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S’organiser ?
Très vite, Solange m’avait prescrit des aides et des soins à domicile. Je rencontrai une assistante sociale, une chargée d’insertion pour le retour au travail… J’étais consciente de ce qui se passait concrètement, cela ne m’empêcha pas d’avoir l’impression d’être face à des êtres venus d’ailleurs s’exprimant dans une forme de langue étrange. Je sentis la volonté de faire ce qu’il y avait de mieux pour moi, d’adapter ma vie avec le handicap. Je ne pensais pas que j'étais handicapée, j’étais malade et je ne me suis jamais imaginée en fauteuil à vie, dans cet état. Je me souviens avoir pleuré, débordée par toutes ces informations si lointaines de ce que je pouvais imaginer de mes 34 ans. N’ avais- je pas entendu sans cesse dans la bouche de SeN que nous étions jeunes, que nous avions le temps ? Et là, je me retrouvais confrontée à des situations de dépendance.
La vie n’est pas un fleuve tranquille, je le savais depuis toujours, avec cette vie, ma vie emplie d’épreuves, de pertes, de batailles pénibles, de blessures profondes inscrites dans l’inconscient personnel et familial. J’avais cru quelques années auparavant que rien de pire ne pouvait m’arriver et l’atteinte passait en cet instant par le corps ; mon propre corps qui me lâche alors que je croyais pouvoir compter sur lui, que j’avais confiance en ces ressources, mon propre système immunitaire devenu fou attaquant mon système nerveux… Incompréhensible, une baffe comme on ne s’en prend que peu. .
Les infirmières les plus proches étaient les sœurs missionnaires, je les avais naturellement contactées et ainsi, je fis la connaissance de sœur Thérèse . Originaire d’Inde, elle consacre sa vie à Dieu et aux autres. Dans nos contrées, il est commun d’imaginer un occidental aller aider les pauvres des pays du Tiers-monde et je fus impressionnée par ce petit bout de femme venu de si loin ; après tout, la souffrance et la bonté sont universelles ; il n ‘est question que de communauté humaine. Toute douce, énergique, délicate et pétillante, elle partagea ma dégringolade effreinée au fil des jours. Au début, elle m’aidait, m’accompagnait dans mes tâches matinales les semaines où SeN était du matin et ne pouvait le faire. Je faisais tout ce que je pouvais seule, elle s’occupait d’être mes yeux et mes jambes. Nous avons beaucoup discuté de nos vies respectives et j’étais heureuse de l’entendre me parler de son pays, de sa famille, de la difficulté d’être loin d’eux , de son arrivée en France : la barrière de la langue, la différence de culture, l’isolement en cette région enclavée… Nous riions souvent ensemble, nous nous sommes rencontrées et elle a été un réconfort pour moi.
Face aux événements, j’avais réalisé que je ne croyais ni en Dieu, ni en la religion mais toutes ses paroles résonnent encore en moi. Quand certains événements me renvoient à des idées plus sombres, je me souviens de ce qu’elle a dit, paroles d’évangile et de sa foi, parole de ma foi en elle. Je ne l’oublierai jamais.
Après ma première cure, je devins donc incapable de me dresser sur mes jambes, de faire mes transferts, sœur Thérèse toute menue ne put plus me soutenir et elle ne cessait de nous dire qu’il fallait prendre contact avec un autre organisme où ils se déplaçaient à deux pour porter les malades. Très vite je me retrouvai complètement tributaire des autres pour les actes les plus élémentaires de la vie. Ma mère commença à venir plus souvent pour nous aider, Fiston se débrouillait au maximum seul, SeN courait dans tous les sens pour trouver des solutions, faire tourner la maison. Il fabriquait des rampes, il déplaçait les meubles, il me portait, me lavait, nous nourrissait. Sa mère faisait le linge, une aide à domicile s’occupait de faire les sols et le repassage, la vie prenait un tournant des plus incroyables, je ne maîtrisais plus rien, absolument rien, ma propre vie m’échappait. Je m’accrochais à mon rythme avec les séances en hôpital de jour, avec les heures passées en compagnie de quelqu’un car seule, je ne pouvais rien faire, pas de télévision pas d’ordinateur ni d’internet, pas de lecture, pas d’activité minutieuse, pas de tâches ménagère, rien, rien , rien que la radio et l’impossibilité de changer les stations car je ne voyais pas les touches de la télécommandes et n’avais jamais songé à les apprendre par cœur. La présence de quelqu’un me faisait du bien , je me sentais encore un peu dans la vie et je recevais chacune de leur attention comme un cadeau inestimable. Sans grande conviction, luttant chaque jour pour me raccrocher aux petits riens, je me retrouvai donc en décembre pour la deuxième cure.
Tags : vie, rien, j’etais, pouvait, souvent
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Commentaires
Merci beaucoup pour la visite et tous les commentaires, j'ai été enchantée par la découverte de ton blog, pareillement.
et vivons pleinement notre coopération!
A bientôt, ici ou chez toi :D
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Je suis venue te rendre la politesse, par curiosité plus que par politesse, d'ailleurs, je suis toujours curieuse de voir qui a bien pu venir fouiner chez moi!
Je repars ... légère et aimante; j'aurais beaucoup à dire, beaucoup, mais il me faut le temps de laisser se poser tout ce qui m'a traversée en lisant ces 49 pages
Fée des Agrumes, je reviendrai
Belle journée à toi, et merci.