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Bain de culture.
Avant de vous parler des dernières boissons délectables, je tenais à évoquer mes bains de culture inattendus. Lire tel livre, écouter tel disque, voir tel film relèvent d'une démarche réfléchie et mûrie, du moins en ce qui me concerne. Par contre, j'ai eu deux belles surprises ces dernières semaines à qui je souhaite également consacrer quelques unes de mes bafouilles.
Poésies.
Par hasard, lors d'une attente dans quelque endroit administratif, je découvris un petit tas de papiers jaunes annonçant une après midi poétique dans la bourgade du coin ; curieuse, affreusement curieuse, je me piquai d'y aller. Je m'y fis donc déposer en catimini, seule et je m'installai à l'arrière de la salle.
Une association locale de poésie fêtait ses 20 ans d'existence cette après- midi- là, des membres lisaient leurs poèmes accompagnés d'interludes musicaux chantés. Francophone de naissance, je ne compris pas les lectures en dialecte devinant toutefois quelques bribes de ci de là et riant des intonations humoristiques parsemées dans quelques textes. Passés les mignons poèmes sur les oiseaux des vergers et jardins, arrivèrent quelques odes à la région et à l'amour que lui portent ces habitants, terre riche et opulente. Pourtant, la terre qu'ils évoquaient est déjà en perte d'identité : les lotissements fadasses rasent les couronnes de vergers autour des villages devenus simples dortoirs pour les travailleurs multinationaux ; la paysannerie a disparu, les paysages se sont urbanisés, les potagers font place aux gazon et thuyas stériles, la voiture individuelle est devenue la reine absolue des campagnes avec ses ballets pendulaires incessants, les habitants se renferment, derrière leur haie épaisse et haute en été barbotant dans leur piscine privée dont ils parlent , qu'ils ne partagent pas et cachent, derrière leurs murs et portes fermées en hiver ; la communauté villageoise se meurt avec ses anciens. Car oui, ce cercle de poètes était composé de personnes âgées, voire très âgées. Certaines avaient besoin d'aide pour venir au micro, certaines ne parlaient pas français, beaucoup avaient la guerre profondément ancrées dans leur souvenir de jeunesse. Ils évoquaient la nature, ces paysages ruraux qui leur sont chers et où leurs contemporains ne voient plus qu'un cadre de vie calme loin des horreurs et dangers de la ville où ils travaillent ou font leurs courses. Ces poètes amateurs étaient touchants dans leur fragilité devant ce temps qui échappe à tous, avec leurs forces inégales, leurs coquetteries surannées, leurs yeux brillants quand ils lisaient leurs textes. Etonnants furent les poèmes coquins de certaines dames très âgées relatant leurs attributs de jeunesse passés, virant avec la vieillesse.
Dans le public, il y avait quelques dondons à brillants dorés, quelques écouteurs polis, connaissances en visite et regards lointains, quelques filles ou petites filles armées d'appareils photos, quelques complices riant aux larmes pendant la lecture des textes piquants et drôles, un député faussement discret s'appropriant le verre de l'amitié avec des propos démagogiques sur l'amour du pays et le talent des orateurs, enfin, de nombreux écouteurs attentifs.
Sensibles et drôles, qu'ils soient homme ou femmes, ces personnes m'ont touchée et je ne regrette absolument pas cette après- midi passée en compagnie d'anciens dont certains portaient cette odeur si particulière des vieilles maisons de la région. Alors, même si mon enfance s'est passée dans un tout autre contexte de mentalités, dans un autre coin, avec d'autres sonorités langagières, j'ai aimé regarder les alentours à travers leurs yeux et non plus à travers ceux d'autres plus jeunes âpres au gain, aux biens, à la belle surface lisse des apparences bourgeoises, envieux d'une vie à l'américaine prétendument moderne. J'ai aimé trouver ces anciens émus des vergers où volent des oiseaux gourmands guettés par des chats à l'affut, ces prairies où paissent les vaches, ces rires et solidarités d'autrefois. Avec l'âge, les miroirs aux alouettes se ternissent et les esprits reviennent à l'essentiel, pourquoi pas ?
Danse.
Grâce à mon amie Delph, nous sommes allés le 18 avril à un gala dansant et toute l'équipe était de la partie, petits et grands, hommes et femmes. Nous avons grignoté quelques pâtisseries en sirotant eau, soda et café, bavardé avec nos voisins de table et surtout profité pleinement d'un spectacle varié de danses en couple, groupe, individuel. Entre bal viennois et hip-hop, évoluèrent sous nos yeux des danseurs amateurs, novices ou confirmés, de nombreux champions de France et un couple vice- champion d'Europe.
Petite, je rêvais de faire de la danse, malheureusement, entre refus et impossibilités financières, ce désir profond resta une grosse frustration (Force est de constater que mes goûts artistiques étaient incompatibles avec les capacités financières de ma mère, boudiou, pas étonnant que je sois révoltée !). Avec l'âge, j'espérais trouver un partenaire pour apprendre les danses de salon, fascinée que je suis devant ces quatre pieds virevoltants de concert sans jamais se heurter. Rien à faire. D'ailleurs, ce soir- là, quelques larmes pointèrent aux coins de mes yeux quand je me souvins subitement d'une promesse au pire de la maladie. Je ne marchais plus, je ne savais pas ce que m'attendait et je pleurai de ne plus jamais pouvoir apprendre à danser. SeN me promit que nous irions à un cours dès que je serais debout capable de marcher ; j’avais osé y croire. Finalement, il ne tint pas sa promesse, balayant mes espérances de son indifférence, son inertie, ses refus.
Il n'est pas dans ma nature de m'avouer vaincue et malgré mes déséquilibres, ma vessie capricieuse (j'avais prévu la grosse artillerie !), j'ai dansé autant qu'il me fut possible, un bal étant ouvert entre chaque séquence du spectacle. A la frustration de la valse aux pas mal connus et sans tenue, succédèrent une salsa joyeuse avec Delph, une marche antillaise avec SeN, une marche lumineuse avec mon fiston et un apprentissage de mambo avec Vince court- circuité par un pipi urgent et malvenu (grrr, nous y étions presque, punaise !).
J'ai dansé avant de marcher (article à venir en son temps), c'est dire combien je suis amoureuse de la danse. Cette soirée fut merveilleuse, parce que j'ai dansé, parce que j'ai vu du spectacle, parce que j'étais en bonne compagnie.
Merci Delph et Vince !
Et puis mince alors, je finirai bien, un jour ou l'autre par atterrir dans un cours de danse même seule.
Evidemment ces surprises n'ont rien à voir avec la grande littérature, l'opéra, les ballets , un lieu où se congratulent les grands penseurs, elles n'en restent pas moins porteuses de culture accessible à tous. Entre les petits poètes locaux amateurs et les couples heureux de partager leur passion, les yeux brillaient, pétillaient. Il n'y a pas que de la culture populaire médiocre et de la culture élitiste pédante hermétique ; entre les extrêmes, chacun est libre de trouver sa voie. La culture n'est pas un luxe ou un bien de consommation galvaudé, c'est un besoin fondamental de l'être.
Je finirai aujourd'hui sur cette belle citation de Bertolt Brecht:
Pourquoi vouloir dès maintenant nous montrer si intelligents quand nous pourrions tout juste être un peu moins bêtes?
C'est tellement évident.
Tags : culture, danse, yeux, marche, passes
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Commentaires
Commentaires
En attendant, le we prochain, moi je veux bien danser avec toi :-D J'adore danser aussi, même si je suis pas très douée honnêtement, et pas extrêmement gracieuse :-P
C'est tellement génial de danser tous ensemble, ll se passe des sensations fortes, une espèce de transe collective, les esprits s'ouvrent, les corps fusionnent. Ah, j'aime ça
(ça promet ce we, ça promet)
à bientôt à bientôt !!!
Culture, kulture... (avé l'assent de ton "pays")...
Ce qui reste quand on a tout oublié, disait un "bouffon" ?
Ben... chez de + en + de personnes, ça ne fait vraiment pas grand chose alors.
Tiens, rien que pour prendre Not' Bon Président -qui fait tant pour nous (Mon Dieu... préservez-le, qu'il ne s'use pas plus d'un seul mandat à labeurer pour les ingrats que nous sommes)- voilà un type qui baille devant la connerie ricaine et crache sur la "culture" (cf sa dénonciation de "La princesse de Clèves").
Pour ce qui est des "cultures locales", je suis un peu abasourdi par les propos très radicaux de certains jeunes bretons de mon entourage (he oui, je suis en Bretagne, pays de Bécassine). Pour eux la défense de leur langue est un acte politique qui confine à la bêtise. J'ai du mal à comprendre pourquoi ils veulent exclure le français au lieu de bénéficier d'une "juxtaposition" des cultures.
Pour moi, deux c'est mieux qu'un, mais bon...
Il est vrai que le "Parisianisme" pousse davantage à l'extinction des langues locales qu'à la conservation des cultures régionales. Pour preuve, la levée de boucliers que La Poste a provoquée en voulant "franciser" les noms de rues et de lieux-dit, qui sentent si bon la Bretagne. Je me réjouis que la "traduction" proposée était en français et non en... "américain", au nom de la mondialisation... .
La connerie a encore de beaux jours devant elle !
Reste qu'une fois que les octogénaires, nonagénaires et autres "tremblottants" auront fermé les yeux, nombre de dialectes (mot honni par les "régionalistes) disparaîtront.
La danse... heuuuuu, ben je ne suis vraiment pas inspiré.
Probablement à cause d'un "trauma infantile" et/ou d'un corps mal apprivoisé à l'adolescence ?
Une langue, c'est une perception du monde, en connaitre plusieurs, c'est s'ouvrir à d'autres mondes, tant pis pour les esprits chagrin, ce sont eux qui y perdent.
Le français partout est lié à l'histoire, quand la nation était attaquée par les monarchies européennes, la langue n'était qu'un vecteur de l'unité nationale autour de la jeune république, tout comme la levée en masse pour partir en guerre. Il y eut le siècle des nationalismes, celui des guerres mondiales, puis celui des organismes supra nationaux.. qui provoque un réveil des régionalismes. Question de politique encore et toujours, je ne t'apprends sûrement rien. Reste que la multiplicité des langues, quelles soient dialectes patois, nationales, supra nationales (l'anglais parlé a travers le monde est-il réellement celui des anglo-saxons? héhé) est une richesse, un patrimoine humain que nous perdons peu à peu dans l'indifférence généralisée.
Je pense notamment à cette politique régionale ici qui force à l'allemand pour cause de proximité des frontières, et quelle merde pour ceux qui n'en veulent pas! Les Suisses parlent plus souvent anglais entre eux que leurs langues nationales quand alémaniques romands, romanches ou italianophones se rencontrent !!
Laisser le choix d'apprendre d'autres langues est aussi une ouverture d'esprit que beaucoup n'ont pas. Et pourquoi une langue n'aurait-elle d'enjeu que l'économie? Je rêve de lire Tchekov, Dostoîevski ou Tolstoï en russe, par exemple; Pourquoi devrais-je apprendre le Hohch deutsch quand beaucoup se précipitent dans le schwitzer de bas étage par ici? Qui se prétend germanophone par ici est capable de lire Goethe?
Enfin, bref, je me révolte contre la soumission au fric tout puissant et c'est peut être là mon problème, je ne peux pas m'aligner sur les modèles actuels ...
Du coup, ça me fait penser que fin juin, je pourrai rencontrer Pierre Rahbi en vrai, je me réjouis d'avance. allez, j'arrête, je suis intarissable alors que j'ai faim.
Bonne journée en ces belles terres de Bretagne.
Tu ne trouves pas que cela leur va bien?
Ceux qui les connaissent n'auront aucun mal à les reconnaître, j'essaie seulement de garder un pseudo anonymat
Mon blog est public quand même !! M'enfin, je ne suis pas certaine que tant de personnes prennent le temps de lire mes articles si tortueux et longs ! hihi
Biz à toi
Amicalement à toi , je reviendrais inch'Allah !
Les hirondelles? J'ai été ulcérée de voir des gens détruire les nids, mettre des ombres d'oiseaux pour qu'elles ne viennent pas abîmer leur façade ( "c'est vraiment trop sale" !!!!!! )
Quel bonheur d'entrer dans cette petite maison de rien où les propriétaires laissent leur porte ouverte tout l'été afin que les hirondelles nichant dans leur couloir puissent aller et venir à leur guise. Deux mondes aux antipodes.
"Affreusement curieuse"........bel oxymore...............;-))
J'aime les oxymores, peut être en suis-je un incarné? Simplement humaine.
A bientôt.
être là, maintenant, bien vivant et en communion avec le monde qui nous entoure, n'est- ce pas le bonheur? En tout cas, pour moi, ça y ressemble.
Je te ferai signe quand j'aurai écrit cet article sur la danse avant la marche portée par un artiste discret que j'aime beaucoup beaucoup porteur de multiples histoires improbables de la vie d'une fée...
¡Muchos besos de Anita!
Mince, je ne parle pas encore espagnol! .. j'ai compris quand même héhé
Grosses bises à toi et ta famille.
Moi aussi aurais aimé apprendre les danses de salon, mais cherettedndre les a en horreur, et moi j'ai horreur de faire une heure de route pour aller à un cours...
Ceci dit, quel plaisir de danser, de ne faire qu'un avec la musique et les autres danseurs, comme dans une transe commune.
Quoique avec le renouveau de la dance "country" même si ce sont des danses traditionnelles françaises que l'on danse, aide à ce renouveau de la danse.
Quant aux campagnes, il y en amaintenant deux : celle des habitants qui y vivent, souvent dans de vieilles maisons réaménagées et ceux des citadins qui ne font qu'y dormir dans leurs lotissement de maisons neuves.
Ceci dit, j'habite et vis à la campagne..; dans une maison neuve, faute d'avoir trouvé notre bonheur en son temps.
Où sont les lieux de liens et de solidarité dans ces villages?
J'ai beau chercher, je n'en vois plus.
Pour beaucoup, ne restent plus que les commerces pour prendre un bain de foule, papoter ou s'évader. Quelle misère.
Je ne désepère pas et me raccroche aux initiatives de ceux qui résistent, essaient et font souvent le bonheur de toute la communauté.
Là où je rencontre le plus de gens, c'est malheureusement à la grande surface du coin...
Où sont les lieux de sociabilisation dans les villages? dans ces lotissements qui s'étalent sur des kilomètres?
Chronique d'une catastrophe annoncée à venir.
Après tout, pourquoi pas, dans l'absolu ?
Si ce n'est que ce sont des temples de la consommation qui deviennent les piliers de notre vie sociale.
A nous de les changer, pourquoi pas, de les déhumaniser et de nous les approprier ?
Je n'ai rien contre le changement et j'espère que je ne me montre pas en vieille réac!
Les erreurs à la verticale des années 60/70 se reproduisent actuellemnt à l'horizontale avec ces villes étalées sur les axes, autour des pôles.
Je suis peut être utopiste en imaginant un autre modèle plus raisonné, hors consommation où l'humain est mis au coeur de la société et non plus l'individu consommateur, non un retour vers un passé idéalisé mais plutôt qqch de nouveau. En ce sens, je crois bien que je me retouve parfaitement dans la philosophie de vie de Pierre Rahbi. As- tu déjà lu ou entendu ses propos? Il sait mieux que moi expliquer le sujet car là, je suis en pointillé quand lui a une vision générale et globale.
Sur le coup,là, je me sens toute nulle à essayer d'expliquer...
J'ai lu ton post sur P Rahbi et avais décidé d'y aller faire un tout plus tard... pas encore fait.