• Scandale aux élections.


    En arrivant dans le village, j’hésitais sur la succession de mes activités : déposer la lettre d’abord ou aller voter ? La cause initiale de mon arrivée ayant été les élections, je décidais donc de voter avant tout. Je me garai le long de l’école où elles ont lieu et me dirigeai d’un pas alerte vers le bureau de vote. Je saluai l’assemblée, tendis ma carte d’électeur, saisis une enveloppe et un bulletin de la liste choisie. La jeune fille nota mon nom et son voisin me demanda mon nom de jeune fille.

    «  Nom de jeune fille, c’est mon nom, je ne suis pas mariée et ne l’ai jamais été. Je reste une éternelle jeune fille.  » d’emblée. J’attendis, il me demanda l’orthographe, chercha, chercha… en vain. Je n’étais pas sur sa liste.

    - Vous êtes sûre que vous êtes inscrite ici ?

    - Evidemment! J’ai déménagé mais les délais d’inscription dans ma nouvelle commune m’ont échappé ; cela ne m’alerta pas puisque j’étais inscrite ici, je comptais venir voter encore cette année pour les régionales et faire l’inscription tranquillement là- bas.

    Un autre lascar se mêla en sortant une liste ancienne où j’étais … avec une grande croix dans la case à côté.  

    -      Oui, je vois, nous en avions discuté. Comme vous avez quitté la commune, vous avez été rayée.

    -      QUOI ??? –mon sang ne fit qu’un tour- ce n’est pas possible ! Je suis partie en septembre et je ne suis pas inscrite à A., comment vais- je faire ?

    -      Vous avez eu un courrier.

    -      Non ! Ni ici, ni à mon nouveau domicile !

    -      Mais si, vous avez eu un courrier… , faiblement.

    -      Parce que vous mettez en doute mon affirmation maintenant ? Croyez- vous que j’aurais fait 20 kilomètres pour voter si je me savais rayée des listes ?

    Silence alentour.

    -      J’ai été inscrite plus de 10 ans à D. en habitant ailleurs, je n’ai jamais été rayée et j’ai pu voter sans souci. C’est inadmissible ! Permettez- moi d’être en colère ! 

    Une gêne traversa l’assemblée, je ne cédai aucunement. Ils sortirent les téléphones et prévinrent le maire. «  Il arrive ».

    Je pris une chaise, « Permettez que je m’asseye ! », j’attendis regardant défiler les votants avec un gros coup de fatigue dans les yeux. Quelques têtes connues me saluèrent sans toutefois venir vers moi, de parfaits inconnus demandèrent des nouvelles de ma santé. «  Non mais de quoi je me mêle ! » ce que je gardais pour moi en répondant poliment suffisamment fermement pour ne pas être questionnée outre mes mesures.

    Le maire arriva, me serra la main et se lança dans des explications sur une commission qui rayait les personnes ayant quitté le village. Je vitupérai, répétant à l’envi le récit de mes votes antérieurs dans une autre commune    « C’est qu’ils n’ont pas fait leur travail alors » dit- il tranquillement. Je bouillonnai, j’exultai : «  Je n’ai JAMAIS entendu une histoire pareille, JAMAIS ! C’est scandaleux et je suis en colère ! »  Il demanda ma carte d’électeur et la regardant, il me dit qu’elle n’était plus valable, je lui signifiai en désignant les dates que j’avais voté avec exactement la même pour les présidentielles aux deux tours ; il ne répondit rien, forcément, aucun argument de son discours ne tenait la route.

    J’étais debout sur mes petits talons, droite, la voix de prof ferme et portant dans toute la pièce, personne ne bronchait, même pas le maire. Ce dernier essayait de calmer l’atmosphère :

    -      Ne vous énervez pas comme ça, souffla t-il doucement.

    -      Ah non monsieur, laissez- moi vivre ma colère ! J’ai le droit d’être en colère!

    Après avoir exposé mon indignation quant à ces méthodes cavalières, je sortis furieuse : « J’ai été spoliée de mon vote ! »… et j’affirme que dans cette région de droite tendance forte extrême droite, ma petite voix de gauche avait toute son importance à mes yeux !  Le maire me suivit tentant une accalmie, je le sentais mal à l’aise. Je ne cédai en rien sur mon indignation, cependant, mon cœur se pinça de le voir dépité et visiblement embarrassé. Je lui pris le bras : » N’y voyez rien de personnel, ni contre vous ni contre qui que ce soit ! Je suis fâchée de ne pouvoir voter, c’est mon droit. Si vous pouviez vous renseigner sur cette affaire, je vous en serai reconnaissante et je tiens à savoir ce qu’il s’est passé. » Il eut cette étincelle dans les yeux, celle qui s’allume quand je réussis à être claire, non violente ; il approuva en serrant ma main posée sur son bras.

    Une connaissance passa et me salua guillerette en se trompant de prénom, j’eus envie de lui clouer le bec, les mondanités de bon ton ne m’intéressent pas d’autant que cette personne n’est pas à ma convenance dans son schéma d’apparence hypocrite et superficiel. J’avais oublié son prénom sur le coup- c’est dire- et lui répondis seulement d’un salut fugace entre deux phrases au maire ; ce n’était vraiment pas le moment. Ce dernier profita de la coupure pour ajouter en souriant de bon cœur : 

    - En tout cas, je suis ravi de vous voir comme ça, vous êtes en pleine forme ! Je vous ai connue vraiment très mal.

    - Je ne suis pas en pleine forme physiquement mais je vous assure que j’ai fait un sacré ménage dans ma vie ! Et je pense que je suis en bien meilleure forme que d’autres qui sont en pleine possession de leur santé.

    Nous nous quittâmes sur ces paroles sans animosité.

     

    Le lendemain, je comptai me renseigner sur ces démarches et je téléphonai à la mairie de mon nouveau domicile. Inscription de septembre à décembre. Je racontai l’épisode, mon interlocutrice resta sans voix, surprise.  Elle m’expliqua qu’eux ne prenaient pas l’initiative de rayer qui que ce soit tant qu’une autre commune ne leur signifiait pas l’inscription chez eux. Et si elle évoqua cette commission, elle s’étonnait d’une telle rapidité, interloquée. J’en parlai autour de moi, plusieurs autres votaient comme je l’avais fait dans une commune où ils n’habitaient plus. Nul n’avait ouï pareille aventure.


    Je reste indignée, outrée. Ce sont à mes yeux des pratiques arbitraires, dangereuses. Dans une intuition, des soupçons ont traversé mon esprit; n’ayant aucune indication pour l’instant, je les ai évincés. Néanmoins, je ne démords pas de l’idée que certains, bons employés, obéissants et consciencieux, qui font ce qu’il faut quand il faut, comme il faut portent en eux  l’ignoble droiture identique à celle que d’autres employés modèles, obéissant sagement aux ordres de leur hiérarchies ont eu en conduisant des millions de personnes vers les camps d’extermination. 


    En écho, je songe à cette émission Le jeu de la mort passé sur France 2 il y a quelques jours. Rien d’étonnant pour qui a lu quelques traités de psychologie sociale sur la manipulation…. Et l’autobiographie d’une épouvantail de mon ami Boris.

    « Ecriture en Communication Non Violente ( cnv)Dans la foulée du scandale, entrevue mouvementée. »

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  • Commentaires

    1
    Coq
    Mercredi 24 Mars 2010 à 23:19
    Coq
    Effectivement c'est curieux cette histoire ! Ca fait 7 ans que j'ai quitté la commune de mes parents, et j'y vote toujours, je n'ai jamais pris le temps de m'inscrire ailleurs, ni à Paris, ni à Lyon. On ne m'a jamais rayée d'aucune liste !
    En tout cas j'étais curieuse de voir quelle était la raison de ta colère... tes précédents articles faisaient planer le suspens...
    Plein de bises ! A bientôt au téléphone :)
    2
    Jeudi 25 Mars 2010 à 07:46
    Philippe
    Voilà encore un sujet qui mériterai un long développement. Je dirai juste que cet "incident" en dit long sur la "connerie" de ce système dit "démocratique" !

    L'incompétence de tous ces élus, la "petitesse" de nombre de "petits fonctionnaires" (territoriaux ou nationaux) - sans aller jusqu'à ton rappel de la servilité de ces "braves gens" dans les terribles années de l'occupation nazie - nous la subissons de plus en plus en souvent.
    Tiens... pour preuve (s'il en fallait encore) l'incompétence et l'indifférence de tous ces "pseudos travailleurs sociaux" sensés accompagner les chômeurs, je parle de l'assistante sociale qui "suit" mon cas et qui n'a pas été capable de me répondre autre chose que : "je ne sais pas" aux différentes questions que je lui ai posé lors de notre dernière entrevue. Alors les fonctionnaires... no comment.

    Pour te "calmer" de cette impossibilité de voter je te rappelle cette "boutade" de COLUCHE qui disait (avec beaucoup d'à propos) : "si les élections devaient changer qq chose, il y a longtemps qu'on les aurait supprimées".
    A méditer.
    (j'ai quand même voté...).

    Bien à toi.
    3
    Jeudi 25 Mars 2010 à 09:04
    Annie
    Ce sont des méthodes qui mériteraient des annulations d'élections car je pense que tu n'es pas la seule!
    Pour info, je viens de m'inscrire dans mon nouveau village, car arrivée le 7 janvier je n'ai pas pu voter ici et en fait je ne pourrai voter qu'à partir du 1e mars 2011 c'est comme ça! Les listes sont closes le 31 déc mais il faut du temps pour qu'elles soient mises à jour.
    Dons admettons qu'il y ait une élection surprise entre le 1e janvier et fin février,je n'en serai pas...
    En fait c'est possible si par ex il y a une démission, une dissolution, etc.
    Bonne journée!
    4
    Philippe
    Mercredi 18 Juillet 2012 à 12:04
    Philippe
    Bonsoir,

    en lisant ce récit, j'ai été partagé entre la sympathie, l'amusement pour le récit imagé -vous êtes très observatrice - et la perplexité sur votre conclusion car il se peut que ce soit tout simplement une erreur : des fonctionnaires ont pû se précipiter sans voir plus loin (c'est plus fréquent qu'on ne pense).

    Philippe

     
    5
    Pandora
    Mercredi 18 Juillet 2012 à 12:04
    Pandora
    Moi aussi, je me suis fait éjecter rapidement de mon ancienne ville après avoir déménagé, mais au moins j'ai eu le courrier m'en informant.
    Bises
    6
    Troll des forêts
    Mercredi 18 Juillet 2012 à 12:04
    Troll des forêts
    Juste pour en rajouter un: moi aussi je n'habite plus dans mon village depuis...pratiquement 12 ans et j'y suis toujours inscrite!! Je ne suis même plus en France! Je pensais que c'est à MOI de me rayer de la liste et à personne de faire la décision pour moi! Il y faute! C'est clair et injuste. Je pense que tu devrais écrire une lettre à un journal ou à un représentant politique! Reitzer ? Pour le principe. :)
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    7
    fée des agrumes Profil de fée des agrumes
    Jeudi 15 Août 2013 à 18:00

    A Coq:

    Je me réjouis de t'entendre!
    Incompréhensible ce truc, je sais.. Bêtise, erreur, excès de zèle  ou acte volontaire aux causes plus ou moins conscientes?  au regard de la mentalité du coin, je ne peux que me poser des questions...
    Réponse de fée des agrumes le 25/03/2010 à 10h34
     
    A Philippe:
     
    Comme je le disais à Coq ci- dessus, mes comparaisons fortes viennent du fait que la mentalité dans cette région est très particulière. C'est un microcosme où des personnes à mentalité paysanne avec peu de qualification gagnent largement leur vie grâce à la Suisse proche. Des espèces de nouveaux riches qui passent leur temps à se plaindre de leur triste sort et qui plus est d'une xénophobie effarante!! Le front national y est confortablement installé même si personne ne s'en vante! le tout avec un discours de rigueur, de droiture, d'honnêteté et de valeurs chrétiennes sous-jacentes.
     La mentalité germanique dans ce qu'elle a de pire.. ( et moi, je pense que je suis plus latine)
    Ce ne sont pas des fonctionnaires qui agissent, il n'y en a pas, ce sont des élus, des habitants du village. Comme beaucoup passent leur temps à se mêler de la vie de leurs voisins, des inconnus savaient mes soucis de santé, savaient que j'étais partie, etc alors que jamais aucun n'est venu me saluer quand je suis arrivée, qu'aucun ne me disait bonjour dans la rue, que mon fils a été battu à l'école par ses camarades dans l'indifférence totale... et j'en passe. Rien de neuf sous le soleil malheureusement.
    Heureusement, j'ai rencontré d'autres esprits autrement plus ouverts, des personnes qui n'acceptent plus ces comportements arriérés. Qui n'acceptent plus de vivre dans le rejet et l'enfermement engendrés par la peur.
    Je sais, c'est fort, outrancier peut- être; c'est en tout cas ce que je ressens et je me révolte devant ces aberrations. C'est mon droit.
    En boutade, je ne suis pas des agrumes pour rien, je peux être très agaçante..
     D'ailleurs, en me relisant, j'ai vu que j'ai mis un féminin sur épouvantail...

    Amicalement. 
    Réponse de fée des agrumes le 25/03/2010 à 10h55
     
    A Philippe:
    J'aime la phrase de Coluche! Staline ne battait-il pas les records aux élections? Je pense souvent à cette scène culte de l'as des as entre Belmondo et son alter égo allemand lui rappellant qu'Hitler avait été élu démocratiquement, il lui répond:
    "Ce n'est pas parce que des millions de personnes font une connerie que ça n'est plus une connerie!"... J'adore!
    Je ne suis pas personnelle dans mes attaques, chacun fait souvent avec la meilleure volonté du monde et les moyens qui lui sont donnés. Ce que je dénonce, ce sont les fonctionnements, les mentalités, le ron- ron des habitudes, l'absence de conscience dans les actes, les écarts entre discours et actes.
    Mon ami Boris explique bien comment le cerveau est en veille quand nous nous coulons dans la masse. Celui qui réfléchit hors de sentiers battus, celui qui réagit contre le mouvement général a un cerveau très actif, il produit des hormones; réagir, se réveiller demande un effort.
    Et l'humain est souvent paresseux...
    Réponse de fée des agrumes le 25/03/2010 à 11h04
     
    A Annie:
     
    Les règles sont nécessaires pour vivre ensemble, je peux comprendre. Mais à côté du principe, il y a le principal et c'est là que le meilleure de notre humanité peut s'exprimer.
    Belle journée.
    Réponse de fée des agrumes le 25/03/2010 à 11h07
     
    Moi aussi, je me suis fait éjecter rapidement de mon ancienne ville après avoir déménagé, mais au moins j'ai eu le courrier m'en
     
    A Pandora:

    Au moins OUI!
    Réponse de fée des agrumes le 25/03/2010 à 20h13
     
     
     
    A troll des forêts:

    J'y ai pensé. Si la mairie me donne des informations, selon ce qu'elle me dit ou selon mon intuition surtout vis- à-vis de cet incident, je réagirai. c'est vrai que je n'avais pas pensé à Reitzer en particulier, je vais tâcher de lui rendre visite parce qu'écrire, ce n'est pas très porteur... A voir.
    Réponse de fée des agrumes le 27/03/2010 à 12h15
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