• Les Amanins, quatrième jour. Deuxième partie : l’école du Colibri.

    Isabelle avait proposé la veille de nous présenter l’école du Colibri, je ne voulais pas rater l’occasion désireuse d’entendre de sa voix l’approche proposée. Nous nous retrouvâmes autour d’une grande table, majorité de femmes, un seul homme.

    Elle expliqua d’abord la fondation de l’école voulue en cohérence avec la démarche générale (Savez- vous à quel point il est aisé d’ouvrir une école ? Incroyable !). Enseignante du primaire depuis de nombreuses années, elle souhaitait une école différente et pas seulement pour les riches. Aussi, il y eut une réflexion sur le financement puisqu’elle sortait du cadre de l’Education Nationale (école privée hors contrat), c’est donc l’association qui lui verse son salaire et celui de ses deux collègues, étudiants se destinant au métier d’enseignant (stage des nouvelles structures de formation et masterisation). Les frais demandés aux parents incluent la cantine où les enfants mangent les produits de la  ferme. L’organisation temporelle est la même que celle des autres écoles, l’originalité est ailleurs:

    pédagogie de la coopération, retrait de l’enseignant, matérialisation des savoirs en donnant du sens aux apprentissages et aux gestes concrètement, mise en commun et élaboration en groupe vers les notions à acquérir, liens directs avec l’environnement et réflexion sur la place de l’humain dans celui-ci

    Je ne m’étends pas sur les informations techniques car elles sont accessibles sur le site des Amanins dans la catégorie l’école du Colibri, je m’en vais simplement partager mes découvertes, remarques et interrogations.

    D’abord, une petite visite.

    Le bâtiment est auto construit à partir d’un corps dont nul ne connait la destination première.Devant la porte, une mare grouillante de vie. A gauche de la cour, le potager cultivé par tous les enfants.

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    La cour est immense, au fond, derrière des arbustes, les enfants construisent librement des cabanes auxquelles personne ne touche hormis eux.


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    D’emblée, je souris : ce lieu est anxiogène pour les maniaques du tout sécurité prôné partout ; ça me plait, héhé (c’est parce que je suis vilaine et inconsciente, évidemment)

     

    A l’intérieur, pas d’organisation classique, normal après tout, c’était les grandes vacances, les préparatifs étant à peine entamés en vue de la rentrée.

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    J’étais néanmoins heureuse de découvrir la grande pièce entre deux salles de classes. L’œil affuté, j’y relevai des éléments de communication non violente et surtout cette belle banderole des huit formes d’intelligence :


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    Personne ne les possède toutes d’où l’importance de coopérer afin d’être complémentaires.  Et oui, c’est tellement évident ! A l’heure de l’individualisme forcené attisé de compétition et d’adversité, tous passent par cette découverte de soi et de l’autre, élèves et enseignants, afin de mesurer les capacités et faiblesses de chacun forcément complémentaires.

    Belle entrée en matière pour expliquer la pédagogie de la coopération :

    L’enseignant donne un travail à effectuer et laisse le champ libre aux enfants en vue  d’atteindre l’objectif par eux- mêmes avec tous les outils mis à leur disposition dans la salle, la possibilité de travailler à plusieurs, avec l’aide de l’enseignant ou non puis mise en commun des résultats et processus d’évolution ; l’enseignant construit ensuite avec les élèves la voie qui les mène à l’acquisition du savoir.

    Apprenez que cette pédagogie est enseignée, connue des enseignants, comme n’importe quelle autre pédagogie, toutefois elle n’est que rarement mise en pratique parce jugée trop bruyante, trop contraignante, … dangereuse?


    J’ai particulièrement été enchantée par les plages de cours non classiques, à mon humble avis, essentiels :

    La première du lundi matin est le débat philosophique.

    Proposition d’un thème (j’ai oublié si c’est l’enseignant ou les enfants qui le posent), bâton de paroles et des enfants dissertant sans l’intervention des adultes. Quel beau moyen d’apprendre à prendre la parole, à argumenter, à écouter, à s’entendre, à accepter l’avis différents du sien !

    Et surtout, deux fois par semaine, l’apprentissage de la paix ! Devenir médiateur, débloquer les affrontements, coopérer, sortir des rapports de force.

     

    Evidemment, cette expérience porte en elle des idées fondamentales dans la volonté de vivre le rapport au monde et à l’autre en dehors des clivages soit- disant normaux de notre civilisation. Si l’effort est notable, j’accroche cependant sur le constat que cette école est payante et sortir 100 euros pour un enfant, 200 pour deux, etc. ce n’est pas donné à tous d’autant que le lieu est éloigné du premier village nécessitant par là un véhicule. N’est- elle pas également réservée à des personnes sensibilisées à ces questions ? J’aimerais véritablement connaître l’origine socioculturelle des enfants.

    Dans l’enthousiasme de tous, je ne pus m’empêcher de dire ce que je vivais concrètement. Enseignante contractuelle de l’éducation nationale dans la formation pour adultes, j’applique depuis de nombreuses années la coopération et l’entraide, je travaille sur la relation à soi et aux autres par le biais des savoirs à acquérir, j’accompagne des personnes dans leurs démarches de formation, dans leur projet de transformation, de reconstruction sociale et professionnelle. Je racontai également mon expérience avec l’Education nationale lorsque j’ai postulé à la titularisation (récit à venir qui vaut le détour, croyez- moi !), hermétiquement fermée malgré l’évidence de mon parcours et de mon discours.

    « Mon travail est foncièrement humain, socialement profitable, il a du sens… et je vis chichement jusqu’au point de manger aux restos du cœur le dernier hiver ! Quelle société est- ce là ?    Autant dire qu’il m’arrive d’être fatiguée et découragée ! ».

    Silence dans l’assistance majoritairement constituée de personnes confortablement installées dans la vie (j’aborderai cette question dans un article spécifique plus tard), Isabelle insista pour m’encourager sur cette voie. A propos de l’éducation nationale, et je n’en revins pas, elle me dit clairement qu’avec eux, il s’agit de se couler dans le moule pour entrer, lors des inspections et ces rituels passés, faire comme bon nous semble. Ainsi donc, l’hypocrisie et la flatterie sont- elles les règles ? L’authenticité, la clarté n’ont- elles pas de place dans cette institution ?

    Par le biais de l’école du Colibri, s’élargit encore, dans ma caboche, la réflexion sur notre société, sur nos possibilités d’engagements, de résistance et/ou d’acceptation tacite...

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 21 Octobre 2010 à 03:58
    lapuce

    Je reviendrai te lire. C'est un peu trop dur pour moi, là ... soumise à des contingences étrangères, une culture étrangère, moi qui questionne tant l'éducation .....

    2
    mirabelle
    Mercredi 18 Juillet 2012 à 12:01
    mirabelle

    merci pour ce témoignage et surtout pour vos questionnements passionnants et judicieux ! j'attends la suite avec impatience, mais prenez votre temps quand même

    3
    fée des agrumes Profil de fée des agrumes
    Vendredi 16 Août 2013 à 15:16

    A la puce:

    A ta guise. 

    Réponse de fée des agrumes le 21/10/2010 à 11h57

    A Mirabelle:

    J'ai deux mois de retard sur le blog!!! et je ne parle même pas de tout ce que j'ai encore à raconter de mon parcours! Scroumpf.les tartines sont loin de se finir...

    Réponse de fée des agrumes le 21/10/2010 à 11h47

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