• 1er mai.

     

    Dans l'ambiance délétère actuelle, j'ai réagi à vif ailleurs où j'ai avoué:

    J'ai un faux travail puisque je n'y travaille pas dur, je suis une assistée profitant du système puisque je touche de la CAF et une pension d'invalidité.

    Ceci étant dit, je n'ai qu'à m'en prendre à moi- même:

    1. J'ai fait des études à quasiment aucun débouché: bac lettres et maths, deug d'histoire de l'art, maîtrise d'histoire, d.u. d'enseignement du français aux étrangers. A mon premier passage à l'ANPE, l'employé me dit directement que mes études ne valaient rien, pas même mon bac ( lui qui tapait à deux doigts sur clavier très lentement), les agences d’intérim me foutaient dehors sans même entendre que j'étais prête à aller bosser à l'usine pour gagner mon pain: « Vous n'avez aucun intérêt pour nous, personne ne vous prendra. ». La seule possibilité était, soit- disant, de réussir un concours. Je les ai ratés, malade à chaque tentative. Autant dire que je n'avais aucun utilité et une bonne dose de mauvaise volonté, non?

    2. J'ai bossé 3.5 ans comme surveillante en collège et lycées, cumulant en parallèle des cours de français langue étrangère et des cours particuliers afin de m'en sortir financièrement ( j’avais eu la bonne idée de me retrouver mère célibataire; sans soutien, j'avais à trimer pour assurer le quotidien). Ce travail était débile, absurde, je n'ai tenu que parce que j'avais besoin de répondre à nos besoins fondamentaux, ce fut un soulagement de le quitter. Grâce à lui, néanmoins, j'ai compris que je ne peux pas faire quelque chose qui ne me plaît pas ou qui va à l'encontre de mes valeurs. Nouveau critère réduisant ma volonté à travailler dur pour gagner de l'argent sans dépendre des aides sociales. Un zeste de paresse, allez savoir, non?

    3. Gagner de l'argent ne me motive pas en soi. Je sais qu'il ne protège pas, ni des accidents, ni de la maladie, ni de la mort. Il relève également à mes yeux d'agitation de l'égo. Ainsi, je passe du temps à m'occuper des autres sans financiariser les échanges. Il paraît que c'est à l'image d'une mésestime de soi. Certes. Toujours est- il que l'échange et le partage sont largement possibles en dehors des voies financières. ( Lisez donc quelques uns des livres de Paul Ariès ou Pierre Rabhi par exemple et leur apologie de la gratuité). Ainsi, qu'importe l'origine, la culture, la peau, les revenus, j'accompagne qui se présente à moi. Certains ont des biens et de l'argent à n'en plus savoir quoi faire, et alors? Je traite chacun à l'aune de son humanité quelque soit son statut social, religieux ou culturel. Président du Conseil général ou femme de ménage, c'est du pareil au même. De plus, je refuse de participer tacitement ou par ignorance plus ou moins voulue à tout ce qui pérennise un monde où je ne me reconnais pas ou à une représentation du monde à l'encontre de mes valeurs humanistes. Je n'ai qu'à être moins politique et engagée dans mes actes, non?

    4. Je ne connais que des petits salaires et/ ou des temps partiels. Élever un enfant seule nécessite du temps et de l'énergie. Travailler pour payer une nourrice ou une gardienne n'avait pas de sens ... et de toute façon, je ne trouvais pas d'emploi à temps plein et/ ou bien rémunéré ( cf. les raisons précitées). Cinq ans en couple avec un radin n'ont pas grandement arrangé ma situation. Quelle drôle d'idée que de me fourvoyer avec un gosse seule! Quelle drôle d'idée que de fréquenter un radin! Non mais, en plus d'être inutile et flemmarde, j'ai véritablement un problème psychologique.

    Ah mais, attendez, n'y a t-il pas d'autres angles de vue possibles plutôt que de juger et stigmatiser une personne? Je m'y essaie avec dans la tête des échos de Bourdieu, entre autres.

    1. En raison de la situation familiale tant sur le plan matériel que psychologique, je ne pouvais pas faire d'autres études, beaucoup étant trop coûteuses et/ ou éloignées, ni de les faire dans de bonnes conditions, ni de les terminer puisque je me suis fait couper les vivres après 4 ans d’université laborieux et brillants, jetée quasiment à la vie- la rue par un père à grand projet personnel fini en ruine et suicide. Dans ce désarroi, je me suis laissée embarquer par un pervers manipulateur qui me détruisit 3 ans. Je me suis enfuie avec mon fils de trois mois in extremis pour me retrouver chez ma mère incapable de surmonter rien que ses propres soucis ( dépression de longue haleine et cancer dévastateur). J'ai pris ce qui se présentait autant que faire se peut luttant avec une énergie qu'aujourd'hui encore je me demande où je l'ai trouvée. Partir de rien et sans soutien autre que son seul et unique petit salaire, ce n'est pas si facile.

    2. Régulièrement, je m'interroge sur mon évolution professionnelle, je fais constamment des formations, j'ai le nez dans les actualités, les bouquins, les études, j'apprends 4 langues étrangères avec exigence, je lorgne souvent du côté d'une reprise d'études, je me présente à quelques offres, jamais je ne me repose sur mes lauriers. Et depuis 11 ans, je ne bouge pas de mon poste à temps partiel plus ou moins gros. Les derniers remous dans le milieu de la formation continue n'amélioreront pas mon cas puisqu'il est question de nous demander de garder le même salaire et de travailler plus... et là, dîtes- moi, que deviennent les travailleurs handicapés comme moi que la médecine du travail ne voulait pas même laisser travailler? Arrive ce détail de la maladie et du handicap.

    3. La Sécurité Sociale m'a mise en invalidité 1ère catégorie sous- entendant par là que je suis capable d'occuper un emploi. Parallèlement, la médecine du travail ne voulait pas que je reprisse mon activité d'enseignante. J'ai insisté vaillamment et la condition fut que mon poste fût aménagé. En théorie, il l'est, en pratique, à peine. Je n'en reste pas moins cantonnée à un mini temps partiel et une petite pension vu qu'avant la maladie déjà, j'avais de petits revenus. J'ai postulé pour me faire titulariser par voie contractuelle, belle fumisterie dont je parlerai en son temps, hypocrisie quand tu nous tiens! Dans cette voie, à ce jour, je n'ai donc pas d'alternative. Autant j'aime ce métier humainement et intellectuellement enrichissant, autant je le fais avec passion et engagement, autant je n'y gagne que de quoi être à peine au- dessus du seuil de pauvreté. Sans les aides sociales, je ne peux ni nous loger, ni nous nourrir. Ajoutez la famille monoparentale, l'absence de soutien familial et rien que là, vous avez de quoi en angoisser plus d'un. L'éventualité de changer de voie ou de poste est logiquement un sujet récurrent. Quoi alors?

    4. Ceux qui suivent mes élucubrations n'apprendront pas grand chose ou y verront un tour rapide, les autres les découvriront, toujours est- il que du fait de la maladie et de mes handicaps, je ne peux pas occuper n'importe quel poste.    

    Je suis incapable de rester debout ou assise longtemps, j'ai besoin de bouger selon les demandes du corps. Je ne peux pas non plus piétiner, c'est trop usant, mes jambes sont coupées au- delà d'un certain seuil. Mon équilibre est défaillant, je me déplace uniquement avec grande conscience dans les petits espaces, la foule. Une cohue, une bousculade et je vacille rapidement. Rester sur un pied demande un effort de concentration énorme.

    J'ai besoin de temps le matin pour démarrer la journée ne serait- ce que pour me remettre des nuits entrecoupées par la vessie capricieuse ou les montées en température transpirantes et mouillantes. Toute la matinée, chacun de nous se vide le corps de ses eaux usées et nous passons plus de temps à uriner que l'après- midi ou en soirée. Chez moi, cela peut prendre des proportion énormes à courir sans cesse aux toilettes.

    Je suis extrêmement sensible aux germes du fait de mon terrain et des traitements immunodépresseurs d'où la multiplicité des infections urinaires par exemple. Un simple rhume peut prendre des allures rocambolesques au point de me faire perdre mes forces ou ma conscience.  

    Je ne peux ni marcher plus de 30- 40 minutes, ni courir, ni monter- descendre incessamment des escaliers, ni soulever de poids, sauter est périlleux ; j'ai besoin de me reposer régulièrement quand le corps le réclame, anarchiquement, aléatoirement, impérieusement sinon, mes jambes deviennent incontrôlables, partent dans tous les sens et j'ai du mal à tenir debout. 

    J'ai besoin d'avoir accès à des toilettes propres librement, immédiatement, urgemment parfois, besoin également de temps et de place pour me changer en cas d'accident.

    Je ne peux pas rester dehors, au soleil, le médicament favorisant le cancer de la peau. Mon corps ne supporte ni les grandes chaleurs, ni les grands froids, il devient faible, lent, amoindri et j'ai plus de mal à trouver l'énergie pour contrôler membres, sphincters et autres trésors.

    Quand je suis fatiguée, lentement ou subitement, j'ai besoin de calme, de repos. En tirant sur la corde, non seulement le corps ne répond plus tout à fait mais en prime, j'ai vite les idées confuses et il m'arrive d'avoir du mal à trouver mes mots.

    Certaines lumières me sont pénibles et ma vue n'est pas stable selon mon état de fatigue, ma santé.

    Je ne peux supporter plus de 3 heures en voiture avec toujours ce besoin de toilettes accessibles ou de mouvoir le corps à sa demande.

    La maladie est totalement imprévisible et mon état peut se dégrader à la vitesse grand V en peu de temps

     

    Est-il donc véritablement question de mauvaise volonté, de paresse ou de mentalité d'assisté?

    Je vous le dis, tout n'est qu'une question d’ensorcellement. Celui basé sur le profit, la rentabilité, l'utilité, le labeur, la compétition, la réussite du meilleur ( ou du mieux né surtout), socio- culturellement typé qui nous est vanté à tour de bras actuellement n'est pas le mien. Je n'y ai pas de place et je n'en veux pas. Voilà pourquoi j'ai un faux travail et que je suis assistée au filtre de cet ensorcellement. Par contre, pour un monde plus humain, solidaire, coopératif où chacun a sa place parce que sa valeur est reconnue et complémentaire de celle d'autres, où il n'est pas question de rentabilité, de vrai travail et d'assistanat sur le dos d'autres prétendument meilleurs parce que possesseurs de biens, d'argent, de pouvoir, j'ai et je prends toute ma place. Même dans ce boulot à la con de surveillant, j'ai mis de l'humanité. J'écoutais les élèves, je ramassais les déprimés, les malheureux, je remontais le moral des fatigués et des découragés. J'en ai récupéré plus d'un en déviance, en danger. Et je l'avoue, je n'obéissais pas aveuglément aux consignes et ordres de la hiérarchie. Aux cours particuliers, j'écoutais les parents et leur tourments, pareillement aux cours de FLE avec mes élèves dont je ne comprenais  pas forcément la langue. Simplement être là, présente, entendre les émotions et les remous de l'âme.

    Évidemment, en tant que formatrice pour adultes, même topo. Et un cours de relaxation par ici, un peu de gymnastique par là avec les groupes stressés par l'approche des examens, écoute des souffrances d'êtres enfermés, insatisfaits, frustrés, perdus, isolés, malheureux, déprimés dans leur charabia mélangé, leur langue que je ne comprends pas du tout ou partiellement ou en français clair et pertinent, soutien à ces femmes venues d'ailleurs ou pas aux maris riches ou pas au mieux maladroits, au pire maltraitants. Absolument pas rentable, ni mesurable, quantifiable, ô combien cependant utile à la société! Je ne saurais dire combien se sont retrouvés, reconstruits, mis au clair et ont retrouvés ainsi la force de reprendre des études, réussir une formation, un concours, retrouver un emploi, devenir autonome, indépendant. Je ne dis pas que c'est grâce à moi, j'ai simplement accompagné leur cheminement et dis NON au dénigrement et au rabaissement de soi.

    Depuis que je suis malade et handicapée, je mets mon expérience et mon vécu au service d'autrui en témoignant, accompagnant, en vivant ma vie pleinement, en agissant quotidiennement, démontrant ainsi que la vie est riche, belle et pleine de possibilités. Ma vie est un engagement, un acte politique permanent, une revendication concrète à d'autres représentations du monde ( et je ne vous ajoute pas ici mes choix de consommation, mes activités extra- professionnelles, mon engagement à la bienveillance en tout lieu).

    En cultivant les peurs, cloisonnant, divisant, stigmatisant, caricaturant, nous délitons ce lien fondamental dont l'humain a autant besoin que de manger, boire, dormir. Nous n'avons aucun avenir dans la division, notre espèce n'aurait pas tenu deux générations sans solidarité, coopération, j'en suis persuadée. Pour conclure mon bla- bla, je terminerai sur les paroles d'un homme qui a su lui dire en peu de mots, efficacement ce que j'ai si longuement étalé:

    Nous devons apprendre à vivre ensemble comme de frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots.

    Martin Luther King.

    « Youpi!Se loger, habiter. Troisième. »

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  • Commentaires

    1
    Samedi 5 Mai 2012 à 08:21
    Pénélope Timiste

    Bonjour. Je viens de lire ta longue analyse que je partage tout à fait. Je fais partie de ces profiteurs qui sont pris en charge par la solidarité. Je suis sans emploi depuis janvier, et j'ai un énorme handicap aussi, je vais avoir 54 ans. J'ai bossé pendant 35 ans comme un malade, occupant des postes à responsabilité, mais, autodidacte, peu diplomée, j'étais rémunéré deux fois moins que mes collègues. On va être un paquet de montrés au doigt, je sens, dans les années qui viennent. Pfiou ! comment la France en est arrivée là ? C'est sordide. En tout cas je te souhaite beaucoup de courage. Bises. Penny

    2
    Samedi 5 Mai 2012 à 12:01

    Courageuse Fée!

    3
    Je transfère
    Dimanche 18 Août 2013 à 13:27

    penny:

    Bonjour Penny! Merci pour ton commentaire et ta visite.

    Sordide est tout à fait de circonstance, tu as bien raison.

    Je viens de lire ton dernier article et le ton me plaît beaucoup, je prendrai du temps pour te découvrir plus, j'ai été alléchée. A bientôt 

     

    Réponse de fée des agrumes le 05/05/2012 à 11h06
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