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Aller voir ailleurs, fin juin 2006
Ce retour fut des plus pénibles, le désarroi nous étreignait, nous étions perdus. Je ne pouvais pas me tenir assise sans avoir un malaise, passais mes journées allongée sur le divan, ne pouvant rien faire, ne sentant aucune amélioration de mon état; mon entourage était désemparé. Comme je ne pouvais effectuer aucune tâche domestique, ma mère vint tant qu’elle put pour s’occuper de nous quand SeN travaillait.
Une première visite de généraliste n’eut guère d’effet positif sur mes malaises, par contre, il m’enleva les fils de l’intervention chirurgicale sur la hanche, laissés là, en passe de provoquer une infection (quel beau travail les mecs !). J’essayais de me renseigner sur la sep, par ci par là et sur cette MNO de Devic portée en conclusion au dernier rapport d’hospitalisation, diagnostic proposé par téléphone par une neurologue de Strasbourg.
Devant SeN impuissant, démuni, dans l’impossibilité de décider, je donnais des directions d’action et c’était horrible d’être aussi mal en point en ayant encore à prendre des décisions pour les autres. Face à ma détresse chaque jour plus grande, alors que je le suppliai de faire quelque chose, il se décida à appeler le dr. D. afin de lui demander de l’aide. Pour seule réponse, ce cher D. lui conseilla d’augmenter les anti-dépresseurs. Nous étions révoltés et je ne suivis pas ce conseil d’autant que je ne les avais plus pris, en cachette dès que je sus en avoir sans en être informée. Je ne les jugeais pas utiles, je ne me sentais pas dépressive et il était hors de question que ce traitement fut la réponse à toutes nos questions. Je me retrouvai effondrée, et décidée à ne plus avoir de contact avec ces gens-là (encore du Brel dans les parages : «Faut vous dire monsieur, qu’avec ces gens-là, on ne vit pas, monsieur, on ne vit pas, on compte. » Je ne pensais pas si bien dire... vous verrez plus tard).
Le samedi, El. ne supporta plus de me voir ainsi et prit la décision d’appeler le généraliste ; il ne put rien faire, mon cas dépassant ses compétences et préconisa le Samu, les urgences. Les ambulanciers arrivèrent et firent leur travail ; pour eux, ils intervenaient sur une dépression. Je refusai de rester à la maison dans cet état, de retourner à l’hôpital qui m’avait laissée rentrer dans de telles circonstances et demandai à être conduite à un plus grand hôpital, aux urgences, avec tout mon dossier. Je voulais trouver un interlocuteur capable de gérer et la maladie et mon humanité.
SeN et moi attendîmes quatre heures, le ventre vide, éreintés. Finalement, une jeune médecin s’occupa de moi, m’ausculta et posa les questions usuelles. Je lui montrai mon dossier : « Aidez-nous ! Je n’y comprends rien, nous sommes perdus ». Elle feuilleta les papiers et me lança : « C’est normal que vous soyez perdue, nous (les médecins) on n’y comprend rien ! Il y a des indices qui évoquent la sep et d’autres qui disent le contraire… Je vais contacter un neurologue pour qu’il s’occupe de vous ». Elle a été formidable avec nous, drôle et efficace ; j’ai oublié son nom, son visage, ses expressions, sa voix par contre resteront gravés dans ma mémoire. J’étais soulagée de savoir qu’un spécialiste prendrait la situation en main.
Je rentrai dans la souffrance, ce trajet en voiture se révélant abominable, allongée sur le siège rabaissé au maximum et la tête comme prise dans un étau, la nausée omniprésente, véritable chemin de croix qui dura près d’une heure au côté d’un SeN perdu face à ma souffrance.
Quelques jours plus tard, je fus contactée par Gilles, neurologue chargé par son chef de service de s’occuper de mon cas, un rendez-vous prochain fut convenu. Au téléphone, il était mesuré, posé, j’attendis de voir à qui j’avais affaire.
SeN m’accompagna à cette consultation avec tous les papiers en notre possession. J'eus droit aux exercices connus désormais. Toucher mon nez de l’index, les bras tendus ne posèrent aucun problème, longer le mollet avec le talon de l’autre pied fut catastrophique. J’avais perdu de la sensibilité au pied droit, j’étais incapable de dire quel orteil il touchait et dans quelle position il se trouvait quand je fermais les yeux. Pour utiliser une référence commune, je dirais que c’était comme des jambes engourdies, endolories après une mauvaise position sans que les fourmis ne viennent annoncer une amélioration. Au bilan, je croisai mes doigts sous mes bras espérant toujours une nouvelle moins alarmiste que celle entendue jusqu’à ce jour. Gilles regardait les irm en se frottant le menton, il réfléchissait. « La sclérose en plaques est l’hypothèse la plus probable », encore et encore, je ne pouvais y croire. Comme je cherchai les mots dans ma gorge serrée, il me rassura : il n’y avait pas lieu de s’alarmer, cette maladie était contrôlable désormais, des traitements existaient, les personnes en fauteuil étaient malades depuis vingt ans, je pouvais partir en vacances, reprendre le travail et faire un enfant dès récupération. Mes malaises étaient dus aux ponctions lombaires: la diminution du liquide céphalo- rachidien provoquant la descente de la matière cérébrale; je pouvais me soulager avec du paracétamol, ouf ! Il préconisa une nouvelle irm de contrôle pour mi-août et un complément de cortisone dès que possible, 2g supplémentaires pour être sûr. Nous n’étions pas rassurés, l’avenir semblait tellement sombre et confus malgré la confiance que nous mîmes en Gilles : il nous avaient considérés, écoutés et encadrés humainement ce qui au regard des espériences passées était un cadeau du ciel.
Tags : pouvais, fut, sen, s’occupe, etau
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Commentaires
1JulienMercredi 18 Juillet 2012 à 12:12RépondreA Julien:
Je n'ai rien eu aux yeux jusqu'en août 2006; 12 dixième à chacun.
Abattue? Désemparée certainement; il est très pénible de souffrir physiquement et de sentir le désarroi autour de soi, les médecins dépassés, un entourage paniqué ou assommé.
Avec le recul, je ne peux m'empêcher de penser que si le diagnostic avait été posé et les traitements mis en place immédiatement, je ne serais pas passée par les terribles épreuvees des mois suivants. C'est malheureusement plus facile à dire à postériori que de le faire à priori.
Quant à mes humeurs, je ne parlerai pas de sautes, je passais les étapes du deuil inhérent à la maladie et l'éventualité concrète de la mort; deuil d'une vie passée définitivement révolue au minimum.
Je crois que je méditais constamment afin de supporter mes douleurs. Quand mon mental revenait, que je songeais au passé, à mes projets ravagés, anéantis, à l'avenir, à ma mort, au devenir de mon fiston, de ce qui remplissait ma vie, j'étais effondrée et pleurais rongée de remords d'infliger tant de douleurs à mes proches. De temps en temps, j'évacuais mes angoisses, mes peurs par les crises de larmes. Ces moments ont aussi leur place, nous ne sommes toujours que des humains.
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