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Visites externes intenses janvier 2007, sixième.
Avant de partir à l'hôpital et ne sachant quand j'en reviendrais, je demandai à SeN d'envoyer quelques courriels afin d'avertir que je ne serais pas à la maison pour une durée indéterminée.
Le premier ou le deuxième soir dans le service de ré éducation, j'eus la visite surprise d'Alain.
C'est un ami de presque vingt ans qui peut aisément ne pas donner de nouvelles pendant des mois, qui est difficile à déplacer, trouvant toujours un prétexte pour vous faire venir chez lui, avec des rendez- vous à prendre des semaines à l'avance... Qu'est- ce qu'il peut m'agacer parfois ! (c'est sûrement réciproque d'ailleurs :p) Et pourtant, c'est un ami fidèle, sincère, loyal, chaleureux, généreux. Etonnant aussi car il est capable de sortir des sentiers battus qu'il croyait être siens à la grande surprise de tous ses vieux amis. Bref, je l'aime comme il est, comme un frère. Et il fut le premier à venir me voir.
Il avait lu mon courrier la veille ou le jour même et avait pris le temps de faire un crochet en rentrant du travail. C'était très étrange, il faisait nuit, nous étions sous les lumières douces de l'extérieur et du chevet. Il s'était assis à côté de mon lit, assez près et nous entrâmes dans une conversation mémorable très riche et profonde. Il ne parla pas des banalités du quotidien ou je ne m'en souviens pas, il me fit part de sa foi en moi, il croyait sincèrement que j'avais en moi les moyens de dépasser cette épreuve, j'en avais la force ; il me parlait en serrant les poings, d'une voix ferme. Je lui évoquai mes craintes de ne pas m'en sortir, de garder des séquelles sévères, de me perdre. Je lui fis part de ma non croyance en Dieu, de mon désabusement face à la vie où la justice n'était qu'une idée humaine, un fantasme, du néant que j'entrevoyais en dehors de la vie, du sentiment de n'avoir jamais été épargnée. Il m'écouta, ne me contredit en rien. Lui, il avait l'espoir de la justice divine et la foi en en monde meilleur après la mort.
Je ne sais pas ce que signifiait cette entrevue, j'en garde le souvenir d'une véritable communion d'âme, d'une main tendue que j'ai serré fort malgré l'ombre. J'en suis encore remuée aujourd'hui en écrivant ces mots, la gorge se serre et les larmes coulent.
Alain, tu m'as fait un merveilleux cadeau, un souffle sur les braises de ma petite flamme intérieure.
Autre visite, celle de Corine.
C'est une jeune femme que je ne vois que trop peu, trop souvent dans des sortes de mondanités familiales avec qui, malgré ces circonstances restreintes, passe un courant spécial. Généreuse et ouverte, elle fait place à l'autre sans systématiquement y mettre toute sa personne. Elle aussi vint près de moi, dans cette pénombre hivernale et me raconta sa petite vie entre son travail, son mari son petit garçon. Je n'avais pas le sentiment qu'elle me parlait d'elle pour elle ou pour éviter le sujet délicat de ma situation car nous arrivâmes à la question de la mort, de la fin en toute chose. Elle n'avait de réponse certaine pour elle-même, le scepticisme planait. Aussi, me parla t- elle de la joie d'avoir donné naissance à un enfant, de son mari qui, philosophe, n'a de cesse de parler d'idées éternelles et de sa quête d'immortalité à travers l'écriture. Je sentis l'angoisse que ce discours cachait et ne rentrai pas dans la dialectique de la futilité de ce genre de démarche. Je pense qu'elle comprit que je n'y croyais guère.
Nous conversions depuis quelques instants quand un infirmier, l'adorable Valéry arriva pour voir si je n'avais besoin de rien. Je lui dis simplement que j'avais mal, il réajusta les draps sur le pont mis au dessus de mes jambes qui n'en supportaient plus le poids, rien n'y fit. Corinne se leva voulant partir et je la vis se prendre en pleine figure mes douleurs insupportables que Valéry ne savait comment soulager en me déplaçant le corps, les jambes afin de trouver une position moins inconfortable pour la nuit. Comment le vit- elle ? Qu'en retient- elle ? Je l'ignore, elle m'a vue dans mon plus grand dénuement, n'en a jamais fait mention d'aucune manière et nous avons cet instant en commun. Une intimité lourde, pénible et puissante.
Le premier samedi passé dans le service de rééducation ne me réjouissait pas, il n'y avait pas les activités habituelles et je craignais qu'il ne me renvoyât sans cesse au vide des absences. J'attendais toute la journée mon garçon que je n'avais plus vu depuis près d'une semaine, il me manquait. Comme l'hôpital est loin de la maison, qu'il faut près d'une heure pour faire le trajet sur des petites routes sinueuses, les déplacements dans la ville sont toujours mis à profit. Ce jour-là, SeNfut débordé et ils arrivèrent tard dans la soirée. Que cette personne me le pardonne, je sais que j'étais avec quelqu'un, je ne sais plus qui quand l'on taqua à la porte et que mon garçon entra, hésitant. Je reconnus sa silhouette dans le rai de lumière. IL me parut tellement grand, comme si en quelques jours, il avait poussé d'une traite... SeN était occupé des quelques affaires que j'avais demandées et fiston avait du mal à venir vers moi. Il s'approchait lentement. Il ne me fuyait pas, il n'avait pas peur, il lui était nécessaire de s'habituer au lieu, aux circonstances et surtout, pudique, il ne voulait pas étaler ses sentiments au regard d'autres. Quand enfin il fut à portée de bras, nous nous embrassâmes, nous échangeâmes quelques mots au sujet de l'école, de la vie quotidienne. Il n'était pas très loquace, ce n'était pas intéressant en cet instant. SeN nous surprit en photo, instants volés de grande intimité, de retrouvailles muettes. Prendre pour ne pas perdre.
IL eut du mal à me quitter, la vie et la maison sans moi étant affreusement vides. Je le rassurai en le ramenant vers El. qui prenait si bien soin de lui en mon absence, de la chance qui pouvait s'offrir à nous en me soignant correctement. Il se raisonna à contre cœur, espérant revenir le lendemain, s'accrochant à cet espoir, lâchant à demi mot son envie de rester dormir là avec moi. Cela nous parut difficile et ils repartirent tardivement, SeN inquiet de l'état des routes glissantes. Pendant les deux mois d'hospitalisation, chacune de nos séparations me déchira le cœur et m'arracha des larmes.
Tags : avais, moi, mot, vie, petit
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Commentaires
1chris spéLundi 13 Octobre 2008 à 22:38Répondre
Je t'envoie mes pensées affectueuses!
y'a des moments, comme ça ...
bise
;)A Chris:
Et toi, prends tu soin de toi?
Réponse de fée des agrumes le 14/10/2008 à 12h48A Pandora:
C'est l'intensité du lien quand tout fout le camp.
Dans tes expéditions, il y a aussi le dénuement et le retour vers l'essentiel, j'en suis certaine.Réponse de fée des agrumes le 14/10/2008 à 12h51A Annie:Tu m'en vois très honorée, merci.
Réponse de fée des agrumes le 14/10/2008 à 13h05A Coq:Malgré tout, nous sommes là. C'est le plus important.
Réponse de fée des agrumes le 14/10/2008 à 13h08A Mariev:C'est po grave du tout! L'essentiel est ailleurs
Réponse de fée des agrumes le 15/10/2008 à 21h10
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