• Voyages.

    Contrairement aux discours habituels, les vacances sont en général pour moi éprouvantes. Au quotidien, les activités, le travail, l’école me facilitent la régulation d’énergie parce que je prends soin de la répartir selon mes besoins alors que pendant les vacances, à la maison, avec le fiston en prime, je n’ai pas de limite ; je suis donc souvent loin dans mes retranchements. Ainsi, cet été, j’ai bougé dans la maison avec ces travaux et à postériori, j’en paie quelque prix. Heureusement des pauses ailleurs, loin des contraintes domestiques m’ont permis de vivre d’autres expériences moins tendues. 

    En juillet d’abord, je rejoignis mon amie Sandrine des Vosges toute seule parce que fiston refusait de décoller de l’ordinateur ; en plus, ces 5 jours de séparation furent plus que bienvenus, j’avais grand besoin d’air supportant difficilement ses aigreur et amertume.

    Après trois ans, c’était une joie de la revoir surtout que des changements s’opéraient dans nos vies, nous avions de quoi se raconter. Le contact physique et le partage du quotidien permirent également de mesurer mutuellement les progrès et la remontée du trou, ce fut donc un séjour très particulier. Evidemment, j’ai remué ce petit monde de mon tempérament, évoquant mes péripéties et mes expériences, accompagnant dans la perception des événements en chacun ; j’ai initié l’apprentissage de la couture ouvrant la marche d’une machine restée inactive depuis son achat. Sortie déjà à une précédente visite, je n’avais rien pu faire, ma vue étant trop mauvaise en ce temps.  En l’occurrence, le déplacement en voiture jusque chez eux fut en soi un magnifique pied de nez aux aléas passés.

    Depuis 2006, il m’avait été impossible de prendre la voiture seule, pour la rejoindre, sur un coup de tête comme j’en avais l’habitude avant la maladie. Pourtant, j’en eus envie à plusieurs reprises la sachant en mauvaise posture. Cette année, je m’en sentis capable et en deux, trois coups de fil, ce fut décidé, je partis donc avec ma vieille automobile.

     Mon garagiste avait assuré que je n’avais rien à craindre, et effectivement, à l’encontre de mes appréhensions, elle ne me joua aucun tour. Par ailleurs, j’ai tenu près de trois heures assise sans vessie capricieuse ou douleur. Un arrêt bien compté alors que je me croyais presque arrivée ne posa pas de souci et je repartis heureuse de ces facilités. Cependant, un camion cachant le panneau, l’absence de carte et un plan de route foireux me perdirent une heure dans Nancy et sa banlieue. Je demandai de l’aide par téléphone à mon garçon qui finit par se fâcher : ce que lui montrait Internet ne correspondait pas à ce que je voyais.

    -       Alors maintenant, à ta droite, après la rue machin, il y a un pont, tu prends le pont.

    -       Il n’y a pas de pont 

    -       Normalement, il y a un pont là !!

    -       Puisque je te dis qu’il n’y en a pas !!

    -       Bon, prends la rue en face au rond- point.

    -       Il n’y a pas de rue, c’est un portail fermé d’usine.

    -       Oh, mais tu ne peux pas arrêter de bouger !

    -       Je suis sur la route, je ne peux pas m’arrêter en plein milieu.

    Je tournai en rond puis le tout finit en eau de boudin. Heureusement, je pus enfin joindre mes amis inaccessibles au début de mon errance et obtenir les bonnes direction et sortie d’autoroute (maintenant, je sais).

    Quatre heures de route à l’aller en montagne, voies rapides, autoroutes, petits chemins, le tout sans souffrir, c’est bon signe. Plus simple puisque sans erreur, le retour se fit sans encombre, en trois heures couronnant une belle réussite à mes yeux.  Après des années d’enfermement, je suis toute à la joie de retrouver ces perspectives d’aventures en expédition subites et / ou improvisées dont je suis friande.

    Cette pérpétie contribua à ma réflexion quant à notre voyage jusqu’à Annie : train ou voiture ? Dans un premier temps, j’avais envisagé la voiture avec une tente dans le coffre, sur plusieurs jours, tranquillement profitant des circonstances et trajets pour rendre quelques visites aux alentours des étapes ou visiter quelques villes et lieux particuliers. Dans l’absolu, je m’y voyais assez bien puis je songeai à quelques points purement logistiques : nourrir mon garçon ado, dormir sur le sol, trouver des petits coins propices à mes soucis physiques, conduire seule pendant plusieurs heures avec un ado imprévisible en humeurs, remplir le réservoir, rouler en des routes inconnues. Finalement, je réalisai que je n’avais aucune envie de prendre toutes ces responsabilités sur mes épaules, ni de me compliquer la vie surtout que les heures assise dans la voiture ne sont pas une sinécure. J’optai donc pour le train.

     

    Fin août, ce fut le voyage à la rencontre d’Annie espéré depuis des années. La réservation se fit au guichet car sur le site, la case pour accompagnateur de personne handicapée n’existe pas et au téléphone, je me méfie (lors d’un voyage précédent, des places en première me furent refilées et je n’avais eu aucune information sur les services d’aide aux personnes handicapées). Cette fois- ci, je ne fis pas appel à ces services, j’estimais être capable, avec l’aide de fiston, de mener à bien cette expédition. 

    108 6711 bisAlors que le départ depuis notre ville nous avait été fortement déconseillé en raison des seules neuf minutes de correspondance, le premier train eut vingt minutes de retard. Heureusement, cela fut sans conséquence et ma pauvre maman stressée par un fiston inévitablement pas prêt à l’heure de partir s’en était fait pour rien. (Au retour, ce fut une heure de retard et le train jusque chez nous prétendument accessible eût été impossible. Quel cirque!). Bien qu’ayant regardé auparavant ce qu’elles valaient, je n’avais pas de valise à roulettes et retrouvai mon sac à dos bien pratique quand il s’agit de déambuler dans les couloirs, sur les quais. Fiston portait son propre sac à bricoles ainsi que le sac isotherme de nourriture. Il joua le petit homme fier à bras en se chargeant de monter et descendre les volumineux sacs sur les porte- bagages, gardant toutefois ceux qui contenaient de la nourriture près de lui.

    Les secousses, vibrations et tremblements du train chatouillent ma vessie capricieuse, c’est un fait ; inévitablement, je trottinais constamment aux toilettes, trop heureuse de ne pas me retrouver coincée lors de longues correspondances dans les gares aux toilettes payantes, mal entretenues et dégoûtantes parfois. Si, à priori, ma tenue jupette surprend pour un long voyage, je ne vois franchement rien de mieux dans mon cas : facile à lever et descendre, fuites quasi invisibles, très pratique pour se soulager discrètement en cas d’urgence sans issue, nul besoin de transporter un fatras pour se changer en cas de souci ; nos aïeules n’étaient pas folles avec leurs longues jupes et culottes fendues. A grande vitesse, le mouvement du train accentue les décrochages de mon équilibre aléatoire, je me concentrais donc intensément pour accéder aux toilettes d’abord, puis pour utiliser ces petites cabines à siège douteux surtout quand l’urgence se manifeste. Quoi qu’il en soit, j’ai toujours mes traitements réparateurs d’infection post utilisation de wc publics récurrente, le souvenir d’un oubli aux conséquences empoissonnées m’a marquée définitivement.

    Mon choix d’éviter Paris et ses changements éprouvants de gare se révéla particulièrement judicieux, les voyages en furent agréables d’autant que nous n’avions même pas à changer de quai lors des correspondances. A l’aller, nous n’étions pas ensemble, l’un devant l’autre et ce fut tant mieux car supporter mon garçon collé à sa console m’ennuie et m’exaspère. Du coup, il tint conversation avec sa voisine d’une façon tout à fait agréable et je fus ravie de son attitude empathique et respectueuse; mes expériences quotidiennes portent leurs fruits chez lui aussi, ouf ! Quant à moi, j’étais avec un tout jeune cuisinier. Des références de jeux virtuels ouvrirent la voie avec fiston mais comme c’était son frère le fana, cela ne dura pas longtemps ; alors que je songeais lire dans mon coin, il entama la conversation.

    Passionné par son métier, il était entouré de personnes indifférentes à la cuisine et s’enflamma de partager son intérêt avec une curieuse expérimentatrice comme moi. Quelques heures plus tard, c’est à regret qu’il nous vit descendre à Poitiers, l’empathie que je lui avais donnée illuminait son voyage. Il fut ravi d’échanger des liens Internet pour garder contact ensuite, il lança une invitation à lui rendre visite près de Bordeaux promettant de nous concocter des plats. Mon garçon répéta son étonnement devant ma capacité à créer des liens en n’importe quelle circonstance.

     

    Pour finir, j’ajoute que chaque expédition apporte son lot d’expériences et de questionnements quant à l’accessibilité du voyage. A plusieurs reprises, confrontée à certaines situations, je me répétais qu’un jour, je ferai le coup à la Sncf de venir en fauteuil roulant histoire de voir comment ils se débrouillent, ce qu’ils offrent véritablement en terme de services. D’ailleurs, l’un des retards eut pour excuse la prise en charge problématique d’une personne en fauteuil ; à mon avis, il y a là un truc à tenter pour parler en connaissance de cause. Si la loi de 2005 sur le handicap oblige à des modifications notoires, je m’interroge simplement sur les aménagements annexes type toilettes adaptées (et propres !!), confort des emplacements proposés pour des corps récalcitrants ou de la fatigabilité, considérations des besoins de la personne afin qu’elle puisse gérer tranquillement ses contraintes. Bien sûr, chez moi, les handicaps sont invisibles, ils n’en restent pas moins une réalité et je ne me satisfais nullement d’une solution type voyage en première.  Dans ma caboche, j’entends une voix s’exclamer : « Mais on ne peut donc pas tenir compte de tous les handicaps et leurs subtilités annexes, c’est trop compliqué ! »… et une autre rétorquant : «Il ne s’agit que de comprendre la nécessité de s’adapter au gré des circonstances, d’intégrer cette adaptation dans les mentalités car tous nous sommes confrontés à un moment ou à un autre à des limites physiques. »  Ce n’est pas si compliqué car naturellement il y a toujours quelqu’un prêt à répondre à une demande d’aide, curieux parfois quand le handicap n’est pas visible. Également résonne encore dans mes souvenirs la voix de cette enseignante de l’école d’infirmiers expliquant que dans d’autres pays, personne ne se pose de question, la place du handicap est intégrée au quotidien et chacun respecte sans s’interroger. Légiférer est- ce véritablement la seule solution ? N’y aurait- il pas autant à sensibiliser, éduquer ? Combien de questions ne se poseraient pas si les personnes handicapées étaient véritablement intégrées dans la vie sociale et professionnelle?  Dans toutes ces petites choses, se reflètent nos choix de société. L’individualisme forcené avec bénéfice aux plus méritants est- il véritablement ce à quoi aspire l’humain? Après tout, mes petites victoires sont certes vivifiantes mais parce qu’elles sont en conclusion d’une lutte, elles parlent aussi de la violence de notre société.  

    Je ne m'y soumets pas et continue mon petit bonhomme de chemin, tranquillement, opiniatrement..

     


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  • Commentaires

    1
    Je transfère
    Dimanche 18 Août 2013 à 10:57

    Bisous à tous deux, bonne fin de dimanche!

    Commentaire n°1 posté par Annie le 09/10/2011 à 18h39

    Merci Annie!! Bises à vous aussi!

     

    Réponse de fée des agrumes le 09/10/2011 à 20h04

    Pas de commentaire particulier à faire, si ce n'est que mes yeux de psychopathe de l'orthographe ont repéré une faute (oubli du "s" à "les voyages en furent agréables").

    A part ça tout va bien !

    Bisous à vous deux

    Commentaire n°2 posté par Coq le 09/10/2011 à 18h58

     

    Salut Coq!!!

    J'ai corrigé et merci de l'avoir signalé, parfois, dans le flot des écrits et réflexions, j'oublie des trucs au passage. Après, vois- tu, moi, la prof de français, je chipote... c'est une étourderie ou au pire, une erreur de grammaire ( parce qu'accord) et non orthographe qui désigne le "physique" des mots. En plus, je préfère erreur à faute.

    Non non, je ne suis pas psychorigide! je sais, par expérience que les termes utilisés ont leur importance.

    Chipotage mis à part, les copié- collé et le travail sur écran engendrent des particularités, aussi.

    Va savoir pourquoi, j'ai l'impression de m'enliser là...

     

    Zou, soirée tranquille et dodo plus que nécessaire!

    Bises à toi, belle amie bonne re- lectrice !

     

    Réponse de fée des agrumes le 09/10/2011 à 20h21
     

    Contente de lire enfin le compte-rendu de tes vacances. Je te souhaite plein d'autres aventures agréables à la découverte des autres et de leur parcours.

    Commentaire n°3 posté par Magali le 09/10/2011 à 19h30

    Il y a aura encore des suites!!! Je suis débordée par les événements, le quotidien et mon garçon qui m'en fait voir de TOUTES les couleurs!!!

    Réponse de fée des agrumes le 09/10/2011 à 20h23

    Oui je me doutais bien que c'était un oubli de ta part J'ai utilisé le terme générique "faute d'orthographe" dans ma méconnaissance d'un autre terme, je te remercie de m'en indiquer un autre

    Bisettes la Fée !

    Commentaire n°4 posté par Coq le 10/10/2011 à 00h40
     

    Quand on connait les prix scandaleux des billets SNCF on se demande pourquoi ils n'ont pas des toilettes propres, ce qui est un minimum... quant aux aménagements handicapés qui sont maintenant obligatoires dans les commerces et administrations qu'attendent-ils pour faire quelques efforts ? qu'on ne s'étonne pas s'il y a toujours de plus en plus de voitures sur les routes. Belle victoire sur le passé, d'avoir réussi ce périple.... bisous. gina

    Commentaire n°5 posté par gina le 17/10/2011 à 00h49

    Les efforts se font, contraints et la loi de 2005 pourrait être assouplie prochainement. Belle hypocrisie générale.

    Ton commentaire m'a inspiré une remarque complémentaire... je suis si fatiguée ces temps- ci que je traîne.

    A bientôt, tranquillement.

    Réponse de fée des agrumes le 19/10/2011 à 17h21
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