• A propos d’une aventure, via le passé.

     

    Pour continuer le récit de ces derniers jours si riches, j'essaie de me hâter simplement parce que je sais que les prochains seront certainement encore très riches : j'ai un programme chargé avec des rendez-vous notables pour chaque fin de semaine dans les trois à venir. A force de traîner, je risque de me laisser déborder d'autant que le récit de mon parcours avec la maladie de Devic utilise en détour les possibilités de la maison. Ces allées-et-venues temporelles, je l'espère, ne court- circuitent pas trop le suivi du fil de ce blog ; en ce qui me concerne, j'ai le sentiment qu'il reste cohérent, également lucide quant au fonctionnement du mode blog.  Je continue donc mon petit bonhomme de chemin en guingois, comme tout cheminement de vie humaine, entre détours, impasses, voies sans issue, chemins de traverse ou creux, fossés et lignes droites, ballotée par les vents, les tempêtes, sous la pluie ou le soleil. Jamais sur autoroute, c'est certain.


    Après les séances cinéma évoquées dans les articles précédents, j'avais une sortie prévue avec Valérie, jeune femme rencontrée grâce à ce blog, elle- aussi atteinte du syndrome de Devic. Extraordinaire rencontre que celle-ci ! En France, il y a entre 150 et 250 personnes atteintes et nous habitons à environ 60 km l'une de l'autre ! Cette loterie avait peu de chance de nous donner gagnantes, et pourtant, le hasard l'a fait.

     Lorsque nous avons commencé à communiquer, le courant est passé immédiatement et c'est avec une confiance absolue que je me lançai dans l'aventure. Des conversations vives, relevées, sans fin au téléphone, une promiscuité logique dans la rencontre réelle. Bien que nos parcours dans la vie et la maladie soient très différents, nous avons la communion des esprits ; entre nous, il n'est pas question d'expliquer, nous échangeons et cherchons des idées pour vivre au mieux avec un diagnostic lourd de conséquences. Nous nous retrouvâmes donc ce lundi férié en visite dans un village ancien reconstruit avec des maisons récupérées de ci de là dans la région.



    Charmante visite et sentiments d'avoir connu la fin d'un monde dans l'enfance : le pot de chambre et les toilettes au fond du jardin, les odeurs de foins et d'étable, le fourneau à bois, les vieilles granges, les constructions adaptées aux conditions climatiques locales et aux matériaux disponibles, la simplicité des intérieurs... Rien à voir avec les vanités modernes. Mon fils était étonné de tant de sobriété et je suis ravie qu'il y ait réfléchi. Toutefois, la présentation est très bucolique et ne montre en rien les difficultés cruelles d'une vie vouée au travail pour sa subsistance, tributaire des caprices de la météo. Angélisme du passé en réponse aux quêtes de repère dans nos sociétés à grande vitesse. Un écho au hameau de Marie-Antoinette à Versailles, loin de la cruauté de la réalité du quotidien des temps passé ou présent.

     


    Ravie également de ces rencontres avec un potier et une tisserande. J'ai échangé des coordonnées : les passionnés des bidouillages manuels créatifs se retrouvent et se reconnaissent, inévitablement. Une vie me parait tellement courte au regard de nos possibilités d'apprentissage et de création, je n'allais pas rater de si belles occasions d'en apprendre encore plus. Et oui, je crois que je suis folle...

    Les enfants ont eu leur petite vie d'enfant à courir partout, à se gérer quasiment seuls dans ce lieu protégé. Si mon garçon s'y révèle curieux, ouvert, enthousiaste, il montre aussi combien, en bon gaulois, il peut râler, s'impatienter, s'énerver et n'en faire qu'à sa tête.




    Evidemment avec Valérie, nous avons beaucoup beaucoup discuté, du moins, autant que les circonstances nous l'ont permis. Grâce à son intervention,  fiston et moi avons pu faire un tour en barque ; entre les adultes qui dépassaient allègrement les enfants dans la queue et mon incapacité à piétiner pour attendre mon tour, sans elle, c'était foutu. Les handicaps invisibles sont pernicieux, je vous l'assure ; ce n'est pas parce qu'ils ne se voient pas qu'ils n'existent pas et ne compliquent pas la vie de ceux qui les vivent.

    Merci encore Valérie de notre part à tous les deux !    

     

     


    Au long de la journée, je remarquai sa préoccupation constante du bien- être d'autrui, toujours sur le qui vive à vouloir faire au mieux. Son fauteuil était très pratique pour l'aider à supporter sa fatigue, je m'interrogeai tout de même sur l'accumulation des sacs et autres objets qu'elle se trouvât à transporter, sur l'encombrement qui s'établit dans son espace. Mon cœur se pinça quand je vis ses pieds se tordre et son opiniâtreté à les mouvoir tant bien que mal, sa détermination à marcher avec ses béquilles. Je sentais sa colère face au corps qui s'échappe après avoir tant récupéré grâce à une cure très bénéfique... Je me revis logiquement dans ces travers de l'existence qui nous acculent face à nous- même. Comme elle me relatait des récits d'autres femmes malades accumulant des cures interminables de cortisone, des traitements l'un à la suite de l'autre sans succès, je m'effrayai de ce désarroi. Intuitivement, néanmoins, une petite phrase me traversa l'esprit : « Mais qu'est- ce qu'elles  ne peuvent lâcher pour être ainsi coincées ? »

    Ma chère Valérie, j'ai éprouvé tant de sentiments en ta compagnie ce jour- là ! Les mots me manquent pour l'exprimer. Je te le répète et te le répète à l'envi :


    Pense à toi ! Prends soin de toi ! Lâche prise ! Quand la sérénité est en nous, tout est possible et le monde nous appartient. Nous devenons acteurs de nos vies en pleine conscience et quand rien ne semble avoir changé, tout est transformé.


    Alors, oui, je suis lucide parce que cette maladie est terrifiante, douloureuse, révoltante, elle bouleverse nos existences avec une violence rare et insupportable! Oui, chaque chemin est personnel et nous évoluons à notre manière, nous faisons tous ce que nous pouvons avec ce qui fait notre personne, entre notre patrimoine génétique et notre éducation, nos pensées, nos émotions, notre passé et notre présent, nos certitudes, nos intuitions et nos peurs, nos angoisses. Je ne peux cependant que souhaiter vivement à chacun de trouver la sérénité qui m'habite, malgré (ou grâce à) la vie qui est la mienne. Le bonheur, précieux malgré ce chemin de croix, n'est pas au bout des doigts, il est en nous.

     

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  • Commentaires

    1
    coq
    Samedi 20 Juin 2009 à 00:05
    coq
    Je sais que je me répète, mais je t'admire vraiment énormément, justement pour cette sérénité que tu as... C'est drôle parce que c'est ce que j'ai aimé en te rencontrant... A ton contact je me suis sentie plus sereine aussi...
    Petit à petit, je chemine vers cette sérénité, moi aussi... J'espère la trouver sans avoir à passer par toutes ces difficiles épreuves que tu as traversées, mais c'est pas gagné, je suis encore pleine de peurs parasites... Enfin on verra bien... La vie m'apprend chaque jour! Et chaque jour je pense à cette chance incroyable que j'ai d'être simplement en vie... Oui, il ne se passe pas un jour sans que je remercie la vie d'être vivante et de m'apporter tant de bonheur! Je me lève chaque matin avec cette pensée dans le coeur "merci, merci, merci!!"
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    2
    Lundi 22 Juin 2009 à 07:18
    Christian Vancau
    Pas de doutes, vous avez une "écriture", un rythme bien à vous !
    3
    valérie
    Mercredi 18 Juillet 2012 à 12:06
    valérie
    je suis touchée par tes propos et ton mail précédent.Ton approche et analyse sont fines et si justes .Il est vrai qu'en ce moment je me sens comme en "gros travaux"! ce qui implique inévitablement des hésitations, des doutes, des peurs( comme le dis aussi coq!)
    J'ai compris il y a très peu que ce plaisir de vivre, une ambiance de vie sereine ne pouvait finalement que venir du fond de moi! ça parait pourtant évident, je le savais mais je l'avais oublié voire ignoré dans le sens "méprisant" du terme.Je courais après pleins de trucs pour aller mieux, me bagarrais pour défendre mes droits, améliorer mon état ,mon environnement ........... et puis finalement, un déclic, c'est très loin dans mon âme, qu'une petite étincelle s'est mise à briller, maintenant, doucement, il faudra que j'en prenne soin, qu'elle ne s'éteigne pas à nouveau et qu'elle puisse encore grandir un peu (mais pas trop !)
    j'ai démarrer la rééduc en piscine ce lundi .yes !
    4
    fée des agrumes Profil de fée des agrumes
    Mardi 13 Août 2013 à 16:33

    A Coq:

    il n'y a rien d'admirable, crois- moi, c'est le résultat d'une longue vie de souffrance et d'interrogations, jamais acquis qui plus est. En même temps, je suis heureuse de lire que tu t'es sentie plus sereine à mon contact parce que mon entourage n'a pas l'air de toujours comprendre ce qu'il se passe. Certains restent accrochés à des images construites autrefois pour des raisons qui leur sont propres, question de ne pas lâcher prise, là aussi. Naturellement, je rencontre des personnes nouvelles dans des démarches complètement différentes et je me sens confortée.
     Heureusement, fiston lui est capable de comprendre et malgré ses crises ponctuelles et récurrentes, je vois comme il évolue avec joie; son regard sur le monde et les autres est parfois si pertinent, je suis heureuse d'avoir pu lui transmettre la foi en nos capacités à nous extirper de nos propres travers profonds afin de vivre pleinement en harmonie avec soi, les autres, le monde. Il ne lui reste plus qu'à s'affranchir sereinement du regard des inquisiteurs coincés dans leurs principes pré fabriqués et stéréotypés.
    Chaque matin, comme tu le dis si bien est un cadeau, une magniffique page vierge où tout est à écrire. Je m'endors pareillement le soir, reconnaissante de tout ce que j'ai pu accomplir. Quand certaines difficultés m'ont contrariée, j'essaie d'y méditer et d'écouter ce que je ressens, ce qu'elles provoquent en moi, ce qu'elles évoquent. C'est cela à mon sens être en pleine conscience.
    Et puis, surtout, il est primordial de s'accepter en tant qu'humain et non en avatar de dieu de pacotille au dessus de tout. Avoir peur, être en colère, pleurer, se révolter, rire, s'énerver... toute la panoplie des émotions.. sont inhérents à notre existence. Les vivre, les lâcher ne font pas de nous des montres.

    Belle fin de semaine, jolie Coq
    Réponse de fée des agrumes le 20/06/2009 à 10h44
     
    A Christian Vancau:
    Merci du compliment,
    Venant de vous, j'en suis très honorée.
    Réponse de fée des agrumes le 22/06/2009 à 12h23
     
    A Valérie:
    Tu me raconteras pour la piscine, d'ac?
    je cite Jacques Salomé, grâce à Mariev:
    Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rencontres.
    D'écho en écho, nous nous sommes trouvées et en cela, cette foutue maladie nous aura offert un beau cadeau
    A bientôt
    Réponse de fée des agrumes le 25/06/2009 à 23h08
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