• De la colère. 3.

    Le choc fut ainsi le maître mot de mes émotions au cours de ces années partagées ; évidement, un cortège d’autres lui emboitèrent le pas : consternation, rancœur, ressentiment, tristesse, solitude, révolte, agacement, … Avant la maladie, j’étais anéantie, empêtrée et désemparée par le cours des événements, je résistais psychiquement en cherchant des alternatives à mon chagrin par des activités extérieures riches en expérience humaines (via mon travail- sacerdoce), j’anesthésiais mes souffrances par la multiplication des activités physiques (natation, course à pied, marche, roller, …), violemment, je me coupais de moi- même pour ne plus souffrir, je m’épuisais, je me vidais jusqu’à vouloir donner mon sang. Avec cette mystérieuse maladie, ce corps sur lequel j’avais toujours compté en ultime recours et tant malmené lâcha chaque jour d’avril 2006 à janvier 2007 : perte des jambes, perte du contrôle des sphincters, perte des yeux, douleurs permanentes, lancinantes et atroces, insuffisance respiratoire, les bras et le visage étaient atteints quand le traitement m’a sauvée. Je me retrouvai clouée au fauteuil, au lit, en totale dépendance à autrui. Bloquée, acculée, fauchée, atterrée, mots lucidement utilisés évoquant mon état en ces jours sombres, parce que cette maladie était le parfait reflet extérieur de ce que je vivais à l’intérieur.

    Jusqu’à la première perfusion de mitoxantrone, je me sentis mourir à petit feu ; le chaos autour de moi rajoutait à mes douleurs alors que je me sentais tellement impuissante. Contrainte par les limites physiques, je revins à moi et sans véritablement m’en rendre compte, je méditais en permanence afin de ne pas cumuler douleurs physiques et souffrances psychiques. Penser, ressasser, prévoir signifiaient me torturer. Ne sachant combien de temps il me restait, je m’occupai de chercher la paix en moi et tentai de profiter au maximum de ce qu’il me restait pour être dans l’amour avec mes proches. Mentalement, je faisais fi de mes besoins et sentiments tâchant de ne pas brutaliser l’entourage de mes peurs et tourments internes face à la douleur, la souffrance, la mort, je me préoccupais de leur devenir, de leurs sentiments et émotions, je ne demandais qu’en ultime recours songeant que cela n’avait pas d’importance puisque bientôt je ne serais plus là. A mes yeux n’importait que la vie par- delà ma mort.

    La prise en charge médicale, les rencontres magnifiques qu’elle m’offrit conjuguées aux séances de psychanalyse bouleversèrent mon interne.   Comment ? Ces inconnus appréciaient cet être incontinent, amaigri, complètement dépendant, la mine défaite, en total dénuement physique ?  Ni coiffée, ni épilée, ni maquillée, en couche, en blouse d’hôpital ou affreux survêtements, incapable de bouger et voir, j’étais portée, lavée, sondée. Une loque ? Ce n’était pas du tout ce qu’ils me renvoyaient. Quoi donc, j’étais aimable et estimable en SOI et non pour ce que je faisais ou paraissais ? Ce fut une vague d’amour immense, j’étais respectée, appréciée, mes besoins avaient de la place, étaient entendus, je n’avais pas à lutter ou prouver pour exister, j’étais, point. Reconnaissante à souhait, j’ouvris les bras à ce flot d’humanité et remerciai chaleureusement la vie d’un tel cadeau. Un jour alors que nous discutions de mon retour à la maison, je racontai à l’assistante sociale de l’hôpital cette merveilleuse expérience elle eut ces mots incroyables qui m’inondèrent d’un nouveau flux revigorant et lumineux : «  Mais vous savez mademoiselle, nous sans vous, nous ne sommes rien. C’est vous qui nous donnez envie de le faire, c’est vous qui nous liez et nous donnez la volonté de tout mettre en œuvre pour vous. »

     

    La maladie fut un raz- de- marée qui dévasta tout, certes mais au milieu des décombres, je rencontrai quelqu’un et ce quelqu’un, c’était moi. Grâce au miroir de ces inconnus, je pris conscience de la béance immonde de ma faille narcissique et peu à peu, je me reconstruisis intérieurement.  Dans ces circonstances, les yeux intérieurs s’ouvrirent et la marche vers la clairvoyance commença. Tout était à revoir et lentement , je pris ma place. Evidemment, ceux qui s’étaient allègrement accoutumés à ma négation en furent déstabilisés et rapidement, le tri se fit. Si j’étais d’un naturel à dire ce que je pensais en toute circonstance depuis longtemps, là, je posais des limites afin de sortir des fusions toxiques et m’y tenais n’ouvrant plus les portes à la pérennisation de ma non- estime personnelle. Désormais, je savais que j’étais quelqu’un d’estimable, d’aimable, que je méritais le bonheur, l’épanouissement, le respect ; il n’était plus question de s’accommoder de bric et de broc.

    Pendant des mois et des mois, j’ai tâché de me relier à SeN, à ses proches, jusqu’à n’en plus pouvoir; même partie j’ai essayé, rien n’y faisait, j’étais devenue la méchante, l’ingrate, l’atroce médisante les salissant tous de mots cruels et infondés. Malgré l’accompagnement de Nadine et Yolande  vers la non- violence/ la bienveillance et quelques réussites ponctuelles, c’en fut fini de ma présence dans leurs vies.  Des ponts furent définitivement coupés, mes rencontres avec SeN contraintes par le règlement matériel de mon départ (déménagement, changement d’adresse et des facturations, récupération des divers biens, etc) engendraient des colères et des scènes détestables. Seulement, ayant cheminé en Qi Gong, en communication non- violente/ bienveillante, en connaissance et estime de moi, je revenais constamment sur la situation, rarement avec SeN, majoritairement en moi : que s’était- il passé exactement ? Quel fut le déclencheur de la scène?  Qu’avais- je ressenti ? Quel besoin non satisfait s’était exprimé ? Là enfin, j’entrai en relation avec moi- même et ouvrai les portes de mon interne avec empathie sans plus y mêler qui que ce fut.

    Ainsi, la prochaine étape d’explicitation de ces colères sera donc l’identification de ces besoins non satisfaits cachés derrière ces sentiments et émotions mouvementés, aléatoires et  explosifs.

    « De la colère. 2.De la colère. 4. Prendre conscience des besoins. »

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  • Commentaires

    1
    Lundi 2 Mai 2011 à 09:18
    Annie

    Je crois qu'on peut mettre une majuscule à la Vie! La remercier, la bénir, pour tout ce qu'elle offre de possibilités, son potentiel est illimité!

    Bisous!

    2
    Lundi 2 Mai 2011 à 10:25
    le petit cinématogra

    hâte de connaitre ces besoins non satisfaits.... je pense néanmoins que c'est manque de reconnaissance et d'amour les plus importants. l'entourage peut-être violent dans le silence.

    3
    fée des agrumes Profil de fée des agrumes
    Samedi 17 Août 2013 à 22:42

    Annie:

    Pour certains, la vie porte le nom de Dieu. N'étant pas croyante, encore moins dogmatique, je préfère ne pas mettre de majuscule. Je sens, je vibre avec elle et  cela me remplit, c'est ma foi.

    J'ai foi en l'humain VIVANT!

    Et nous sommes sur les mêmes ondes, n'est- ce pas, ma chère Annie?

    Réponse de fée des agrumes le 02/05/2011 à 12h14
     
    Le petit cinématographe:

    Je prends le temps nécessaire à cette écriture, c'est loin d'être anondin.

    l'entourage peut être violent dans le silence. il y a là déjà beaucoup. 

    Réponse de fée des agrumes le 02/05/2011 à 12h48
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