• « Demandez et vous recevrez » répétait souvent sœur Thérèse dans la grâce de ses actes. D’abord interdite et dubitative, je laissai cheminer en moi cette pensée peu à peu. Elle devint ainsi fréquente, fugace, au gré des circonstances.  Accompagnée du lâcher prise magique, j’en ai fait mon quotidien.

    La demande est une étape importante ; précédée de celles de l’identification des sentiments, des besoins qu’ils expriment, elle devient naturelle et saine.  Faite à soi- même, à un interlocuteur, claire, concrète et négociable, elle ouvre les portes grandement. Libérée des travers du flou, elle n’engage plus les mêmes enjeux destructeurs et violents qu’elle soit acceptée ou non, suivie ou non d’actes dans son sens. Ainsi, concrètement, ces jours- ci, j’ai pu en mesurer la force. Si fréquents en soient les effets, les circonstances actuelles en ce blog s’y prêtent et j’ai envie de partager cette expérience avec vous.

    D’abord, je renvoie aux articles concernant notre capacité à s’indigner et à agir au quotidien afin de sortir de l’infantilisation et du  sentiment d’impuissance engendrés par les discours généraux (ici et , entre autres) Je renvoie également aux commentaires qui sont constamment intéressants, multiples, enrichissants. Dans ma démarche toute personnelle, je m’interroge grandement, il m’arrive d’être désorientée parce que confrontée à des aléas quotidiens surtout sur le plan matériel et financier. En l’occurrence, je me suis interrogée sur la portée de nos actes, de nos pensées devant l’immensité du monde, la diversité des humains et le poids gigantesque de certaines problématiques qui semblent nous échapper. Cependant, la vie répond aux modes vibratoires et des éléments de réponse viennent, je reçus donc un clin d’œil.

    Je suis abonnée à la revue, Le colibri solidaire et distributif par choix militant dans le but conscient de nourrir mon esprit et mon âme de pensées constructives. En effet, cette revue est celle « des expériences d’économie durable, distributive et solidaire » ; à chaque publication, s’y exposent des réflexions sur les possibles changements de mentalité, de représentation, d’économie, de société et judicieusement, la présentation de réalisations concrètes existants parfois depuis plusieurs années. Cette revue est une preuve par l’évidence de l’existence d’alternatives à ce que les dogmes actuels disent être nos uniques solutions. Le dernier numéro de mars traînait sur un coin de table, j’avais tellement d’autres trucs en cours de lecture de ci de là qu’il resta fermé ; et puis, j’y vins juste quelques jours après avoir publié ces articles militants. A la page 5, je découvris un extrait de livre, Le centième singe de Ken Keyes. Immédiatement, je le liais à Annie, à l’énergie que je lançais autour de moi, constamment, opiniâtrement et je décidai de le publier.

    Une histoire à propos du changement social.
    Par Ken Keyes, Jr.

    Une espèce de singe japonais, le macaque japonais ( macaca fuscata ), a été observée à l'état sauvage sur une période de 30 ans.

    En 1952, sur l'ile de Koshima, des scientifiques nourissaient les singes avec des patates douces crues en les jetant sur le sable. Les singes aimaient le goût des patates douces, mais trouvaient leur saleté déplaisante.

    Une femelle âgée de 18 mois appelée Imo pensait qu’elle pouvait solutionner le problème en lavant les patates dans un ruisseau tout près. Elle enseigna ce truc à sa mère. Leur compagnes de jeu apprirent aussi cette nouvelle façon de faire et l'enseignèrent aussi à leur mère.

    Cette innovation culturelle fut graduellement adoptée par différents singes devant les yeux des scientifiques. Entre 1952 et 1958 tous les jeunes singes apprirent à laver les patates douces remplies de sable pour les rendre plus agréables au goût. Seulement les singes adultes qui imitèrent leurs enfants apprirent cette amélioration sociale. Les autres singes adultes conservèrent leur habitude de manger des patates douces sales.

    Alors quelque chose d'étonnant se produisit. À l'automne de 1958, un certain nombre de singes de Koshima lavaient leurs patates douces -- leur nombre exact demeure inconnu. Supposons que lorsque le soleil se leva un matin, il y avait 99 singes sur l'île de Koshima qui avaient appris à laver leurs patates douces. Supposons encore qu'un peu plus tard ce matin-là, le centième singe appris à laver les patates.

    ALORS LA CHOSE ARRIVA !

    Ce soir-là presque tous les singes de la tribu se mirent à laver les patates douces avant de les manger. L'énergie additionnelle de ce centième singe créa une sorte de percée scientifique !

    Mais notez ceci: la chose la plus surprenante observée par ces scientifiques fut le fait que l'habitude de laver les patates douces fit alors un saut au-dessus de le mer... pour rejoindre des colonies de singes habitant d'autres îles ainsi que la troupe de singes de Takasakiyama sur le continent qui commençèrent aussi à laver leurs patates douces. C'est ainsi que le macaque japonais a été surnommé le "laveur de patates".

    Ainsi, quand un certain nombre critique d'individus accompli une prise de conscience, cette nouvelle prise de conscience peut être communiquée d'un esprit à un autre.

    Bien que le nombre exact peut varier, ce "Phénomène du Centième Singe" signifie que lorsque seulement un nombre limité de gens apprend une nouvelle façon de faire, celle-ci peut devenir partie intégrante de la conscience de ces gens.

    Cependant, à un moment donné, si seulement une personne de plus se met à adopter une nouvelle prise de conscience, son champ d'action s'étend de telle sorte que cette prise de conscience est adoptée par presque tout le monde !

    Ce texte a été tiré du livre "Le Centième Singe" par Ken Keyes, Jr. libre de droits d'auteur ( copyrights ) et le matériel peut être reproduit en tout ou en partie.

    ( Anecdote trouvée et publiée ici)

    Logiquement, je fis le lien avec ce phénomène étrange de l’histoire de l’humanité où  des populations très éloignées sur le globe eurent les mêmes idées aux mêmes périodes : la fabrication d’outils, la maîtrise du feu, les constructions mégalithiques, par exemple. Jung parle d’un inconscient collectif, est- ce cela dont il est question ici ? Ne serait- ce pas plutôt une conscience collective?

    Alors, oui, je le confirme, nous avons tous la possibilité d’agir, de changer le monde car chacun d’entre nous nourrit cette conscience collective. La peur engendre la peur, le sentiment d’insécurité, l’insécurité, l’égoïsme, l’égoïsme, la violence, la violence. Le monde est ce que nous pensons. Ce dont nous n’avons pas conscience n’existe pas pour nous, aussi, il est vital d’éveiller nos esprits, d’ouvrir nos cœurs et de vivre intérieurement, extérieurement le monde que nous voulons. Donnons-nous les moyens de vivre cette vie et ce monde auxquels nous aspirons. Quant à la petite voix qui nous obsède constamment avec des « Je ne peux pas », je lui souffle simplement un mot qui se glisse en elle, petit mot qui change beaucoup : « Je ne peux pas MAINTENANT ». Ainsi, je lui laisse sa place, elle qui exprime peurs, désamour et autres pensées négatives, restrictives, je ne m’y attarde pas, elle n’a plus d’emprise. Je m’accorde le droit d’avoir peur, de douter, je me donne également le droit de ne pouvoir le faire immédiatement et celui de le faire plus tard. Se donner cette empathie à soi- même, c’est sortir de l’impasse et de l’impuissance, c’est devenir autonome, responsable. Naturellement, cette impossibilité d’agir de suite s’étiole et spontanément, déjà, nous agissons.  Notre énergie, notre mode vibratoire se métamorphose, nous devenons autre et le monde également devient autre. Mon monde est déjà autre.


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  • A l’occasion d’une consultation mercredi à l’hôpital, je rendis visite à mon cher Michel en ADELO. Il prendra sa retraite en décembre et volera vers des cieux plus éloignés, je profite donc au maximum de notre proximité géographique. Etant venue avec ma propre voiture dans ce but, j’ai pu rester avec lui près d’une heure en dégustant un thé qu’il me prépara avec beaucoup d’attention. Nous avons discuté de nombreux sujets avec enthousiasme, dans l’écoute mutuelle, en cheminement partagé, une heure intense et enrichissante dans un partage généreux et authentique.

    Il me relata notamment quelques épisodes révélateurs du mal- être et de ses conflits consécutifs dans l’hôpital. A l’écoute de ces situations violentes où chacun hurle son malaise, revit son histoire personnelle, souffre dans un flou général, je fus enchantée de mon intervention en première année. Je lui racontai dans la foulée  les thèmes que j’avais abordés et l’insistance que j’avais mise à répéter l’attention nécessaire à avoir envers soi, consciente que cela pût être déroutant. Je vis son visage s’éclairer et il s’exclama : «Quelle leçon de vie ô combien nécessaire pour eux, futurs soignants ! » En effet, dans aucune des formations médicales, ce thème n’est abordé réellement et avec son expérience, il connaissait, mesurait les dégâts engendrés par cette criante absence. Entre des infirmiers, aide- soignants confrontés aux difficultés multiples liés à des conditions de travail pénibles , des médecins désagréables avec leurs collègues, ceux balançant de graves diagnostics dans des termes particulièrement violents et tant d’autres schémas relationnels, le panel des besoins  non identifiés est immense et ces personnes chargées de soigner autrui n’ont souvent pas conscience de leurs propres sentiments et besoins.  « C’est pourtant la base essentielle de la relation d’aide » renchérit Michel. Me revint en mémoire, instinctivement, cet échange avec Yolande et Nadine. Je leur racontais joyeusement comment je prenais soin de  mon médecin, lui donnant de l’empathie, longuement lors des consultations, paradoxalement quand il était normalement question de ne parler que de moi, de ma santé, de mes traitements.  Et Yolande rit en formalisant cette évidence « Si cette personne est médecin, c’est qu’elle a certainement grandement besoin d’empathie ». Bé voui.

     Aide- toi toi- même et le ciel t’aidera dit l’adage. Dans des représentations obnubilées par l’individualisme ressassé, il est possible de n’y voir qu’un nouvel appel à l’égoïsme forcené en unique solution protectrice contre un autre dont il faut se méfier. Il n’est pourtant pas question de cela, fondamentalement. En prenant soin de soi, en s’accordant la place qui est la nôtre, en étant au clair quant à ses sentiments, ses besoins, en ayant de l’empathie pour soi, nous prenons soin des autres. Ni la place qu’ils occupent, ni leurs sentiments et besoins ne sont plus menaçants, il n’y a plus lieu d’avoir peur constamment.  C’est une bulle et non plus une carapace qui protège et cela change tout.

     

    La guérison intérieure, Colette Portelance.


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  • Dans la lignée des films de Marie- Monique Robin, j’invite également qui le voudra à regarder cet autre documentaire : Mâles en péril  (reportage d’Arte primé en 2008)

    première partie, deuxième partie.

    S’y retrouvent des données similaires à celles exploitées par Marie- Monique Robin dans Notre poison quotidien, certains passages identiques, notamment celui concernant l’équation folle découverte par cette équipe dont-j’ai-oublié-le-nom: 0+0+0+0= 5 c’est-à- dire comment des molécules chimiques inoffensives isolément deviennent très toxiques dès qu’elles sont associées à d’autres. Nos produits alimentaires sont ainsi des bombes chimiques à retardements qui non seulement nous rendent malades sur le long terme, nous promettent une espérance de vie en baisse (ceux qui vivent longtemps actuellement n’ont pas mangé de nourriture industrielle du ventre de leur mère jusqu’à l’âge adulte) mais en plus, ils compromettent la capacité des humains à se reproduire.

    Depuis le milieu du XXe siècle, le nombre de spermatozoïdes des hommes a chuté de 50%, leur qualité s’est fortement dégradée, le nombre des malformations génitales et du cancer des testicules a explosé très probablement parce que les composants chimiques des aliments ainsi que les plastiques les contenant sont des perturbateurs endocriniens qui conduisent à une féminisation du monde. Les animaux sauvages ne sont pas épargnés, inévitablement puisqu’ils récoltent nos résidus. Le Danemark a déjà  interdit certains composants, les escargots de mer ont été sauvé in extrémis sur les côtes françaises, la communauté européenne commence lentement à s’interroger sur le phénomène. Chacun à son échelle a le pouvoir de s’informer et d’agir en conséquence. Ce film a le mérite de montrer des exemples concrets de réussite suite à une information qui permit une prise de décision salvatrice. En cela, je le lie au film de Colline Serreau, à celui de Jean-Paul Jaud.

    Parallèlement, dans ma caboche, résonne cette citation entendue aux Amanins lors d’une vive discussion nocturne : le propre de l’intelligence n’est-il pas de s’autodétruire ? attribuée à Hubert Reeves. J’ai farfouillé sur la toile et ai trouvé ce document: http://lejourdelaterre.free.fr/reeves.pdf

    Quel monde souhaitons- nous véritablement ? Quelle vie voulons- nous vivre ?  Quel avenir voulons- nous pour nos enfants ? Bien sûr qu’homo sapiens sapiens disparaitra un jour de l’univers, comme tant d’autres espèces avant lui, sera-t-il néanmoins la première espèce vivante à s’auto- détruire ?

    Je refuse d’y contribuer par mon inertie, c’est mon choix d’intégrité et L’homme révolté de Camus n’a pas marqué ma vie intérieure pour rien, logiquement.


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  • Marie- Monique Robin est une journaliste engagée et ses films sont des références nécessaires aux débats. Je vous invite vivement à voir ces deux documentaires afin de simplement se poser des questions fondamentales sur les fonctionnements de nos sociétés.

    Il n’est pas question d’alimenter les peurs et les sentiments d’impuissance ressassés, il s’agit de s’informer, de prendre conscience de la situation, de confronter les idées et ensuite d’agir, à notre échelle, en éclairant nos choix quotidiens par l’idée de ce que nous voulons comme monde. Rester perpétuellement victime des autres, de l’environnement, de l’économie, des circonstances politiques, géo- stratégiques, de la fatalité et autres bla-bla, c’est mettre notre cerveau en veille, renoncer à être vivant et ouvrir la porte à toutes les manipulations, tromperies, exploitations, dictatures plus ou moins insidieuses.

    Dans Le monde selon Monsanto, elle expose les méthodes de voyous de cette entreprise chimique, menteuse et avide de pouvoir qui aspire, excusez du peu, à prendre le contrôle de la question alimentaire sur la planète !

     

     


    le_monde_selon_monsanto.avi

     

    J’y ai retrouvé quelques uns des sujets et des visages du film de Colline Serreau, Solution locale pour un désordre global. Le combat de Pierre Rabhi prend toute son importance, fondamental et nécessaire.

     

    Notre poison quotidien montre comment les industries agro-alimentaires profitent des vides et/ ou complicité des politiques et décideurs pour gaver leurs produits de substances chimiques aux conséquences inconnues ou connues (stratégie pour démonter ces conclusions dérangeantes). Les agriculteurs en paient le prix fort et lentement, insidieusement, nous en faisons TOUS les frais.

    De temps en temps, j’ai décroché car il est très technique ; je n’en garde pas moins les idées importantes et la ferme résolution de continuer sur ma lancée malgré les difficultés financières et sociales qui sont les miennes.

    Parce que cela relève de ma responsabilité, je refuse de cautionner ce qui me semble néfaste, injuste, révoltant  selon mes idéaux humanistes. Aussi infime soit mon action, elle n’en garde pas moins toute son importance à mon petit niveau et au- delà.

    N’en déplaise aux esprits chagrins, j’ai l’intuition profonde que ma maladie est due à la pollution environnementale, aux produits chimiques dont sont chargés les produits alimentaires, l’eau, l’air. Je suis entourée de personnes dépressives, d’autres aux soucis de fertilité, ma mère a eu deux cancers, ma plus jeune tante à 51 ans et une ancienne collègue à 44 ans sont mortes d’un cancer des poumons en n’ayant jamais fumé et vécu une vie saine, entre autres.

     La mort est notre lot à tous, fatale, inévitable. Nous sommes indignés de celle causée par les faits de guerre, de violence, il est temps de nous indigner de celle insidieuse causée par l’avidité de certains jouant aux apprentis sorciers dans le seul but de ramasser toujours plus d’argent et du pouvoir qu’il donne.


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  • Longtemps, je me suis cru en colère. Elle est dite toxique dans bien des spiritualités et philosophies, je ne comprenais pas pourquoi. Finalement, ce fut Pierre Rabhi qui, dans un article de son blog, m’éclaira : je ne suis pas en colère, je suis indignée.

    Je ne suis pas de ceux qui tournent la tête, font mine de ne rien voir, qui s’effraient, se tétanisent ou se disent impuissants, je suis militante dans l’âme, révoltée, engagée dans la mesure de mes possibilités parce que je crois en la communauté humaine et en la responsabilité de chacun. Je ne regarde quasiment pas la télévision, j’écoute la radio au plus une heure par jour, je ne lis pas de journaux. Par contre, je déambule sur la toile quotidiennement et lis beaucoup. Ainsi, je m’informe et m’offre la possibilité de sortir du médiocre, du sensationnel, de l’émotionnel incessamment servis par les médias. 

    L’actualité donne du grain à moudre, constamment. Ces jours- ci, je me réjouis de la marche vers la démocratie des populations de culture musulmane, je suis écœurée de ce qu’il se passe en Libye, je n’aime toutefois pas aborder ces questions ici parce que sur Internet, les débats prennent souvent des tours malsains. Il m’arrive de faire quelques exceptions quant aux événements en cours et aujourd’hui, j’aborderai la question du traitement de l’information concernant le Japon. Je souligne parce que je ne parlerai pas de la tragédie humaine consécutive à la catastrophe naturelle ou de la problématique du choix du nucléaire (mon avis est auprès de Greenpeace et du réseau Sortir du nucléaire).

    En 1986, j’avais 14 ans et je me souviens des informations, des images de la catastrophe de Tchernobyl. A cette époque, si l’incident ne pouvait être occulté, la réalité des faits et ses conséquences ont été soit niés soit amoindris. A postériori, que ce soit pour nous en France ou pour les habitants des pays de l’ex- URSS directement concernés (Ukraine, Biélorussie, Russie), nous savons qu’il y a eu mensonge généralisé et c’est un long combat que de connaître réellement l’impact de cet événement sur l’environnement et les humains. Le saurons- nous jamais d’ailleurs puisque les répercussions du nucléaire se mesurent à des échelles dépassant notre entendement, notre conception du temps à hauteur d’humain ?

    Aujourd’hui, nous sommes constamment informés de ce qu’il arrive au Japon, majoritairement dans cette centrale emballée et quasiment hors contrôle. Nous sommes noyés sous un flot d’informations terrorisantes, effrayantes d’autant que des experts, à la demande des journalistes, multiplient les pires scenarii. En parallèle, les politiques y vont de leurs déclarations variables, fermes, volontaires, faussement rassurantes, empathiques, catastrophistes et vagues. Baladant entre émotions, principalement peur et angoisse ou dans l’incompréhension avec ces explications techniques qui nous échappent, les médias assomment l’auditoire, captent les esprits et les conditionnent, ils attirent l’attention sur des sujets déterminés et  ne laissent pas de place à la réflexion, au recul, à une vision plus large.  Le public y est victime et passif parce que ces discours le ramènent incessamment à son impuissance, infantilisé parce qu’apparemment incapable de comprendre, qu’il faut constamment expliquer… et donc, c’est à ceux qui savent de décider pour notre bien à tous.

    A mes yeux, les questions de fond ne sont pas abordées. Par- delà les événements, il y a une réflexion générale à avoir en décalant son regard des voies officiellement exposées. La question fondamentale, à mon humble et dérisoire avis, est l’expropriation de notre intelligence, de notre bon sens, de notre capacité à décider en connaissance de cause, à devenir adulte et responsable, à mesurer notre pouvoir.

    Qui a décidé de mettre les centrales nucléaires en place ? Qui a décidé de nous fournir toujours plus de gadgets et de créer de faux- besoins nécessitant une consommation incessante d’énergie? Qui nous laisse croire que nous avons tout pouvoir sur le monde et que la nature est au service de notre insatiable soif de possession et de consommation ?

    La soumission tacite, l’inertie permettent aux plus voraces, aux plus vaniteux de prendre en main nos destinées. L’humain préfère suivre le flot général, c’est confortable, rassurant et en prime, le cerveau est en repos (cf. Boris Cyrulnick, Autobiographie d’un épouvantail). Quelle conscience mettons- nous dans nos actes, dans nos choix ?

     Il est temps de se réveiller de nos torpeurs et d’agir, à notre échelle, selon nos possibilités ! Que chacun fasse sa part comme le colibri de la légende rapportée par Pierre Rabhi ! Par- delà les événements en Libye ou dans d’autres pays dont les médias ne parlent pas, c’est notre citoyenneté qui est à mobiliser ! Par- delà les événements au Japon, c’est notre solidarité, notre coopération qui sont à étendre !  La vanité des vanités est de croire que nous sommes au- dessus de notre condition d’être humain fragile, faillible, mortel, incapable de vivre sans le lien à l’autre, son pendant étant cette illusion que nous sommes petits, faibles, impuissants.

     Que faire alors ?

    D’emblée, je dirais s’informer ! En dehors des sentiers battus, à tous les horizons, sous des angles différents afin d’aiguiser notre esprit critique.

     Prendre le temps et le recul nécessaire à une vision globale, pointue de ce qui se joue sur Terre, au loin, tout près.

    Agir aux échelles qui nous sont accessibles avec des objectifs réalisables donnant le sentiment du possible et la satisfaction d’agir en pleine conscience pour le bien de tous, présents et à venir.

    Refuser la médiocrité qui détourne nos attentions, nos veilles vers des divertissements mercantiles, poubelle, faits divers et autres monnaies- courantes des médias pendant que des décisions importantes sont prises en catimini.

    Faire la paix en nous, autour de nous, prendre conscience de son pouvoir et de ses limites, s’accorder sa place et accorder celle d’autrui.

    Nous avons tous les mêmes structures mentales depuis environ 150 000 ans et nous sommes tous différents. C’est de la variabilité des cultures et des êtres uniques que naissent la richesse, la force de notre espèce. Nous sommes tous reliés parce que de même essence, ce qui arrive à l’autre bout de la planète résonne dans l’humanité toute entière. Alors, allons-y !

    J’expose mes opinions, je prends position parce qu’ Etre vivant, c’est s’engager. S’engager c’est rendre hommage à la vie, le minimum que l’on puisse lui rendre pour le cadeau fantastique et improbable qu’elle nous fait d’être là. Savourer chaque seconde de l’instant présent et braver les stéréotypes stériles et sans issue de la bonne pensée de ceux qui ont peur. Les mondes personnels qui se croisent et se décroisent. Tenter d’aller vers l’autre pour ne pas passer à côté de sa beauté, de la sienne, de la nôtre. Accepter le changement, élément inhérent à la vie. Prendre conscience de soi, de sa valeur, car  rien en ce monde n’en aura si nous ne voyons pas la nôtre, intime et profonde (copié de mon article sur le magnifique livre de Christiane Singer, Eloge du mariage, de l’engagement et autres folies).

     

     criirad 

    Greenpeace,   

    Sortir du nucléaire,

    Amnesty international,

    communication non violente,

    le colibri de Pierre Rabhi, 

    le colibri solidaire et distributif

    sosesf,

    amap

    la croix rouge


    liste non exhaustive évidemment.

    A ceux- là, je participe.

     

    Je n'aime pas Zazie en général, cette chanson -là oui:



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  • Dans les articles à propos de l’alimentation et de l’école, j’ai émis des remarques sur la mise en œuvre de la philosophie des Amanins. Bien qu’adhérant à cette dernière dans la lignée de Pierre Rabhi, soutenant le projet dans l’absolu, de nombreux points m’ont interpellée et frappée. Il existe inexorablement des limites au projet et, insidieusement, la société frénétique dans laquelle nous vivons en conditionne plusieurs aspects.

    Sur place, j’ai observé, écouté, plus rarement émis une opinion ; je laisse cheminer mes impressions et pensées depuis plusieurs mois. Aujourd’hui, pour conclure,  j’aborde en vrac, les autres problématiques dont je ne sais si j’ai  la capacité à en faire le tour.

    1.     La voiture.

    D’emblée et concrètement, j’ai été interpellée par la place qu’elle occupe. Ma voiture étant branlante, l’accessibilité aisée des toilettes une nécessité, j’optai facilement pour le voyage en train (accessoirement, fiston l’apprécie grandement). C’était plus confortable et avantageux financièrement, plus en cohérence avec la démarche « Amanins ». Certes, ce fut beaucoup plus long qu’en voiture, contraignant par les changements, attentes et transport des bagages, ce fut néanmoins notre choix. Et je fus très étonnée de constater combien nous étions minoritaires parmi les visiteurs.

    Si question tranquillité et « protection » vis- à- vis du bruit et autres nuisances, l’isolement du site est bénéfique, je reste perplexe quant à l’organisation des déplacements. Evidemment que le covoiturage est promu, spontané, il n’empêche que chaque jour, la voiture règne. Les employés, les visiteurs, les séjournants, les élèves de l’école vont et viennent avec elle et deux immenses aires de stationnement lui sont réservées. La dépendance à cet engin est décidément profondément ancrée dans nos modes de vie.

    Je n’ai vu aucun vélo sur le site par exemple ce qui en soit serait tellement plus cohérent. Mon idée de mettre en place des bus à chevaux pour les petits déplacements aurait toute sa place ici. Autre rapport au temps, à autrui et au monde, pourquoi n’est- ce pas proposé ?

    2.     Des individus.

    Alors que je travaillais avec les woofeurs dans les champs de légumes, Mickaël m’interrogea sur mes impressions en ces premières journées. Spontanément, j’exprimai ma surprise quant aux personnes en vacances : forte majorité (voire exclusivité) de citadins aisés, majoritairement parisiens, avec une vision angélique de la vie à la campagne dont ils sont souvent complètement coupés. Il s’en amusa évoquant les « bobos » ; mes pensées n’étant que des impressions, je n’avais pas de quoi développer. En fin de séjour, j’eus une belle conversation avec des woofeurs alors qu’autour de nous discutaient des séjournants. Eux comme moi avaient noté le niveau de vie de la majorité de ces personnes. « Les Amanins feraient- ils la joie des  Bobos ? » entendis- je. La très grande majorité est confortablement installée, propriétaire de son logement, ils aspirent à une vie moins folle et stressante, à la liberté de prendre le temps, à des relations différentes aux autres et à l’environnement… et ils portent des vêtements de marque, possèdent de grosses voitures, des téléphones dernier cri, parlent de leurs voyages lointains, leurs enfants vont dans des écoles privées. A plusieurs reprises,  j’ai été surprise de leur ignorance quant à la fabrication de produits de base, du goût des aliments, j’ai vu des peurs liées à un sentiment d’insécurité vis- à-vis d’autrui, entendu des discours arrêtés avec de belles grandes idées complètement coupées de la problématique sociale.

    Quelque peu frustrée par l’absence TOTALE de cette dernière, j’ai tenté, de temps en temps, quelques questions et remarques sur les dysfonctionnements du système où nous vivons via ma propre expérience, via quelques observations et remarques (cf. par exemple l’article sur l’école du Colibri). C’était lâcher un pavé dans la mare, troubler la belle surface lisse et je restais désabusée devant les réponses : « travailler plus, gagner plus d’argent, chercher le profit, l’argent est un moteur, une liberté bla bla… » ou encore des références à des approches philosophico- spirituelles ou autre machin que je connais depuis belle lurette et hors propos. Logiquement peut- être, ce fut avec des woofeurs que les conversations sur ce point furent les plus constructives. Parce qu’ils viennent pour travailler, apprendre, voyager à moindre coût, parce que leur vie personnelle n’est pas confortablement installée, ils étaient plus sensibles à cette question.

    Aux Amanins, les différences sociales se reproduisent au même titre que dans le reste de la société.

    Si la coopération est une priorité en exercice pratique sur le site et en particulier parmi les salariés, je notai cyniquement bien des attitudes. J’ai vu des discrets agissant sans long discours, tâtonnants et en questionnements constants,  j’en ai vu d‘autres préoccupés de leur mise en spectacle avec projecteurs permanents. Vas- y que je parle fort, que je ramène à moi, que je me mette en avant, que j’assène des grandes phrases aux beaux mots, que je m’attache opportunément à celui où celle qui peut m’apporter quelque profit ou me soutenir dans mon gonflement d’orgueil. L’égo est aussi récurrent que l’argent et la coopération péniblement, laborieusement gagnée avec toutes les fâcheries entre caractères variables à l’infini.  

    Par là même, j’en viens à évoquer les distances parfois énormes existant entre les discours tenus, sur place et la réalité concrète. Très souvent, la vie quotidienne est à des millions de kilomètres de ce à quoi certains disent prétendre. Ah ça, les Amanins, c’est super pour les vacances, je veux manger bio et être écologiste à la maison mais surtout ne pas remettre en question mon  confort  quotidien  de consommateur à POUVOIR d’achat, ne pas me mélanger avec des classes sociales inférieures et j’en passe. C’est ce que j’appelle la schizophrénie perpétuelle de nombreux humains.

    J’ai croisé occasionnellement d’autres énergumènes. Il y eut un jeune couple en tournée à travers la France avec étapes dans divers lieux alternatifs. Ils étaient curieux, intéressés et au début d’un processus avec la naïveté des débutants : lui notait absolument tout ce qu’il entendait ! Il s’empêtrait dans les noms et visages, il multipliait les gaffes mais en même temps, il me fit bien rire avec cette spontanéité et cet appétit insatiable du néophyte. Il y eut ces agriculteurs âgés dont le fils, célibataire se débat pour continuer l’exploitation familiale, ces retraités en quête d’une vie saine et naturelle dans leur maison de campagne, ces routards de l’alternatif qui lançaient tous les trois mots des références intéressantes que je tentais d’attraper ci par là (la vie en yourte, l’auto construction, les autres centres de même acabit, etc.). Bref, aux Amanins, ça grouille et chacun parcours à son rythme, en tâtonnant plus ou moins adroitement, plus ou moins sûrement.

     

    3.     Mixité.

    En l’occurrence, inévitablement, je m’interrogeai grandement sur la place des personnes à faibles revenus et les handicapés. S’il existe un tarif moindre pour les premiers et des toilettes et salles de bains aménagées pour les seconds, je ne vis rien. Les terrains sont accidentés, les locaux inaccessibles ; je ne vis pareillement aucune activité genre insertion, accueil de familles et/ ou enfants démunis, aucune référence à des associations caritatives. Si idéalement, le site prône une grande réflexion plus que bienvenue, l’argent reste prédominant. Certes, les gains servent à financer le lieu, l’école, les employés (à qui il a déjà été demandé de renoncer à un mois de salaire quand les finances étaient trop bancales je le souligne), la question de la mixité sociale est posée et attend d’être mise en œuvre. Et elle attend et passe après l’entrée d’argent.

    Concrètement, je ne souffris pas des chemins caillouteux et des terrains accidentés, j’ai suffisamment de capacités physiques ; avec de l’aide certainement proposée, d’autres plus handicapés pourraient se débrouiller, je n’en doute pas. Par contre, de nombreuses promenades m’étaient impossibles et par exemple, je ne pus visiter la Roche- Sur- Grâne ; c’était trop loin pour mes gambettes et comme nous n’avions pas de voiture, ni aucun moyen de locomotion sur place, la question était vite réglée. Par ailleurs, l’utilisation des sanitaires a été catastrophique. Au bout de deux jours, l’infection urinaire était installée et je résistais tant bien que mal avec les granules homéopathiques emmenés au cas où. La propreté des lieux n’était pas suffisante dans mon cas, c’était évident et bien que le matériel soit à la disposition de tous, je n’en vis pas beaucoup se bousculer pour nettoyer les lieux communs. J’observai par exemple une couche de bébé jetée dans une petite poubelle de salle de douche déposée là par des séjournants. Après trois jours, je la mis moi- même dans le container à poubelle. En outre, l’accès au camping et cabanes m’était quasi impossible puisque les sanitaires en étaient éloignés ; comment aurais-je fait en cas d’urgence, pendant la nuit, tôt le matin ou tard le soir ? Forcément, je pris, plus ou moins contrainte par le corps une chambre plus coûteuse que les deux autres options.

     A ce jour, je n’ai pas fini de me dépatouiller avec la dépense qu’ont représentée ces vacances.

    Comment conclure ?

    Mickaël annonça son départ en fin de semaine : « Je retourne dans la vie réelle demain (à Paris) ». Il y eut un blanc puis il ajouta : «  à moins que la vie réelle ne soit ici et que je retourne à une vie façon Truman show ».  

    L’interférence entre les deux mondes est inévitable, les frontières floues et fluctuantes. La philosophie des Amanins axée sur l’autonomie alimentaire et la sobriété heureuse est plus que bienvenue, c’est un lieu de réflexion et d’expérimentation salvateur sur ce qu’il est possible d’envisager en dehors de la frénésie et la dilapidation actuelles. J’espère vraiment qu’il essaime au maximum parce qu’il nous est nécessaire et urgent de revoir complètement nos fonctionnements néfastes. J’ai été agacée ou désabusée par l’attitude de certains, amusée par celle d’autres. J’ai été enchantée par Marieke qui  vécut 2 ans en autonomie avec son ami sur un terrain qu’ils avaient acheté, où ils ont construit eux- mêmes leur maison, cultivé la terre et élevé des animaux. Ses connaissances étaient incroyables et elle m’a ouvert à des domaines insoupçonnés. J’ai été réconfortée par des conversations avec Mickaël, Soraya, John, Juliette, Philippe parce qu’ils ont une approche lucide, des questions, des tâtonnements et agissent, une cohérence générale trop rare à mon goût.

    C’est à un changement de système auquel j’aspire, une relation différente au monde et à notre environnement, une organisation originale et novatrice des relations sociales et une économie alternative (il existe tellement d’autres voies que celle du capitalisme ! Avez- vous entendu parler par exemple de l’économie distributive ?). Grâce aux Amanins, j’ai réalisé que mes connaissances pragmatiques dues aux circonstances de la vie, à ma curiosité, ma propre démarche m’ancraient profondément dans la vie et une dynamique non exclusive et marginale. Beaucoup s’interrogent, cherchent et il est bon de se retrouver à confronter nos expériences afin de construire ensemble un autre modèle.  

     Personnellement, ce voyage est une belle victoire. Malgré mes difficultés financières et l’effort de longue haleine que nécessite son paiement, malgré mes difficultés physiques, nous avons réussi et ni fiston, ni moi ne le regrettons.  Par ailleurs, je me suis rendue compte que pendant tout le séjour, pas une seule minute, je n’ai pensé à ces autres quittés. Entourée d’êtres curieux et ouverts, baignant dans une réflexion, des réalisations concrètes, je n’ai aucun besoin de me retourner sur les erreurs du passé et je vis pleinement le présent en aspirant à construire chaque jour un monde dynamique,  riche, humain, solidaire, solidement campé sur une dynamique de Vie et non de sclérosante mortification.

    En moi, maintenant, chemine l’idée somme toute évidente  que seul, nous ne pouvons pas construire. Il est plus que nécessaire de fonder son action sur la coopération, la solidarité. Séparer, cloisonner, enfermer dans la peur sont parmi les meilleurs moyens pour régner en maître ; par l’absence volontaire ou non de choix et d’information s’impose un mode de vie cloisonnant et posé en unique voie possible. Nos choix individuels et collectifs sont à raisonner sur des connaissances tant intellectuelles, relationnelles, philosophiques  que matérielles et il est nécessaire de sortir déjà de sa pseudo- sécurité afin d’aller vers l’autre, de le rencontrer et de se rassembler afin de faire valoir nos aspirations foncièrement humaines d’un monde meilleur, plus juste, plus équitable, plus solidaire.


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  • L’autonomie ne se joue pas uniquement en amont, elle est à penser également en aval. Ainsi en est- il de la  gestion des déchets, eaux usées et autres reliquats d’activités humaines. Si facilement les résidus alimentaires sont recyclés chez les animaux dont les joyeux cochons, si le tri sélectif est une évidence dans un coin de la ferme, reste la grande question des déjections et des eaux usées. Cette après- midi lui fut consacrée.

    En plus des séjournants, d’autres personnes venues de tout horizon étaient présentes. Ce fut long et j’avoue avoir somnolé dans la salle de présentation, écourté ma présence en filant avant le parcours itinérant sur le site. Mes indications techniques ne seront pas très claires non plus, je ne suis pas spécialisée, ma culture dans ce domaine étant très empirique.

     

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    Dans la cuvette des toilettes, il y a deux compartiments, l’une pour les urines, l’autre pour les déjections. Le choix de traiter séparément importe énormément car le fait de mélanger urines et déjections  implique d’utiliser une sciure ou quelque autre matière sèche dans le but d’empêcher les odeurs conduisant ainsi vers une autre démarche.

     

     

     

     

     

     

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    L’utilisation des toilettes est normale sauf que les hommes ont à s’asseoir et qu’il n’y a qu’une mini  chasse d’eau. Ce détail peut paraître anodin cependant, croyez- moi, ce rituel automatique manque aux premières utilisations. Le geste, le bruit, la présence de l’eau ont pris place dans nos représentations au point de déstabiliser par leur absence.

     

    A l’arrière, le trou conduit les déjections et papier dans un seau au fond couvert de  paille, vidé régulièrement dans un composteur où des vers le transforment. Je ne suis pas allée voir donc je n’ai pas de photo. L’explication est simple : ce sont des fosses où sont déposés les contenus des seaux en strates, par- dessus est étalée de la paille afin de protéger les vers des variations climatiques. Quand la fosse est pleine, une autre est commencée, il suffit de récupérer une pelle de l’ancienne avec son lot de vers pour que ces derniers partent à la conquête du nouvel espace. Tant qu’ils y trouvent à manger, ils se multiplient et adaptent leur nombre à la masse de nourriture, quand il n’y a plus de nourriture, ils meurent. Le tas diminue au fil de la transformation jusqu’au tiers.

    Ce compost ne peut toutefois être utilisé sur des plantations destinées à l’alimentation  humaine car il y a des risques de transmission de maladies. Il est donc déposé sur les embellissements, au pied des arbres (je me demande tout de même comment en écouler autant, des adeptes pour une belle pelouse ?).

     

    Les liquides passent par un traitement spécifique.

    Les urines sont diluées par la mini chasse d’eau évitant la cristallisation puis dirigées vers un bac souterrain.

     Les eaux de cuisine ont un parcours plus long en raison de leur charge en graisse notamment. Elles sont évacuées dans un premier bac rempli de paille (changée régulièrement et mise au compost si je me souviens) retenant graisses et morceaux.

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    Ensuite, elles passent dans un bac de décantation avant de rejoindre les eaux des toilettes et douches dans un autre bac. J’ai oublié l’utilité de chacun de ces bacs, j’ai quelques photos où il est possible d’observer l’évolution de la qualité des eaux après chaque décantation. Le lourd descend (des boues curées et recyclées en compost) entraînant les résidus avec eux au fond.


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    En pente douce, nous arrivons au robinet-double répartissant ces eaux purgées vers les marécages créés artificiellement. PICT3467 Le choix des plantes est important et il s’agit de ne pas se cantonner à une seule afin de jouer sur leur complémentarité.

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    Un micro- environnement s’installe naturellement  e t nous avons vu des bestioles en tout genre crapahuter parmi les rosea ux.  

     Il y a plusieurs niveaux avec des graviers grossiers dans le premier puis de plus en plus fins dans le dernier filtrant les eaux.

    En bout de course, une jolie mare aménagée où quelques grenouilles cabotines nous ont observés dubitativement.

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    Il était incroyable de voir tant de vie en ces lieux, entre batraciens et  nuages de papillons, libellules et autres volants.

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    La législation contraint à une certaine mesure, aux Amanins, ils sont allés plus loin et il est possible de boire directement l’eau en bout de parcours. Elle est pourtant rejetée dans la rivière en contre- bas.

     

    L’installation est vaste ici parce que c’est un lieu collectif. Néanmoins, chaque maison peut avoir sa propre phyto-épuration avec quelques menus bassins ; pareillement en habitat collectif, en ville, des friches peuvent devenir de jolis bassins verdoyants et vivants.

     

    Avons- nous seulement conscience de notre responsabilité?




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  • Isabelle avait proposé la veille de nous présenter l’école du Colibri, je ne voulais pas rater l’occasion désireuse d’entendre de sa voix l’approche proposée. Nous nous retrouvâmes autour d’une grande table, majorité de femmes, un seul homme.

    Elle expliqua d’abord la fondation de l’école voulue en cohérence avec la démarche générale (Savez- vous à quel point il est aisé d’ouvrir une école ? Incroyable !). Enseignante du primaire depuis de nombreuses années, elle souhaitait une école différente et pas seulement pour les riches. Aussi, il y eut une réflexion sur le financement puisqu’elle sortait du cadre de l’Education Nationale (école privée hors contrat), c’est donc l’association qui lui verse son salaire et celui de ses deux collègues, étudiants se destinant au métier d’enseignant (stage des nouvelles structures de formation et masterisation). Les frais demandés aux parents incluent la cantine où les enfants mangent les produits de la  ferme. L’organisation temporelle est la même que celle des autres écoles, l’originalité est ailleurs:

    pédagogie de la coopération, retrait de l’enseignant, matérialisation des savoirs en donnant du sens aux apprentissages et aux gestes concrètement, mise en commun et élaboration en groupe vers les notions à acquérir, liens directs avec l’environnement et réflexion sur la place de l’humain dans celui-ci

    Je ne m’étends pas sur les informations techniques car elles sont accessibles sur le site des Amanins dans la catégorie l’école du Colibri, je m’en vais simplement partager mes découvertes, remarques et interrogations.

    D’abord, une petite visite.

    Le bâtiment est auto construit à partir d’un corps dont nul ne connait la destination première.Devant la porte, une mare grouillante de vie. A gauche de la cour, le potager cultivé par tous les enfants.

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    La cour est immense, au fond, derrière des arbustes, les enfants construisent librement des cabanes auxquelles personne ne touche hormis eux.


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    D’emblée, je souris : ce lieu est anxiogène pour les maniaques du tout sécurité prôné partout ; ça me plait, héhé (c’est parce que je suis vilaine et inconsciente, évidemment)

     

    A l’intérieur, pas d’organisation classique, normal après tout, c’était les grandes vacances, les préparatifs étant à peine entamés en vue de la rentrée.

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    J’étais néanmoins heureuse de découvrir la grande pièce entre deux salles de classes. L’œil affuté, j’y relevai des éléments de communication non violente et surtout cette belle banderole des huit formes d’intelligence :


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    Personne ne les possède toutes d’où l’importance de coopérer afin d’être complémentaires.  Et oui, c’est tellement évident ! A l’heure de l’individualisme forcené attisé de compétition et d’adversité, tous passent par cette découverte de soi et de l’autre, élèves et enseignants, afin de mesurer les capacités et faiblesses de chacun forcément complémentaires.

    Belle entrée en matière pour expliquer la pédagogie de la coopération :

    L’enseignant donne un travail à effectuer et laisse le champ libre aux enfants en vue  d’atteindre l’objectif par eux- mêmes avec tous les outils mis à leur disposition dans la salle, la possibilité de travailler à plusieurs, avec l’aide de l’enseignant ou non puis mise en commun des résultats et processus d’évolution ; l’enseignant construit ensuite avec les élèves la voie qui les mène à l’acquisition du savoir.

    Apprenez que cette pédagogie est enseignée, connue des enseignants, comme n’importe quelle autre pédagogie, toutefois elle n’est que rarement mise en pratique parce jugée trop bruyante, trop contraignante, … dangereuse?


    J’ai particulièrement été enchantée par les plages de cours non classiques, à mon humble avis, essentiels :

    La première du lundi matin est le débat philosophique.

    Proposition d’un thème (j’ai oublié si c’est l’enseignant ou les enfants qui le posent), bâton de paroles et des enfants dissertant sans l’intervention des adultes. Quel beau moyen d’apprendre à prendre la parole, à argumenter, à écouter, à s’entendre, à accepter l’avis différents du sien !

    Et surtout, deux fois par semaine, l’apprentissage de la paix ! Devenir médiateur, débloquer les affrontements, coopérer, sortir des rapports de force.

     

    Evidemment, cette expérience porte en elle des idées fondamentales dans la volonté de vivre le rapport au monde et à l’autre en dehors des clivages soit- disant normaux de notre civilisation. Si l’effort est notable, j’accroche cependant sur le constat que cette école est payante et sortir 100 euros pour un enfant, 200 pour deux, etc. ce n’est pas donné à tous d’autant que le lieu est éloigné du premier village nécessitant par là un véhicule. N’est- elle pas également réservée à des personnes sensibilisées à ces questions ? J’aimerais véritablement connaître l’origine socioculturelle des enfants.

    Dans l’enthousiasme de tous, je ne pus m’empêcher de dire ce que je vivais concrètement. Enseignante contractuelle de l’éducation nationale dans la formation pour adultes, j’applique depuis de nombreuses années la coopération et l’entraide, je travaille sur la relation à soi et aux autres par le biais des savoirs à acquérir, j’accompagne des personnes dans leurs démarches de formation, dans leur projet de transformation, de reconstruction sociale et professionnelle. Je racontai également mon expérience avec l’Education nationale lorsque j’ai postulé à la titularisation (récit à venir qui vaut le détour, croyez- moi !), hermétiquement fermée malgré l’évidence de mon parcours et de mon discours.

    « Mon travail est foncièrement humain, socialement profitable, il a du sens… et je vis chichement jusqu’au point de manger aux restos du cœur le dernier hiver ! Quelle société est- ce là ?    Autant dire qu’il m’arrive d’être fatiguée et découragée ! ».

    Silence dans l’assistance majoritairement constituée de personnes confortablement installées dans la vie (j’aborderai cette question dans un article spécifique plus tard), Isabelle insista pour m’encourager sur cette voie. A propos de l’éducation nationale, et je n’en revins pas, elle me dit clairement qu’avec eux, il s’agit de se couler dans le moule pour entrer, lors des inspections et ces rituels passés, faire comme bon nous semble. Ainsi donc, l’hypocrisie et la flatterie sont- elles les règles ? L’authenticité, la clarté n’ont- elles pas de place dans cette institution ?

    Par le biais de l’école du Colibri, s’élargit encore, dans ma caboche, la réflexion sur notre société, sur nos possibilités d’engagements, de résistance et/ou d’acceptation tacite...


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  • Ce matin-là, pas de programme. Je déambulai tranquillement sur le site re-photographiant les lieux après l’effacement étourdi du premier jour. J’écoutai de la musique, je brodai face au paysage et pratiquai du Qi Gong. L’après- midi fut nettement plus chargée puisqu’une présentation de l’école était programmée après les jeux coopératifs que fiston et moi attendions impatiemment. En l’occurrence, ce programme avait motivé le choix des dates de notre séjour.

     

    Nous nous retrouvâmes sous le mûrier en petit groupe, enfants et adultes. Delphine expliqua en préambule que les petits de moins de 6 ans pouvaient difficilement y participer car leur développement ne leur permet pas de coopérer, ils sont d’abord centrés sur eux- mêmes.  Ensuite, elle parla de la nécessité d’APPRENDRE la coopération nullement acquise naturellement, apprentissage somme toute laborieux et déstabilisant pour beaucoup.

     

    La base du jeu coopératif est simple : pour gagner, il est nécessaire que tous gagnent, si un seul des membres est exclu ou perd, tout le monde perd.


    -       Premier jeu : se présenter.

    « Bonjour, je m’appelle Delphine et je suis débrouillarde » (j’ai oublié l’adjectif, j’improvise)

    J’ajoutai dans la foulée ma présentation ayant compris tout de suite; devinez- vous comment procéder ?  Mine de rien, il fallut de longues minutes pour faire le tour de tous.

    -       Deuxième jeu : nouer et dénouer.

    Prendre des rubans d’environ 2 m, chacun des participants en tient une extrémité. Le premier groupe fabrique un nœud sans lâcher son bout. Le deuxième groupe le défait pareillement puis en fait un autre que le premier groupe démêle à son tour. Si apparemment, le départ pose une adversité, la coopération est nécessaire au sein de chaque groupe pour arriver au but demandé puis l’objectif de nouer et dénouer bascule l’adversité en travail commun.

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    -       Troisième jeu, le nœud humain.

    Un petit groupe se rassemble, tous avancent les mains en mélange et chacun attrape la première main qu’il trouve. Après, il s’agit de défaire le nœud SANS lâcher ce qu’il tient. Imaginez le travail de cet embrouillamini !

    -       Quatrième jeu : les petits moteurs.

    Chacun des participants tient sur sa tête un petit bâton de bois symbolisant un moteur. Si le moteur tombe, le joueur ne peut plus bouger. Il n’a pas le droit de le remettre lui- même, c’est à un autre de le faire pour lui.  C’était vraiment très très chouette !

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    -       Cinquième jeu : descendre le bâton.

    Alignement des participants de part et d’autre d’un bâton. Chacun met ses mains devant lui, à même hauteur que les autres. Le bâton est posé sur le dos de deux doigts avec pour consigne de ne pas le toucher d’une quelconqu’autre façon. Incroyable expérience ! Au départ, mû par une étrange force, le bâton montait inexorablement malgré les cris, les ordres, les accusations fusant de ci de là. Après l’invitation à l’observation du premier essai, la consigne de tenter l’expérience à nouveau en silence fut donnée. Et nous avons réussi. Très belle leçon.

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    -       Sixième jeu : les crocodiles.

    Nous imaginons une sorte de marécages où vit le groupe tranquillement, déambulant au milieu d’îles émergées (des feuilles de papier journal ici). Parfois, les crocodiles infestent les eaux et nous nous réfugions à l’alerte du maître de jeu sur les petites îles. Seulement, avec le réchauffement climatique et la montée des eaux, le nombre des îles baisse et donc, nous devons coopérer afin de sauver notre peau en s’agglutinant ensemble sur les petites îles de plus en plus restreintes. Les stratégies sont multiples croyez- moi ! C’était très drôle. Ou comment titiller l’instinct de survie du groupe.

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    -       Septième jeu : le tapis volant.

    Les participants sont sur un tapis volant à très haute altitude. Un problème survient et il est primordial de retourner le tapis afin de ne pas tomber dans le vide. Comment procéder ? Si un seul met un pied hors du tapis, il est perdu et toute l’équipe a perdu. Se détachent des meneurs, des suivants, des transis et des actifs. Joli !

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    -       Huitième jeu : le lever.

    Deux à deux, les participants s’asseyent au sol, s’attrapent par les bras et le but est de se lever ensemble. Là, ce me fut impossible, par défaut du corps ou par manque de compréhension mutuelle ? D’autres y sont parvenus, tant mieux ! A votre guise, tentez l’expérience, c’est très intéressant de s’observer chercher l’appui en soi et sur l’autre.

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    -       Neuvième jeu : l’assise collective.

    Les participants sont en rond à la queue leu leu. Au signal du maître de jeu, tous s’asseyent sur les genoux de celui qui est derrière. Et ça tient ! Par la force de chacun, par la force de tous ! L’idéal est d’être nombreux et plus on est, plus la ronde est belle ! (je n’ai pas de photo, nous y étions tous)

    -       Dixième jeu : les mouches.

    Un groupe de mouches aveugles communique par des bzzz qui leur servent à se reconnaître mutuellement. Mêlées, elles sont à la recherche de la seule mouche voyante mais muette (judicieusement, ce fut fiston!!!). Quand l’une d’elles la trouve, elle s’y attache  et devient muette à son tour. Le but est de rassembler TOUTES les mouches dans la même chaîne. C’était génial à observer, ma vessie m’ayant privée d’y participer. Grr ( et pas bzzz)

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    -       Onzième jeu : le dessin.

    Sur une table, est posée une feuille de papier. Au- dessus, un feutre est attaché à un système tenu par une ribambelle de ficelles en étoile alentour, au bout de la ficelle, une seule main de chacun des participants. A tous de s’y mettre afin de produire un dessin.

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    Cet atelier se déroula dans une ambiance très agréable. Je note cependant que les personnes présentes étaient déjà engagées dans une démarche alternative puisque présentes aux Amanins et à cet atelier, les enfants sensibilisés par une éducation différente de la relation à l’autre et au monde. D’emblée, il n’y avait aucun homme adulte, pourquoi ? Qu’il serait intéressant de les éprouver dans un tout autre contexte peu coutumier de ces démarches ! Jouer, l’air de rien et proposer une autre vision, j’en suis capable malgré tous les aprioris !

    J’ai déjà été ravie de voir mon garçon s’épanouir dans ces activités, amuser les plus petites qui ne pouvaient participer à certains jeux (elles n'y allaient pas de main morte ces misses, il n'a pas bronché).

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    Aurai- je réussi à lui inculquer ces valeurs ?

    En tant qu’enseignante, par exemple, j’imagine parfaitement commencer l’année par une séance de jeux coopératifs dans un groupe classe. Dans mon travail actuel, les formations sont individualisées, à entrées et sorties permanentes, il est donc peu aisé et judicieux de les mettre en œuvre (ce qui n’empêche pas la coopération et l’entraide je tiens à le préciser, question d’état d’esprit !) alors, je me le garde en mémoire, compte approfondir le sujet et évidemment, le pratiquer en introduction si je me retrouve devant un groupe d’élèves plus traditionnels… et au gré des circonstances dans  ma vie.  

    Parce que OUI, il est possible de fonder la société sur des valeurs autres, de générer une autre énergie parmi les humains que celle de la compétition et de la loi du plus fort.

     

    Voyez ce site pour de plus amples informations, il existe une multitude de jeux coopératifs. Et surtout, pratiquez à chaque occasion! 

     

     

    L'utopie n'est pas une chimère.

     


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  • Ceci est un fait réel, nullement une fable ou un conte.

    Un village africain au sein d’une région semi- aride, en voie de désertification, que les Arabes ont appelés « Sahel ». En terme imagé, cela veut dire « le Rivage », cet immense océan minéral que représente le grand désert saharien. Dans les faits, le pays est, entre grand désert et forêt tropicale, dans une sorte d’agonie, la grande sécheresse des années soixante- dix ayant été terriblement destructrice  pour la faune, la flore, les troupeaux et le sol. La précarité omniprésente permet de survivre  plus ou moins, mais parfois, elle se fait carrément misère ; cependant, tout se passe comme si les forces de vie, elles aussi omniprésentes malgré tout, n’avaient pas abdiqué et s’obstinaient encore dans la végétation chétive, dans les animaux malingres vaquant à leur incertaine pitance. Elles sont dans le cœur de ces femmes besogneuses et miraculeusement joyeuses, et de ces hommes comme impuissants, prisonniers d’une indolence millénaire. De temps en temps, de petites rafales d’une brise tiède surgissent d’on ne sait où, font tourbillonner la poussière en un vortex espiègle, parcourant la terre pour se dissiper sans laisser la moindre trace. Sur les champs se dressent les tiges desséchées du mil, de maïs, de sorgho, soulagées de leur manne. La récolte vient d’être achevée.

    De jeunes cultivateurs jubilent, envahissent la cour du village, s’installent autour du doyen accroupi sur une nappe, dans ses habits de pauvre, le dos appuyé au mur de sa case en terre ocre. L’homme est beau, non qu’il ait des traits fins, mais parce que son visage fripé, orné d’une barbe blanche, affiche cette extraordinaire sérénité à laquelle la cécité dont il est affligé donne encore plus de profondeur : il vit de silence et de songe. L’homme est en quelque  sorte clos sur lui- même ; il est noblesse incarnée agitant de temps en temps un éventail dans la tiédeur et la torpeur d’un temps qui semble immobile. Les jeunes paysans se tiennent dans une déférence et un respect justes face à celui qui va bientôt rejoindre les ancêtres, vivre dans un ailleurs, tout en gardant le lien avec ceux qui vivent dans le monde ordinaire. Après que le vieillard a manifesté qu’il est à l’écoute, qu’il est sorti de son temple secret, l’un des jeunes paysans prend la parole et dit : «  Doyen, nous venons t’annoncer une bonne nouvelle. La récolte, cette année, est bonne. La terre a été généreuse grâce à la générosité du ciel qui l’a abreuvée en suffisance de sa bienveillance. Nous serons tranquilles jusqu’à la prochaine récolte. »

    Le vieillard manifeste sa joie par un petit cri et dit : « Ayons gratitude à l’égard de la terre et du ciel qui l’a fécondée. Je me réjouis comme vous. »

    Après un temps de silence, les jeunes reprennent la parole :

    «  Nous devons te dire également que la poudre des blancs, dont nous avons nourri la parcelle à l’est du village, a permis d’obtenir deux fois plus de récolte. Elle fait plus d’effet que le fumier et nous donne espoir. »

    Le vieillard garde le silence un bon moment, comme plongé dans le songe qui le ramène à sa chapelle intérieure. Les jeunes paysans sont un peu décontenancés par le manque d’enthousiasme du vieillard. Il prend enfin la parole :

    « Mes enfants, je ne sais de quoi est faite cette poudre. Mais elle semble agréée de Dieu, pour avoir un pouvoir si bénéfique sur la terre, et par conséquent sur notre propre vie. Nous en aurons également un autre avantage, puisqu’elle permet d’abondantes récoltes, à ce que vous avez constaté : nous pourrons désormais nous contenter de ne cultiver que la moitié de nos parcelles, et peut- être moins que cela, si Dieu le veut. Notre peine sera ainsi allégée. En toutes circonstances, gardons la mesure des choses pour que la satisfaction puisse toujours habiter notre âme. Et si nos besoins sont outrepassés, n’oublions pas ceux qui ne parviennent pas à les satisfaire, car Dieu donne pour que nous donnions ».

     

     Extrait de Pierre RABHI, Vers la sobriété heureuse, p.59 à 61, Actes Sud, 2010


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