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Par fée des agrumes le 2 Juillet 2012 à 12:50
Ce mois de juin a été éprouvant: nombreuses heures de travail ( évoquées précédemment), bien du fils à retordre avec fiston, multiples répétitions pour le spectacle de danse de fin d'année, soirées longues en compagnie de mes camarades de danse ou d'ailleurs et j'en passe. Avec ce dernier samedi, c'était le bouquet final et je comptais bien en profiter pleinement: participation à trois danses pour le spectacle et à la pause, filer aux Eurockéennes pour voir ENFIN The Cure, puis Justice. J'avais déjà douloureusement renoncé à Amadou et Mariam la veille pour cause de coût trop important des deux jours, je ne voulais pas passer à côté de cette occasion. Zou!
Dernière répétition à 13h, achèvement in extremis du costume de danse fait maison dans l'après- midi puis décollage avec les sacs appropriés aux deux sorties. Bonne ambiance entre filles dans les loges, partage, entre- aide. A la montée sur scène, les contrariétés commencèrent: espace réduit, mauvais placement, fatigue dans les jambes déstabilisant mes mouvements... A la deuxième, je me retrouvai sans place claire, les consignes des entraînements bouleversées. Je me glissai derrière la prof... et derrière le rideau. Je ne me trompai pas dans la chorégraphie, celles de devant OUI! Tant pis pour la prof qui à force de vouloir faire à sa façon selon ses pulsions du moment a provoqué des confusions et donc des erreurs dans la troupe. Troisième danse: toujours pas de place, celles de devant se trompèrent encore, les plus assurées étaient en arrière ou dans les rideaux. Mon garçon assura que c'était beau, que j'avais si bien dansé , que les erreurs n'avaient pas été visibles, ma foi, c'est le plus important( sauf: « Maman, tu es trop maigre! On voit tes côtes quand tu danses! Il faut que tu manges plus et plus mal pour grossir un peu! »). Mes amis arrivés trop tard ne virent que la troisième... Bien que fâchée et contrariée, je conclus en affirmant haut et fort que j'étais venue pour mes camarades, pour danser et partager ces instants avec elles . Je ne suis pas certaine de revenir l'année suivante; tant qu'à faire, autant danser ailleurs dans de bonnes conditions !
A la pause- repas, je me changeai vite fait et sautai dans la voiture sous les encouragements de mes camarades et amis. Longue route et pluie battante pour arriver aux site des Eurockéennes. Mon macaron ne permit plus de stationner près de l'entrée, je me retrouvai plus loin avec une navette réduite. Rapide passage aux toilettes standard pour soulager ma vessie capricieuse puis attente du mini bus. Vaillamment, je me dirigeai vers l'entrée réservée aux personnes du staff et en handicap avec ma carte d'invalidité et mon billet. J'étais fière, j'avais réussi à arriver 45 minutes avant le début des concerts désirés et j'avais donc le temps de m'organiser. Un contrôleur me bloqua à l'entrée et refusa de prendre mon billet:
- Nous avons une alerte rouge aux orages. Pour votre sécurité, je vous invite à rejoindre votre véhicule.
- Ah bon? C'est annulé ?
- Non pas encore, nous attendons les décisions et les consignes.
- Je ne peux pas retourner si facilement à mon véhicule, est- ce que je peux me mettre quelque part à l'abri et attendre?
- Allez voir à l'accueil là dedans.
Je m'y rendis tranquillement, avec ma carte en justificatif et expliquai ma situation. Ces dames, un peu contrariées, me prêtèrent une chaise dans un coin. Je m'installai, écoutai la pluie s'abattre sur la toile et patientai en grignotant mes haricots noirs au chou du bout des doigts. L'attente dura DEUX heures. Personne ne répondait à mes questions et je restai là comme une potiche à méditer et regarder le monde alentour: papotage, grignotage, rigolade de ces dames, agitation de ceux en quête d'abri, allers- et- venues de quelques uns questionnant et racontant ce qu'il se passait sur le site. J'entendis la fille d'une des hôtesses dire qu'ils démontaient la grande scène... Finalement, alors que personne ne m'entendait et donc ne me répondait, je retournai vers l'entrée. Un gars de la sécurité me stoppa et confirma l'annulation des concerts ainsi que l'évacuation du site. Avec le flot des personnes quittant les lieux, je le crus et repartis dépitée, déçue. A la navette pour le parking P12, foule de valides. J'attendis la deuxième, dans l'agitation et la bousculade de quelques jeunes alcoolisés. Discussions avec une mère et sa fille qui n'avaient rien vu de la soirée en raison des orages, d'une jeune femme d'encadrement. Elles aussi avaient eu pour information que les concerts étaient annulés et le site évacué... Après de longues minutes d'attente, j'entendis une chanson de Cure au loin « Tiens, c'est bizarre. Ils ont annulé, qu'est ce qu'ils font? Ils passent de la musique en attente?». Je rejoignis ma voiture et repris la route vers la maison. En écoutant la radio évoquant les Eurockéennes, je grinçais des dents aux mentions de Cure et Justice, concerts événements. Je songeais également aux démarches à effectuer pour réclamer le remboursement du billet, à minima ou du moins une compensation équivalente (le concert de Cure et ce qu'il représentait pour moi étant de toute façon irrémédiablement perdus). Il y avait dans cet épisode un truc qui me gênait grandement et je n'envisageai pas le refus.
A mon arrivée, fiston fut bouche bée... et déçu croyant que j'allais lever son autorisation d'ordinateur jusqu'à 4h du matin. Je n'en fis rien et demandai simplement à voir le site des Eurockéennes et leur page Facebook titillée par les circonstances de mon refus d'entrée: sur le site, rien, sur Facebook, de merveilleux messages à propos du concert de Cure maintenu après l'orage avec une heure de retard!!!!! Mon sang n'a fait qu'un tour! Consternée, fâchée, furieuse, épuisée aussi, j'écrivis carrément à la direction en demandant des explications et le remboursement de mon billet à minima. Non mais! Ce matin, je lus en plus les louanges sur le concert de Justice et écrivis un deuxième courriel à l'adresse générale des Eurockéennes plus précis sur les circonstances de mon refus d'entrée et mes intentions de contacter les associations de défense des droits des consommateurs, des personnes en situation de handicap voire de lutte contre les discriminations en cas de non considération de ma demande. Dans la foulée, je publiai la copie de ma lettre sur la page Facebook des Eurock au milieu des tralala élogieux des commentaires . Ajoutez y cet article et vous aurez une idée de ce que je commence. Car oui, je ne vais pas en rester là! Parce que j'ai été lésée comme nombreux autres, parce que cette situation est intolérable et injuste, parce que je ne veux pas laisser cet épisode sous silence! J'ai vanté les mérites de la prise en charge des personnes en situation de handicap par les Eurockéennes habituellement efficace et cohérente à la radio, à la télévision, dans la presse, ici, je ne vois pas pourquoi je me tairai de soulever le gros couac de ce samedi! Qu'adviendrait- il en cas de catastrophes plus importantes? NON NON NON! De cette expérience, nous avons tous à tirer une leçon. Si la mienne est de ne pas me taire et de témoigner de ce qui est habituellement tu, je ne me gêne pas pour agir à mon niveau. Qu'ils en tirent leurs leçons et y réfléchissent à plusieurs pour remédier à l'éventualité d'un imprévu!
Affaire à suivre...
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Par fée des agrumes le 28 Juin 2012 à 11:30
En 2008, le médecin du travail ne voulut pas que je reprisse le travail; j'insistai, il céda à condition que mon poste soit aménagé et que je me mette en arrêt dès que je suis fatiguée ( j'ai dit d'accord avec l'avantage qu'il ne me connaissait pas) . Le rapport de l'ergonome était formidable, avec un tel poste et quelques recommandations type toilettes à portée, accompagnement et accessibilité des lieux, travail à mini- temps, j'avais de quoi soutenir ma passion du métier.
Rapidement, la réalité a fait son tri:
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L'aménagement est minimum avec des contraintes régulières et limitatrices du fait de la bureaucratie. Je ne compte pas par exemple les réunions ratées en raison des dysfonctionnements de la prise en charge concrète du handicap et c'est un fait, sans mes récupérations physiques, je n'aurais pas tenu très longtemps.
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Ma situation matérielle et financière est précaire, à revenu restreint du fait de mon mini- temps ce qui est d'autant plus rageant que mes possibilités d'évolution professionnelle sont proches de zéro dans cette branche. Du fait des handicaps et de la maladie, les portes se ferment sous couvert d'une hypocrisie d’État ( J'en parlerai ultérieurement, cela mérite d'être détaillé et démontré).
De fait, constamment, quand une opportunité se présente, j'y vais. Je remercie surtout la vie de m'avoir dotée heureusement d'une volonté forte car grâce à ce don du ciel, je me joue des limites officielles et les dépasse.
D'abord, je profite de toute formation intéressante et cohérente à mon parcours. Je file parfois à 150 km galérant ardemment pour résister aux réveils très matinaux, aux transports laborieux et épuisants voiture- train- pieds entre vessie et jambes récalcitrantes, des journées de 12h avec les transports, un corps incapable de rester longtemps assis ou debout. Bien sûr, certaines m'échappent parce que je ne m'en sens ni la force, ni l'envie; une longueur supplémentaire en bus ou à pied, des horaires encore plus matinaux ou une succession de plusieurs journées trop pénibles pour mon corps éprouvé sont physiquement rédhibitoires. Tant pis... ou tant mieux car je fais mes choix dans le respect de ce que je suis maintenant.
Je saute également sur toute intervention supplémentaire proposée afin de gagner en expérience et d'arranger les finances. Ainsi, ce mois- ci, je suis intervenue dans un lycée à une vingtaine de kilomètres de chez moi pour préparer des inscrits Pôle Emploi à une entrée en formation qualifiante, remise à niveau pré- qualifiante si vous préférez. C'est cet épisode que je viens vous raconter aujourd'hui, en témoignage d'une réalité en handicap.
J'avais expliqué d'emblée à la coordinatrice mes besoins d'aménagement:
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Pour le transport, je n'insistai pas grandement devant la complexité de la démarche et décidai derechef de prendre le risque d'y aller par mes propres moyens. Seulement, ma vieille voiture lâcha à la deuxième session et je finis par organiser le transport en taxi en une heure, dans l'urgence grâce à un concours de circonstances heureux et ma finesse d'approche, toujours l'air de rien, bille en tête. Ouf!
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Je n'évoquai pas la question des escaliers. Ce n'était pas aisé mais je me suis débrouillée pour les monter/ descendre avec mon panier, mon chariot à roulette ou mes bras chargés. C'est un défi que j'ai relevé avec détermination et j'en suis fière.
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Celui sur la difficulté d'intervenir le matin fut entendue et mise à part une où je suis arrivée avec 40 minutes de retard - forcément- les après- midi m'ont été accordées.
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J'ai répété le besoin d'un accès à des toilettes, une simple clé eut suffi à régler l'affaire mais rien ne se fit. Alors, je tournai à plusieurs reprises retenant des mains, laborieusement quelque impériosité à la recherche d'une bonne âme pour ouvrir la porte des plus proches. Les latrines des élèves sont plus éloignées et je ne m'y risquais pas craignant les infections. Armées de protections renforcées, j'avais même un pot dans mon sac en cas extrême pour me soulager discrètement dans un coin, à l'abri des regards envisageant de jeter son contenu dans la verdure par la fenêtre ( façon XVIIe siècle) . Cela fonctionna cahin-caha sur les 4 premières séances avec chance. A la cinquième, je finis dans les toilettes des élèves sans fuite, in extremis et constatai leur état pitoyable: pas de lunette sur la cuvette, du rare papier, de l'eau froide, pas de savon, un séchoir à main soufflant froid, pas très propres et mal- odorantes. Celles pour handicapé étaient en état similaire avec seulement une autre cuvette normale dans le local pour les filles, celles pour les garçons étant condamnées pour avoir été dégradées. Merde est de circonstance, permettez- moi.
Alors que je sentais la fatigue d'un mois de juin surchargé et épique, j’oubliais dans la cohue quelques précautions à l'avant dernière séance. En pleine discussion animée et intéressante, je me retrouvai coincée sur ma chaise parmi les stagiaires avec une vessie criant son besoin de se vider. Je tentai de fermer les écoutilles espérant marcher jusqu'aux toilettes ééloignééées des élèves, elle n'en entendit rien. Sous la table, je remontai ma jupe, je serrai les fesses, je gesticulai de temps en temps et le liquide commença à m'échapper. Je me levai rapidement dans l'idée de préserver au moins ma jupe, les chaussures ayant déjà navigué en telles eaux si souvent que je m'en souciai moins. Catastrophe! Glissement sur les jambes en premier, jet en second, les odeurs... Je ne sais toujours pas comment je me suis débrouillée mais les stagiaires n'ont rien vu. Je sortis mes mouchoirs, m'essuyai, ramassai le plus gros par terre et réussis à partir aux toilettes des élèves, seules accessibles. Change, vidange approfondie, rinçage de la jupe, lavage laborieux à l'eau froide et sans savon, essai infructueux de séchage au sèche- mains à air froid. Je n'étais que dans le feu de l'action parce qu'un stagiaire m’attendait pour des questions précises et là était ma priorité vu que la séance était près de se terminer. Je remontai l'air de rien et les dernières minutes se conclurent normalement. A la remontée en voiture- taxi, je m'inquiétai de ne pas humidifier le siège, de ne pas sentir trop mauvais. A peine rentrée, je jetai mes affaires et filai me laver, me changer, soulagée d'en finir.
En action et à posteriori, quelques idées vagues me trottèrent en tête notamment sur cette réalité: qui véritablement en plus grande difficulté que moi pourrait venir étudier ou travailler en ces lieux? Il est vrai que les aménagements s'affichent, se généralisent suite à la loi de 2005 mais concrètement, force est de constater que c'est de la foutaise parce qu'en dehors d'eux, obligatoires et visibles, le reste de la société ne suit pas sur le plan matériel ou organisationnel. Régulièrement, j'entends des remarques du type: c'est compliqué, impossible à mettre en œuvre, pas très utile ou justifié, plus rarement les handicapés sont agressifs avec leurs revendications excessives ( pour les raisons pré- citées)... en gros, les handicapés nous emmerdent. Et si finalement ce qu'ils soulèvent concernait tout un chacun? Est-il simplement humainement acceptable que dans un établissement scolaire public en France, les toilettes, nécessité absolue et fondamentale soient dans cet état? Est- il acceptable qu'à travers le monde, près de sa petite maison ou à l'autre bout de la planète, tant d'humains n'aient pas accès à des latrines? Après tout, les personnes confrontés au handicap sont le reflet de la fragilité humaine, est- ce en cela qu'elles dérangent parce que justement, c'est ce que l'illusion de pouvoir, de maîtrise, de contrôle voudrait nous faire oublier?
Et bien, à tous les bien- pensants à bonne moralité appelant à l'égalité des chances et autres fumisteries du genre, tant que ce type de situation persistrera, sachez que je ne me gênerai pas pour les dénoncer. Personne individuellement n'est tout à fait responsable, chacun contribue cependant à pérenniser des situations écœurantes et inhumaines, les plus grands donneurs de leçon tel que l’État étant loin d'être exemplaires. Je refuse le silence et l'indifférence alors, je fais ma part. Mes actes quotidiens sont politiques non en écho aux chants joyeux de l'individualisme forcené actuels mais bien parce que j'ai le sens du collectif. Ce blog n'est qu'un maigre reflet de cet engagement, quelques péripéties passées racontées ici en témoignent, l'aventure rocambolesque quotidienne actuelle mériterait bien des écritures, je suis malheureusement en action constamment et le temps me manque pour écrire. Au moins aujourd'hui, j'aurai ajouté une petite pierre. Puissent les autres suivre prochainement, j'en ai tant à raconter.
A bientôt? …
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Par fée des agrumes le 4 Mai 2012 à 15:30
Dans l'ambiance délétère actuelle, j'ai réagi à vif ailleurs où j'ai avoué:
J'ai un faux travail puisque je n'y travaille pas dur, je suis une assistée profitant du système puisque je touche de la CAF et une pension d'invalidité.
Ceci étant dit, je n'ai qu'à m'en prendre à moi- même:
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J'ai fait des études à quasiment aucun débouché: bac lettres et maths, deug d'histoire de l'art, maîtrise d'histoire, d.u. d'enseignement du français aux étrangers. A mon premier passage à l'ANPE, l'employé me dit directement que mes études ne valaient rien, pas même mon bac ( lui qui tapait à deux doigts sur clavier très lentement), les agences d’intérim me foutaient dehors sans même entendre que j'étais prête à aller bosser à l'usine pour gagner mon pain: « Vous n'avez aucun intérêt pour nous, personne ne vous prendra. ». La seule possibilité était, soit- disant, de réussir un concours. Je les ai ratés, malade à chaque tentative. Autant dire que je n'avais aucun utilité et une bonne dose de mauvaise volonté, non?
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J'ai bossé 3.5 ans comme surveillante en collège et lycées, cumulant en parallèle des cours de français langue étrangère et des cours particuliers afin de m'en sortir financièrement ( j’avais eu la bonne idée de me retrouver mère célibataire; sans soutien, j'avais à trimer pour assurer le quotidien). Ce travail était débile, absurde, je n'ai tenu que parce que j'avais besoin de répondre à nos besoins fondamentaux, ce fut un soulagement de le quitter. Grâce à lui, néanmoins, j'ai compris que je ne peux pas faire quelque chose qui ne me plaît pas ou qui va à l'encontre de mes valeurs. Nouveau critère réduisant ma volonté à travailler dur pour gagner de l'argent sans dépendre des aides sociales. Un zeste de paresse, allez savoir, non?
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Gagner de l'argent ne me motive pas en soi. Je sais qu'il ne protège pas, ni des accidents, ni de la maladie, ni de la mort. Il relève également à mes yeux d'agitation de l'égo. Ainsi, je passe du temps à m'occuper des autres sans financiariser les échanges. Il paraît que c'est à l'image d'une mésestime de soi. Certes. Toujours est- il que l'échange et le partage sont largement possibles en dehors des voies financières. ( Lisez donc quelques uns des livres de Paul Ariès ou Pierre Rabhi par exemple et leur apologie de la gratuité). Ainsi, qu'importe l'origine, la culture, la peau, les revenus, j'accompagne qui se présente à moi. Certains ont des biens et de l'argent à n'en plus savoir quoi faire, et alors? Je traite chacun à l'aune de son humanité quelque soit son statut social, religieux ou culturel. Président du Conseil général ou femme de ménage, c'est du pareil au même. De plus, je refuse de participer tacitement ou par ignorance plus ou moins voulue à tout ce qui pérennise un monde où je ne me reconnais pas ou à une représentation du monde à l'encontre de mes valeurs humanistes. Je n'ai qu'à être moins politique et engagée dans mes actes, non?
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Je ne connais que des petits salaires et/ ou des temps partiels. Élever un enfant seule nécessite du temps et de l'énergie. Travailler pour payer une nourrice ou une gardienne n'avait pas de sens ... et de toute façon, je ne trouvais pas d'emploi à temps plein et/ ou bien rémunéré ( cf. les raisons précitées). Cinq ans en couple avec un radin n'ont pas grandement arrangé ma situation. Quelle drôle d'idée que de me fourvoyer avec un gosse seule! Quelle drôle d'idée que de fréquenter un radin! Non mais, en plus d'être inutile et flemmarde, j'ai véritablement un problème psychologique.
Ah mais, attendez, n'y a t-il pas d'autres angles de vue possibles plutôt que de juger et stigmatiser une personne? Je m'y essaie avec dans la tête des échos de Bourdieu, entre autres.
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En raison de la situation familiale tant sur le plan matériel que psychologique, je ne pouvais pas faire d'autres études, beaucoup étant trop coûteuses et/ ou éloignées, ni de les faire dans de bonnes conditions, ni de les terminer puisque je me suis fait couper les vivres après 4 ans d’université laborieux et brillants, jetée quasiment à la vie- la rue par un père à grand projet personnel fini en ruine et suicide. Dans ce désarroi, je me suis laissée embarquer par un pervers manipulateur qui me détruisit 3 ans. Je me suis enfuie avec mon fils de trois mois in extremis pour me retrouver chez ma mère incapable de surmonter rien que ses propres soucis ( dépression de longue haleine et cancer dévastateur). J'ai pris ce qui se présentait autant que faire se peut luttant avec une énergie qu'aujourd'hui encore je me demande où je l'ai trouvée. Partir de rien et sans soutien autre que son seul et unique petit salaire, ce n'est pas si facile.
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Régulièrement, je m'interroge sur mon évolution professionnelle, je fais constamment des formations, j'ai le nez dans les actualités, les bouquins, les études, j'apprends 4 langues étrangères avec exigence, je lorgne souvent du côté d'une reprise d'études, je me présente à quelques offres, jamais je ne me repose sur mes lauriers. Et depuis 11 ans, je ne bouge pas de mon poste à temps partiel plus ou moins gros. Les derniers remous dans le milieu de la formation continue n'amélioreront pas mon cas puisqu'il est question de nous demander de garder le même salaire et de travailler plus... et là, dîtes- moi, que deviennent les travailleurs handicapés comme moi que la médecine du travail ne voulait pas même laisser travailler? Arrive ce détail de la maladie et du handicap.
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La Sécurité Sociale m'a mise en invalidité 1ère catégorie sous- entendant par là que je suis capable d'occuper un emploi. Parallèlement, la médecine du travail ne voulait pas que je reprisse mon activité d'enseignante. J'ai insisté vaillamment et la condition fut que mon poste fût aménagé. En théorie, il l'est, en pratique, à peine. Je n'en reste pas moins cantonnée à un mini temps partiel et une petite pension vu qu'avant la maladie déjà, j'avais de petits revenus. J'ai postulé pour me faire titulariser par voie contractuelle, belle fumisterie dont je parlerai en son temps, hypocrisie quand tu nous tiens! Dans cette voie, à ce jour, je n'ai donc pas d'alternative. Autant j'aime ce métier humainement et intellectuellement enrichissant, autant je le fais avec passion et engagement, autant je n'y gagne que de quoi être à peine au- dessus du seuil de pauvreté. Sans les aides sociales, je ne peux ni nous loger, ni nous nourrir. Ajoutez la famille monoparentale, l'absence de soutien familial et rien que là, vous avez de quoi en angoisser plus d'un. L'éventualité de changer de voie ou de poste est logiquement un sujet récurrent. Quoi alors?
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Ceux qui suivent mes élucubrations n'apprendront pas grand chose ou y verront un tour rapide, les autres les découvriront, toujours est- il que du fait de la maladie et de mes handicaps, je ne peux pas occuper n'importe quel poste.
Je suis incapable de rester debout ou assise longtemps, j'ai besoin de bouger selon les demandes du corps. Je ne peux pas non plus piétiner, c'est trop usant, mes jambes sont coupées au- delà d'un certain seuil. Mon équilibre est défaillant, je me déplace uniquement avec grande conscience dans les petits espaces, la foule. Une cohue, une bousculade et je vacille rapidement. Rester sur un pied demande un effort de concentration énorme.
J'ai besoin de temps le matin pour démarrer la journée ne serait- ce que pour me remettre des nuits entrecoupées par la vessie capricieuse ou les montées en température transpirantes et mouillantes. Toute la matinée, chacun de nous se vide le corps de ses eaux usées et nous passons plus de temps à uriner que l'après- midi ou en soirée. Chez moi, cela peut prendre des proportion énormes à courir sans cesse aux toilettes.
Je suis extrêmement sensible aux germes du fait de mon terrain et des traitements immunodépresseurs d'où la multiplicité des infections urinaires par exemple. Un simple rhume peut prendre des allures rocambolesques au point de me faire perdre mes forces ou ma conscience.
Je ne peux ni marcher plus de 30- 40 minutes, ni courir, ni monter- descendre incessamment des escaliers, ni soulever de poids, sauter est périlleux ; j'ai besoin de me reposer régulièrement quand le corps le réclame, anarchiquement, aléatoirement, impérieusement sinon, mes jambes deviennent incontrôlables, partent dans tous les sens et j'ai du mal à tenir debout.
J'ai besoin d'avoir accès à des toilettes propres librement, immédiatement, urgemment parfois, besoin également de temps et de place pour me changer en cas d'accident.
Je ne peux pas rester dehors, au soleil, le médicament favorisant le cancer de la peau. Mon corps ne supporte ni les grandes chaleurs, ni les grands froids, il devient faible, lent, amoindri et j'ai plus de mal à trouver l'énergie pour contrôler membres, sphincters et autres trésors.
Quand je suis fatiguée, lentement ou subitement, j'ai besoin de calme, de repos. En tirant sur la corde, non seulement le corps ne répond plus tout à fait mais en prime, j'ai vite les idées confuses et il m'arrive d'avoir du mal à trouver mes mots.
Certaines lumières me sont pénibles et ma vue n'est pas stable selon mon état de fatigue, ma santé.
Je ne peux supporter plus de 3 heures en voiture avec toujours ce besoin de toilettes accessibles ou de mouvoir le corps à sa demande.
La maladie est totalement imprévisible et mon état peut se dégrader à la vitesse grand V en peu de temps
Est-il donc véritablement question de mauvaise volonté, de paresse ou de mentalité d'assisté?
Je vous le dis, tout n'est qu'une question d’ensorcellement. Celui basé sur le profit, la rentabilité, l'utilité, le labeur, la compétition, la réussite du meilleur ( ou du mieux né surtout), socio- culturellement typé qui nous est vanté à tour de bras actuellement n'est pas le mien. Je n'y ai pas de place et je n'en veux pas. Voilà pourquoi j'ai un faux travail et que je suis assistée au filtre de cet ensorcellement. Par contre, pour un monde plus humain, solidaire, coopératif où chacun a sa place parce que sa valeur est reconnue et complémentaire de celle d'autres, où il n'est pas question de rentabilité, de vrai travail et d'assistanat sur le dos d'autres prétendument meilleurs parce que possesseurs de biens, d'argent, de pouvoir, j'ai et je prends toute ma place. Même dans ce boulot à la con de surveillant, j'ai mis de l'humanité. J'écoutais les élèves, je ramassais les déprimés, les malheureux, je remontais le moral des fatigués et des découragés. J'en ai récupéré plus d'un en déviance, en danger. Et je l'avoue, je n'obéissais pas aveuglément aux consignes et ordres de la hiérarchie. Aux cours particuliers, j'écoutais les parents et leur tourments, pareillement aux cours de FLE avec mes élèves dont je ne comprenais pas forcément la langue. Simplement être là, présente, entendre les émotions et les remous de l'âme.
Évidemment, en tant que formatrice pour adultes, même topo. Et un cours de relaxation par ici, un peu de gymnastique par là avec les groupes stressés par l'approche des examens, écoute des souffrances d'êtres enfermés, insatisfaits, frustrés, perdus, isolés, malheureux, déprimés dans leur charabia mélangé, leur langue que je ne comprends pas du tout ou partiellement ou en français clair et pertinent, soutien à ces femmes venues d'ailleurs ou pas aux maris riches ou pas au mieux maladroits, au pire maltraitants. Absolument pas rentable, ni mesurable, quantifiable, ô combien cependant utile à la société! Je ne saurais dire combien se sont retrouvés, reconstruits, mis au clair et ont retrouvés ainsi la force de reprendre des études, réussir une formation, un concours, retrouver un emploi, devenir autonome, indépendant. Je ne dis pas que c'est grâce à moi, j'ai simplement accompagné leur cheminement et dis NON au dénigrement et au rabaissement de soi.
Depuis que je suis malade et handicapée, je mets mon expérience et mon vécu au service d'autrui en témoignant, accompagnant, en vivant ma vie pleinement, en agissant quotidiennement, démontrant ainsi que la vie est riche, belle et pleine de possibilités. Ma vie est un engagement, un acte politique permanent, une revendication concrète à d'autres représentations du monde ( et je ne vous ajoute pas ici mes choix de consommation, mes activités extra- professionnelles, mon engagement à la bienveillance en tout lieu).
En cultivant les peurs, cloisonnant, divisant, stigmatisant, caricaturant, nous délitons ce lien fondamental dont l'humain a autant besoin que de manger, boire, dormir. Nous n'avons aucun avenir dans la division, notre espèce n'aurait pas tenu deux générations sans solidarité, coopération, j'en suis persuadée. Pour conclure mon bla- bla, je terminerai sur les paroles d'un homme qui a su lui dire en peu de mots, efficacement ce que j'ai si longuement étalé:
Nous devons apprendre à vivre ensemble comme de frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots.
Martin Luther King.
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Par fée des agrumes le 10 Décembre 2011 à 11:00
Je suis débordée par la vie, entre des soucis divers et les activités. L'ordi m'est peu disponible, nous avons eu également de tels problèmes qu'un formatage a été nécessaire; fiston s'occupe de bidouiller du mieux qu'il peut et cela demande beaucoup de temps. Bref, autant dire que je n'ai pas tellement de possibilités d'écrire des articles.
Aussi, pour réactiver un peu, je me contenterai aujourd'hui de vous mettre un autre lien pour le document évoqué précédemment, accessible celui- là. Je vous le recommande vivement:
http://mega-streaming.info/video/HBDG8OA5KKX3/Quand-l8217esprit-gu%C3%A9rit-le-corps
A bientôt pour d'autres péripéties qui ne manquent pas...
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Par fée des agrumes le 19 Octobre 2011 à 18:30
Suite à un commentaire laissé par Gina sur l’article précédent, je rebondis. Comme elle soulignait les prix pratiqués par la Sncf, je réalisai le lien qui s’était opéré en ma caboche à propos de l’accessibilité des voyages.
Les longs trajets en voiture seule soulèvent des contraintes certaines à mon corps, mon périple de quatre heures a montré des limites. Fervente du covoiturage, je m’étais inscrite benoitement sur un site de mise en lien pour expédition partagée, en vain. Parce qu’ils vont de grande ville en grande ville ou sur des trajets quotidiens à horaires fixes, je ne rentre pas dans les clous. Je suis donc inévitablement tributaire du train en cas d’envie de voyage au- delà de trois heures de route, dès lors, aussi du bon vouloir question tarif. C’est d’ailleurs du sport de haut vol que d’y accéder au regard de mes revenus riquiqui, question de circonstances, d’opportunité et de choix.
Dans ce contexte, je tiens particulièrement à ajouter que la Sncf ne propose pas de réduction aux personnes handicapées, elles paient plein pot à moins de passer par les cartes et autres propositions commerciales comme tout à chacun selon les âges. Le seul avantage est un tarif moitié prix pour un accompagnant... s’il existe. Mon expérience aux Eurockéennes de Belfort appuie l’affirmation que je n’ai rien contre le fait de payer plein tarif si la prise en charge est pensée et effective ; je me fâche par contre quand le confort n’est proposé qu’avec un supplément (incitation à l’achat de billet en première dans les trains) ou un billet max avec des services inadaptés voire inexistants. En plus, la majorité des personnes handicapées vivent chichement, laborieusement sur le plan matériel du fait de leurs difficultés ou incapacités à occuper un emploi. La question n’est pas à usage égocentrique et revendicatif pour mon compte mais bien en général. Qu’en est- il du mal ou non- voyant ? D’une personne en fauteuil ? D’un sourd ? Et d’autres qui n’ont pas la possibilité, comme moi de tenter l’expérience vaille que vaille. J’ai la chance d’être mobile et d’arriver à gérer bravement mes handicaps et limites, qu’en est –il de tant d’autres ? Combien renoncent aux visites et voyages pour cause de circonstances inadaptées ou d’impossibilité à être accompagné ?
Je pense aussi aux personnes âgées, femmes avec jeunes enfants, blessés ou malades temporaires. Pourquoi, véritablement et humainement, n’est- il pas possible de donner place à chacun, quel qu’il soit ?
A mes yeux, dans une authentique société humaine, il y a de la place pour tous. Vivre, ce n’est pas uniquement se nourrir, se loger, se chauffer, gagner de l’argent, c’est aussi avoir une vie sociale, des expériences ailleurs, de la culture, de la découverte. Alors oui, vraiment, je m’interroge sur les valeurs de notre société, concrètement. Pensée et vision limitées engendrent vie limitée. Ainsi, je m’indigne de la limitation de tant d’esprits bien-pensants qui l’air de rien imposent la limite à d’autres; en aucune façon, au quotidien, dans mes choix de vie, je ne leur donne mon accord tacite et je fais ma part aussi infime soit- elle ne serait – ce qu’en pointant le doigt sur ce qui me chiffonne et m’interroge.
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Par fée des agrumes le 9 Octobre 2011 à 17:00
Contrairement aux discours habituels, les vacances sont en général pour moi éprouvantes. Au quotidien, les activités, le travail, l’école me facilitent la régulation d’énergie parce que je prends soin de la répartir selon mes besoins alors que pendant les vacances, à la maison, avec le fiston en prime, je n’ai pas de limite ; je suis donc souvent loin dans mes retranchements. Ainsi, cet été, j’ai bougé dans la maison avec ces travaux et à postériori, j’en paie quelque prix. Heureusement des pauses ailleurs, loin des contraintes domestiques m’ont permis de vivre d’autres expériences moins tendues.
En juillet d’abord, je rejoignis mon amie Sandrine des Vosges toute seule parce que fiston refusait de décoller de l’ordinateur ; en plus, ces 5 jours de séparation furent plus que bienvenus, j’avais grand besoin d’air supportant difficilement ses aigreur et amertume.
Après trois ans, c’était une joie de la revoir surtout que des changements s’opéraient dans nos vies, nous avions de quoi se raconter. Le contact physique et le partage du quotidien permirent également de mesurer mutuellement les progrès et la remontée du trou, ce fut donc un séjour très particulier. Evidemment, j’ai remué ce petit monde de mon tempérament, évoquant mes péripéties et mes expériences, accompagnant dans la perception des événements en chacun ; j’ai initié l’apprentissage de la couture ouvrant la marche d’une machine restée inactive depuis son achat. Sortie déjà à une précédente visite, je n’avais rien pu faire, ma vue étant trop mauvaise en ce temps. En l’occurrence, le déplacement en voiture jusque chez eux fut en soi un magnifique pied de nez aux aléas passés.
Depuis 2006, il m’avait été impossible de prendre la voiture seule, pour la rejoindre, sur un coup de tête comme j’en avais l’habitude avant la maladie. Pourtant, j’en eus envie à plusieurs reprises la sachant en mauvaise posture. Cette année, je m’en sentis capable et en deux, trois coups de fil, ce fut décidé, je partis donc avec ma vieille automobile.
Mon garagiste avait assuré que je n’avais rien à craindre, et effectivement, à l’encontre de mes appréhensions, elle ne me joua aucun tour. Par ailleurs, j’ai tenu près de trois heures assise sans vessie capricieuse ou douleur. Un arrêt bien compté alors que je me croyais presque arrivée ne posa pas de souci et je repartis heureuse de ces facilités. Cependant, un camion cachant le panneau, l’absence de carte et un plan de route foireux me perdirent une heure dans Nancy et sa banlieue. Je demandai de l’aide par téléphone à mon garçon qui finit par se fâcher : ce que lui montrait Internet ne correspondait pas à ce que je voyais.
- Alors maintenant, à ta droite, après la rue machin, il y a un pont, tu prends le pont.
- Il n’y a pas de pont
- Normalement, il y a un pont là !!
- Puisque je te dis qu’il n’y en a pas !!
- Bon, prends la rue en face au rond- point.
- Il n’y a pas de rue, c’est un portail fermé d’usine.
- Oh, mais tu ne peux pas arrêter de bouger !
- Je suis sur la route, je ne peux pas m’arrêter en plein milieu.
Je tournai en rond puis le tout finit en eau de boudin. Heureusement, je pus enfin joindre mes amis inaccessibles au début de mon errance et obtenir les bonnes direction et sortie d’autoroute (maintenant, je sais).
Quatre heures de route à l’aller en montagne, voies rapides, autoroutes, petits chemins, le tout sans souffrir, c’est bon signe. Plus simple puisque sans erreur, le retour se fit sans encombre, en trois heures couronnant une belle réussite à mes yeux. Après des années d’enfermement, je suis toute à la joie de retrouver ces perspectives d’aventures en expédition subites et / ou improvisées dont je suis friande.
Cette pérpétie contribua à ma réflexion quant à notre voyage jusqu’à Annie : train ou voiture ? Dans un premier temps, j’avais envisagé la voiture avec une tente dans le coffre, sur plusieurs jours, tranquillement profitant des circonstances et trajets pour rendre quelques visites aux alentours des étapes ou visiter quelques villes et lieux particuliers. Dans l’absolu, je m’y voyais assez bien puis je songeai à quelques points purement logistiques : nourrir mon garçon ado, dormir sur le sol, trouver des petits coins propices à mes soucis physiques, conduire seule pendant plusieurs heures avec un ado imprévisible en humeurs, remplir le réservoir, rouler en des routes inconnues. Finalement, je réalisai que je n’avais aucune envie de prendre toutes ces responsabilités sur mes épaules, ni de me compliquer la vie surtout que les heures assise dans la voiture ne sont pas une sinécure. J’optai donc pour le train.
Fin août, ce fut le voyage à la rencontre d’Annie espéré depuis des années. La réservation se fit au guichet car sur le site, la case pour accompagnateur de personne handicapée n’existe pas et au téléphone, je me méfie (lors d’un voyage précédent, des places en première me furent refilées et je n’avais eu aucune information sur les services d’aide aux personnes handicapées). Cette fois- ci, je ne fis pas appel à ces services, j’estimais être capable, avec l’aide de fiston, de mener à bien cette expédition.
Alors que le départ depuis notre ville nous avait été fortement déconseillé en raison des seules neuf minutes de correspondance, le premier train eut vingt minutes de retard. Heureusement, cela fut sans conséquence et ma pauvre maman stressée par un fiston inévitablement pas prêt à l’heure de partir s’en était fait pour rien. (Au retour, ce fut une heure de retard et le train jusque chez nous prétendument accessible eût été impossible. Quel cirque!). Bien qu’ayant regardé auparavant ce qu’elles valaient, je n’avais pas de valise à roulettes et retrouvai mon sac à dos bien pratique quand il s’agit de déambuler dans les couloirs, sur les quais. Fiston portait son propre sac à bricoles ainsi que le sac isotherme de nourriture. Il joua le petit homme fier à bras en se chargeant de monter et descendre les volumineux sacs sur les porte- bagages, gardant toutefois ceux qui contenaient de la nourriture près de lui.
Les secousses, vibrations et tremblements du train chatouillent ma vessie capricieuse, c’est un fait ; inévitablement, je trottinais constamment aux toilettes, trop heureuse de ne pas me retrouver coincée lors de longues correspondances dans les gares aux toilettes payantes, mal entretenues et dégoûtantes parfois. Si, à priori, ma tenue jupette surprend pour un long voyage, je ne vois franchement rien de mieux dans mon cas : facile à lever et descendre, fuites quasi invisibles, très pratique pour se soulager discrètement en cas d’urgence sans issue, nul besoin de transporter un fatras pour se changer en cas de souci ; nos aïeules n’étaient pas folles avec leurs longues jupes et culottes fendues. A grande vitesse, le mouvement du train accentue les décrochages de mon équilibre aléatoire, je me concentrais donc intensément pour accéder aux toilettes d’abord, puis pour utiliser ces petites cabines à siège douteux surtout quand l’urgence se manifeste. Quoi qu’il en soit, j’ai toujours mes traitements réparateurs d’infection post utilisation de wc publics récurrente, le souvenir d’un oubli aux conséquences empoissonnées m’a marquée définitivement.
Mon choix d’éviter Paris et ses changements éprouvants de gare se révéla particulièrement judicieux, les voyages en furent agréables d’autant que nous n’avions même pas à changer de quai lors des correspondances. A l’aller, nous n’étions pas ensemble, l’un devant l’autre et ce fut tant mieux car supporter mon garçon collé à sa console m’ennuie et m’exaspère. Du coup, il tint conversation avec sa voisine d’une façon tout à fait agréable et je fus ravie de son attitude empathique et respectueuse; mes expériences quotidiennes portent leurs fruits chez lui aussi, ouf ! Quant à moi, j’étais avec un tout jeune cuisinier. Des références de jeux virtuels ouvrirent la voie avec fiston mais comme c’était son frère le fana, cela ne dura pas longtemps ; alors que je songeais lire dans mon coin, il entama la conversation.
Passionné par son métier, il était entouré de personnes indifférentes à la cuisine et s’enflamma de partager son intérêt avec une curieuse expérimentatrice comme moi. Quelques heures plus tard, c’est à regret qu’il nous vit descendre à Poitiers, l’empathie que je lui avais donnée illuminait son voyage. Il fut ravi d’échanger des liens Internet pour garder contact ensuite, il lança une invitation à lui rendre visite près de Bordeaux promettant de nous concocter des plats. Mon garçon répéta son étonnement devant ma capacité à créer des liens en n’importe quelle circonstance.
Pour finir, j’ajoute que chaque expédition apporte son lot d’expériences et de questionnements quant à l’accessibilité du voyage. A plusieurs reprises, confrontée à certaines situations, je me répétais qu’un jour, je ferai le coup à la Sncf de venir en fauteuil roulant histoire de voir comment ils se débrouillent, ce qu’ils offrent véritablement en terme de services. D’ailleurs, l’un des retards eut pour excuse la prise en charge problématique d’une personne en fauteuil ; à mon avis, il y a là un truc à tenter pour parler en connaissance de cause. Si la loi de 2005 sur le handicap oblige à des modifications notoires, je m’interroge simplement sur les aménagements annexes type toilettes adaptées (et propres !!), confort des emplacements proposés pour des corps récalcitrants ou de la fatigabilité, considérations des besoins de la personne afin qu’elle puisse gérer tranquillement ses contraintes. Bien sûr, chez moi, les handicaps sont invisibles, ils n’en restent pas moins une réalité et je ne me satisfais nullement d’une solution type voyage en première. Dans ma caboche, j’entends une voix s’exclamer : « Mais on ne peut donc pas tenir compte de tous les handicaps et leurs subtilités annexes, c’est trop compliqué ! »… et une autre rétorquant : «Il ne s’agit que de comprendre la nécessité de s’adapter au gré des circonstances, d’intégrer cette adaptation dans les mentalités car tous nous sommes confrontés à un moment ou à un autre à des limites physiques. » Ce n’est pas si compliqué car naturellement il y a toujours quelqu’un prêt à répondre à une demande d’aide, curieux parfois quand le handicap n’est pas visible. Également résonne encore dans mes souvenirs la voix de cette enseignante de l’école d’infirmiers expliquant que dans d’autres pays, personne ne se pose de question, la place du handicap est intégrée au quotidien et chacun respecte sans s’interroger. Légiférer est- ce véritablement la seule solution ? N’y aurait- il pas autant à sensibiliser, éduquer ? Combien de questions ne se poseraient pas si les personnes handicapées étaient véritablement intégrées dans la vie sociale et professionnelle? Dans toutes ces petites choses, se reflètent nos choix de société. L’individualisme forcené avec bénéfice aux plus méritants est- il véritablement ce à quoi aspire l’humain? Après tout, mes petites victoires sont certes vivifiantes mais parce qu’elles sont en conclusion d’une lutte, elles parlent aussi de la violence de notre société.
Je ne m'y soumets pas et continue mon petit bonhomme de chemin, tranquillement, opiniatrement..
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Par fée des agrumes le 18 Août 2011 à 23:00
Logiquement après l’article précédent, m’est apparue l’idée de relater mes questionnements vis- à- vis du gluten.
D’après le Grand Robert de la langue française, il se définit comme matière visqueuse de nature protidique qui subsiste après l’élimination de l’amidon des farines de céréales. Son taux est très important dans le blé largement consommé à travers le monde. Si mes souvenirs sont bons, cette céréale a été découverte au Proche- orient il y a des milliers d’années et est cultivée par l’homme depuis le néolithique. Consommé en grains, gruau, semoule, farine d’où pâtes, galettes et pains, il est à la base de l’alimentation de beaucoup d’humains. Ma mère est emblématique d’une certaine tradition puisque pour elle, il est carrément impossible d’envisager l’absence du pain à la maison, purement et simplement. « Long comme un jour sans pain » dit l’adage. Adapté, transformé aux différents climats, le blé a évolué au gré des expériences humaines, au fil des siècles. Aujourd’hui, c’est le froment, élément blanc du grain, dénué de son enveloppe (et de tout nutriment et fibre du coup) qui donne les farines blanches majoritairement utilisées.
Du fait de sa structure, le gluten permet une élasticité dans les pâtes s’il est travaillé d’où son importance dans de nombreuses préparations. Je prends pour exemple, la pâte filo : ma voisine turque la fabrique elle- même avec une dextérité que je lui envie. Si la recette de base est extrêmement simple (farine, eau, sel), l’étalement en une fine couche avec un rouleau type manche à balai n’est pas évident du tout. Je m’y suis essayée souvent pestant de mon incapacité à ne faire rien d’autre que de la dentelle. J’ai tenté l’expérience à la maison avec d’autres farines mais mes complètes et autres céréales ne donnent pas l’élasticité nécessaire ce qui entrave d’autant plus ma réussite. Tant pis, j’ai besoin de temps, encore et encore.
La prépondérance du blé est une évidence et pourtant, il est jugé (avec le lait de vache) responsable de bien des maux dans des médecines alternatives. Si l’allergie au gluten est rare et facilement, rapidement repérable, beaucoup d’entre nous seraient intolérants au gluten sans le savoir ; au fur à mesure, insidieusement, sa consommation engendrerait des maladies fort disparates et variées (physiques et mentales) du fait de sa toxicité sur le système digestif particulièrement.
La maladie chronique en particulier conduit à s’interroger sur les raisons de sa présence et les moyens de se préserver au quotidien. Si je suis persuadée, sans aucune preuve ou donnée scientifique, que Devic est dû à des pollutions chroniques liées à l’environnement en général, je me suis forcément grandement questionnée sur l’alimentation. Certes, bien avant la maladie, j’avais consulté une diététicienne pour des fortes rondeurs aux hanches sur un corps tout maigre passant ainsi de la taille pantalon 46 à presque 38 (Lise Bourbeau donne d’autres explication qu’alimentaire sur les types physiques, j’en reparlerai à l’occasion), mon régime alimentaire en avait été grandement modifié et je me suis notamment désintoxiquée définitivement du sucre (une drogue majoritairement ignorée !!). Je tâtonnai donc déjà dans ce domaine quand survint la maladie. L’apprenant grave et chronique, je me suis révoltée en criant intérieurement que décidément, mes efforts de vie saine étaient vains, me demandant également si cette démarche alimentaire n’avait pas contribué à l’arrivée de Devic. Puis, j’ai farfouillé de ci de là, découvert Kousmine et Seignalet, côtoyé naturopathes et micro- nutritionniste, abordé la question avec les neurologues, j’en parle régulièrement avec mon médecin traitant et évidement j’expérimente (ces dernières apparaissent en pointillé au gré des circonstances et je reparlerai de certaines en particulier). La médecine allopathique est en général méfiante voire réfractaire à ces pistes alternatives arguant qu’aucune étude scientifique réelle n’existe, qu’il n’y aucune preuve de leur efficacité, je n’y ai pas trouvé de réponse à mes questionnements. Sur la toile, les débats sont virulents, entre des défenseurs de ces méthodes à la limite sectaires et des détracteurs radicaux, j’ai beaucoup de difficultés à y trouver des réponses objectives, posées. Autant dire que la question est entière, le flou, le doute, l’incertitude constamment présents.
Je n’ai pas envie de me lancer dans des explications techniques faciles à trouver sur la toile, qui s’en souciera cherchera et j’avoue être très dubitative cependant, dans le doute et l’incertitude, je tâche quotidiennement de diminuer ma consommation de gluten. Je n’y renonce pas radicalement parce que j’ai grand plaisir à manger du pain frais croustillant, des spaghettis, des plats préparés par d’autres ignorant cette question, par exemple, j’en diminue néanmoins grandement la place cherchant et testant des mélanges variables d’où mes expériences sur le pain, les pâtes et galettes précédemment évoquées. Pareillement, j’évite d’en cumuler les sources au quotidien et privilégie les pommes de terre, le millet, le riz, le maïs (lui aussi décrié par ailleurs), les légumineuses, le sarrasin, le petit épeautre, entre autre. J’ai également changé ma pensée sur mon rapport à l’alimentation et dans une dynamique de vie et non plus de mortification, j’ai tourné ma révolte en pensée positive : ma démarche de vie saine contribue fortement à ma récupération, à la stabilisation de mon état et à ma joie de vivre pleinement le temps qui m’est imparti. Elodie, de toute façon me l’avait dit : « Le corps a une mémoire. Si vous l’avez bien traité, il s’en souviendra. ». Alors, hors de toute volonté de contrôle chimérique, je teste, observe, continue mes recherches, mes expériences, je les partage avec qui veut entendre et m’ajuste à ce qui apparait être le mieux pour moi. J’écoute la voix de mon corps, la voie de mon intégrité personnelle, loin de tout dogme, je choisis la voie du milieu.
L’alimentation est loin d’être une question anodine, véritablement.
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Par fée des agrumes le 29 Juillet 2011 à 15:00
A la fin du mois de juin, j’ai participé à une démonstration de Qi Gong lors d’une manifestation locale. Notre toute jeune association a besoin de se faire connaître et comme je suis d’un naturel fidèle et engagé, il me semblait logique d’en être. De ce fait, je me suis retrouvée avec quelques camarades et notre enseignante autour d’une table, dans l’attente de notre démonstration ou afin de profiter de l’après- midi ensoleillée pour se voir en d’autres cadres que celui des cours.
Bla- bla aléatoires et puis, une conversation sur le positionnement de notre prof.
De grandes exigence et intégrité, elle refuse de participer à une vague intéressée de vente de pratiques à la mode telles que le Taï-chi-chuan ou le Qi gong. Son cheminement et celui qu’elle propose est une voie silencieuse, intérieure où l’expérience par le corps, la respiration, la pratique méditative de ces arts martiaux priment en vue de bien- être et d’équilibre. Elle expliquait en particulier sa grande pondération devant des promesses de santé vantées par certains enseignants, en particulier, le profit que tiraient certains devant la détresse de personnes gravement malades, désespérées en quête de solutions que la médecine n’avait pas. Elle- même avait entendu parler de prof. prétendant guérir le cancer, invitant à cesser les traitements allopathiques remplacés par une pratique intensive de Qi Gong thérapeutique. S’en suivit un flot de remarques dénonçant ces pratiques non exclusives aux arts martiaux parmi les interlocuteurs. Le thème récurrent était l’intérêt financier, la cupidité, le profit tiré de la détresse, de la faiblesse, du désespoir des condamnés par la maladie ; un vent de révolte planait au sein des protagonistes. Je saisis un petit blanc dans l’assemblée pour affirmer haut et fort ce que j’avais envie de dire à ce sujet :
« Oui, c’est cruel et inadmissible d’évoquer des miracles possibles aux désespérés mais ce que je trouve le plus inhumain dans ce genre d’histoire c’est la désappropriation de sa mort ! Parce que faire croire constamment à quelqu’un qu’il existe une voie possible, miraculeuse, promettant la guérison alors qu’il n’y a aucune alternative, c’est véritablement spolier cette personne de sa mort ! Et préparer sa mort, cela fait aussi partie de la vie ! »
Mes premiers mots semblèrent inaudibles, suivirent trouble, recul, silence. Je m’en étonnai quelques secondes puis pensai qu’à nouveau, j’avais fait virevolter le sujet vers un point de vue inattendu.
La conversation s’étiola rapidement.
La mort est décidément un tabou dans nos sociétés ; à force de l’occulter parce qu’elle nous angoisse, nous l’avons séparée et distinguée de la vie. Elle n’en reste pas moins une étape importante au même titre que la naissance largement célébrée, elle. Nous avons encore beaucoup à apprendre.
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