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Dans la foulée du scandale, entrevue mouvementée.
Le récit qui suit n’a pas pour but d’étaler des rancunes, en vengeance ; je l’écris en exemple de ce qui envenime la relation, de ce qui génère l’incompréhension malgré le flot des paroles. Je voudrais montrer en quoi la réflexion engendrée par la pratique de la communication non violente change radicalement l’approche de ce genre de situations malheureusement coutumières.
A la fin de l’échange avec le maire, je ne sais si j’étais énervée au sens de colère insensée, je crois plutôt que j’étais remuée émotionnellement, bousculée, contrariée, indignée mais je n’étais pas déstabilisée; ma force intérieure ne faiblit pas en de telles circonstances.
De retour dans ma voiture, je réalisai qu’un autre m’avait collée à l’arrière et j’étais coincée dans un mouchoir de poche, j’essayai de manœuvrer en vain, c’était réellement serré. J’allai tenter une autre approche quand tout à coup, je vis la mère de SeN en haut des escaliers de l’école qui me fixait du regard, en invitation aux salutations. Agacée par les manœuvres, je décidai de donner la lettre pour JeP.
- Bonjour El., vous êtes seule ?
- Non, je suis avec JeP.
- Est- ce que je peux vous donner une lettre pour lui s’il vous plait ?
Elle accepta d’un signe de tête, je la rejoignis vivement avec mon papier. Je l’embrassai de bon cœur (parce que je n’aime pas le faire par réflexe social).
- Ce n’est rien de grave, rassurez- vous. C’est seulement un petit incident que j’ai envie de régler avec votre mari.
Son visage, son corps étaient en demande d’échange, d’explication. Je répondis spontanément avec ce que je sentais au fond de moi, ce que j’avais mis au clair avec Nadine et je posai une limite, une demande claire :
- Je ne peux pas vous parler maintenant, c’est trop douloureux.
A nouveau, je m’enfuis en tournant les talons. Elle me suivit en s’exclamant :
- Mais enfin, il serait de temps de régler ces choses- là définitivement.
A partir de cet instant, je fus LAMENTABLE, submergée par les émotions, les ressentis, tout ce qui ne se réglait pas depuis des années avec SeN. Elle n’avait pas entendu ma demande, prise elle- même par son besoin insatisfait de clarté et je vécus son approche en cet instant telle une intrusion. Je lâchai une phrase des plus malvenues puisqu’elle touchait au fils de cette femme très maternante. Elle embraya inévitablement, j’avais tendu la perche. Se succédèrent alors des réparties en véritable dialogue de sourdes ! Devant les assauts, je me mis à pleurer malgré moi sans savoir pourquoi… débordement d’émotions mal cernées certainement qui me submergea d’autant que mes manœuvres pour sortir de l’étau où se trouvait ma voiture étaient compliquées. Je ne cessai néanmoins de dire maladroitement ce que je ressentais, ce que je vivais ; elle n’entendait que des jugements contre son fils toute à son inquiétude et son besoin de clarté. Je ressentais sa tension, j’en étais désespérée mais j’étais incapable de sortir de la spirale pour être empathique, ni avec moi, ni avec elle.
J’avais beau m’enfermer dans la voiture, tenter à plusieurs reprises de filer et de rester centrée sur moi, j’étais coincée autant par les voitures devant et derrière, par ses attentes que par mes émotions envahissantes. Je fus particulièrement secouée par des phrases insupportables à mes oreilles depuis que je les connaissais quand il eut été préférable d’entendre son inquiétude et non les généralités habituellement formulées en ces circonstances. J’ai véritablement manqué de finesse et de recul.
- Il serait temps de tourner la page.
- Je l’ai tournée, c’est votre fils qui n’est pas au clair avec tout ça.
- Non ce n’est pas clair… Tu as été malade !
- La psychanalyse a révélé que si j’ai été aussi mal c’était parce que je n’en pouvais déjà plus de cette vie !
- Tu ne peux pas accuser SeN, il n’est pas responsable de tout.
- Je ne l’accuse pas, je connais ma responsabilité et j’y travaille. Qu’il s’occupe de lui ! Il est responsable d’être venu me chercher.
- Il ne t’a pas obligée à venir, tu avais le choix.
- Evidemment mais il ne peut pas être honnête avec moi quand il n’est pas honnête avec lui- même. Le père de fiston m’a fait du mal, j’ai mis 10 ans à m’en remettre ; ce que SeN m’a fait, je ne sais pas combien de temps il me faudra… et je ne vous parle même pas de fiston !
- Tu ne peux pas dire ça, il était sincère dans ses sentiments avec toi
- Je le sais, là n’est pas la question. Il a suffisamment critiqué…
- Il n’a jamais dit de mal de toi.
- Je sais et je sais aussi que j’en ai entendu des critiques. Et notamment de S. (son ex) qu’elle n’était qu’une égoïste ! Et bien, il a été égoïste avec moi, il a répété le même schéma qu’avec elle et cela n’a rien à voir ni avec moi, ni avec elle ! C’est quelque chose de plus ancien, d’inconscient qui n’a rien à voir avec nous.
- Ce n’est pas réglé et peut- être que l’idéal est finalement de couper les ponts définitivement. Regarde: toutes les séparations sont douloureuses, c’est comme ça.
- Je m’en FOUS de tout le monde, je vous parle de moi, là.
- Regarde JC , il a longtemps vécu une histoire malheureuse, regarde comme ce fut difficile pour lui d’en sortir.
- MAIS JE M’EN FOUS DE JC !!! (je n’ai pas abordé ce caractère clanique qui fait que les membres de leur clan sont les gentils et que tous ceux qui malmènent un membre du clan sont les méchants)
- Je ne te comprends plus, je ne te comprends plus et pourtant, j’ai essayé de vous aider, j’ai essayé de comprendre.
- CE N’ETAIT PAS A VOUS DE LE FAIRE !
ENFIN, je pus trouver une voie avec ma voiture pour m’échapper, elle lâcha prise et me guida pour reculer ce qui ne m’empêcha pas d’effleurer le pare- choc ; dans un braquage de volant et une accélération marquée, je filai au plus vite pour rejoindre mon ancienne voisine, tentant de me calmer afin de ne pas l’inquiéter.
Je revois ses mains trembler, j’entends encore sa voix entre fermeté, agacement et tremblements. J’étais tellement triste de la voir dans cet état, j’aurais tant voulu être présente à son inquiétude et son besoin de comprendre, j’en étais INCAPABLE ! Comment aurais- je pu avoir de l’empathie pour elle quand j’étais noyée sous le flot de mes émotions ? J’avais tant besoin d’empathie moi- même. J’ai balancé une multitude d’informations collectées sur des mois de réflexion, comment peut- elle seulement en entendre une alors qu’elle est elle- même dans son besoin d’être entendue, son besoin de comprendre ?
Franchement, c’est un exemple typique des tâtonnements maladroits que nous opérons tous au quotidien dans nos échanges. Chacun y va de ses sentiments, de ses besoins sans les avoir identifiés et nous sommes incapables de simplement nous entendre, incapables d’entrer en relation. L’art et la manière d’en arriver à la violence naturellement.
Tags : moi, j’ai, besoin, n’est, j’etais
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Commentaires
3Troll des forêtsMercredi 18 Juillet 2012 à 12:04
En fait, je n'avais pas à m'expliquer avec elle. Je sortais avec son fils pas avec elle, ni avec son mari! Et les jugements sont faciles à faire de l'extérieur.
Enfin, je crois qu'il y a des relations qui fonctionnent, une alchémie et d'autres qui ne fonctionnent pas. C'est de la chimie relationnelle et non pas une question d'élément isolé. Un raisonnement un peu simpliste mais voilà. Bisous et bon week-end !A Cybione:
i je peux te rassurer sur un point, c'est la culpabilité! J'en suis sortie, j'appréhende les événements de la vie en dehors d'elle.
Ce que nous disons est vrai, vrai dans ce que nous exprimons de nous- même. Nos paroles sont le reflet de nos émotions, nos besoins. Faire le pas de côté est effectivement une nécessité, fuir est aussi une possibilité si la formulation l'expliquant est claire quand nous ne nous sentons pas capables d'être présent à soi et/ou à l'autre. C'était mon option mais j'étais vraiment coincée avec ma voiture et elle n'a rien entendu parce qu'elle était perdue dans ses doutes et questions, ses angoisses.
je n'acepte plus de m'enfermer dans des clichés et des idées arrêtées, je chemine avec cet épisode et je sais qu'à elle aussi, j'enverrai une lettre CNV .
Je suis claire en moi comme jamais, je n'ai pas envie de pervertir ce trésor acquis si douloureusement.
Moi aussi je t'embrasse !
Réponse de fée des agrumes le 26/03/2010 à 12h07A Annie:
J'en ai trop gardé longtemps mais surtout, je n'arrivais pas identifier ce qui se jouait en moi. Je crois avoir trouvé, je m'y penche, j'y travaille, je fais la part des responsabilités respectives et j'essaie de sortir de la violence des relations en leur offrant empathie, mon regard. Après, ils en feront ce qu'ils voudront.
je t'embrasse.
(je viens lire tous tes articles mais je n'ai pas tjs qqch à dire)Réponse de fée des agrumes le 27/03/2010 à 12h18A troll des forêts:C'est un ensemble effectivement. Et nous venons tous avec nos casseroles et nos enjeux inconscients dans la relation à cet autre que nous avons choisi. Je pense que ce n'est jamais anondin, celui-là est le reflet d'une part de moi à ce moment-ci. Nos histoires parlent de nous.
Quant à ses parents, je ne les mêle pas à ma relation à leur fils, j'essaie d'être avec eux, en tête à tête. Nous n'apprenons pas à faire la part des choses dans nos éducations et cultures. je suis attelée à mettre de l'ordre dans la confusion. Si l'un ou l'autre l'accueille, je suis heureuse d'avoir partagé, s'ils ne l'acceptent pas, je reste avec la certitude d'avoir été humaine et au clair avec moi-même.
Allez, zou, la page est tournée n'est- ce pas?Réponse de fée des agrumes le 27/03/2010 à 12h25
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Rappelle-toi que tu fais toujours de ton mieux au moment où tu le fais... même si ce n'est pas l'idéal.
Tu ne pouvais dire autre chose : il aurait fallu pouvoir "faire un pas de côté" pour se désengager -ce que je suis personnellement pas capable non plus de faire, lorsque je suis saturée d'émotions et que ma personnalité prend le dessus.
Ne culpabilise pas et.. bon courage !
Bises