails de l'appel des rayons surchargés des magasins inconnus sont des prétextes à me laisser sempiternellement à la maison, parce que je ne suis pas capable de suivre la course effrénée à la consommation, parce que je deviens un boulet dans les plans élaborés par le chauffeur bien- portant. Comme en plus, il ne peut envisager de laisser le fiston seul à la maison ( Imaginez, il pourrait inviter cinquante personnes, mettre le feu, inonder, fouiller et toucher aux affaires d'autres, salir toute la maisonnée, appeler pendant des heures des numéros surtaxés ou aller sur des chaînes, des sites malveillants, vider tous les placards de ses gadgets alimentaires  mangés sur le canapé du salon de monsieur ... et j'en passe), le boulet se double d'un traîne - savate bougon et désagréable.

    Ainsi, je reste à la maison avec Etienne, quand il n'est pas parti pour le collège du matin au soir, presque tous les jours, sans possibilité de voir autre chose que les chemins archi- connus autour de la maison, déambulation sans but, ni surprise dans ce village aux rues vides, chacun restant derrière ses murs ou sa haie.


    Pourtant, n'y voyez aucun désarroi, ni aucune tristesse car en cette période de repli, je nourris ma part la plus immatérielle, je baigne dans cet univers immense blotti au creux de l'être.

    Les quelques rencontres sont magnifiques et riches, entre des anciens stagiaires qui me sautent dans les bras en me découvrant, par hasard, au détour des chemins, certaines personnes croisées au Qi Gong hebdomadaire ou encore des échanges téléphoniques magiques, je vis des instants de découverte et de joie profonde. A la maison, théâtre quotidien de  mes activités domestiques où je passe la majorité de mon temps retranchée dans mon atelier, je suis en marge de mon enthousiasme habituel, je me sens à l'intérieur, au creux de moi. Je me détache des écrans, je retrouve des activités proches du corps, j'écoute France Culture,  des livres lus, sans musique, simple bourdonnement et flot de mots,  France Musique ou mes musiques improbables et envoûtantes..

    Ma tête est prise des maux de tête particuliers à la maladie ; mon nerf optique a fait connaître son trajet avec elle et de temps en temps, il se rappelle à moi. La pratique d'un exercice  de Qi Gong où l'énergie traverse ce nerf jusqu'au cœur du cerveau semble avoir réveillé ces douleurs. J'espère que la régularité de la pratique portera ses fruits et me permettra de recouvrer toujours plus de vue. Mon prochain contrôle sera pour fin avril, en plein printemps ; je suis curieuse d'y entendre les dernières conclusions.

    Les reins sont les organes phare de l'hiver chez les Chinois, reliés aux yeux, à la vessie, forcément et là aussi, le Qi gong et la réflexologie plantaire thérapeutique les ont mis en avant. Pour compléter la thérapeutique, je demandai une séance d'acupuncture sur le méridien vessie et reins. Les aiguilles piquaient sans sensation particulière jusqu'à un point au bas du dos, à droite. Là, je sentis tout à coup une onde de choc qui se répandit rapidement. J'eus mal jusqu'au Qi Gong et trois jours après, il reste douloureux, me tire dans la fesse, au bord extérieur du mollet droit. Non sans sagacité, je remarque que ce parcours est identique à celui qui révéla la maladie. Le cheminement de la connaissance de soi n'est pas achevé et au creux de ce repli hivernal, je me découvre sereinement en pleine course.


    Pour toutes ces raisons, l'écriture se fait plus rare. Le récit sur ce blog étant guidé par une ligne générale, je m'interdis de publier n'importe quoi, n'importe quand. Ses replis, telles des inspirations profondes, transparaissent par des articles en pointillé. Quand viendra l'expiration, ils se feront plus fréquents et enlevés car, est-il nécessaire de le préciser ?, ces replis ne sont pas synonymes de veille de la cervelle.


     Les plantes endormies sous la neige préparent la floraison du printemps, les graines enfouies sommeillent dans l'attente des jours plus doux.  Je suis partie prenante de ce monde, je suis le rythme de la nature ; après le repli, je sais que viendra l'explosion. Au creux de moi, il y a l'univers, je suis en symbiose avec lui et je ne suis qu'une soupape, un loquet soulevé par la respiration entre cet interne et l'externe qui m'entoure.


      Inspiration, expiration, repli, expansion...



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  • Allez, je sais, je suis une utopiste idéaliste affreusement optimiste. Bien que ce soit une course effrénée vers l'impossible, je ne peux pas m'empêcher d'avoir la larme à l'œil quand je vois ça :

     

    Franchement, ça fait rêver, non ?

     

    Et dire qu'au départ, il n'y avait pas 10 000 homos sapiens, quelque part au Moyen Orient. Depuis maximum 150 000 ans, nous nous traînons sur cette terre vieille de 5 milliards d'années avec les mêmes structures mentales et une diversité incroyable d'interprétation du rapport au monde et à l'autre.

    Evidemment, il y aurait beaucoup à dire sur certaines situations, sur les façons de danser, sur les cadres, les positions des personnes, ceux qui viennent et ceux qui ne viennent pas.. et alors, je m'en fiche aujour'hui parce que j'ai envie de profiter de la magie, de l'idée, de l'instant.

    Puissiez- vous en profiter autant que moi...


    Bonne journée  

     


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  • Ce matin, j'ai pris le petit déjeuner en écoutant de loin  Rue des entrepreneurs sur France Inter ne connaissant pas le sujet. Je finis par comprendre qu'ils parlaient du forum de Davos et de la façon dont était abordée la crise actuelle là- bas. Bof, ce n'est pas idéal au réveil. Mes pensées partirent et je divaguais dans une espèce de semi- veille  quand tout à coup, j'entendis parler de Matthieu Ricard, porte- parole du Dalaï Lama présent lui- aussi à Davos ! Je revins dans l'instant de mon voyage brumeux pour boire les paroles de ce monsieur et je me nourris d'un petit moment de pur bonheur ! Une vague idée me traversa l'esprit sans pour autant y trouver une direction, un sens : comment parler de cette toute petite intervention ?

    J'en étais là, le cerveau ramollo quand en divaguant sur le net, je vis cette petite vidéo. Ni une, ni deux, l'occasion était trop belle et je vous l'offre maintenant.






    Je suis agnostique, je ne peux prétendre savoir quoi que ce soit de l'existence ou non d'une divinité quelconque. Je m'intéresse à l'humanité et ses multiples visages, kaléidoscope magique et surprenant. J'ai foi en l'humain, en ses capacités invraisemblables offertes par l'évolution, je crois en la solidarité et la fraternité, sinon, comment notre espèce aurait-elle pu survivre désarmée tels que nous sommes pour affronter la Nature et ses dangers ? Sans l'intelligence et la coopération, nous aurions disparu depuis longtemps.

    J'en suis intiment convaincue.


     Des anthropologues ont trouvé des restes d'hominidés très anciens (pas des homos sapiens sivousplait! ) dont un des squelettes n'avait plus aucune dent. Grâce à des méthodes scientifiques, ils ont pu dater la perte des dents bien avant le décès et ils se sont posés la question de sa survie dans un milieu sans outil pour mâcher, écraser la nourriture. Ils ont également découvert une usure anormale sur les dents des autres restes et ont alors émis l'hypothèse  que l'édenté avait survécu en se nourrissant des aliments pré mâchés par ses compagnons ce qui implique de nombreuses perceptions pour un cerveau : compassion, entraide, considération de l'autre, adaptabilité, fort lien social. Certainement, les éléments sont ténus et ce n'est qu'une hypothèse mais il me plaît de me remémorer cette anecdote. Je l'ensorcelle, elle nourrit ma foi en l'humain et ces valeurs humanistes.


    Pareillement, je me régale des écrits de mon ami Boris quand il raconte comment le câlin, la tendresse activent des hormones dans le cerveau du bébé permettant ainsi le développement de certaines zones du cerveau. Sans ces stimuli, elles restent atones et l'enfant ne se développe pas. Il peut aller jusqu'à se laisser mourir de faim quand ne manquant pas de soins quotidiens élémentaires les gestes sont accomplis sans tendresse, attention, affectivité. Je me régale également quand il raconte comment des enfants déficients suite à des mauvais traitements rattrapent les autres dès qu'une attention affective leur est portée. Je me régale quand il raconte comment la vieillesse, la maladie d'Alzheimer sont traitées selon les cultures avec des résultats flagrants de différences. Je m'interroge sur la réalité de ce que nous nommons personnalité quand il évoque des personnes malades mentales ou victimes d'accident à la tête dont les cerveaux sont étudiés par IRM. Et j'en oublie, noyée que je suis par le flot de mes pensées.


    Que seraient devenus les hommes sans le partage et la transmission des savoirs, des expériences ?
    Que seraient devenus les hommes dans un égoïsme forcené et un quête de possession perpétuelle ?

     Rien du tout.



    La liberté des hommes est immense, ils sont capables du meilleur comme du pire, du plus beau au plus laid, du plus merveilleux ou plus terrible ; c'est en cela que l'homme est unique. Néanmoins, c'est quand il se croit tout petit qu'il est le plus grand, la vanité étant certainement la plus grande tare humaine à mes yeux.

         Quand un petit moine vient devant les plus grand nantis de la planète porter des idées de partage, de responsabilité, de solidarité, de respect, d'humilité, de conscience, d'altruisme, je repars gonflée d'espérance. Je recharge mes batteries en écoutant ces évidences apparemment si simples et me conforte dans les choix de vie que je fais.


    Nous sommes capables de générer du beau, du merveilleux, de nous rendre  meilleurs les uns les autres
    et je ne veux pas l'oublier, malgré tout


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  • Cette question avait été cruciale. Si le mobilier  (formica blanc, gris, noir, brun, vieille cuisinière, frigo)  restait, je ne venais pas.

    Ils ne me comprirent pas. En dépit de sa laideur déprimante, cette cuisine était également inadaptée à ma taille : plans de travail, évier, tout était trop bas et j'entrevoyais les dégâts sur le dos. Finalement, certains éléments furent enlevés et quelques meubles que je crus avoir choisis à deux  commencèrent à être installés par lui.  Mais avant cela, il y avait les papiers à décoller, les peintures à refaire.

     Un peintre avait été employé par les parents propriétaires et il avait accepté le travail à condition que les murs fussent prêts à être tapissés. Je me coltinai bêtement la tâche. A ma grande surprise, je trouvai deux couches de papier. J'achetai une ponceuse pour décoller celui du dessous et passai plusieurs heures dans les nuages de poussières et de plâtre en grimpant jusqu'au plafond. Travail harassant désagréable. Comme je m'étonnai de ces deux couches, il me fut expliqué que les propriétaires n'avaient pas voulu s'embêter à arracher le premier, pris par le temps avant les locataires et qu'ils avaient simplement recollé un neuf par-dessus.  Pourtant, ne se targuent- ils pas de toujours faire ce qu'il faut comme il faut ? Là, je m'interrogeai sur le décalage benoitement.

    Le meuble formica sous évier resta en place parce qu'il ne v/pouvait pas tout faire en une fois (ce que je peux comprendre). En dépannage, temporaire, je plaçai un de mes meubles et dénichai une chute de plan de travail neuf dans la poubelle d'un magasin de cuisiniste afin d'y placer la plaque de cuisson et le four multifonction. Toute heureuse de cette trouvaille inespérée, je le mis en place et le lui montrai quand il rentra, très fière. Il me houspilla expliquant qu'il ne voulait pas de ces bricolages mais d'un  plan de travail uniforme sur toute la longueur. Je courbai le dos et attendis l'achèvement de la cuisine... pendant 3 ans. Mon morceau de plan de travail se révéla fort judicieux pendant des mois.

     

    L'évier était beau et grand, malheureusement trop bas pour mon mètre 68.  Je me cassai le dos deux ans avant la maladie à faire mes vaisselles quotidiennes, matin, midi et soir. J'expliquai, je pestai, je cherchai des solutions... rien ne bougeait dans un flot de prétextes divers ou de silences exaspérés. Le lave- vaisselle acheté en soldes début 2006 ne fut installé que plusieurs mois après... quand je ne fus plus capable de faire la vaisselle. Comme je tombai un jour sur la porte en le vidant, j'essuyai un sermon sur le caractère brise- tout et sans soin de ma famille par lui, agacé de mes soit- disant casses incessantes.

     

    De même, après quelques années d'inertie,  les  derniers aménagements se firent et l'évier fut posé à bonne hauteur alors que j'étais en fauteuil roulant. Après quelques semaines d'utilisation debout, virent les protestations : le plan de travail avait gonflé autour de l'évier et du robinet, je salissais sous la plaque de cuisson en renversant et il devenait fou, pestant de mes incapacités. Incrédule, je lui fis remarquer qu'il n'y avait aucun joint, ni autour de la plaque, ni autour de l'évier, ni autour du robinet, ni à l'arrière entre mur et plan de travail. Il me répliqua que rien ne serait arrivé si j'avais fait attention. « Maintenant, je vais devoir tout changer ! »  ce qu'il compte faire ... plus tard.

    Dès notre arrivée dans la maison, j'osai évoquer une uniformisation du sol par un carrelage identique dans toute la pièce, naïvement. J'essuyai un refus catégorique ; il préférait mettre du parquet stratifié sur la deuxième moitié et laisser les carreaux sur la première avec une espèce de baguette en alu entre les deux. Ce n'était pas très important et acceptai son choix afin de ne pas envahir et/ ou écraser ses désirs. Après quelques semaines, commencèrent les accrochages incessants aux vis qui ressortaient de la baguette d'alu. «  Vous n'avez qu'à mettre des chaussons ! »... il est vrai que fils et moi sommes toujours pieds nus, quelle drôle d'idée. Puis, vint l'épisode de la goutte d'eau sur la parquet qui me choqua particulièrement.

    Je venais de rentrer des deux mois d'hôpital et accusais la fatigue liée au traitement. Encore en fauteuil, je me contentais de venir mettre les roues sous la table et de manger en compagnie de mes deux acolytes. Je supportais difficilement les disputes quotidiennes entre un garçon maladroit et un contrôlant; je courbais l'échine de lassitude la majeure partie du temps car mes paroles n'avaient aucun impact. Ce jour- là, le garçon bavardait et gesticulait à table, comme tous les enfants ; dans des circonstances oubliées, il fit tomber une goutte sur le sol ; il eut droit à  une remarque et un sermon sur le gonflement du parquet stratifié à cause de l'eau. J'ajoutai bêtement sans plus y penser qu'effectivement, ce revêtement de sol était inadapté à une cuisine... Que n'avais- je pas dit ? Ce fut l'explosion ! Entre cris et claques, le repas se termina dans une violence inouïe. J'en fus tellement choquée que je racontai l'épisode à la psychiatre : « Vous vous rendez compte ? Il hurle pour une goutte d'eau sur le sol ». Elle avait haussé les épaules, «  Qu'est- ce que vous voulez ? il est obsessionnel et vous ne pourrez rien y changer, c'est sa structure de personnalité ».  Cette étincelle ne fut que le début d'un éclairage perpétuel.

     

    Alors, évidemment, je comprends qu'il ait fallu agir dans l'urgence en d'autres circonstances, je comprends que tous n'avaient pas les possibilités en temps et/ ou en moyens pour rendre cette pièce impeccable immédiatement, je comprends que des impératifs d'agencement, de niveaux, de conduite, de branchement posent problème, je comprends que la peur de mal faire puisse freiner les initiatives. Je ne comprends pas  toutefois pourquoi il y avait un tel décalage entre les discours et les actes, je ne compris pas pourquoi le quotidien devenait une succession de violentes scènes... jusqu'à ce que l'obsession évoquée me  permit de regarder les actes quotidiens sous un autre angle.  

     

    Plus tard, au détour d'une conversation anodine, j'entendis qu'il m'avait laissé choisir les meubles sans s'en mêler alors que je pensais les avoir choisis à deux et que s'il avait fait cette cuisine, c'était pour ses parents parce qu'l ne pouvait décemment pas laisser la pièce sans aménagement quand j'avais exigé l'enlèvement des éléments. Bon sang ! Elle avait presque quarante ans la précédente ! Ce n'était pas enlever de la valeur à la maison que de la rénover ? En plus, ils avaient refusé toutes mes propositions économiques expliquant qu'ils ne voulaient pas de « bricolages/ bidouillages »... Quelque chose m'échappait, étais- je donc trop bête ?  

    Je croyais que la cuisine intégrée était un aboutissement, un confort voire un luxe et je réalise combien elle est révélatrice de celui qui la fait plus que de ce qu'elle est. Dans ma grande bêtise, je voulais simplement en faire une belle pièce chaleureuse et accueillante adaptée à nos modes de vie, embellir la maison sachant pertinemment que simple locataire de passage, je n'emmènerai rien avec moi en quittant les lieux. Tant pis pour eux, qu'ils se la gardent !  J'espère retrouver bientôt ma cuisine de bric et de broc où je peux travailler sans avoir à craindre perpétuellement les critiques, remarques sur mes soit- disant incapacités à faire ce qu'il faut comme il faut. Il me tarde de retrouver une cuisine respirant la vie faite de principal et non de principe.

    Mon ensorcèlement des lieux n'a évidemment rien à voir avec celui d'autres et certains s'indigneraient de lire ces quelques mots, choqués, révoltés, qu'ils le soient! Peu m'importe parce qu'ici, il n'est question que de moi et de ma perception du monde. Cette cuisine n'est seulement que la première pièce d'un puzzle laid qui se construisit à plusieurs et aussi terrible soit- elle,  la territorialisation inconsciente des espaces se révéla lentement, à ma grande stupéfaction au fur et à mesure de l'installation.

     


    En boutade aux obsessionnels! 
    (obsessions aux multiples visages)

     


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  • J'avais prévu d'écrire en un seul article au sujet de cette maison et les paragraphes se succédant dans mon esprit depuis quelques jours, j'ai  réalisé que cela serait trop long, et pour moi et pour vous. Aussi, j'ai décidé de les découper selon mes possibilités d'écriture (il n'y a que 24h dans une journée).

     Nouvelle série à suivre dans le dévidoir donc.

    Non que ce soit tellement important en soi, il me parait évident que ce sujet n'a rien d'anodin. Il parle de mon cheminement, tant sur le plan physique que sur le plan psychologique. Il éclaire sur ce parcours intérieur qui permet d'ouvrir les yeux dans la cécité qui fut/ est la mienne.

     

    Avec Elodie, s'était dessinée la prise de conscience des interactions du corps et du psychisme dans un enchevêtrement indéfini digne du nœud  gordien. Les objets, les lieux n'ont aucune importance hormis celle que nous leur accordons et le discours que nous en faisons.  L'ensorcèlement de cette maison a évolué au gré des aléas de l'existence et surtout, il m'a permis de réaliser ce que je faisais de ma vie. La maladie prend pareillement du sens dans cette trajectoire de la connaissance de soi (moi en l'occurrence).

     

    Cette introspection n'a aucune valeur universelle, elle est simplement une expérience personnelle, un regard sur le monde des plus subjectifs. J'ai pu constater néanmoins que le vécu des uns a des répercussions sur les représentations d'autres ; mettre des mots sur des choix inconscients, aussi futiles soient- ils, dans le cadre d'une expérience toute personnelle peut provoquer un déclic chez d'autres. Cet ensorcèlement a ainsi toute sa place dans le récit de ce parcours quasi initiatique qui est le mien.

     

    La maison aux multiples possibilités.

     

    Ce fut par ces mots qu'elle me fut présentée.

     

    Aisément installés dans notre petit logement agréable, le fiston et moi étions bienheureux ; l'idée de partir n'était pas évidente. En quête de solutions, je cherchais toute information en vue de prendre une décision valable. Ainsi, j'avais posé des questions sur l'école du village de cette maison et rien de particulier ne me fut dit, une école comme les autres. L'envie d'être en famille, le jardin... pourquoi ne pas tenter l'aventure ?  Quoi qu'incertaine et avec un trouble au cœur, nous finîmes par emménager.

     

    Les affaires qui avaient saturé nos petits appartements précédents paraissaient menues dans ce volume, j'étais quelque perdue, peu coutumière de la maison individuelle, des grandes pièces, des escaliers. Cependant, dans  mon incessante curiosité, j'étais ravie d'entrevoir les possibilités d'aménagements et de décoration qui s'offraient à nous. Chacune des pièces activait mes neurones et mon imagination, je calculais pareillement la quantité de travail nécessaire pour parvenir à faire de ce lieu une bulle de joie de vivre et de chaleur. Bien qu'un étrange sentiment incertain m'étreignait, je voulais me persuader que tout était possible, qu'ici, nous trouverions une harmonie, un tremplin à la grande aventure de notre périple familial, qu'ici se fonderait notre histoire commune.

     

    Peu à peu, fatalement parce que tout était en place avant, les vents  se levèrent insidieusement, inconsciemment et je sentis le malaise grandir sans pour autant accepter d'ouvrir les yeux. Aveuglément, envers et contre toute intelligence, je me raccrochais à mes espérances.

    La négation de soi était entamée depuis longtemps; elle allait prendre entre ces murs un visage particulièrement cruel et insoupçonné.


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  • (1 est ici et 2 .)

     

    Après le séjour dans le service de Solange et mon retour à la maison, je repris le cours des séances en hôpital de jour et dans la reconquête de la vie, de MA vie, je repartis dans la psychothérapie tête baissée avide de ne pas rater l'occasion de régler enfin mes contes (homophone utilisé à bon escient).  Racontant les merveilleuses rencontres des derniers mois, le travail entamé avec Elodie, les possibilités de vie nouvelle offertes, je rayonnai au point que la psychiatre me demanda si elle m'était encore utile. Je ne l'entendais pas de cette oreille, il était hors de question que je m'arrêtasse en si bon chemin !

     

    Heureusement, elle put faire passer la psychanalyse sous l' ald avec prise en charge du transport ; l'aventure repartit de plus belle. La matérialité était un frein trop important au regard de ma situation de grand dénuement. Les vannes pouvaient s'ouvrir.

     

    Quelle tâche ! Quel labeur !

    C'est un énorme travail de fond balayant toutes les certitudes et les mythes construits par le mental au cours de la vie, de ce mental qui contribue sournoisement, insidieusement à pérenniser l'emprisonnement dans des fonctionnements malsains afin de se persuader qu'il a raison, qu'il contrôle, qu'il sait, omniscient et omnipotent . La maladie abattait tout et dans cette tempête, je ne voyais plus que moi, seule, démunie et nue au sein d'un déchaînement de calamités répétées, de fantômes hurlants en silence et de démons dévorants. Entre terreur, désespoir, rage, révolte, abattement, soulagement, bonheur, recentrage, sérénité, je passe par tous les états émotionnels. Quand je crois avoir fait le tour de la question, une mystérieuse phrase vient réveiller des démons profonds qui ravagent tout sur leur passage. Les yeux s'ouvrent sur les actes, les choix, les objets même du quotidien et tout prend sens.

     

    Comment ai- je pu vivre dans une telle illusion ? de telles fadaises ?

     

    Certains morts ressurgissent des limbes du passé rôdant en dépit de leur disparition ancienne. Tout comme eux, les  vivants perdent les masques que je leur attribuais inconsciemment.

    La beauté et la chaleur des uns se dévoilent au grand jour éclairant le monde d'une pureté limpide et amoureuse, les travers perfides des non dits reviennent en pleine figure avec  violence.  De ceux qui m'ont rendu malade,  je vois désormais clairement le visage et les crochets auxquels j'ai pu raccrocher mes repères de fille perdue et déchirée par leurs travers. Je réalise ainsi nos responsabilités respectives dans la nocivité de nos relations parce qu'à travers eux, je rejouais (je mets le passé instinctivement) la même petite chanson malsaine apprise d'ascendants intoxiqués par leurs propres ascendants. .. une chaîne de vies pleines de drames et de désastres enfouis, jamais dits.

    C'est si ténu, si pernicieux. Nul n'est  coupable, nous en sommes néanmoins simplement tous complices, nourrisseurs perpétuels de schémas toxiques et sans issue. Dans l'aveuglement généralisé, la fuite, nous restons  inconscients de ce que nous léguons aux descendants avec les meilleurs sentiments du monde.

     

    « Je rejoue mes airs malsains avec  la complicité de ceux qui à travers moi rejouent leurs propres  airs malsains. »

     

    Saleté de disque rayé inlassablement répété.

     

     


    Prêtez attention aux paroles.

     

     

     


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