• La réflexion autour du déplacement est présente chez moi depuis belle lurette, à vrai dire depuis l'enfance et j'ai ( eu) quelques idées devenues réalités ou en voie de le devenir, certaines remarques encore inaudibles par beaucoup. Avec la fragilité économique puis la maladie, le handicap, elle prit d'autres ampleurs et je pose régulièrement la question de manière très concrète d'une vie sans voiture.

    Les transports en commun dans le secteur sont pauvres. Depuis des années, je demande une station d'autopartage en vain. L'ambiance globale ne s'y prête guère, l'étalement urbain, les mouvements pendulaires et l'argent de la Suisse conduisent à l'omniprésence de la voiture associée de plus,  souvent à un signe extérieur de richesse. Les nouvelles constructions ont une partie garage/ stationnement aussi grande que la partie habitation ( voire plus ) entre la voiture de monsieur, la voiture de madame, les voitures des grands enfants, la voiture du dimanche et les autres véhicules à moteur. Aberrant. J'évoque à peine le concours de la plus grosse berline ou du 4X4 qu'il s'agit de ne surtout pas salir, le grignotage des terres agricoles pour construire des routes toujours plus grandes, plus larges afin de contourner les communes- dortoirs bourrées de véhicules diesel. Je mesure particulièrement l'absurdité de ces choix avec les années de paralysie et de mal- voyance pendant lesquels je vécus un enfermement abominable du fait de ne plus pouvoir me déplacer avec en prime, un SeN rechignant à me sortir ne serait-ce que de la maison. Dès que je vis à nouveau, je mis les voiles de ce village reculé et de cette vie sans perspective; depuis, je refuse d'habiter dans un lieu où la voiture est absolument indispensable aux tâches élémentaires du quotidien. Je m'installe donc au plus près de mon lieu de travail, des commerces, pharmacie, médecin, d'une gare et de bus au cas où ma voiture ou ma vue lâcherait... dans la mesure des possibilités offertes par les lieux ( trouver un logement accessible est très loin d'être facile, je le répète). D'emblée, pour les bricoles, je fais au maximum à pied trimbalant mon chariot à roulettes raccommodé de partout en cas de charges volumineuses, refusant catégoriquement la voiture pour la pharmacie, le médecin, la Poste, les services de proximité. Si j'ai à me déplacer plus loin, je rationalise: je ne me déplace pas avec un seul objectif, je cumule sans oublier que la moindre occasion de covoiturage est saisie.

    Il y a trois- quatre ans, le moteur de la pétrolette était à changer car des fuites d'huile n'offraient pas d'alternative. Aucun garagiste ne l'aurait fait, la voiture étant trop vieille, l'opération trop coûteuse. Une bonne âme se chargea d'en trouver un d'occasion et de me le changer pour une somme non négligeable, néanmoins supportable. Nous fûmes donc sans voiture pendant plusieurs mois. J'avais le taxi pour le travail ( pris en charge par l'employeur dans le cadre de l'aménagement du poste), le vélo ou les pieds pour le reste. Au pire, je prenais le train avec le vélo car les déplacements jusqu'à la gare et de la gare au lieu de rendez- vous posaient problème à mes jambes et vessie capricieuses; j'ai beaucoup covoituré également dès que possible. C'était d’un compliqué! Je virevoltai avec plus ou moins de réussite. La tentative de vol en septembre 2014 me renvoya à cette danse périlleuse complexifiée en raison de la fin du taxi. En effet, depuis juillet 2014, économie oblige, le Rectorat ne le prend plus en charge, j'ai donc à me débrouiller. J'envisageais naturellement le vélo. Cependant, la dernière tentative s'avéra malheureuse vu que je tombai de côté provoquant une onde de choc importante dans le corps et des blessures aux douleurs lancinantes. Avec mes soucis d'équilibre, chargée, ce n'est pas facile. Que dire alors quand je n'ai pas de force ou d'énergie? Qu'il pleut? Qu'il fait nuit? Cette chute freina mes intentions premières. Lorsque je voulus m'y réessayer, je constatais un pneu arrière dégonflé. Pleine de bonne volonté, je sortis la pompe et finis par tout ramener au garage, l'embout de la pompe ne correspondant pas à celui de la chambre à air. J'avoue, j'ai la flemme de m'y remettre. J'avais également regardé les solutions pour aller travailler à dix kilomètres sans voiture. Le vélo signifiait passer sur une route chargée, à travers bois tout en trimbalant du matériel dans les sacoches arrière, je laissai vite tomber. Je regardai les lignes de bus parcourant la région. Ils passent devant chez nous quotidiennement souvent vides. Deux demi- journées par semaine, cela me parut jouable… à condition de partir quarante- cinq minutes avant de commencer et d'attraper le premier tout de suite la tâche accomplie sinon, c'est attendre une bonne heure pour le suivant, sans aborder la question du matériel à trimballer à bout de bras. Je regardai aussi comment me rendre aux réunions mensuelles à la maison- mère: entre pieds, bus, trains, 4h45 sont nécessaires pour effectuer 40 km, aller simple. Je laissai tomber pour évaluer le retour. Les sorties, visites aux amis, famille et connaissances alentour ne furent pas abordées, c'était véritablement trop compliqué et contraignant. Renoncer à la voiture, c'est renoncer à tout un pan de vie sociale. Par chance, ma mère me prêta sa voiture le temps de récupérer la mienne.

    A partir de décembre 2014, mon emploi du temps changea, je n'ai plus à aller à dix kilomètres, désormais, je travaille dans la ville où j'habite. Avec la fatigue et la récupération de la voiture opérationnelle, je fis souvent les petits déplacements à moteur tout en me disant que c'était vraiment débile. Quand la force est là, j’y vais à pied et notamment quand la météo est clémente. C'est riche d'enseignement. Non seulement je fais les allées et retours d'une bonne marche ( si vessie ne s'en mêle pas) mais en plus, je ne suis pas entravée dans mes déplacements entre le bureau, les élèves et la photocopieuse, mes tâches d'enseignement. Je constate joyeusement les bienfaits d'avoir pris l’air, dérouillé le corps. S'y ajoutent le chant de la rivière, des oiseaux ou de la pluie sur mon super parapluie multicolore, les odeurs des arbres, des fleurs, la vue des jardins, les rencontres, la présence en solitaire aux mouvements du corps. En ces circonstances, je vis la grâce.

    J’ai la chance de pouvoir marcher, avec la paraplégie, ce serait pire: le logement soit- disant accessible ajouterait des difficultés aux tâches quotidiennes basiques, je pourrais à peine dépasser, avec de la chance et de l’aide le bout du chemin et même si j’avais un véhicule adapté, je n’arriverais pas seule à y accéder en raison des portes, du manque de place sur l’aire de stationnement. La ville, quant à elle est quasi impraticable entre une géographie en colline, des trottoirs aléatoires, une grosse circulation. Les bus sont inaccessibles, la gare assez loin pour épuiser des petits bras pas musclés en fauteuil basique avant d'être arrivée. J’en passe sur l’hypocrisie générale autour du handicap...

    Au delà des limitations physiques, il y a la problématique financière qui concerne encore plus de monde. Qu’en est- il de ceux qui ne peuvent passer le permis de conduire, posséder un véhicule et l’entretenir? Comment envisager le ravitaillement, l’accès à l’emploi, aux formations, à la vie sociale dans des zones devenues dortoirs où chacun s’enferme derrière ses murs, où les lieux de vie communs disparaissent, où les voisins ne se connaissent pas?

    Ma vieille pétrolette me laisse dans le plus grand flou concernant sa durée de vie et je n’ai pas assez de revenu pour en racheter une autre, qui plus est, au regard de ma situation, je n'ai pas accès au crédit ( je précise que je déteste l'idée de s'endetter pour une voiture car c’est un gouffre financier où tout n'est que perte et frais sans bénéfice en plus d'une aberration quant à son impact sur l'organisation globale de nos sociétés, de nos espaces). Titillée par ce fait, je me suis dit qu'il devait bien y avoir une possibilité quelque part, que des changements de mentalités sont en œuvre depuis quelques années alors, volontaire et confiante en l'humanité, j'ai benoîtement entré «voiture solidaire» sur un moteur de recherche. Apparurent les Autos du cœur. C'est une solution en cas de guimbarde envolée certes, elle ne m'est pas moins qu'un pansement temporaire dans un système global insensé, absurde, destructeur.

     

    La conclusion n'est guère glorieuse. Dans l'organisation globale actuelle, là où je suis, sans voiture, je me retrouve fortement entravée voire bloquée, exclue en raison de mes soucis de santé et de revenus. En l’écrivant, je pense à toutes ces personnes âgées, malades croisées dans le taxi- ambulance coincées dans un village reculé où il n’y a plus rien, avec une maison à entretenir, le premier médecin à des kilomètres, la gêne de demander de l’aide à une famille toujours très occupée. Ah ça oui, j’en ai entendu des histoires alors que nous avions des heures de route pour une demi- heure de rendez- vous à l'hôpital.

    Tout au bout de ces réflexions, le plus désolant à mes yeux est qu'alors que je suis invalide à plus de 80%, que j'ai des contraintes physiques notoires pour me déplacer, je me pose toutes ces questions véritablement, sérieusement quand tant d'autres n'ayant aucune limitation physique utilisent leur voiture pour des déplacement de rien sans y réfléchir aucunement. J'en reste coite, parfois sidérée.

    Quand je dis que je n'ai pas la télévision, beaucoup sont interpellés, étonnés, surpris. Quand je parle de cette foutue voiture insensée, beaucoup se rebiffent en criant que sans voiture, ils ne pourraient pas vivre vu qu'il n'y a pas d'autres solutions pour travailler, gérer sa vie quotidienne, faire les courses, participer à des activités, visiter, etc. Je les invite simplement à envisager la question sous un autre angle: oui, c'est vrai, dans un système global organisé autour de la voiture individuelle comme c'est le cas aujourd'hui, nous ne pouvons pas vivre sans voiture ou alors dans une telle difficulté que cela en devient effrayant mais si nous décidons d'organiser le système autrement, avec, par exemple, une économie plus locale, une organisation des services, des emplois, de l'administration, des relations différente, la voiture n'est plus nécessaire.

    Veulent- ils seulement mesurer l'impact de la voiture individuelle dans l'organisation globale de notre système? Pas quand cette démarche génère la peur de perdre.. ce qui est possédé, connu, habituel.

    Bêtement, l'existence des Autos du cœur me rassure tout comme ce réseau d'entraide que je côtoie depuis quelques années où ces réparateurs me sauvent régulièrement la mise ( sans eux, il y a longtemps que je n’aurais plus de voiture) et les changements petit à petit des comportements, des mentalités malgré ces zones où les circonstances aveuglent par excès d'argent ou de misère.

     

    La voiture est une impasse, le reflet d'une idéologie du profit immédiat aveugle et égoïste. Nourrissons d'autres espérances, la vie mérite tellement mieux.

     

    Automobile, la fin du rêve.

    Vivre sans voiture.


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  • Beaucoup de personnes dont la moelle épinière est blessée ont des problèmes urinaires. Ce système est tellement nervuré que la moindre atteinte peut engendrer des dégâts et des inconvénients variables selon les cas. En ce qui me concerne, ma moelle a été touchée à L5- S1, c'est- à- dire très bas au niveau du dos, entre les lombaires et le sacrum. Rapidement, en quelques semaines, j'ai eu des problèmes. Ma vessie est hyper sensible, hyper active, mes sphincters des coffres- forts refusant de s'ouvrir et se refermant très vite. J'ai eu des infections urinaires bébé à staphylocoques difficiles à déloger, j'étais pisseuse avant 2006, la situation s'est logiquement dégradée par ici puisque Devic amplifie nos fragilités. J'aborde d'ailleurs souvent le sujet, les écrits sur le blog à ce propos ne manquent pas, trouvera facilement qui voudra de plus amples informations.

    Je n’ai aucune prise, ma volonté n'y changera rien, cela relève du système neuro- végétatif. Je suis dans cette paradoxale situation où je sens que ma vessie est pleine, s'agite, crie à la vidange alors que mes sphincters refusent de s'ouvrir quand elle le demande ou lâchent inopinément, tout à coup parce que j'ai sauté, me suis énervée, ai marché, suis restée assise ou debout trop longtemps, pour rien. Mystère. Même les médecins n'y comprennent rien, c'est l’anarchie totale. Je peux tout au plus tâcher de vivre au mieux, être vigilante, rester actrice dans les décisions à prendre. J'ai ainsi privilégié l'homéopathie pour prévenir et soigner les infections, tenté quelques essais peu probants en médecines parallèles, tenu à faire entendre ma voix auprès des médecins. Dans les traitements, mêmes impondérables, j'adapte en m'écoutant et ainsi, des règles type cinq sondages par jour toutes les cinq heures prennent des virages au gré de mes libertés: je me sonde quand j'en ai besoin, en fonction des liquides avalés, de mon état, des signaux corporels, de mes besoins en sommeil ou vie sociale. Il n'est pas question de prendre des risques inconsidérés, je suis consciente de la nécessité de pratiquer ces auto sondages, de leurs bienfaits tant sur mon état physique que sur ma vie quotidienne et pourtant, depuis des années, je me pose très souvent de nombreuses questions dépassant largement ma personne, mes besoins essentiels.

     

    D'emblée, s'il n'y avait la Sécurité Sociale, la prise en charge à 100% avec l'ALD, le tiers payant, je ne pourrais pas en bénéficier. Déjà qu'avec leurs histoires de franchises, chaque acte ou traitement grossit la retenue qui, au final, se déduit d'un remboursement ou d'une pension. Quand les revenus sont riquiqui et les soutiens absents, ce n'est pas rien. Comme beaucoup, je renonce à des soins, malgré la dangerosité de la maladie, je l'ai déjà dit et pourtant, je m'interroge fréquemment sur l'injustice entre nous et les populations n'ayant pas accès à ce genre de traitements. N'ont- ils d'autres choix que de mourir après avoir souffert, s'être inquiétés et angoissés? Passé le pire des crises de 2006, je clamai souvent: « Sans la Sécu, je serais morte! Je serais née ailleurs ou même aux États- Unis, c'en était fini de moi! » ( affirmation en outre révélatrice de la confiance que j'avais dans mon entourage quant à leurs capacités à s'engager financièrement pour me sauver).

    Se pose ensuite la question de la production des sondes. Comment et avec quoi sont- elle fabriquées? Dans quelles conditions? Où? A sa suite, je suis régulièrement interpellée par la problématique des déchets. La vue de ces quantités énormes de plastique à usage unique voués à la poubelle me dérange. Je jette des sachets pleins chaque semaine entre les emballages et les sondes elles- mêmes, sans compter les transports, acheminements totalement inconnus. C'est aberrant parce que j'ai une maladie impitoyable, handicapante dont je ne suis pas responsable et je m'interroge sur le coût global de mon accès à la satisfaction de ce besoin vital d'éliminer. C'était logique, il y a longtemps que je suis outrée par la chasse d'eau à l'eau potable tirée tant et tant chaque jour par chacun d’entre nous, par le volumes des couches, protections à base de pétrole ( une couche pour bébé = un verre de pétrole.. et oui!) utilisées et jetées quotidiennement avec une dégradation coûteuse et polluante dans une quasi indifférence générale. Si j'ai trouvé des solutions alternatives pour les protections urinaires et féminines jetables, je suis totalement tributaire de ces produits médicaux et il ne me sied guère de ne pas avoir d'alternative.

    Depuis 2006, j'ai tenté à plusieurs reprises de faire sans les sondes. Quand je constate qu'après des mictions naturelles, il n'y a plus de résidu dans la vessie, je les évite, comptant sur une hypothétique récupération, une évolution heureuse de l'organisme. Néanmoins, ces sensations de mieux ne valent absolument rien: chaque bilan uro-dynamique est mauvais, répétant la même rengaine au fil des années. Je me fais alors gentiment remonter les bretelles par Solange, médecin de rééducation, superviseur de mon système urinaire: « Il faut absolument protéger les reins!!! ». Et zou! Me voilà renvoyée aux médicaments, injections de toxine botulique, auto- sondages et autres réjouissances.

     

    Après des années d'interrogation, questionnement, recherches et tentatives avortées, j'ai trouvé un éclairage- réponse il y a quelques mois. Il y avait des problèmes de livraison des sondes urinaires. La pharmacie se démenait, insistait pendant que le fournisseur se dépatouillait avec le laboratoire. Je ne connais pas les détails exacts, je sais seulement que tout était bloqué en raison de l'accident du livreur habituel et que la pharmacie était bien embêtée puisqu'elle ne pouvait me fournir les indispensables sondes en raison de l'absence de stocks. Prévoyante, je m'y étais prise assez tôt et je rassurai mon interlocutrice sur les délais. Néanmoins, au rythme où elles partent, je me retrouvai, en quelques jours, dans l'embarras. Après plusieurs passages infructueux en officine, je revins avec l'urgence d'un dénouement.

    - Bonjour, je voulais savoir si vous aviez eu finalement les sondes, demandai- je calmement.

    Mon interlocutrice réfléchit, les yeux rivés sur l'écran de l'ordinateur devant elle, préoccupée.

    - C'est que j'en ai besoin pour vivre, cela m'est nécessaire, ajoutai- je, inquiète de ce que le manque de sondes engendrerait.

    Heureusement, une partie des boites étaient arrivées et j'avais de quoi tenir une dizaine de jours jusqu'à la prochaine livraison. Nous étions soulagées et elle partit chercher en arrière boutique ce premier colis.

    En attendant, mes pensées défilèrent, perplexe que j'étais de ma phrase précédente: Suis- je donc si dépendante du bon vouloir d'autrui ou de si malheureuses circonstances? Ma vie tient- elle à si peu? Et s'il n'y avait la Sécu? Et si je n'avais pas les moyens de financer de tels soins? Suis- je donc si fragile et emprisonnée?… Bla bla bla que je laissais glisser sans m'y accrocher car ils ne feraient que nourrir des sentiments anxiogènes et toxiques totalement inutiles. Et bloom! Comme d'habitude, la réponse me vint, lumineuse: Non, la problématique ne pèse pas sur moi , elle se base sur une question de système global. S'il n'y avait pas de Sécu, peu de moyen face à des pathologies pareilles, il y aurait des humains quelque part pour inventer des sondes urinaires réutilisables, en matériaux durables afin que tout malade puisse en bénéficier. Là, aujourd'hui, parce que notre société est basée sur le profit, le choix est fait de produire des objets consommables par ceux qui en ont les moyens grâce à leur richesse et/ ou un système solidaire au bénéfice de ceux qui les vendent ce qui n'empêche nullement ces derniers de le faire avec le souci de soulager les malades, d'améliorer leur qualité de vie, etc. parce que c'est ce que leur permet ce système pour donner du sens à leur ouvrage ( en plus de gagner de l'argent, évidemment).

    Mon sachet me parut moins lourd au retour et depuis, je ne regarde plus ces produits du même œil. Désormais, au lieu de m'interroger sur ma responsabilité, ma fragilité, je réfléchis à ce qu'il se passe ailleurs, en d'autres lieux, d'autres temps. Comment faisaient nos ancêtres avant le plastique et le tout jetable? Comment fait- on dans les pays où ce type de produit est inenvisageable parce que trop cher, inaccessible? Non parce que je veux m'éviter l'angoisse ou la peur mais bien parce que je réfléchis à une alternative. Et pourquoi pas des sondes à usage multiple qui se désinfecteraient dans l'eau bouillante? Ou dans une espèce d'étui technologique où la sonde serait traitée afin d'être réutilisée sans risque? L'humain est capable de tant d'inventions, ce ne serait vraiment pas insurmontable que d'inventer de telles sondes pour en finir avec les injustices, les incertitudes, le coût environnemental et toutes ces questions qui me turlupinent. Il est fort possible également qu'un jour, des progrès médicaux permettront de guérir les blessés de la moelle ou au moins de trouver un moyen pour permettre au système nerveux de re-fonctionner normalement. Ce n'est après tout qu'une question de choix, d'orientation. En attendant, pour l'instant, je compare les différents modèles proposés, cherche le moins volumineux pour déjà réduire les déchets et quand j'ai à répondre à des enquêtes de laboratoires, je précise systématiquement que je souhaite des sondes moins polluantes, avec moins de déchets. Stratégie pour satisfaire mon besoin vital d'évacuation ET mes besoins d'accomplissement et d'autonomie. Tant qu'à faire.


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  • Ce jour, était une séance de Qi Gong prévue depuis des mois; elle tombait au mieux. Épuisée, bouleversée, j'avais grand besoin de recharger des batteries à plat et je n'avais absolument pas l'énergie de participer aux défilés. Mon esprit y vola souvent, tiraillée, déchirée, dans un flou total, en sentiments ambivalents et antagonistes. Le visage fermé, rares sourires, les larmes au bord des yeux, je tins péniblement les trois heures et demie, pensées et prières en vrac, dormant debout sur les exercices de relaxation. Au retour, je sus que j'avais fait le bon choix: comment aurais -je pu piétiner plusieurs heures dans cette foule immense avec mes soucis physiques?

    Un exercice en fin de séance porta ses fruits particulièrement: drainer Ren Maï (vaisseau conception) et Du maï (Vaisseau gouverneur). Il régularise les énergies Yin et Yang, ouvre tous les méridiens, prévient les désordres, désobstrue les méridiens de la stagnation d'énergies lourdes, stimule l' « oreiller de Jade » (région occipitale) permettant d'éliminer des causes de dérèglement, de maladies, de malaises tant physiques qu'émotionnels, un raffinement de l'énergie (petite circulation céleste).

    Je ne pouvais trouver mieux.

    En rentrant, l'esprit plus clair et le corps soutenu, je saisis en moi quelques pensées diffuses.

    A la fatigue et la lassitude des derniers mois, s'ajoutèrent les événements de la semaine. La force et l'énergie qui me tiennent au quotidien furent balayées, ravagées, j'en étais presque à m'écrouler. Devant la foule immense sortie dignement en silence spontanément, j'eus des sentiments contradictoires entre partage et questionnements voire expectative. Pourquoi?

    Je suis engagée, au quotidien, ma vie est un engagement. J'écoute, observe, pense, médite, lis, réfléchis, agis à mon échelle. Je voyage parmi une multitude de nationalités, couleurs, origines géographiques et sociales, croyances, identités, orientations, laissant de la place à tous, m'étonnant souvent de la quantité incroyable de minorités que je côtoie. Je pratique la bienveillance, le don, l'échange. J'interpelle, taquine, soulage, titille, déstabilise, m'insurge, informe, interroge, me remet en question et perspective constamment, sans dogmatisme. Mes actions à la noix qui ne me rapportent ni notoriété, ni argent, ni confort, ni sécurité ne sauraient déroger à la ligne de conduite sous prétexte de peur ou de profit personnel. Courageuse est le qualificatif qui revient fréquemment dans la bouche de ceux qui parlent de moi. Comment pourrais- je faire autrement? Mes convictions humanistes sont chevillées au corps, mes besoins d'intégrité, d'authenticité omniprésents énormes. Mon fils me l'a souvent reproché et je le sais légitime dans ses besoins de sécurité, de confort. Seulement, voilà, j'ai souvent le sentiment de me battre contre des moulins à vent dans l'indifférence, de payer le prix fort pour pas grand-chose. Un syndrome de Cassandre? Puis là, tout à coup, un événement atroce secoue à grande échelle, comme un électro- choc et en moi, paradoxalement s'amplifient des sentiments de solitude, d'abattement voir de fatalisme…

    N'est -il pas terrible qu'un tel fracas soit nécessaire pour que s'élèvent les voix de la liberté et de la fraternité?

    Combien de temps couvriront- elles les voix de ceux qui attisent la haine, l'intolérance, la division, la compétition et le profit aveugles, l'individualisme forcené, l'humiliation, la méfiance, la peur, la morosité, le pessimisme, la course à la médiocrité et l’esbroufe, le narcissisme exacerbé?

    Combien de temps avant que le train- train ne rendorme les esprits et que les grandes idées retournent aux placards des fuites quotidiennes?

    Je sens le doute, le scepticisme, une certaine amertume parce que j'entrevois le désenchantement, le retour de l'ambiance nauséabonde d'avant. Certes les idéaux sont grands et magnifiques, ils transcendent les foules mais ils résistent peu à l'idéologie individualiste en quête de profit personnel voire égoïste, à la volonté légitime de sécurité et de tranquillité dans une société en mutation, mondialisée, vouée à un ultra- libéralisme inhumain où les inégalités sont de plus en plus criantes et insupportables, où l'avenir angoisse. Ont- ils seulement le poids de remuer ce qui s'est installé si longtemps dans les esprits, l'organisation des espaces, de la communauté de vie?

    Il n'est guère étonnant que j'ai eu une grosse crise de migraine hier, entre mal de tête, des yeux, nausée persistante et sommeil invasif. C'est mon foie qui crie toutes ces émotions encaissées… en porte- parole de ma foi ébranlée? Le raccourci est facile, j'avoue et cela reste probablement une construction de l'esprit. Il n'empêche que j'ai le cœur remué, peu convaincu d'une prise de conscience réelle avec des actions concrètes sur la durée. Quelques jours ne changent pas des représentations insidieusement ancrées dans le quotidien et l'esprit de beaucoup depuis des décennies.

    Pour conclure à demi vu que je n'ai pas encore trouvé la clarté, j'alimente ma flamme d'espérance avec mon ami Boris. Son regard, ses mots sur les événements résonnent en moi profondément, je me sens en communion. De telles voix seront- elles entendues?

    http://www.tv7.com/point-de-vue-de-boris-cyrulnik-neuropsychiatre_3979593465001.php


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  • Je n'ai pas la télévision et j'en suis particulièrement heureuse dans de telles circonstances. Je m'informe par la radio et le site d'Arte +7, principalement puis la presse et la toile. Au milieu du flot de paroles et de commentaires dont certains me donnent envie de vomir quand d'autres me font pleurer sans cesse ( les interventions sur France Inter hier m'ont déchiré le cœur), j'ai été spécialement reconnaissante envers Arte et son émission 28 minutes.

    Parole ferme, lucide et claire.

    Si vous préférez l'intelligence au fatras nauséabond ou veule d'ailleurs, je vous invite vivement à visionner ces deux émissions.

    Pour nous, pour tous, pour les morts que nous pleurons et la plaie immonde qui balafre désormais notre histoire contemporaine.

    28 minutes spéciale Charlie hebdo

    28 minutes Quand les journalistes tombent pour la liberté

     


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    Ce soir, j'ai tendu un grand dais noir sur mon balcon. 

    Dommage, je n'ai pas de crayon blanc géant pour y écrire:

    Nous sommes tous Charlie.


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  • Encore un grand qui s'en va...

    Puissent son énergie et sa conviction perdurer longtemps!!!

     

    Entre autres belles interventions: ici,


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    Je n'ai pas de mot maintenant, c'est tellement énorme. Regardez et vous comprendrez pourquoi.

    Mépris absolu de la vie.

     


     

     


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  • Petite, lorsque nous jouions aux cow- boys et aux indiens, j’étais toujours chez et pour les Indiens. Quand je regardais les westerns, j'étais indignée de leurs représentations et plus tard, j'ai constamment affirmé mon mépris pour les États- unis fondés d'après moi sur un génocide. J'ai vu plusieurs fois l'exposition Mémoire d'Amériques, y ai pleuré à chaque passage et m'y suis fâchée aussi. J'ai eu la passion des autochtones sur tout le continent et si j'en avais eu les moyens matériels, j'aurais probablement fait mon mémoire de maîtrise autour d'eux. C'est dans ma nature de me préoccuper des minorités, des opprimés, voilà. Chaque culture, langue détruites est une perte pour toute l'humanité, j'en suis convaincue.

    Je n'ai jamais rencontré aucun Indien, hormis un sculpteur péruvien venu quelques heures pour se perfectionner en français. J'étais enchantée de voir ses travaux et de papoter avec lui ( qu’est- ce qu'il était beau en plus!). Si je suis frustrée de si peu, j'avoue que je ne saurais quoi dire ou faire si l'occasion se présentait de parler avec l'un d'eux de leur patrimoine, de leur histoire ou de me rendre sur un de leurs territoires, il y a tellement d'hurluberlus et d'illuminés façon new- age qui fantasment leurs traditions. J'aurais surtout envie, je crois, de me faire toute petite et de simplement écouter et regarder loin du folklore à touristes.

    Mon fiston étant de la même trempe se fâche aussi souvent de ce qui leur a été /est infligé. L'an dernier, comme nous discutions des États Unis avec une amie fascinée par ce pays, il exprima ouvertement son indignation. Elle lui répondit qu'ils avaient perdu, c'était comme ça et rien n'y faisait, le passé étant le passé. Aujourd'hui, ces mots encore résonnent en moi et m'interpellent, il y a là une affirmation qui me déplaît. Aussi, grâce à la merveilleuse Médiathèque, j'ai réservé quelques livres sur la cause des Indiens d'Amérique et par bonheur, ils sont arrivés pour les vacances. J'ai commencé par ce premier ouvrage, recueil de photographies en noir et blanc:

    Indiens d'Amérique, 35 années de lutte pour la souveraineté par Michelle Vignes, éditions Léo Scheer.


    « Alors que je n'étais qu'une jeune photoreporter récemment arrivée à San Francisco, un article paru dans un journal local attira mon attention. Il était dit que l'île d'Alcatraz avait été achetée il y a bien longtemps aux Indiens pour 24 dollars, et qu’aujourd’hui il la revendiquaient pour la même somme.

    Lorsque l'île fut occupée par un groupe d’activistes, sans hésitation, je décidai d’aller sur place. Ce qui se présentait comme un simple reportage est devenu le sujet de toute une vie. »

    Cette Française partagea leurs vies pendant de nombreuses années à travers tout le pays, s'immergea dans leurs cultures, les photographiant jour après jour. Ce livre montre la naissance et l'évolution de l'American Indian Movement. Bien loin des représentations de peuples écrasés et soumis, il en ressort une dignité et une force incroyables avec toutefois une profonde tristesse dans le regard.

    L'AIM est fondée en 1968 à cause de la violence dans les maisons de correction, les prisons, les taudis, du taux de chômage vertigineux, des brutalités policières, de la corruption gouvernementale dans le réserves indiennes et des politiques racistes pesant sur les droits des autochtones […], l'AIM s'est lancé dans l'action politique pour changer les conditions de vie des indigènes.

    Occupation de l’île d'Alcatraz en 1969, organisation de la « Piste des traités violés » soit plus de 2000 personnes marchant sur Washington en 1972 avec occupation du bureau des affaires indiennes, siège de 71 jours à Wounded Knee contre 300 agents du FBI, 90 policiers pour montrer que les guerres contre les Indiens n'étaient pas terminées, manifestations multiples et fréquentes, conférences internationales des traités depuis 1974 demandant leur représentation aux Nations Unies, longue marche en 1978 sur 6 mois, 4500 km en relai traversant les États- Unis afin d'attirer le public sur leurs problèmes, longue course en 1984 en l'honneur de Jim Thorpe, champion olympique indien de 1912, cérémonie de deuil le 12 octobre, commémoration de l'arrivée de Christophe Colomb, ouverture d'écoles, … Ces peuples se battent! Pour leur culture, leur langue, leurs traditions, pour survivre, espérant vivre et exister.

    C'est un combat permanent car le contexte ne leur est pas favorable. Les États- Unis ne respectent pas les traités qu'ils ont signés avec eux, les droits attribués aux autochtones sont bafoués, leurs manifestations, leurs doléances écrasées ou méprisées, les meneurs emprisonnés pour certains depuis des décennies. Les lieux sacrés ne sont pas protégés, les langues sont en danger, la culture s'étiole insidieusement d'autant que la délinquance, l'alcool, la drogue menacent les jeunes.

    J'ai appris notamment des éléments importants:

    • Pour avoir l'autorisation de gérer un casino, les Indiens perdent la souveraineté sur leur territoire qui revient alors à l’État. Oren Lyons, chef Onondaga y pressent la fin des Nations indiennes et appelle à la résistance en refusant cette voie d'accès à l'argent.

    • Les États- Unis interdisent aux Indiens de se présenter aux Jeux Olympiques en tant que Nation indienne.

    • La majorité de la population américaine soutient la cause des Indiens.

    Je ne suis certainement qu'au tout début de mon instruction, et le deuxième livre promet bien d'autres découvertes puisqu'il s'annonce plus engagé et revendicatif. Ce premier a le mérite de poser des jalons concrets à la connaissance de ce long combat et il me permet d'affirmer que les Indiens d'Amérique n'ont pas perdu, leur cause n'est pas désespérée, ils se battent encore et encore. Il importe de ne pas être indifférent, de s'informer, de porter l'écho de leur combat parce qu'ils représentent une partie de nous. Leurs ensorcellements du monde nourrissent celui des autres, leur lutte est légitime, elle nourrit notre humanité, elle nourrit nos combats. Pourrions- nous nous contenter d'un monde uniformisé? Certainement pas.




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  • Mes débuts en blog datent d'avril 2008. Pendant plusieurs mois, j'y déversai quasiment un article par jour, la source était intarissable touchant à des domaines très variés, avec une volonté d'ordre, de structure et surtout les besoins énormes d'être entendue, d'être en relation, de partager. J'y ai fait de belles rencontres dont certaines restent une réalité, j'ai essuyé des tempêtes, des colères. Depuis, ma vie qui le nourrit a grandement changé. Inévitablement, le blog, de par sa nature même, évolue également. Ne sachant décidément pas par quel bout prendre la suite ces temps-ci, je ferai aujourd'hui un panorama d'hier à aujourd'hui.

    La maladie reste le maître- mot, en elle- même, dans ce qu'elle induit de conséquences sur tous les plans de ma vie; toujours en pointillé, elle est là. Encore que... Qu'en est- il de ma personnalité, mon tempérament? De mon évolution intérieure? De l'âge qui se prend? Des expériences multiples dont sont bâties les vies humaines? La maladie a été un déclencheur, c'est ce que j'en fais avec ce que je suis qui importe avant tout. Je constate également que plus la vie prend de place, s'active, se meut, plus la maladie, les handicaps passent au second plan. Chaque aventure du quotidien garde sa saveur et son inestimable prix certes mais elles se multiplient tant que le rythme du récit ici ne suit plus. Une solution serait d'alléger la réflexion et l'exigence d'écriture pour échapper à la succession rapide des péripéties, cela ramènerait peut- être bien en prime plus de lecteurs; je ne m'y reconnais toutefois pas. Il ne s'agit pas de faire le récit d’événements, de cumuler des informations générales ou de nourrir l'égo. Je suis en chemin, je regarde le monde à travers mon ensorcellement, mon histoire, je m'interroge et réfléchis, je pose des questions, évoque mon parcours et ma réflexion pour témoigner, proposer une voie d'authenticité qui n'est possible que dans l'intériorité.

    Pourtant, avec le temps, j'ai constaté combien parler de soi dérange. Égocentrisme, narcissisme, vanité, suffisance, prosélytisme sont quelques uns des mots entendus. Nous n'apprenons pas malheureusement à rester chez soi; dès notre conception, nous sommes pris dans la valse des jugements envers nous- même et autrui, constamment nous sommes chez l'autre, à nous faire des films sur soi, sur lui, sur ce qui est arrivé, aurait pu arriver, arrivera, ce que nous avons pensé, ressenti et ce que nous penserons et ressentirons. Les TU qui tuent. Ajoutons- y les on, il- elle, ils- elles, les autres, les gens qui pareillement parlent de nos impuissances, notre sentiment d'être victime et non responsable, acteur, créateur. Parallèlement, logiquement puisque par réaction à ces sentiments, le JE est galvaudé, devenu l’étendard d'un égo tout puissant qui se révolte.

    Par mon ami Boris dans son dernier livre, Sauve- toi, la vie t'appelle, Odile Jacob, 2012, je sais que notre histoire et nos relations présentes modifient notre discours du passé et nos souvenirs, Jean- Claude Ameisen dans sa majestueuse émission Sur les épaules de Darwin, le samedi matin de 11h à midi sur France Inter montre régulièrement les incroyables capacités de notre cerveau à travers les plus récentes recherches, ce qui fait notre humanité dans sa complexité et son unité, comment notre mémoire se transforme au cours des ans. Notre permanence est une illusion, dans la passé, dans l'avenir. Nous n'existons pleinement qu'au présent. Alors, dîtes- moi, comment pourrais- je parler des autres quand je ne me penche pas sur ce qu'il se passe en moi, quand je ne sais pas ce que je vis ici et maintenant en moi?

    Rester chez soi, c'est parler de ce qui est vivant en soi ici et maintenant, c'est la prise de conscience de ses sentiments et besoins. Se relier à soi c'est se relier à l'autre, lui laisser la place. S'accepter, c'est accepter l'autre, belle leçon de la communication non violente qui me permet de dire ceci: quand je parle d'autrui, je parle de moi, quand je parle de moi, je parle de l'autre. Car oui, nous sommes tous reliés, notre humanité fondamentalement est identique depuis la nuit des temps et tant  que notre espèce vivra simplement parce que nous avons tous les mêmes sentiments, les mêmes besoins. La difficulté vient de ce que nous ne les avons pas en même temps alors, l'expérience de chacun est l'expérience de tous. Témoigner, parler de soi, c'est évoquer ce qui est en marche chez nous tous. Je pense en ces instants à Alexandre Jollien dont je termine doucement Le philosophe nu. C'est aussi le récit de sa propre intériorité, de ses propres ressentis et pensées. Il reste chez lui, s'accorde de la bienveillance quand l'égo l'emporte tout en y réfléchissant, en y méditant surtout. Peut- on le qualifier d'égocentrique, de vaniteux de prosélyte? En tout cas, j'aime à retrouver cette authenticité dans son livre et les entretiens qu'il donne.



    Ceci dit, la vie, ses événements de tout et rien, l'ensorcellement, la réflexion, la méditation que j'y mets se nourrissent mutuellement et nourrissent mon blog... qui lui- même nourrit les précédents. Ma vie aujourd'hui n'a plus rien à voir concrètement avec celle de 2008, ma situation a grandement évolué. Le choc de l'annonce de la maladie grave , chronique, incurable s'étiole dans les années qui passent, je vis désormais avec elle au quotidien; les handicaps, les limitations, les peurs, les colères sont familiers, je m'adapte parce que je sais qu'il n'y a aucune autre solution que celle d'écouter le corps, d'être au présent en œuvrant à la méditation de pleine conscience. Je prends moins de traitement grâce au sommeil où elle se trouve, j'ai grandement récupéré en marche, endurance, vue. Je conduis, je suis par monts et par vaux, j'ai repris le travail, je pratique le Qi Gong, la danse orientale. J'ai quitté la maison – prison et SeN qui mit d'ailleurs dans le blog la cause de notre rupture ( je l'y ai trahi, sali, lui et sa famille), mon entourage a été totalement renouvelé. Mon garçon traverse l'adolescence et après des années houleuses, douloureuses, il semble ces mois- ci trouver son équilibre, renouer avec la joie de vivre. J'ai rencontré un homme qui me donne des ailes, accélère certaines délivrances. Je sors, je m'amuse, je médite, je m'engage, je participe. Je suis pleinement vivante et en marche constante. Il est loin le temps où je passais des heures seule dans cette foutue maison, loin de tout, sans possibilité de sortir, au milieu des enjeux inconscients pourris, des guerres incessantes de territoires et de pouvoir, dépendante du bon vouloir d'un autre en rupture, en colère, tétanisé par ses peurs! Inévitablement, j'ai moins de temps pour écrire d'autant que les péripéties sont fréquentes à un rythme que l’écriture ne suit pas non parce que je m'en détache, m'en désintéresse ou parce que je n'ai rien à dire, partager, au contraire mais bien parce que mon quotidien explose de vie, d'expériences, de joie, de partage, de bienveillance. Il n'est pas question de clore ce blog, son ralenti de publication n'est pas sclérose ou endormissement, ses plages de silence sont révélatrices du temps que je passe à vivre ma vie et à en jouir. Je sais aussi qu'il est une porte ouverte pour ceux qui y passent dans des domaines qui leur appartiennent, je n'y suis que déclencheur de ce qu'il se passe, se joue en eux. Il est parfois aussi le seul témoignage sur la vie avec Devic. SeN m'a menacée à plusieurs reprises de poursuites pour ce blog, j'attendais des actes et non des paroles, il n'en a rien fait. De toute façon, je l'avais prévenu: « Si mes écrits peuvent éviter à UNE seule personne de vivre ce que j'ai vécu, je ne lâcherai rien, je continuerai quoi qu'il en soit.». C'était clair.

    Désormais, ne se posent que des questions d'hébergement du contenu, les visiteurs sont ce qu'ils sont autant dans leur présence que leur absence, leur intérêt ou leur désintérêt et je prends le temps d'écrire quand le moment est bon pour moi, en harmonie avec ce que je sens, je ne suis redevable envers personne et surtout, je ne suis plus dans ces besoins d'être entendue, en relation, de partage car la vie m'en fait cadeau au quotidien.



    Pour finir, en pirouette ( car j'ai la vie qui m'appelle), je vous invite à regarder cette vidéo, trouvée par hasard. Alexandre Jollien et mon ami Boris se sont croisés.



    Et permettez- moi d'insister sur l'émission de Jean- Claude Ameisen, Sur les épaules de Darwin, tous les samedis matins de 11h à 12h. Celle- ci en est emblématique et après m'avoir lue, rien que les premières minutes auront pour vous un écho particulier.


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  • Stéphane Hessel est mort. Il était très âgé, c’est dans l'ordre de la vie.

    Je l'ai su très vite ailleurs sur la toile, là où je milite, là où je croise d'autres engagés et militants. Je tiens à le saluer pour son dernier voyage indéfinissable.

    J'aimais entendre cet homme. Ses paroles, ses positions avaient un parfum exaltant empreint de clarté, de lucidité, de conviction. J'aimais sa force intérieure, son goût de l'autre, des autres, de l'au- delà soi. Il était pleinement vivant, tourné constamment vers la vie.

    Je n'ai pas son livre Indignez- Vous, je l'avais lu, prêté par quelqu'un il y a quelques années sans qu'il provoquât en moi d'enthousiaste, j'ai même été surprise qu'il ait tant d'écho puisqu'à mon goût, je le trouvai somme toute consensuel. Est- ce parce que la tâche me paraît si gigantesque que je mets la barre haut dans l'engagement?

    Il n'était qu'un homme. L'immortalité n'étant pas de notre ressort, il sombrera dans les méandres de l'oubli, inévitablement... A moins d'une transmission? Qui saura garder vivante la flamme qu'il animait?

    J'ai foi en l'humain vivant. Elle m'aide à supporter la médiocrité, la lâcheté, les peurs, les fuites, l'illusion et la frénésie généralisées. Elle s'alimente de présences comme celle de Stéphane Hessel. Puisse t-elle ne jamais se tarir.

    Au revoir monsieur, vous allez nous manquer.

     Indignez- vous, Arte

     

     


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