• Se loger, habiter. Première.

    Il existe des nuances en ces termes et les circonstances de mes aventures me permettent de les saisir pleinement. Précédemment, j'ai raconté succintement mon départ de la maison aux multiples possibilités. J'y ai logé mais je n'y habitais pas puisque finalement je n'y avais pas de place, ce fut un lieu de passage et d'initiation périlleuse. Décidée à partir,  je me lançai dans l'aventure consciente que ce ne serait pas aisé. Mon amie Babeth me mit le pied à l'étrier avec ce premier logement visité. Il fut également une belle introduction à l'hypocrisie généralisée autour du handicap.

    A priori, il parut intéressant parce qu'au rez- de- chaussée, accessible, toilettes et salle de bains suffisamment grandes pour y tourner en fauteuil, je m'y rendis donc confiante. Et je me déconfis peu à peu: couloir immense et biscornu, pièces petites avec à peine de quoi bouger debout les meubles posés, minuscule balcon avec barre de seuil très haut, nombreux travaux de réfection nécessaires. J'avais envisagé une colocation avec ma sœur afin que nous nous entre- aidions mutuellement revendiquant logiquement un appartement 4 ou 5 pièces. Dans un espace suffisant, nous nous y retrouverions tous... et finalement, la cohabitation s'avéra impossible du fait des aspirations différentes. Le logement fut donné à une famille car une femme seule avec un enfant n'a pas accès aux quatre pièces... surtout quand elle n'a pas beaucoup de revenus. Je refusai le suivant  car s'il était dit accessible avec ses portes larges aux toilettes et salle de bains, son rez- de- chaussée plain- pied, le reste était impraticable et mal ordonné. Dans les chambres, posés un lit et une armoire, il n'y a plus de place que pour se déplacer sur deux jambes et je n'imaginais pas me retrouver en pareille situation. ( Je me souviens encore de la tête de l'employée de l'organisme quand je lui dis clairement que c'était impraticable en fauteuil et encore moins avec du matériel de compensation du handicap, elle avait l'air de n'y rien entendre comme si je parlais une langue étrangère inconnue). La cerise sur le gâteau fut ces fenêtres des chambres à hauteur de toit de voitures, directement sur le parking. Non, décidément, je ne pouvais venir en ces lieux où je me saurais déprimée et en révolte constante. «Et puis, je mérite mieux» me répétai- je. Du moins, ces impulsions infructueuses eurent le mérite de m'amener à déposer des demandes auprès de tous les organismes de logement sociaux connus avec toutes les pièces justificatives demandées: copies des revenus, salaires, caf, sécurité sociale, de la carte d'invalidité, explication CLAIRE sur mon état de santé, les raisons de mon déménagement ( besoin d'un logement accessible et praticable, nécessité de se rapprocher des services quotidiens et médicaux).

    Les mois passèrent. Rien ne me venait . A nouveau, Babeth me fit visiter un logement dans une maison que des amis retapaient. Une partie était transformée pour y mettre des locataires et elle pensa que je pouvais m'y plaire avec le petit jardin et la verdure alentour. Certes. La multiplicité des escaliers, l'exiguïté, encore, des lieux et leur agencement biscornu ne me convinrent pas, je déclinai la proposition au grand dam des propriétaires ravis de me rencontrer.

    Je restai longtemps sans proposition. Je demandais des soutiens à qui voulait m'entendre et rien n'y faisait. J'écrivis au député maire, au président du Conseil général... Aucune réponse. Plus tard, Babeth me raconta une réunion entre locataires de sa résidence présidée par le député- maire. Alors qu'elle avait connaissance d'un logement aménagé pour un voisin amputé au rez- de- chaussée, elle demanda ce qu'il en était des logements pour personnes handicapées dans la ville. Réponse sans équivoque: « Et bien, nous n'avons AUCUN logement adapté aux personnes handicapées dans la commune!». Est- il plus important de fleurir les ronds- points, de rassurer les personnes angoissées par l'insécurité ( celle que l'on voit de loin parce qu'ici, c'est le calme plat)? La population est pourtant vieillissante, non?

    Je gardais un œil sur les annonces quoiqu'il en soit et finis par en trouver une, au hasard sur la toile pour un logement social. Ni une, ni deux, je pris les contacts et étrangement, après deux ans mornes d'attente, les propositions se multiplièrent.

    Il y eut ce joli logement dit accessible avec vue sur … les poubelles et les garages. Derrière la porte des toilettes, un lave- main entravant son ouverture, des chambres minuscules, pas de cave ou grenier, de plain- pied certes mais les dalles de terrasses étaient directement posées sur la chaussée et le passage des voitures. Je fus contrariée et par cette visite et par une infection qui me liquéfiait toutes les 5 minutes. « L'appartement est bien mais franchement, là- dedans, avec cette vue, je ne me donne pas deux mois pour déprimer! ».Évidemment, les appartements du dessus n'étaient pas accessibles au bout d'escaliers importants. Je déclinai l'offre.

    Ensuite, il y eut ce quatre pièces avec mini balcon, chambres exiguës, couloir tordu, nombreux travaux de rénovation... au bout d'une centaine de marches, deux paliers, sans ascenseur. L'urgence de partir était telle que je me dis qu'après tout, là, j'aurais de la place pour m'installer, poser mes affaires sans crainte ( sauf mes chères plantations d'extérieurs), me déplacer en fauteuil quitte à y être enfermée du fait de la non- accessibilité.  Dès lors, je commençai les emballages à la maison préparant mon fiston à un départ pour la rentrée. SeN entra en des états contradictoires, incrédule ( et désireux pourtant) quant à la réalité de notre départ. Bien d'autres, dont ma mère, jugeaient invraisemblable l'éventualité d'un retour en vie solo avec la maladie, les handicaps et les petits revenus. La bataille était décidément rude.

    Alors que je me voyais dans ce quatre pièces inaccessible, soulagée et heureuse finalement d'avoir enfin une porte de sortie concrète, j'eus un appel d'un autre organisme pour un logement trois pièces. L'assistante sociale qui me suivait de loin fut enthousiaste car cet organisme avait signé une convention avec la MDPH ( maison du handicap) et était donc sensibilisé à ces questions. Après moult discussions et détours, je réussis à le visiter. Les locataires étaient en conflit ouvert avec le bailleur et entravaient toutes les démarches, je ne me laissai pas décourager. A l'arrivée, je fus enchantée par le cadre verdoyant alentour et les arbres. Je me vis sous l'un d'eux assise sur le banc. A l'intérieur, les pièces étaient grandes ( sauf le salon), il y avait grande cave et grenier, les aménagements pour l'accès par l'arrière, la salle de bains ou les toilettes étaient possibles. J'acceptai donc le logement en précisant que je comptais sur leur accompagnement quant à son adaptation en cas de besoin; l'écoute semblait réelle et je signai. Déménagement acrobatique ( cf. article précédent). Pour tout soutien, j''eus droit à des bons pour des pots de peinture à chercher à 40km ( marque imposée en prime et que de la glycéro honnie! ), débrouille- toi pour t'y mettre! (à lire dans Travaux incroyables retrouvables avec la barre Rechercher ci- contre). Quand tout fut payé, il me fut expliqué aimablement que les travaux n'étaient pas à l'ordre du jour. Je souris ironiquement à cette anecdote: « Nous ne comprenons pas, nous avions fait une place de stationnement spéciale handicapé pour une famille de locataires – leur garçon est en fauteuil- et ils ne sont pas restés dans notre logement». Bé voui ma grande, tu te vois porter , dans les escaliers, plusieurs fois par jour ton enfant en fauteuil pour entrer et sortir de chez toi? Tant pis. Malgré mon expérience négative dans la maison, je décidai de changer ma pensée: à craindre de me retrouver en fauteuil et dépendante, je me préparais un terrain néfaste aussi, décidai- je de parier sur la dynamique bénéfique de la vie et d'envisager l'avenir sans fauteuil ou nécessité d'aménagement. Nous nous installâmes tant bien que vaille.

    Rapidement, les aléas nous rattrapèrent. Si le cadre extérieur est fort agréable, l'accès aux immeubles se fait par de grandes pentes. Je réalisai vite la difficulté de les descendre ou monter à pied, en vélo et que dire alors d'un fauteuil. Je tombai  à plusieurs reprises en poussant le vélo ou en transportant quelque objet encombrant. Nous souffrîmes de la mauvaise isolation thermique et phonique, la chaudière eau chaude- chauffage tombait constamment en panne au plein cœur de l'hiver, j'eus des infections à répétition et mon fiston fut molesté par les voisins du dessus en raison du bruit. Nous étions loin du centre, mes tentatives de marche furent infructueuses. L'aller- retour m'était impossible, les jambes lâchant à mi- chemin et je fus contrainte d'appeler à l'aide pour retrouver mes pénates. Nous étions tributaires de la voiture ou du vélo. J'envisageai un déménagement ultérieur vers du mieux d'autant que mon amie en fauteuil ne pouvait plus venir chez nous, elle aussi malade de Devic; son vécu et son expérience éclairaient ces lieux lucidement, je ne voulais pas en rester à des pensées fatalistes.


    Deux ans s'écoulèrent.


    (A suivre)

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