• De la colère. 2.

    Alors que je me croyais capable d’écrire à ce sujet aisément, je réalise depuis quelques jours que la tâche n’est pas si évidente. Dans ma tête, en mon cœur, en mon corps, se déverse une multitude de sentiments, d’émotions comme si longtemps ils avaient attendu l’ouverture des portes. Ce n’est pas violent, c’est un flux tel les eaux quittant l’esprit de la rivière polluée nettoyée par Chihiro dans le film de Miyazaki, parallèle évident avec l’image utilisée en qualification du cataclysme provoquée par la maladie (j’y reviendrai).  C’est un processus naturel finalement car pour comprendre la colère, il y a à identifier les sentiments et émotions ressentis, les besoins non satisfaits qu’elle cache. Il n’est pas question de condamner ou de juger qui que ce soit, il s’agit de rester chez soi, c’est- à- dire comprendre ce qu’il s’est joué en moi dans cette histoire. Lancer des « il m’a menti », « il m’a trahie », «  il m’a abandonnée », c’est exprimer un jugement sans se pencher véritablement sur moi- même et lui infliger toute la responsabilité; « il n’a pas été honnête », «  il a un problème »,  « il est malade », « il a besoin d’une bonne psychanalyse », bla bla sont du même registre, c’est analyser et nullement me connecter avec mon interne et ma part vivante. Alors, dans ces eaux grouillantes, je me suis plongée et y ai observé la vie qui s’y était jouée.

    Etrangement, le premier qualificatif qui envahit mes pensées fut : CHOC.

    Choc de ses premiers mots évoquant l’ambiguïté de ses sentiments à mon égard. Nous étions amis depuis de nombreuses années et je ne m’attendais absolument pas à ce virement. Ce fut digne d’un coup de tonnerre violent dans un ciel serein et tranquille, j’ai été bouleversée, bousculée. C’en suivit un travail sur moi- même car l’estimant grandement, je ne voulais pas venir avec des tourments déplacés et mal juger. J’ai souffert à tâcher de mettre de l’ordre dans ma tête, j’ai sollicité un positionnement clair de sa part pendant des mois. Un an et demi de doutes, de mises au point, de remises en question et de demandes vaines de clarté. J’étais impuissante et démunie devant le flou qu’il me renvoyait, désorientée par ses changements constants de décision. Finalement, le pas fut franchi et je crus que la confiance gagnée avec le temps nous permettrait de construire ensemble une vie riche et belle.

    Choc de nos premières vacances ensemble où je découvris une personne que je ne soupçonnais pas. Après 3 jours, je fondis en larmes, atterrée, abasourdie.

    Choc à son refus d’habiter avec nous après quelques années de promenades et week- end partagés. J’en fus écorchée et cette cicatrice me marqua longuement. 

    Choc du fossé existant entre ce qu’il disait être et la réalité du quotidien, choc de certains discours de sa part et de son entourage.

     Chocs successifs de ses refus de mariage, pacs, achats mobilier  et immobilier communs, chocs des territorialisations inconscientes de l’espace de la maison, choc irrémédiable du refus de l’enfant.

    Choc de ses refus d’aménagement au cours de pires mois de la maladie, choc de son renfermement à mon retour de l’hôpital, choc de ses refus de travailler ensemble sur nos modes relationnels, choc des perpétuelles disputes à la maison alors que je me sentais mourir ou que je remontais laborieusement et péniblement de ma chute vertigineuse.

    Ainsi, tout au long de notre histoire, je fus choquée. L’onde de ces chocs résonnait très profondément en moi, m’anéantissait, me fauchait, me laissait démunie et tétanisée .Ma frustration était une évidente récurrence ; au fil des années, mes rêves, mes espoirs ont été anéantis, balayés violemment, toutes les pistes que j’ouvrais, proposais se refermaient et avant d’être malade, je chutais perpétuellement au point de n’avoir pour seule impression que celle d’être acculée au fond d’une impasse aux murs épais sans fenêtre (ici). Je songeais déjà à partir vers d’autres horizons, ouverts eux ; je m’interrogeais sur les dispositions matérielles du départ quand la maladie est entrée dans notre vie et me cloua sur place. Consciente que cette épreuve supplémentaire à un parcours de vie déjà chargé était insupportable, je sus d’emblée que j’étais incapable de la gérer seule. Je fonçais alors en psychanalyse, anéantie à l’idée de mourir avant de régler mes vieilles histoires et mes travers.

    Je l’ai déjà abordée à plusieurs reprises (Allées et venues en psychanalyse).  Peu à peu, les questions fondamentales survinrent et bien que n’ayant pas d’idée arrêtée sur ce sujet, je réalisai en écho aux paroles d’Elodie la corrélation du corps et de l’esprit :

    Pourquoi cette maladie ? Et pourquoi s’exprimait- elle de cette façon ? N’était- elle pas le reflet de ce qui se jouait en moi ?(D’ailleurs, les portes ouvertes par ses questions m’accompagnent quotidiennement et me conduisent à envisager les événements sous d’autres angles, constamment).

     Mes relations malsaines à SeN revenaient continuellement en séance car elles empoisonnaient mon quotidien et là, entre les murs du cabinet, mes doutes avaient leur place, je ne risquais pas les visages ahuris ou réprobateurs de ceux qui ne voulaient entendre mes nuances quant au dévouement de SeN à mon égard. Après des mois de rendez- vous hebdomadaires, je me pris un nouveau choc en pleine figure : je compris subitement qu’il était un avatar d’une relation du passé. Cette personne n’a pas pu/su exprimer son affection à mon égard. Longtemps, j’ai tâché de devenir celle dont j’imaginais qu’elle pouvait rêver et de nombreux choix lui sont inconsciemment liés. Ce fut un échec, une longue suite de blessures, frustrations, révoltes engendrant chez moi une profonde tristesse aggravée par d’autres tourments de l’entourage. Si je sais désormais que cette personne était elle- même  poursuivie par une relation toxique à sa mère (une femme mauvaise et méchante, aigrie et dévorée par ses tourments internes), que ses paroles évoquaient  ses propres frustrations, j’ai souffert de cette relation parce que j’avais besoin d’un retour d’image positive, je n’ai eu qu’en miroir des remarques et réflexions blessantes, humiliantes, une litanie de critiques.  Mes couples ne furent que des répétions de cette relation. L’un me renvoyait à la destruction en écho à l’image que je m’étais construite de moi-même, une forme de suicide programmé dont la venue de fiston m’a sauvée (un instinct de survie déjà), SeN était la répétition de cette personne prisonnière de son histoire personnelle déversant ses frustrations, colères, sentiments d’impuissance et d’échec.  

    J’étais effondrée à l’instant de cette découverte, pleurant toutes les larmes de mon corps et je poussai ce cri de désespoir : « Qui me dit que je ne recommencerai pas une troisième fois alors ?! ». La psychiatre me répondit  simplement: « Cela n’arrivera plus parce que maintenant, vous en avez conscience ». Et oui. A partir de ce jour, je décidai de tout mettre en œuvre pour sortir des relations toxiques et étais toute à l’espoir de re- fonder ma relation à SeN sur des bases assainies et positives, je ne doutais pas qu’il s’embarquerait dans l’aventure avec moi. Malheureusement, il en fut autrement, il se replia sur lui- même, refusa les discussions, les aménagements, les négociations. J’étais face à un mur. Je fus à nouveau choquée, puis passai ensuite alternativement par la colère, le ressentiment, le découragement, n’ayant pas de mot pour dire ce que je ressentais véritablement. Mon ultime échappatoire fut de fuir.

    Plus tard, en discutant avec mes camarades de communication non violente/ bienveillante, un intervenant m’offrit le sens de RELATION. Être en relation, c’est être relié à l’autre, partager nos sentiments, nos ressentis, c’est partager ce qui est vivant en chacun. Et force était de constater que si un lien inconscient est fondateur et puissant entre nous, SeN et moi n’étions pas en relation. Toute notre histoire n’est que la répétition malsaine de schémas du passé. Comme nous étions enfermés chacun dans notre histoire personnelle, la rencontre a périclité puisque qu’il n’y a pas de place pour l’autre là-dedans, il n’est qu’un prétexte à rejouer la même petite chanson ratée d’autrefois que nous avons cherché à recoller, à réparer, vainement. Toutefois, dans ces propos, j’analyse et pense, je ne suis pas dans ce chemin vers soi. Ce fut lors d’autres évènements que je commençais à comprendre ce qui se cachait derrière ma colère et mes accès de fureur lors de mes retrouvailles hasardeuses avec SeN ou le croisement d’un des membres de son entourage.

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 27 Avril 2011 à 17:02
    Annie

    Ce qui me vient à l'esprit est: dans un couple, il y a co-création, ce n'est pas "l'un est comme ceci et a tort". On est avec lui (elle) parce qu'on a choisi de l'être, quelles que soient nos raisons. C'est à double sens .

    La vie m'a appris que chaque fois qu'une de mes relations de couple a échoué (c'est à dire qu'elle ne m'a pas menée où je pensais), c'est que je n'avais que peu d'estime pour moi, et pas d'idée réellement construite de ce que je désirais vraiment (et non pas de ce que je NE désirais PLUS).

    Il y a des gens qui, malgré tout, restent en couple longtemps tout en étant très malheureux car ce qu'ils veulent c'est de la stabilité à n'importe quel prix. C'est donc l'idée dominante qui a raison et s'installe dans leur vie, au lieu de celle d'évolution.

    Bisous!

    2
    fée des agrumes Profil de fée des agrumes
    Samedi 17 Août 2013 à 22:31

    Ai- je réussi à exprimer ce que je ressentais? 

    J'ai tâché de rester chez moi et de ne pas juger.

     

    Réponse de fée des agrumes le 27/04/2011 à 19h07
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