• Nos enfants nous accuseront.

     Ces jours- ci, nous étions à une manifestation locale organisée par une maison de la nature où mon fiston a passé la majorité de ses vacances depuis l’âge de trois ans. Plusieurs activités étaient prévues depuis le début d’après midi mais je préférai le programme de la soirée.

    Malgré nos couvertures et cachettes, les moustiques sous l’arbre du conte avaient buffet à volonté et notre sang semblait très apprécié. Lutte acharnée en permanence que la multiplicité des boutons ne révèle pas… grrr. A 13 ans, mon garnement, hésitant entre ses restes d’enfance et son rejet d’une sortie familiale en compagnie de sa mêêêre suivit le conteur avec assiduité sous des airs renfrognés. Il finit par me lâcher pendant la diffusion du film après avoir englouti sa glace, pesté contre les aberrations montrées dans les premières minutes puis alla se coucher dans la voiture, en râlant.  Il faisait frisquet sous les étoiles, le projecteur hoqueta malheureusement dans la  dernière demi- heure. Autant dire que je résistais vaillamment pour tenir jusqu’au bout. Parce que je tenais absolument à voir ce film raté dans les salles et dont j’avais pris connaissance sur la toile lors de mes pérégrinations virtuelles.

     Nos enfants nous accuseront, de Jean- Paul Jaud.

     Notre environnement est pollué, empoisonné par les pratiques humaines dont en particulier l’agro chimie. Tout ce que nous ingérons est intoxiqué et les générations à venir seront en plus mauvaise santé, vivront moins longtemps que leurs parents. Le nombre de cancers a augmenté de 93% en 25 ans, celui des enfants atteints de tumeurs et autres maladies explose ainsi que les malformations (+1,1% de cancers chez les enfants par an en France). 70% des cancers sont dus à l’environnement dont 30% à la pollution et 40% à l’alimentation. Les agriculteurs sont de plus en plus malades notamment sur le plan neurologique, les membres de leur famille également. Le constat est alarmant, effrayant. Cancérologues, médecins, chercheurs ont des chiffres, vivent cette abominable réalité au quotidien et poussent les sonnettes d’alarme face à des décideurs politiques, économiques sourds.

    Devant les doutes et les questions éthiques soulevées par cette situation, la municipalité de Barjac prend la décision de rendre la cantine du village exclusivement biologique. Aprement, elle enclenche un processus de fonctionnement différent dans l’approvisionnement de la cuisine avec des producteurs locaux et biologiques, les enfants cultivent un potager avec leur enseignante. Le prix de la cantine n’augmente pas simplement parce que 63% de la population du village n’est pas imposable, le surcoût est inenvisageable. L’acte devient naturellement militant.

    Le film se structure sur un constant parallèle entre le vécu quotidien de cette école, cette commune et les faits, les conséquences dramatiques  de la folie productiviste. Extraits de conférences- débats de scientifiques avec l’égrenage des chiffres, les composants d’un simple goûter décortiqué, témoignages d’agriculteurs empoisonnés ou de parents d’enfants malades de l’environnement alternent avec les simples témoignages des acteurs de la démarche de Barjac.

     

    Sans équivoque, ni concession, parfois stéréotypé tant l’exposé est explicite, ce film est un témoignage, un instantané de la situation aujourd’hui. Nous SAVONS, nous avons les moyens de réagir et… puis quoi ?

    La tâche est immense, nous nous sentons si petits écrasés par le pouvoir du profit, de l’avidité ou de l’aveuglement. Ce film démontre que la mobilisation ne viendra pas des décideurs des grandes instances, c’est à la population d’agir parce qu’elle possède le pouvoir d’élire, d’acheter, de faire des choix conscients à condition d’être informée. Par petites touches sous l’impulsion de quelques esprits, c’est possible. J’ai appris, par exemple, que si les subventions versées aux agriculteurs par la PAC européenne étaient données aux cantines scolaires pour augmenter de 3 euros le prix du repas afin de passer au bio, tout était  bouleversé : les agriculteurs vivent de leur travail et les consommateurs mangent sainement. Si les produits biologiques sont plus chers, c’est simplement du fait qu’ils reçoivent peu de subventions; les produits issus de l’agriculture conventionnelle sont vendus à moindre coût parce que du prix sont déduites les subventions versées par l’Europe  (subventions récupérées par les impôts, évidemment). Vendre les produits à leur coût véritable les alignerait sur les produits biologiques, bêtement.

     Honnêtement, j’ai été agacée. Qui donc voit ce film ? Qui le diffuse ? Ceux qui font la démarche de le regarder sont souvent des convaincus d’emblée, tout comme ceux qui vont voir le dernier film de Coline Serreau.

     Pierre Rabhi tourne et explique si clairement dans ses livres, ses conférences, à travers le monde l’urgence à prendre les décisions pour limiter les dégâts de toute façon inévitables. Et quoi ? Et quoi ???

     Je continue de voir la vie insensée continuer son bonhomme de chemin dans un aveuglement et/ ou une soumission consentis. Les parkings de supermarché ne désemplissent pas, les frigos regorgent de concentrés de chimie, les pauvres bouffent les merdes vendues à bas prix ou données (et je sais de quoi je parle !), les nantis ne veulent souvent pas s’emmerder avec des contraintes d’alimentation et consomment au gré de leurs envies.

    Devant mes placards, mes conserves, mon frigo, à l’heure de préparer les repas, je suis prise de vertiges. Ne suis- je donc qu’une seconde main insinuant le poison petit à petit dans mon corps et le corps de mon enfant ? Si le cancer fait peur, que dire des maladies auto –immunes et neurologiques autrement plus répandues ? Et de la chute du nombre des spermatozoïdes chez les hommes? Jusqu’où pourrons- nous aller ? A quel prix ?

     Homo sapiens sapiens doté d’un cerveau extra- ordinaire sera-t-il la première espèce à causer sa propre perte ?

     

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  • Commentaires

    1
    Mardi 8 Juin 2010 à 05:16
    Latan

    Toutes ces choses sont effrayantes... Et fermer les yeux c'est pas mieux... Mais j'en ai des angoisses quand il faut préparer à manger, quand il faut sortir... FAut plus utiliser d'alu, mettre dans un Tupperwear, boire de l'eau du robinet, etc.

    Je prends de temps en temps du bio mais pas trop les moyens. Et changer l'alimentation (parce que c'est vrai que si on mange moins de viandes, charcuterie, etc, y'a moyen de faire avec le bio) ce n'est pas évident... Je pourrais encore bien, mais difficile de faire suivre toute la famille. Donc, je vis en contradiction entre ce que j'aimerais faire et ce que je fais. 

    De plus, je suis une consommatrice dans l'âme (élevée ainsi) qui essaie de ne plus céder aux sirènes de la surconsommation (en même temps, avec mon budget, ce n'est plus si difficile :p). Et j'ai encore le mauvais réflexe d'acheter ce qui est le moins cher (et donc souvent, le moins respectueux de l'environnement ou de l'ouvrier) plutôt que ce qui  va durer ou bien sera plus cher mais produit dans de meilleures conditions :( Dur dur de se changer, d'avoir le courage de bouleverser ses habitudes. Mais j'y travaille.

    Mais bravo à toi de continuer à tenter de faire passer le message.

    Sur ce, je vais aller travailler à engraisser la société de consommation :D Paradoxe encore...

    2
    Mardi 8 Juin 2010 à 08:04
    Philippe

    Pour une fois je vais prendre le contre-pied du catastrophisme ambiant. Il y a quelques jours j'ai tenté de voir un documentaire (sur arte) consacré à "l'après Tchernobyl"...
    Tenté car en ce moment j'ai de bonnes journées et j'étais un peu somnolent, j'ai donc loupé quelques démonstrations mais globalement des chercheurs tentaient d'expliquer pourquoi la nature et les animaux qui se sont installés dans la zone d'exclusion de 30 km autour de la centrale maudite qui a explosée en avril 86 se portaient "merveilleusement" biens !

    Alors ? A bas l'agro-chimie... vive le nucléaire ? MDR

    Va comprendre...
    Ne pas oublier que vivre est mortel !

    3
    Coq
    Mercredi 18 Juillet 2012 à 12:03
    Coq

    Ca a l'air bien anxiogène ce film ! Je pense qu'il est bon d'être informé, afin de prendre les bonnes décisions et de faire des choix responsables (ou du moins d'essayer, parce que dans l'état actuel des choses, c'est quand même difficile de manger que bio, parce que c'est cher). Cela dit, pas sûre que le fait de trop s'angoisser sur le sujet puisse aider... après tout, le stress aussi crée des cancers !

    4
    Je transfère
    Jeudi 15 Août 2013 à 20:43

    A LAtan:

    Le souci vois-tu - et tu es en plein dedans- est que les décideurs culpabilisent les populations tout en les laissant dans l'opacité ce qui les décharge allègrement et facilement de leurs responsabilités. Manger bio et local est possible sur cette terre, éradiquer la faim aussi, assurer un minimum à tous, pareillement.. et pourtant, le monde ne tourne qu'avec la frénésie du fric qui fait du fric. Impasse totale.

     

    Commencer par s'informer et décider ensuite des politiques que nous élirons sont les premières des démarches à avoir!

     

    Citoyens, réveillez  -vous!

     

      Réponse de fée des agrumes le 08/06/2010 à 10h06

    A Philippe:

    J'ai vu le documentaire d'Arte dont tu parles. Il est déstabilisant parce qu'il soulève des questions sans réponse je trouve: certaines espèces disparaissent au profit d'autres, tel animal fortement irradié et aux cellules mutantes vit normalement alors que d'autres développent des malformations, des tumeurs. Le noyau des cerise est à cracher absolument pcq très irradié alors que la chair ne l'est pas. La nature reprend ses droits, certes mais elle tâtonne plus ou moins heureusement pour arriver à continuer de rouler sa bosse.

    Et que dire de ces millions d'humains abandonnés à leur sort en Ukraine, en Biélorussie où explosent les maladies, les cancers, les malformations. Et le cruel manque de moyens des états pour soigner, protéger ces populations. Mourir de faim ou d'une maladie liée à l'irradiation? demande une vieille dame cultivant son potager sur des terres jugées dangereuses.

    Je ne comprends absolument pas comment nous, humains avec le cerveau le plus developpé de cette planète puissions manquer autant de bon sens! 

    Mourir d'accord mais certainement pas de la bêtise humaine! Il y a assez de maladies, d'accidents et/ou de circonstances à la con pour quitter la vie!

    Réponse de fée des agrumes le 08/06/2010 à 09h59
     
    A Coq:

    Ben, je ne l'ai pas trouvé tellement anxiogène parce que justement, il démontre les moyens que nous possédons pour changer la donne: comment un tout petit village a  pu se révolter   et prouver par ses actes,une décision unique que nous pouvons bouleverser tout un engrenage toxique.

      Réponse de fée des agrumes le 10/06/2010 à 11h09

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