• Se loger, habiter. Troisième.

    (première, deuxième)

    Je ne savais pas par quel bout prendre cette nouvelle péripétie, j'étais débordée et dans mes peurs de ne pas y arriver. Quelques granules par là, de la méditation en pagaille, de la bienveillance à soi par ici et je repris pied. L'assistante sociale arriva enthousiaste et m'accompagna tout du long. Je n'avais finalement pas besoin que quelqu'un fasse pour moi, j'avais simplement besoin d'être rassurée par la présence d'un autre capable de m'épauler en cas de perte de moyens.

    Dans ma lettre de préavis, j'expliquai clairement que je quittais un logement inaccessible in aménageable pour un logement accessible, un logement social pour un autre logement social. J'eus droit à deux mois grâce au deuxième argument. J'y insistai également sur les nécessités de ma mère, son besoin d'un logement moins haut, plus près de ses filles et sur son goût pour l'appartement que je quittais. Combiné aux nombreuses visites de repreneurs potentiels, cet argument me décida à vider les lieux fin janvier, le nouveau s'offrant à moi dès le 15 de ce dit mois; j'espérais être libérée du dernier mois de préavis. Ma mère remplit laborieusement une demande de logement avec une assistante sociale issue du centre que j'avais contacté pour l'aider à trouver des solutions. Une auxiliaire de vie et une aide- ménagère lui furent refilées rapidement, elles ne vinrent qu'une fois et entièrement à sa charge , réponse inappropriée et décalée au regard de ses besoins.

    Dans un premier temps, ma priorité fut de trouver de la main d’œuvre à la manutention , il était évidemment impensable que je m'en chargeasse seule et nous pensâmes, avec l'assistante sociale monter un dossier de demande d'aide exceptionnelle. J'avais donc à fournir des devis de déménageurs: demande sur la toile et auprès d'une association d'insertion. Visite d'évaluation du volume: Aïe! Aïe! Le prix enfla et il était évident que c'était impossible à supporter avec mes petits revenus. En outre, un financement par la Région ou la MDPH s'avéra peu probable, mon état physique ne le justifiant pas. Car oui, pour être aidé à déménager en tant qu'handicapé, il est nécessaire d'attendre d'être en grande difficulté physique, la prévention n'ayant pas lieu d'être. Je cherchai alors des aides par ailleurs et me laissai porter, hors contrôle, louvoyant à vue. J'appelai par courriels, téléphone, au gré des rencontres, me promenai avec une pancarte dans le dos lors du pot de l'association dont je fais partie où mes dates et coordonnées étaient offertes à qui voulaient m'aider, je me renseignai sur la location d'une camionnette. Toute bonne volonté était bienvenue et j'invitai tous ceux en qui j'avais confiance quelle que soit sa situation même Valérie en fauteuil.

    «J'aimerais tellement t'aider mais mon état ne me le permet pas!» me dit l'un, «Je veux bien mais je suis si petite» renchérit l'autre, «Les dates ne me le permettent pas», soufflèrent ceux- là. Je répondis joyeusement: « Chacun a quelque chose à apporter qu'importe sa situation: un coup de main pour démonter les armoires ou mettre en carton avant l'arrivée des manutentionnaires, les costauds soulèvent des meubles d'accord, celui- là m'aide à nettoyer l'appartement que je quitte, celle- ci explique où mettre les meubles, cet autre offre à boire ou à manger aux manutentionnaires, ces autres m'aident à remonter, ordonner les meubles et à ranger au nouvel appartement, par exemple. C'est ça, la coopération.» Du coup, dans les jours qui suivirent, toutes les réticences tombèrent:

    • Je te recrute des costauds dans mon entourage

    • Nous viendrons démonter les armoires la veille

    • Mon père et ma mère viendront t'aider à installer les meubles

    • J'apporterai du café et des gâteaux

    • Je viendrai avec ma grande voiture en plus.

    • Je t'aiderai à emballer les affaires.

    • Nous ferons les caves ensemble.

    • Nous, nous serons là pour ce samedi.

    • Je me se chargerai de t'aider pour la location et la conduite de la camionnette.

    • Et nous, nous viendrons avec la remorque le samedi suivant pour finir.

    Pendant 15 jours, se succédèrent les propositions, les solutions, les aides. Chacun à sa façon participa joyeusement. A un «Je n'ai pas fait grand chose», je répondis « Merci d'être là, de m'accompagner car sans ton énergie et ta compagnie, j'aurais eu bien plus de mal à m'y retrouver.». Mon amie Valérie fut particulièrement enthousiaste et tous saluèrent avec joie et sa présence et sa participation. Débarquèrent même des inconnus rameutés par des connaissances et j'en fus époustouflée, heureuse de constater combien ma vie avait changé, tellement reconnaissante. C'est que dans mes peurs de ne pas y arriver, j'avais constamment une remarque acerbe de SeN dans la tête: «Sans moi, tu n'as personne pour t'aider, tu n'as jamais pu compter que sur moi. Rappelle- toi ce jour où il n' avait que moi et mon père pour ton déménagement!». Si d'autres étaient venus et de loin qui plus est en ce temps, il ne voulait pas s'en souvenir. Ses reproches réguliers avaient semé le doute en mon esprit, alimenté mes peurs; je commençai désormais à mesurer le traumatisme que fut ce déménagement pénible où il décida de tout selon ses colères et envies en nous laissant des mois dans le dénuement. Chaque aide reçue à ce nouveau déménagement fut donc une victoire, à saveur divine et renforça ma foi en cette notion d'abondance qu'Annie avait insufflé dans ma vie. S'il proposa son aide à mon fiston au détour d'une rencontre malgré son dos bloqué, je pris un malin plaisir à ne rien laisser passer de ma nouvelle expérience, mon silence étant bien plus révélateur qu'un refus explicite ( vilaine fée!). De plus, mon nouvel habitat restait ainsi vierge de toute trace de lui.

    Le vendredi, veille du premier gros transport, ma kiné ( et oui, ma kiné!!) vint m'aider au démontage des armoires accompagnée de son mari que je ne connaissais que vaguement de ses échos. Je partageai alors ma joie, ma gratitude devant tant de bonnes volontés: « A priori, pourtant, je suis seule, malade, handicapée et pauvre! Tant s'imaginent que c'est mission impossible de déménager et là, chaque jour il y a quelqu'un pour m'aider! ». Cet homme, inconnu posa cette phrase inoubliable: «Dans un monde où tout est basé sur l'argent et le matériel, participer à cette aventure donne énormément d'espoir.» J'ai été touchée en plein cœur.

    Quand je racontai cette vague généreuse à l'assistante sociale, elle sourit, ravie et ajouta: «Si je n'habitais pas si loin, je viendrai aussi vous aider avec plaisir.»


    J'eus abondance de cartons au point d'en refuser les derniers jours, deux diables pour transporter le lourd arrivèrent en prêt généreux, la camionnette fut disponible en moins d'une semaine malgré une réservation tardive précipitée après qu'une camarade m'ait raconté comment eux n'en avaient pas eu 3 semaines avant leur déménagement! Au moins quinze personnes débarquèrent avec en prime remorque, trois ou quatre voitures à grand coffre. D'autres se proposèrent encore et se mirent à disposition en cas de besoin. Ma mère resta tétanisée et culpabilisa, quatre hommes se mobilisèrent pour mettre fiston à contribution finalement heureux de cet entourage masculin positif. Si je fus bousculée par tant de chambardement, il n'en reste pas moins que ce déménagement fut une aventure incroyable, mémorable. Confortée dans mes intuitions de changements profonds intérieurs et relationnels, il ouvrait la voie à une autre approche matérielle de ce qu'est désormais ma vie.


    Grand merci à tous ceux qui participèrent à cette grande aventure! Je n'arrive pas malheureusement à me souvenir des prénoms de tous et j'en ignore même certains, c'est dire. Qu'ils reçoivent tous ma gratitude!

    Je croise les doigts pour qu'ils soient tous présents à la fiesta que je leur réserve, en leur honneur, en hymne à la joie, à la vie, à la solidarité, la coopération, le partage, l'espérance.

     

    ( à suivre).

    « 1er mai.Tant de hasards heureux. »

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 17 Juin 2012 à 18:32
    gina

    Eh bé, quel  tracas ces déménagements. Il y a longtemps que je ne vais plus sur les blogs, donc je ne savais pas que tu avais déménagé, et comme, appremment d'après d'anciens articles tu avais beaucoup de choses, cela n'a pas dû être facile.

    Une nouvelle tranche de vie alors !!!!

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