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Effets secondaires et peurs des autres.
Au lendemain de cette nuit agitée, j’étais tiraillée entre mon besoin de partager le poids de cet épisode, poids que je ne mesure peut-être pas dans ma folie récurrente, et le souci de protéger mon fiston déjà en phase difficile. Je finis par le lui raconter d’un air désinvolte, il ne réagit pas sur le moment, habitué aux frasques de sa mère. Je n’étais pas déchargée pour autant, le répétant à SeN au téléphone sans que cela y changeât quoi que ce fut ; je constatai seulement ce besoin d’en parler et la sensation qu’un autre besoin se cachait là sans que je pusse l’identifier concrètement. Tant pis.
Je me fis mettre de la crème par le fiston à l’endroit douloureux, il me répéta à plusieurs reprises que quand j’avais besoin d’aide, je n’avais qu’à l’appeler et il venait. Ma tête était à notre journée au programme chargé : invitation à manger chez un couple de Marocains (ils apprennent à lire avec moi) à l’occasion de la fête du sacrifice, rencontre avec Minela ancienne élève, détour chez SeN récupérer une crème et éventuellement un tour chez ma mère. Bouger le bras dans certains gestes était particulièrement difficile et j’avais quelques appréhensions à conduire. Nous arrivâmes néanmoins à bon port sans encombre et fûmes reçus royalement chez nos hôtes. Nous avons été gâtés, choyés, à manger, boire, écouter des conversations mi en français, mi en arabe. Il y avait une très bonne ambiance et mon fiston ne fut pas si renfrogné que d’habitude. Se protégeant derrière sa console, il écoutait et observait du coin de l’œil, riant avec nous. Fameux tajine aux coings et pruneaux, brochettes et thé à la menthe, sans compter les desserts. Miam miam. Que de nourritures reçues !
Plus tard que prévu, nous repartîmes vers Minela qui elle aussi nous accueillit à bras ouverts avec ses grands- parents. Belle rencontre entre le fiston et le papi, mon garçon ne demande qu’à y retourner, lui d’habitude si sauvage. Evidemment, il y eut tiramisu et tarte au chocolat au programme sans possibilité de refuser. « Olala, Maman, on n’a fait que manger aujourd’hui !! » répéta à l’envi fiston en gonflant son ventre trop plein.
Il est vrai que tous nous gâtèrent, tous nous accueillirent chaleureusement. Les échanges étaient forts et riches, une joie simple d’être ensemble et de partager. J’eus quelques retours flatteurs sur mon travail que j’accueillis humblement vantant les mérites de mes élèves parce que je ne suis pas une enseignante déversant son savoir à d’autres obligés de les ingurgiter, je suis une accompagnatrice sur leur propre voie d’apprentissage ; coopérer est mon maître mot. Je réalisai également à quel point la communication non violente enchante les échanges. Bien que d’un naturel empathique, j’ai appris, grâce à notre petit groupe local, à mieux comprendre et gérer (le mot est laid c’est vrai), la place de chacun. Quel soulagement et quels yeux heureux chez ceux qui trouvent une oreille compréhensive ! Quelle joie pour moi de partager ces moments avec eux ! Et quel soulagement de constater qu’enfin, j’arrive à rester chez moi, à ne plus souffrir de la souffrance des autres ! Les relations sont authentiques et sincères, la vie d’autant plus belle.
Dans ce chemin dominical, je réalisai le soir en rentrant que je n’avais pas eu mal de toute la journée, bercée par la douceur des rencontres et je me couchai quasiment libérée de ma douleur.
Cependant, la plus grande découverte du jour ne fut pas celle- ci parce que j’ai déjà expérimenté la douleur sous de multiples formes et dans des circonstances variées m’ayant permis de créer des liens entre corps, esprit et émotions. Non, la grande leçon me vint d’un éclair lorsque je racontai au téléphone mes chutes à mon amie Delphine ; fiston à côté de moi réagit vivement quand je relatai l’événement explosant enfin ses peurs et ses angoisses quant à ce genre de situation. Il hurla que quand j’avais un problème pareil, je devais le réveiller pour qu’il puisse venir m’aider. Que ce soit avec lui, avec Delphine, avec mes amis de la journée de ce dimanche, ou d’autres par la suite, je m’étonnai de leur réaction : ils avaient peur ! Alors que moi, franchement, je n‘avais pas eu peur ni pendant, ni après, ni encore maintenant. Je mettais de l’ordre dans mes pensées quand je compris finalement.
En ce qui me concerne, ces syncopes sont coutumières, je reconnais les symptômes annonciateurs et je sais que j’ai besoin de me coucher au plus vite, attendre que le malaise passe. Je me suis ainsi couchée dans ma voiture sur un parking au travail, sur le tapis de la salle de bains, dans les escaliers, dans une salle d’attente. C’est tout. A quatre heures et demie du matin, nous sommes tous seuls, les autres dorment et il n’est pas certain que quelqu’un entende la chute. Quand je sais ce qu’il y a à faire, pourquoi effrayer l’entourage ? Mon garçon de 12 ans peut –il seulement faire quelque chose dans ces circonstances, avec la meilleure volonté du monde ? J’ai souvent vu des adultes démunis devant mes malaises, comment lui pourrait-il savoir ? (Tiens, ça me fait penser que je pourrais lui proposer de faire des formations à la Croix- Rouge, cela le rassurerait d’apprendre des gestes basiques d’assistance à autrui).
Pour celui qui entend le récit, je mesure certes l’inquiétude à mon égard ; quand il m’aime, l’autre s’inquiète de me savoir en danger potentiel, c’est normal, humain… Je comprends surtout qu’il a peur. Peur de me perdre ? Peur de se blesser, peur de sortir de l’habituel rassurant, peur de sa solitude, peur de perdre. Peur d’être confronté à son impuissance, sa propre faiblesse.
La grande leçon de cet événement a donc été que la réaction des autres parle de leurs angoisses et peurs. Mon aventure permet la projection d’eux- mêmes. J’avais besoin de partager parce que l’aventure n’est pas anodine, alors qu’anxiogène, elle les effraie. Dans mon besoin, j’ai passé outre leur besoin de sécurité, leur besoin d’être rassuré. Sans la CNV, j’aurai pu me reprocher ce manque de considération à leur égard, me culpabiliser. Il n’en est rien. J’ai observé un fait, exprimé mes sentiments et vaguement ressenti mon besoin ; dans le récit, j’ai fait une demande sans toutefois la formuler en préambule d’où les peurs de mon auditeur. Oui, bon, je sais, je suis débutante et c’est une voie difficile à mettre en pratique après des années de conditionnement violent inconscient, je me le pardonne. Par empathie pour moi. Toujours est-il que ces syncopes, perte de conscience, m’ont permis d’ouvrir les yeux sur une évidence faussement si simple.
(Il serait grand temps que je m’attelle à une page sur la communication non violente, mince !)
Tags : peur, besoin, j’ai, sans, chez
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Commentaires
Commentaires
Il faut aussi, quand on est fort, accepter parfois d'être aidé(e)(s). L'échange est dans les deux sens: quand on donne il faut aussi recevoir.
Amitiés du soir!
Bises
merci à vous deux!!
J'espère que tu trouves l'aide, le soutien et l'écoute dont tu as besoin.
C'est passionnant, ce que tu dis sur la CNV. Je croyais connaître un peu, je n'en savais quasiment rien, je ne savais pas qu'elle permettait de communiquer avec soi.
Apprendre à rester chez soi, faire le tri des responsabilités respectives... Ce sont bien les plus belles leçons que j'ai apprises avec la CNV. Il était temps que je pense à moi parce que recevoir est aussi important que donner...
Et puis, quand l'autre refuse d'entrer en relation véritable, quelle autre voie que d'avoir de l'empathie envers soi?
A découvrir de toute urgence!
A bientôt.. entre sapin et nuage
Il est vrai que l'on devrait savoir aussi entendre le "soucis" de l'autre avec empathie ......difficile pour un jeune ado, mais l'idée d'un stage de geste 1°secours est intéressante !
Nos situations nous amènent à reconsidérer beaucoup de situations faussement évidentes.
Nos relations ne fonctionnent qu'en miroir et contre miroir.